Le Règne de Dieu est la véritable
richesse de l’être humain
Dix-septième dimanche du temps
ordinaire; 30 juillet 1978; Lectures : I Rois 3,5.7-12; Romains 8,28-30;
Matthieu 13,33-57.
L’Évangile qui marque la lecture
principale continue de puiser dans ce précieux chapitre de saint Matthieu
(13,33-57) qui s’appelle : « Les Paraboles du Règne ». Vous vous
rappelez que depuis trois dimanches nous disions : Le Règne des Cieux,
cela nous a donné l’opportunité de comprendre à quel règne nous appartenons.
C’est le centre de la prédication du Christ; c’est un immense honneur pour la
communauté chrétienne de savoir que même si on l’interprète mal, nous ne
faisons pas autre chose que d’assimiler individuellement et communautairement
cette mystique du Règne des Cieux.
Nous tenterons de méditer également,
avec cette limpidité de foi et d’intention. Sachons être au-dessus de toutes
ces suspicions, de toutes ces peurs que cette Parole de Dieu suscite dans le
monde. Il est nécessaire, si nous voulons être des chrétiens véritables, que
nous captions et que nous nous efforcions de vivre tout ce que le Christ a
cherché à nous dire en nous convoquant à ce Règne. Il nous a appelés pour
ceci : Je ne veux pas un Évangile mystifié, Je ne veux pas des chrétiens
accommodés. Celui qui est comme cela n’est pas avec moi. Il s’agit d’une
attitude tranchante qui dit beaucoup de mal de ceux qui désirent un Évangile
qui ne suscite aucun conflit ni difficulté, alors que nous vivons une heure si
conflictuelle et si difficile. Il est très difficile de marcher comme une
anguille en fuyant les conflits que la Parole de Dieu se doit d’éveiller, si en
vérité l’on vit cette plénitude du Règne, cette conséquence, cette logique
selon laquelle le jour de notre baptême, nous avons accepté d’appartenir à ce Règne.
C’est le centre de la prédication du Christ et cela caractérise les qualités
authentiques de la véritable Église.
Plan de l’homélie :
1) La véritable richesse
2) Rien ne peut nous séparer de
l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ
3) L’Échec de la fausse richesse
1) La véritable richesse
En cette heure où la richesse s’érige
en idole, il serait bon de demander comme Salomon dans la première lecture (1 R
3,5; 7-12) : « Seigneur, donne-moi la sagesse » pour connaître
la différence entre la vérité et la fausseté, pour ne pas adorer comme un
idolâtre une richesse qui a seulement des pieds d’argile, pour être un
véritable adorateur de Dieu et pour savourer la richesse de la Terre dans sa
valeur relative, sachant que la valeur absolue n’appartient qu’à la véritable
richesse qui nous a été apportée par le véritable riche : le Christ Notre
Seigneur.
Quelle est la véritable richesse?
C’est ce à quoi se réfèrent les deux paraboles où le Christ dit (Mt
13,44) : « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor qui était
caché dans un champ et qu’un homme a découvert : il le cache à nouveau et,
dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a, et il achète ce
champ. » Il s’agit de quelque chose de très oriental où il se produit
continuellement des invasions de pillards; des invasions politiques. Les
propriétaires d’une petite ou d’une grande fortune l’enterraient généralement
dans des vases et ils devaient s’enfuir avant l’invasion. Plusieurs ne
revenaient jamais, et c’est ainsi que demeurèrent cachés de nombreux trésors,
dans les champs du Moyen-Orient. Alors, quelqu’un, creusant, trouva un de ces
vases, un trésor, une urne pleine de pièces d’or ou quelque chose d’autre, mais
il s’agit d’un trésor richissime, et il se dit : Je le cache et je vais
acheter ce terrain. Il l’achète à bas prix et il devient propriétaire d’un
trésor. Le Christ ne veut pas justifier ici cette escroquerie, le mensonge qui
est caché dans cette transaction, mais Il cherche à nous enseigner la diligence
qu’a un homme lorsqu’il découvre un trésor.
