Homélie du Service Anniversaire du
premier mois de la mort du père Rafael Palacios
20 juillet 1979
Plan de l’homélie :
1) Message de prière et de réflexion
2) La mort de Rafael Palacios
continue d’être une dénonciation du péché et un appel à la conversion
3) Les charismes que nous laisse le
père Rafael
1) Message de prière et de réflexion
A) La prière est une force
Elle indique où se trouve l’origine
de nos convictions, où est le but de notre pérégrination, d’où dérivent
l’allégresse et l’espérance dans la douleur et dans la souffrance. La
prière est la respiration de l’Église, c’est sa grande nécessité. Lorsque
s’organise une journée de prières, nous ne faisons rien d’autre que de
manifester la santé de cette Église qui peut respirer, qui respire, qui prie,
qui sait que ce n’est pas sur la Terre que se trouve sa force, mais qu’elle
transcende à ce Dieu. C’est une prière qui ne doit pas être opium, qui ne doit
pas endormir, une prière qui n’est pas conformiste, c’est la prière qui s’unit
Ă Dieu.
L’homme fait à son image et à sa
ressemblance, collabore avec Lui dans la construction du monde et de
l’Histoire. Prier et attendre tout de Dieu sans rien faire, ce n’est pas prier.
Ça, c’est de la paresse, c’est de la passivité, du conformisme. Ce n’est plus
temps de dire que c’est la volonté de Dieu. Plusieurs choses qui se produisent
ne sont pas la volonté de Dieu.
Lorsque l’homme peut contribuer Ă
améliorer les circonstances et qu’il demande à Dieu la force pour le réaliser,
alors il y a prière. Lorsqu’un homme met tout ce qu’il a et qu’il attend de
Dieu le reste, quand il sait conjuguer sa capacité d’action, de pensée,
d’organisation avec l’espoir du divin, de Dieu, c’est la prière que nous
tentons de promouvoir dans notre Église et dont est le symbole cette longue
journée de prières. Une prière qui existe dans le cœur du chrétien, ses
capacités pour que sa vie soit la gloire de Dieu. Le Concile dit :
« Il n’est déjà plus temps de tout attendre de la prière, aujourd’hui la
technique, la capacité humaine, la réflexion et la conscientisation font sortir
de lui des forces qu’hier encore il ignorait. La prière servira dorĂ©navant Ă
inspirer l’homme pour qu’il accomplisse ce qu’il se doit de faire et ne plus
attendre de Dieu ce qu’il peut lui-même réaliser. »
B) RĂ©flexion
Dans le programme de cette longue
journée, il y a des thèmes de réflexion, il y a des Paroles de Dieu dans la
Bible, il y a un partage des expressions mutuelles. Tout s’inspirera dans la
Parole du Seigneur. Je voudrais seulement rappeler que le Concile remercie Dieu
qu’actuellement le Peuple de Dieu ait autant la capacité de réfléchir. Il dit
que la tradition apostolique va en croissant dans l’Église avec l’aide de
l’Esprit saint lorsque les hommes s’efforcent de comprendre, de contempler et
d’étudier le message de Dieu. Alors, lorsqu’il s’efforce d’approfondir les
mystères de la Révélation divine, ce n’est pas seulement celui qui réfléchit et
médite qui s’enrichit dans cette réflexion, c’est tout le Peuple de Dieu et
toute la communauté.
C’est pourquoi je crois et je rends
grâce que cette journée de réflexion et de prières, ne bénéficie pas seulement
aux communautés qui ont fait la promotion ce cette vigile, mais qu’elle fait un
bien immense à toutes les communautés de l’archidiocèse, plus encore, à toute
l’Église universelle. Parce qu’une communauté, aussi petite soit-elle, un
chrétien aussi humble soit-il, s’il se sanctifie, s’il s’enrichit dans sa
réflexion, collabore à l’agrandissement et à l’enrichissement de l’Église
Universelle. Quel bien font à l’Église les fidèles qui se réunissent, comme en
ce jour, pour participer à une profonde réflexion et à la prière? Ce qui nous
convie à cela, c’est le trentième jour de la mort du père Rafael Palacios qui
nous aide, de la sorte, à enrichir nos communautés. 20/07/79, p.94-95, VII.
