La Pentecôte, anniversaire de l’Église

 

PentecĂ´te; 14 mai 1978, Lectures : Actes 2,1-11; I Corinthiens 12,3b-7. 12-13; Jean 20,19-23.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) L’Église est toujours un événement

2) L’Esprit de Dieu fait de l’Église une Création Nouvelle

3) L’Esprit saint, rénovation du monde actuel

 

 

1) L’Église est toujours un événement

 

En premier lieu, je dirais que l’Église est toujours un événement, une nouvelle. Vingt siècles ont passé depuis le fait qui a été lu dans le livre des Actes des Apôtres (2,1-11). Ainsi, comme en ce premier jour où le bruit d’un ouragan et une pluie de langues de feu tombèrent sur Jérusalem et attirèrent tous les pèlerins venus de tous les coins du monde connu, maintenant aussi l’Église continue d’être une nouvelle, un événement. C’est toujours un événement qui attire les hommes et les femmes à venir écouter les merveilles du Seigneur. L’Église dénonce à partir de sa position d’évangélisatrice, en demeurant fidèle au Christ, le péché où qu’il soit. C’est pour cela qu’elle est toujours une nouvelle, parce que les humains ont toujours besoin d’entendre les merveilles de Dieu. Et toujours, ceux-ci – surtout les plus pauvres, les plus souffrants, ceux qui semblent vivre sans espérance –, ont besoin d’entendre cette voix de l’Esprit qui alimente les espérances et qui dénonce les injustices qui les oppriment. […]

 

Ce sera toujours la Pentecôte dans l’Église tant que celle-ci rendra son visage transparent à l’Esprit saint. Quand l’Église cesse d’appuyer sa force sur cette vertu d’en haut que le Christ lui a promise et qu’Il lui donne en ce jour, et qu’elle se fie davantage aux forces fragiles du pouvoir et de la richesse de cette Terre, alors elle cesse d’être une bonne nouvelle. L’Église sera belle, elle demeurera toujours jeune et attrayante à travers les siècles tant qu’elle demeurera fidèle à l’Esprit qui l’inonde et qui se reflète au sein de ses communautés, de ses pasteurs et de sa vie même. 14/05/78, p.233-234, IV.

 

 

2) L’Esprit de Dieu fait de l’Église une Création Nouvelle

 

 

Une Création Nouvelle

 

En ce geste solennel qu’évoque la première page de la Bible quand Dieu créa l’homme à son image et à sa ressemblance, qu’Il souffla sur la glaise pour lui donner l’esprit de vie, le Christ qui est homme et Dieu, souffla son haleine sur le visage de ses apôtres. On dirait que le Créateur fit une nouvelle création dans la terre glaise de la chair humaine.

 

(Jn 20,21-23) : « Comme le Père m’a envoyĂ©, moi aussi je vous envoie. Ayant dit cela, Il souffla sur eux et leur dit : “Recevez l’Esprit saint. Ceux Ă  qui vous remettrez les pĂ©chĂ©s, ils leur seront remis; ceux Ă  qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.” Â»

Comme Adam, le jour où il s’éveilla du premier sommeil qu’un homme ait connu, vit se refléter en tout son être le souffle de Dieu qui lui fit comprendre avec intelligence la merveille de la création. Il dut tomber à genoux pour L’adorer – le premier geste de l’homme, à genoux devant Dieu - . C’est ainsi que je m’imagine, les apôtres, simples hommes, lâches, qui se cachent par peur de la persécution, lorsqu’ils reçoivent l’Esprit du Christ. L’Évangile de Jean veut réunir en un seul geste du Christ sa Résurrection et sa Pentecôte parce que ces deux fêtes, qui sont séparées par 50 jours dans notre année liturgique, ne sont rien de plus qu’une même réalité, c’est la glorification du Christ, c’est l’Homme-Dieu qui s’est converti en un Créateur pour réaliser à partir de ses apôtres, une création nouvelle.

 

C’est ainsi que nous pouvons comprendre ses apôtres avec ce nouvel Adam, non avec la simple vie de la nature que leur a donnée le Créateur, sinon avec la vie de l’Esprit saint qui est la vie que Dieu apporta à son Église, ouvrant les yeux stupéfaits, se sentant omnipotents, presque comme Dieu. Dans leurs mains repose la mission du Christ d’aller par le monde entier, ils ont dans leurs mains le pouvoir de Dieu de pardonner. Les Pâques fleuries pour faire de cette partie du monde qui se nomme l’Église, l’irradiation de la vie de Dieu à toute l’humanité, le germe, le ferment, la lumière, la levure avec lesquels le Christ comparait son Église au milieu du monde.

 

C’est en ce jour qu’elle fut créée. C’est cela, la création de Pâques!