La parabole de la pierre précieuse
nous dit également (Mt 13, 45-46) : « Le Royaume des cieux est
comparable à un marchand qui cherchait des perles fines. Ayant trouvé une perle
de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il avait, et il l’a
achetée. » Que cherche à nous dire le Seigneur par cela?
Déjà sans parabole, la première
lecture (I R 3,5-12) nous parle de ce sens du discernement entre le vrai et le
faux. Dieu apparaît en rêve à Salomon, le roi le plus sage :
« Demande-moi ce que tu désires et je te le donnerai. » Pour un homme
au milieu de l’idolâtrie du pouvoir et de la richesse, la tentation aurait
été : donne-moi beaucoup d’or, donne-moi beaucoup de pouvoir, livre-moi
mes ennemis, permets-moi de dominer les peuples, donne-moi une longue vie. Je
me demande, mes frères, ce que nous aurions demandé au Seigneur si, lors d’une
de ces nuits, Il s’était présenté à nous pour nous dire : je vais te
donner ce que tu me demandes. Ici, nous connaissons le critère de l’homme. Combien
à notre époque demanderaient plus d’argent, davantage de pouvoir? Face à la
terrible tentation d’un gouvernant, Salomon fait honneur à son père et il élève
au Seigneur cette précieuse prière (1 R 3,8-9) : « Seigneur, Tu sais
tout, Tu m’as constitué gouvernant de ce peuple si nombreux, si difficile. Ce
que je te demande, c’est un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour
discerner entre le bien et le mal; un cœur sage et intelligent. » C’est le
marchand qui apprécie la véritable pierre précieuse. C’est l’homme prudent qui
découvre un trésor et le garde.
Quel enseignement plus sage que celui
de l’Évangile d’aujourd'hui! Le discernement entre le principal et ce qui ne
vaut rien. Le discernement entre le Dieu véritable des richesses et les fausses
richesses adorées par les humains. Alors, la réponse de Dieu est précieuse (I R
3, 11-12) : « Parce que tu ne m’as pas demandé une longue vie, ni les
richesses, ni la vie de tes ennemis, mais que tu m’as demandé le discernement
pour savoir écouter et gouverner, J’acquiesce à ta demande. Ton cœur sera
dorénavant sage et intelligent comme personne ne l’a été auparavant ni ne le
sera jamais plus après toi. »
Cet enseignement, saint Paul, dans la
seconde lecture d’aujourd’hui (Rm 8,28-30), le ramène à la véritable richesse
du Royaume. Saint Paul, dans ce chapitre 8 que nous lisons depuis trois
dimanches, nous enseigne que la véritable richesse du cœur de l’homme est la
justification et la glorification que l’être humain, toujours en pèlerinage sur
cette Terre, ne vaut rien, si ce n’est, parce que Dieu fait de lui son fils, sa
fille. Par cette Rédemption, Dieu nous a sortis du péché et nous a rendus
dignes d’être devant Lui, comme ses enfants. Après cela, nous connaîtrons la
vie éternelle, la joie du Royaume de Dieu, le Règne de Dieu dans sa phase
définitive, le Règne de Dieu où chacun de nous - nous disait la semaine
dernière la parabole du blé et de l’ivraie : « Va briller comme le
soleil dans le Royaume du Père. » Ce destin éternel de l’être humain,
cette vie surnaturelle de la personne humaine appelée à être enfant de Dieu,
cette justification, c’est la véritable richesse du Règne de Dieu.