2) La mort de Rafael Palacios
continue d’être une dénonciation du péché et un appel à la conversion
Notre réflexion nous amène
directement Ă cette question qui ne doit pas demeurer superficielle. Je
voudrais qu’elle s’approfondisse dans le cœur de tous ceux qui forment le
presbytère et la communauté de l’archidiocèse.
Pourquoi l’ont-ils tué?
Prêtres, religieuses et fidèles nous
devons nous demander au fond de notre âme : pourquoi l’ont-ils tué?
Pourquoi est-ce qu’ils tuent des catéchistes? Pourquoi persécutent-ils
l’Église? Pour ceux qui sont vraiment convaincus de cet événement dans notre
Église : La persécution, il ne s’agit pas d’un fantasme, c’est une réalité
que même l’Organisation des États Américains (OEA) a reconnue dans son rapport
de certains de ses membres qui ont séjourné au Salvador. Il y est dit
clairement qu’il existe une persécution systématique envers l’Église, et il
recommande d’adoucir ces actions contre le travail d’évangélisation.
Il existe une institution du péché
Mais vous direz : pourquoi
persécute-t-on certains et pas d’autres? Pourquoi tuèrent-ils Rafael Palacios?
C’est bien difficile à dire, mais dans le fond il y a quelque chose qui devrait
servir de réflexion à notre pastorale. Il existe sans doute une institution du
péché, de l’injustice que le Pape lui-même a dénoncée lors de sa récente venue
en Amérique latine et Puebla aussi la dénonce sans inconvénient :
« C’est un pĂ©chĂ© qui clame vers le ciel. » Lorsque l’Église rĂ©unie Ă
Puebla parle de : « l’option préférentielle pour les pauvres »,
elle le fait dans un geste de solidarité avec cette immense majorité à laquelle
il manque toujours davantage de ce que les autres ont en surabondance.
Chemin de conversion : option
préférentielle pour les pauvres
Il ne s’agit pas d’être partial d’une
manière démagogique, mais c’est exactement pour indiquer que le chemin de la
conversion en Amérique latine, c’est celui de la conversion envers le pauvre,
la dénonciation de l’injustice et de l’outrage. C’est la participation avec
celui qui est privé de participation, avec ceux qui sont marginalisés.
Risques de cette option
Se situer dans cette situation est
très risqué! C’est mortel! Dans un contexte où les privilégiés ne veulent pas
qu’on touche à leurs intérêts, ceux-ci calomnient l’Église, ils la traitent de
communiste, de politique, de subversive et on suspecte ses réunions. C’est une
rĂ©alitĂ© et le catholique qui ne la voit pas, qui ne veut pas unir sa voix Ă
celle de l’Église qui dénonce cette réalité et qui clame pour un monde plus
juste n’est pas un véritable membre de l’Église authentique que le Seigneur
veut pour notre temps. Mais entrer dans cet engagement c’est s’exposer aux
risques de ceux dont nous faisons mention ici. C’est pourquoi ils ont tué ceux
qui, dans l’Église du Seigneur, prêchèrent la véritable justice, ceux qui
clament depuis cette Église qui doit ĂŞtre la voix de Dieu, ce qui dĂ©plaĂ®t Ă
Dieu dans cette société.
La mort du père Palacios, il y a un
mois, continue d’être un appel à la communauté à laquelle il a appartenu, pour
que nous ne découragions pas, pour que nous sachions que ce qui a été dit dans
l’Évangile d’aujourd’hui est la pure vérité qui se réalise également en notre
temps. « S’ils me persécutèrent à cause que j’ai enseigné la vérité et la
justice, à vous également, ils vous persécuteront. » Ceci est le signe le
plus évident de la vérité de notre Église. 20/07/79, p.96-97, VII.
3) Les charismes que nous laisse le
père Rafael
A) Sérénité devant les menaces et la
persécution
Très chers frères, je veux que nous
recueillions, en ce trentième jour de sa mort, le charisme de ce cher défunt.