C’est pourquoi la Pentecôte est l’anniversaire de l’Église, parce qu’en ce jour elle naquit. L’Église est le groupe d’hommes croyants en Jésus-Christ qui reçoit son Esprit, qui reçoit ce souffle omnipotent du Messie, du Rédempteur, pour convertir tout son peuple en rédempteur et messie. Le monde dorénavant ne se renouvellera plus sans nous, nous sommes les responsables de sa rénovation. Depuis ce jour le Christ a placé son Règne au milieu de l’humanité et celui-ci doit déjà commencer à se constituer sur cette Terre. Avoir prêché une Église avec une espérance qui ne se situe qu’au-delà de la mort, a faussé le Règne de Dieu. Le Règne que le Christ prêcha et constitua est précisément celui de ce souffle, celui de ces hommes concrets qui sont des pèlerins de l’Histoire avec la responsabilité de transformer celle-ci dans le sens du Règne de Dieu. Ce n’est pas que nous ayons des ambitions de pouvoir personnel. L’Église est déjà débordée par cette grande responsabilité qui consiste à sanctifier toutes les institutions humaines. Elle n’a pas besoin d’enlever le pouvoir, d’enlever l’argent, d’enlever à personne ses idoles. L’Église a seulement besoin de cœurs qui se convertissent au Christ, qui se purifient comme des vases propres pour que sur eux descende la Vie nouvelle qui fut inaugurée par la Résurrection et la Pentecôte.

Depuis vingt siècles, l’Église continue d’être une nouvelle et elle continue de célébrer son anniversaire année après année. Nous ajoutons aujourd’hui en cette Pentecôte une autre année à la vie de l’Église. […] Cela vaut la peine, frères, d’appartenir à cette nouvelle création et de se laisser inonder par cette force de l’Esprit qui nous identifie avec la mission du Christ qui nous donna comme tâche d’apporter la paix, de détruire le péché et de rendre juste l’humanité. 14/05/78, p.235-237, IV.

 

 

L’Esprit de Dieu

 

Ce serait ici l’opportunitĂ© – si nous avions le temps – de faire une belle catĂ©chèse sur ce qui se rĂ©vèle Ă  travers les pages de la Bible : L’Esprit de YahvĂ©, l’Esprit de Dieu. En hĂ©breu le mot originel est « rua Â», qui en grec se traduit par « neuma Â» et en français par « esprit Â».

 

Que veut nous exprimer la Bible par ce mot « rua Â», qui apparaĂ®t pour la première fois dans la bouche de Dieu face Ă  cette boue qui va devenir un homme? C’est la vie, la vie de Dieu qui peut ĂŞtre communiquĂ©e Ă  un homme. La Bible, comme vous savez, contient de nombreuses expressions anthropomorphiques, c’est-Ă -dire qui comparent Dieu Ă  un homme. Et, comparant Dieu avec les gestes matĂ©riels de l’homme, la Bible mentionne Ă  plusieurs reprises ce « rua Â» de Dieu, ce souffle, cet esprit, cette exhalation de Dieu comme un pouvoir qui donne la vie, comme un pouvoir qui transforme le pĂ©chĂ© en une morale. Parfois ce souffle de Dieu se convertit en un ouragan et la Bible interprète que Dieu respire bruyamment. D’autres fois, son souffle est doux comme une brise, mais c’est toujours un pouvoir crĂ©ateur et la Bible le nomme saint, comme l’est Ă©galement le bras de Dieu. Il s’agit d’une autre figure anthropomorphique parce que Dieu ne possède pas de bras, mais la Bible parle du bras saint de Dieu pour signifier sa puissance, ainsi comme on le dit de son Esprit, de son haleine comme d’une Ă©manation de Dieu.

 

Le Christ vint dans l’ordre naturel, Dieu L’éleva Ă  l’ordre surnaturel. Toute la littĂ©rature du Nouveau Testament nous apporte cet hĂ©ritage de l’Esprit de Dieu et il l’élève jusqu’à la grande rĂ©vĂ©lation du Christ qui nous dit : Que l’Esprit de Dieu n’est pas simplement le souffle de Dieu sinon qu’Il est une personne, la troisième personne de la Sainte TrinitĂ© oĂą le Père engendre Ă©ternellement un Fils et oĂą le Père et le Fils s’aiment si profondĂ©ment et qu’ils exaltent leur ĂŞtre si profondĂ©ment qu’ils en viennent Ă  constituer un amour personnel.

 

L’Esprit de Dieu est cet amour, la troisième personne de la Sainte Trinité. C’est ce que nous appelons en théologie «l’hypostasie», c’est-à-dire, une personne. Une personne comme le Père, comme le Fils, ainsi l’Esprit saint fut envoyé par le Christ lorsqu’Il fut glorifié comme témoignage que Dieu a accepté la Rédemption. L’Esprit que le Christ a envoyé de son sein et du Père à cette Église qui est en pèlerinage sur cette Terre, est l’autre avocat, (le Paraclet) Celui qui prêche au moyen de ses ministres, Celui qui continue d’être la vie de l’Église. 14/05/78, p.237-238, IV.