Mes frères, je voudrais insister
beaucoup sur ce grand enseignement, parce que l’Église n’est pas sur la Terre
pour recevoir des privilèges, pour s’appuyer sur le pouvoir et sur la richesse,
pour bénéficier des faveurs des grands de ce monde. L’Église n’est pas non plus
ici pour ériger de grands temples matériels ou des monuments. L’Église n’est
pas sur Terre pour enseigner la sagesse de la Terre. L’Église est le
Règne de Dieu qui nous donne précisément ceci : la filiation divine. Il
est grand, dans le Royaume de l’Église, celui qui vit la sainteté. Il est
grand celui qui, comme Salomon, peut sentir dans son cœur la sagesse et l’union
avec Dieu. Ils sont grands, les hommes ou les femmes qui se font, par leur
repentir, par leur conversion, véritables enfants de Dieu qui peuvent
participer à l’allégresse de ses sacrements, à la félicité dont seulement
jouissent les âmes qui ont conservé leur innocence ou, s’ils l’ont perdue, qui
l’ont récupérée par la
pénitence. Félicité que seul possède le saint. Seul le saint
est véritablement libre. Est uniquement libre celui qui n’a pas peur des choses
de la Terre, parce qu’il ne possède qu’une seule peur : perdre l’amitié
avec Dieu, et conserver cette amitié de Dieu est son unique trésor. Toutes les
autres amitiés lui apparaissent superflues lorsque Dieu lui dit : tu es
mon ami, tu es mon enfant; tu es destiné en tant que cohéritier avec le Christ
à posséder mon Royaume, ma félicité. Moi-même, dit-Il à son ami Abraham, Je
serai ta récompense. 30/07/78, p.96-98, V.
Frères, cela n’est pas une utopie.
C’est la grande vérité qui devrait remplir le cœur des humains. Lorsque saint
Paul nous a dit aujourd’hui, remontant jusqu’à la préhistoire (Rm
8,29-30) : « Avant que tu n’existes, Dieu t’aimait et te prĂ©destina Ă
être semblable au Christ. Et c’est cette ressemblance au Christ qui te
justifie. Dans ce Christ glorifié, tu seras également glorifié. » Regardez
comment la sagesse de Dieu, embrasse la personne humaine bien avant qu’elle
n’existe et au-delà de sa mort. Qu’est-ce que cette vie de peu d’années,
lorsque Dieu ne remplit pas cette Histoire, qu’Il ne m’enveloppe pas dans son
amour?
Quelqu’un ne s’émeut pas à l’idée
que, neuf mois avant sa naissance, il y avait une femme qui l’aimait
affectueusement. Elle ignorait ce Ă quoi cet enfant allait ressembler, mais
elle l’aimait déjà parce qu’elle le portait dans ses entrailles. Et lorsqu’elle
lui donna naissance, elle le serra dans ses bras parce qu’il ne s’agissait pas
d’un nouvel amour; il était né bien avant dans ses entrailles. La mère aime et
c’est pourquoi l’avortement est si abominable parce que la mère qui avorte
n’est pas fidèle à cet amour qu’elle doit avoir comme Dieu qui, de toute
éternité, bien avant que ne naisse cette créature, aime. Dieu est cette belle
image de la femme enceinte. Dieu me voyait dans ses rêves, Il m’aimait et me
prédestinait, Il connaît déjà le nombre de mes jours. Ce qui doit m’arriver
maintenant ne m’importe pas, Dieu le sait déjà . N’ayons pas peur, frères, nous
vivons une période de difficiles vicissitudes. Nous ignorons si, aujourd’hui
même, nous ne serons pas arrêtés ou tués. Nous ne savons pas ce que vont faire
de nous les forces du mal. Mais je sais une chose : mĂŞme les disparus,
même ceux qui pleurent dans le mystère d’une séquestration, Dieu les connaît et
les aime. Et si Dieu permet ces disparitions, ce n’est pas parce qu’Il est
impuissant. Il m’aime, Il continue d’aimer, Il aime aussi notre histoire et Il
sait par où vont déboucher les chemins de la Rédemption de notre Patrie.
Ne perdons pas confiance en cette
grande vérité. C’est le véritable trésor du Règne de Dieu : L’espérance,
la foi, la prière, la force intime qui m’unit à Dieu. C’est ce que nous
demandons, mes frères, comme Salomon : Seigneur, ne me donne pas de
richesses, ni une vie longue ou courte; ne me donne pas des pouvoirs sur la
Terre qui enivrent les hommes; ne me donne pas ces folies d’adorer les fausses
idoles de ce monde. Seigneur purifie mes intentions et donne-moi la véritable
sagesse du discernement pour savoir distinguer entre le bien et le mal;
donne-moi la conviction qu’avait saint Paul de se sentir aimé de Toi. 30/07/78,
p. 98, V.
2) Rien ne peut nous séparer de
l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ
Cela nous amène à un des grands
problèmes qui a surgi au cours des siècles dans la théologie : la
prédestination.