Pendant ce mois, dans plusieurs communautés, nous avons réfléchi beaucoup sur
la figure et le message du père Palacios. Plusieurs continuent d’avoir une
description injuste qui peut constituer une complicité, comme si on l’avait tué
par sa faute, pour s’être mis où il ne devait pas. Cela est injuste! Il se mit
où un prêtre devait se mettre : dans la prédication du message du
Seigneur. Il sut demeurer serein devant les menaces et la persécution. C’est
un charisme que nous devrions recueillir en cette heure oĂą nous avons tant
besoin de sérénité et de vaillance, non pas d’imprudence. Sérénité, audace,
comme me disait Jean-Paul II : « Audace et prudence » cela est
nécessaire, la sérénité avec laquelle Rafaël vécut les difficiles moments de sa
vie et la persécution qui redoubla jusqu’au point de le conduire à la mort.
B) Son amour de la vérité
Amour à la vérité qui devait
naturellement se heurter contre toutes les choses tortueuses de la vie. Quand quelqu’un
veut ĂŞtre droit dans la vĂ©ritĂ©, il se heurte aux choses tortueuses, Ă
l’hypocrisie et au mensonge. Il s’agit là également d’un autre appel pour notre
temps : « La vérité vous rendra libre. » La rectitude et cette
vérité qui se manifestent avec franchise parce qu’elle a été recherchée dans
l’étude. Rafaël étudiait beaucoup et cette étude le maintenait à jour avec les
documents de l’Église. L’Église d’aujourd’hui a fait des avancées bien
dangereuses qui lui demandent prudence, surtout dans les circonstances
difficiles où elle veut développer sa mission authentique. Qui ne sent pas son
esprit s’enhardir en écoutant les prédications de Jean-Paul II? Ou quand il lit
la pensĂ©e des Ă©vĂŞques rĂ©unis Ă Puebla ou Ă MedellĂn? Ce sont lĂ des moments de
l’Esprit saint, où la documentation de l’Église met à jour le chrétien de notre
temps. À celui qui ne connaît pas et qui n’étudie pas, ces avancées légitimes
de la doctrine sociale de l’Église dans les questions politiques lui sembleront
bizarres et parfois mĂŞme, subversives et mauvaises.
L’étude, l’amour de la vérité, est un
autre message que nous laisse le père Rafael. C’est pourquoi, chers frères,
poursuivons dans la sérénité, dans la recherche de la vérité, dans l’amour de
la force d’où nous provient toute la force qui est Dieu, à la transcendance
divine de notre travail.
C) La pastorale des communautés
Unissons-nous Ă©galement Ă cet autre
charisme qui nous est si nécessaire dans la pastorale de l’archidiocèse :
la pastorale des communautés. Le père Palacios disait : « Un prêtre
ne s’entend pas sans une communauté! » Le prêtre est fait pour convoquer
l’humanitĂ©, la communautĂ© qui croit dans le Règne de Dieu qui se rĂ©alise dĂ©jĂ
dans l’initiation de la communauté ecclésiale. C’est pour cela que le prêtre
est dans son véritable rôle quand il réalise cet idéal de faire des
communautés.
C’est pourquoi je crois que cette
vigile rencontre une syntonie avec l’esprit du père Grande et sans doute
qu’elle profitera beaucoup à notre pastorale. Ici, dans la Cathédrale, nous
poursuivrons dans la prière et dans la réflexion, les représentations des
diverses communautés. Que celles, qui à travers la radio, suivent cette vigile,
qu’elles sachent orienter toujours d’un pas plus ferme et claire, ce que
l’Église veut manifester au milieu d’un monde si compliqué, à partir de
l’identité qui lui est propre. Que chaque communauté soit véritablement une
expression de l’Église, d’une Église qui absorbe de la transcendance divine,
tout son esprit, toute sa force, tout son message, mais qui sait vivre aussitĂ´t
l’immanence dans l’histoire, qui se préoccupe des réalités de la Terre et qui
sait aussi parler le langage des hommes. 20/07/79, p.97-98, VII.