 

L’Esprit saint conduit, renouvelle et enrichit l’Église

 

Si j’en avais le temps, j’analyserais le numéro quatre de la Constitution de l’Église de Vatican II. Mais j’invite les catholiques qui sont préoccupés de connaître le Concile, à ouvrir cette constitution dogmatique qu’est Lumen Gentium qui parle de l’Église et qui au numéro quatre parle de l’action de l’Esprit saint dans son Église. Voyez quelle synthèse plus belle que celle qu’a réalisée le Concile de la fonction de l’Esprit saint dans son Église! Il y est dit que l’Esprit saint la renouvelle dans la sainteté de ses membres, qu’Il l’enrichit dans ses dons et ses charismes, dans toutes ses communautés, comme nous a dit saint Paul dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Co 12,3b-7.12-13) qui est une autre synthèse très belle de la fonction de l’Esprit saint au milieu des hommes. Il est celui qui suscite les vocations, les dons hiérarchiques et charismatiques, qui donne de la persévérance, de la force, à cette mission de l’Église malgré toutes les tribulations.

 

C’est pour cela qu’en ce jour d’anniversaire de l’Église, nous devons implorer la force de l’Esprit pour que cette Église, concrètement dans l’archidiocèse de San Salvador, ait beaucoup de prĂŞtres, de religieux, de religieuses, de catĂ©chistes et de laĂŻcs engagĂ©s, de communautĂ©s qui se laissent vraiment conduire par la force de l’Esprit saint. Mais ce qui a Ă©tĂ© dit suffit pour que demeure bien clair dans notre foi et dans notre espĂ©rance, dans notre allĂ©gresse pascale, que nous avons la chance d’appartenir Ă  cette Église qui est, au milieu du monde, le signe efficace d’une nouvelle crĂ©ation. Efforçons-nous alors d’être catholiques, si nous avons vĂ©ritablement la foi dans l’Esprit saint, de nous laisser rĂ©nover, d’être des hommes nouveaux, d’être de ceux dont les nouvelles structures ont besoin pour faire de notre patrie une patrie nouvelle et faire de tous les pĂ©chĂ©s du Salvador et de toutes ses institutions Ă©galement, l’objet de notre mission : dĂ©truire le pĂ©chĂ© et construire le Règne de Dieu.

Si nous sommes véritablement le peuple qui est envahi de l’Esprit saint, au Salvador, le catholique salvadorien doit être un germe de rénovation. L’Église est la dépositaire de ce souffle créateur du Rédempteur pour faire de tous ses disciples, des libérateurs authentiques de la véritable liberté du péché, qui luttent pour la promotion de la vie vécue comme une grâce de Dieu, fils de Dieu, citoyens du ciel. Ne permettons pas que se perde notre pays, si glorieusement nommé du nom du Divin Sauveur; ainsi pourrait se nommer le monde entier parce que tout le monde qui croit en Jésus-Christ est une prolongation de son divin Salut, mais nous, Salvadoriens, faisons-le avec une plus grande ferveur, faisons de notre baptême, de notre engagement, de notre Évangile, une vraie promesse pour demeurer fidèles malgré tout, pour travailler inspirés par l’Esprit. Nous Le sentons tous, mais nous ne Lui sommes pas tous fidèles. Nous sentons qu’on nous reproche nos lâchetés, mais nous sommes incapables de les surmonter. Nous sentons qu’Il souffle puissamment pour nous rendre plus vaillants, mais nous sommes lâches, parfois même des traîtres et des menteurs alors qu’Il est l’Esprit de la Vérité. Ils ne devraient pas se dire chrétiens, tous ceux qui ont reçu l’Esprit saint et qui l’ignorent parce qu’ils vivent du mensonge, de l’injustice, de la calomnie, de la violence et de tout ce qui réprime la vie de l’Esprit. Puisse Dieu, notre Église être véritablement, la création nouvelle au milieu de toutes les circonstances de notre histoire. 14/05/78, p.238-239, IV.

 

 

3) L’Esprit saint, rénovation du monde actuel

 

Nous savons, frères, le danger que constitue actuellement dans notre environnement le fait de réfléchir sur la Parole, l’étude de notre religion qui tente de conscientiser l’être humain à partir de la Parole de Dieu, qui apostrophe le lâche et qui ne veut pas être conformiste, qui réclame la justice et qui veut un ordre véritable et non pas des outrages. La Parole de Dieu est conflictuelle et c’est pourquoi, se réunir autour de celle-ci pour la méditer, c’est un défi, non pas subversif, mais constructif, et la jeunesse s’est engagée ce soir à méditer sur cette Parole de Dieu. 14/05/78, p.239-240, IV.