Saint Paul dit dans l’épître aux
Romains (8,28-30) : « Dieu m’a appelé et me prédestina pour être
semblable à son Fils, à être glorifié avec Lui. » Cela ne signifie
pas que nous sommes prédestinés. C’est la triste vérité. Lorsque le Christ
dit : « Plusieurs sont appelés et peu nombreux seront les
élus. » Saint Paul a dit aujourd’hui des élus : « Ceux qu’il
aima, Il les garda. » L’angoisse demeure dans le cœur de l’homme :
serais-je, moi aussi, de ceux qui vont être rejetés par Dieu? Cette grande
angoisse se convertit en un grand problème théologique : les grandes
discussions de la prédestination. Précisément dans les années du
Concile de Trente et de ceux qui suivirent surgirent ces deux grands mouvements
des théologiens dominicains et jésuites, distinguant et défendant ces courants
différents qui tentaient de coordonner ces deux grandes vérités qui, à notre
entendement, sont impossibles à coordonner : la grâce de Dieu qui veut me
sauver et la liberté humaine qui peut rejeter cette grâce de Dieu. Pourquoi se
condamnent-ils étant donné que Dieu veut les sauver tous? Pourquoi dit-on que
Dieu veut tous les sauver si quelques-uns vont se condamner?
Frères, je voudrais à tout le moins
semer cette parole : l’insécurité. Personne ne doit se sentir sûr d’être
un Ă©lu. Tous, nous devons prendre comme Ă©tant nĂ´tre la grande recommandation de
saint Paul : « Réaliser votre Salut avec peur et tremblement. »
Ce qu’enseignait Luther est faux : « Une foi dans mon Salut me
donnera le Salut. » Si vous n’œuvrez pas pour le bien, souvenez-vous de ce
que disait le Christ : « Celui qui m’aime, qu’il garde mes commandements. »
Et souvenons-nous surtout de ce que nous a dit saint Paul aujourd’hui pour
savoir si nous marchons sur le chemin du Salut ou sur celui de la
perdition : « Je t’ai choisi pour que tu sois semblable au Christ.
L’homme qui rejette le Christ, ses engagements et son Église, s’il ne se
convertit pas, marche sur le mauvais chemin. »
Dans un instant, je vais vous
signaler un ensemble d’événements qui se sont produits cette semaine afin que
vous puissiez vous-mĂŞmes analyser parmi ceux qui se produisent dans notre
histoire, lesquels sont prédestinés et ceux dont nous ne pouvons affirmer
qu’ils sont prédestinés à moins qu’ils ne se convertissent à Dieu. Craignons!
Et ici, je fais appel Ă tous ceux qui veulent se jouer de l’Église. Fiez-vous Ă
la parole de l’Église. Ce n’est pas pour vous faire peur ni pour vous imposer
un faux respect. C’est que je sens que je n’accomplirais pas mon devoir si je
ne vous disais pas que la prédestination est un mystère d’incertitude et,
qu’uniquement un grand sens de l’amour, de la communauté, de la justice et de
l’imitation de Jésus-Christ peuvent le résoudre. Ce serait une fausse sécurité
si je vous disais : « Oui, nous allons tous nous sauver. Vivons Ă
notre guise sur cette Terre. Le Règne de Dieu c’est précisément le Christ qui
nous appelle. » Croyez-vous que le Christ serait mort dans les souffrances
sur une croix si le problème du Salut n’était pas une chose si sérieuse?
Comment allons-nous regarder avec indifférence un Rédempteur des hommes qui a
payé avec tant d’amertume et de douleurs le péché des êtres humains? Nous
sommes si indifférents au péché dans toutes ses manifestations, surtout dans
ses manifestations d’injustices sociales. Comment peut-il rire de Dieu, celui
qui est complice de toutes ces injustices et qui n’essaie pas d’améliorer le
pays pour que les images du Christ, les personnes humaines appelées à être
semblables au Christ, se différencient tant, non pas entre favoris de Dieu et
exclus, mais entre riches et pauvres, étant donné que là n’est pas le critère de
la véritable sagesse, mais de penser comme Dieu ou de ne pas penser comme Lui?
C’est pourquoi, mes frères, ces
grands problèmes théologiques se résolvent en une chose. Il serait intéressant
de repasser ces courants d’opinions théologiques qui tentèrent de résoudre le
problème de la
prédestination. Aujourd’hui alors qu’on fait de la théologie
moderne, qu’on découvre des causes nouvelles qui s’éloignent quelque peu du
traditionnel, on arrive à dire, par exemple, ce qu’a dit saint Paul sans tant
d’implications théologiques modernes : « Dieu prédestina ceux qu’Il
aima, à être semblables au Christ, premier-né parmi de nombreux frères. »
Ici, nous avons une clé. Le Christ est en même temps Dieu et homme. En tant que
Dieu, Il est celui qui prédestine ou condamne, mais en tant qu’homme, Il a
assumé la responsabilité de tous les humains, même celle des grands pécheurs.
Si ceux-ci s’identifient au Christ, ils se sauvent parce qu’Il a payé dans sa
chair d’homme, les péchés de tous et Il a construit une grande communauté qui
se nomme son Église, son Royaume.
Suis-je en train de m’identifier à ce
Christ et à sa communauté ou suis-je en train de lutter contre cette communauté
et contre ce Christ? En fin de compte, Dieu ne condamnera pas celui qui
L’accepte; mais Il rejettera celui qui Le rejette.
C’est pourquoi, en dernière instance,
cela dépend de notre volonté. Une volonté qui s’emplit d’espérance et embrasse
le Christ et qui reconnaît le Seigneur, même si j’ai été un grand pécheur, je
me lave avec son Sang et je m’unis à Lui, à sa Chair qui paya sur la Croix pour
racheter mes péchés. Je me suis incorporé à cette Église où il y a des bons et
des mauvais, mais je tenterai d’être bon. C’est cela la grande espérance du
Salut que le chrétien porte, tentant de ressembler au Christ notre Seigneur.
Ici, mes frères, j’ai le grand
plaisir de me souvenir d’une belle page du Concile Vatican II, lorsque dans la
constitution de l’Église dans le Monde Actuel, dans le numéro 22, on présente
le Christ comme la grande révélation du mystère de l’homme : « Nul ne
connaît sa propre vocation si ce n’est en connaissant le Christ. » Un
homme, une femme, qui ne connaît pas le Christ, ni n’essaie de le faire sien,
est un être myope, mutilé, incomplet, c’est un être sans critère de totalité.
La figure du Christ a été préfigurée par Adam, mais après, ce premier Adam a
détruit l’image de l’homme par le péché, vint le second Adam :
Jésus-Christ, Dieu et homme en même temps, pour indiquer à l’humain quelle est
sa vocation intégrale afin qu’il se réchappe du péché d’Adam et se fasse membre
de cette seconde gĂ©nĂ©ration. En vĂ©ritĂ©, en vĂ©ritĂ© je te le dis, dit le Christ Ă
Nicodème, tu ne peux pas entrer au Royaume des Cieux si tu ne renais d’abord de
nouveau. Comment?, Lui répond Nicodème. Comment un vieil homme peut-il entrer
de nouveau dans le sein de sa mère et renaître? Je ne te parle pas ainsi, ne
l’entends pas matériellement, je te parle d’une renaissance spirituelle. Celui
qui ne naît pas de l’eau et de l’Esprit, celui qui ne fait pas sien l’Esprit du
Christ; celui qui ne s’incorpore pas à mon Règne où il y a des exigences
terribles que Je te demande pour que tu appartiennes Ă mon Royaume, celui-lĂ ne
peut pas être sauvé. En cela, remplissons-nous de joie parce que cette vocation
de l’être humain en Jésus-Christ n’appartient pas seulement aux chrétiens.
Prenez garde de vous sentir orgueilleux d’être chrétiens. Ne sommes-nous pas
alors comme les Israélites lorsqu’ils disaient au Christ : « Ne nous
renie pas, nous sommes les fils d’Abraham. » Et le Christ leur
répondit : « Peu importe d’être fils d’Abraham parce que Dieu peut
faire de ces pierres des fils d’Abraham, ce qui importe c’est la justice de
Dieu. »
Ne nous glorifions pas non plus de
venir à l’Église, d’être chrétiens, parce que nous savons qu’en dehors des
limites du christianisme, il existe plusieurs hommes et plusieurs femmes qui
adorent peut-ĂŞtre de fausses idoles, mais avec une conscience morale si pure
qu’il n’y a pas de doute que le Christ les sauvera. Je me souviens que, lorsque
j’étais étudiant à Rome, le Pape Pie XI reçut ce grand philosophe et humaniste,
Mahatma Gandhi. Enveloppé dans une étole et avec une chèvre, il marchait dans
les rues de Rome. Pie XI dit dans un discours : « Nous avons connu un
saint païen. » Quelle belle expression! Dans le paganisme, il y a des
saints. Peut-être plus saints que dans notre Église catholique, parce que le
Christ, qui est la révélation de l’homme, peut être connu. Mahatma Gandhi
disait : « Comment les chrétiens peuvent-ils avoir un livre si beau,
l’Évangile, et ne pas vivre la grande révolution de la sanctification et de la
libération du monde? »
Nous ne donnons pas vie Ă ce que nous
avons. Nous connaissons le Christ et nous ne le vivons pas. Mais il n’y a pas
d’autres chemins, mes frères, et c’est la solution à ces grandes frayeurs. Me
sauverai-je ou me condamnerai-je? N’hésitons pas, tentons plutôt de connaître
mieux Jésus-Christ et d’appartenir intimement à son Église. Et, au lieu de la
combattre, tâchons de comprendre sa logique et ses conséquences douloureuses.
N’essayons pas de faire un christianisme Ă notre goĂ»t, ne cherchons pas Ă
domestiquer l’Évangile, mais plutôt à y devenir dociles en tentant de suivre le
Christ authentique si nous voulons vraiment être sauvés. À cause de toutes ces
idolâtries du pouvoir et de l’argent, plusieurs n’entreront pas au Royaume des
cieux, parce qu’ils ne tenteront pas de s’identifier au plan de Dieu qui
consiste en cela : Il m’a prédestiné pour me rendre semblable au Christ et
par Lui être justifié et être glorifié pour former une communauté de frères et
de sœurs. Puisions-nous être ainsi dans notre Église une communauté de frères.
Puisse Dieu, que nous sentions
véritablement que notre prochain est également notre frère; lorsque je le
regarde au travers du Christ mon grand frère et que je tente d’être comme le
Christ pour être digne d’être appelé son frère, et pour pouvoir appeler frères
tous les humains, qu’ils soient riches ou pauvres, parce que tous nous sommes
aimés du Seigneur. 30/07/78, p.99-101, V.
3) L’Échec de la fausse richesse
Ma troisième réflexion porte sur
l’échec de la fausse richesse. Pauvres idolâtres de la fausse richesse, ils
adorent une idole aux pieds d’argile. Et Jésus-Christ le compare, dans
l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 13,47-48) : « Le Royaume des cieux est
comparable à un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de
poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, puis on s’assied; on
ramasse dans des paniers ce qui est bon et l’on rejette ce qui ne vaut
rien. » C’est la même chose qu’avec le blé et l’ivraie. Ne soyons donc pas
effrayés qu’en ce filet qu’est l’Église pêcheuse d’hommes, il y ait plusieurs
bons poissons, grâce à Dieu, mais il existe aussi plusieurs chrétiens que l’on
peut comparer aux mauvais poissons qui seront jetés au feu, à l’heure du
jugement.
Le problème de la prédestination est
un problème d’accueil ou de rejet du Règne de Dieu prêché par le Christ. Nous
sommes en train de vivre une heure de lutte entre la vérité et le mensonge,
entre la sincérité, en qui plus personne ne croit, et l’hypocrisie et
l’intrigue. Ne nous effrayons pas, mes frères; tentons d’être sincères, tentons
d’aimer la vérité, tentons de nous édifier en Jésus-Christ. C’est une heure en
laquelle nous devons posséder un grand sens de sélection, de discernement.
C’est un des dons de l’Esprit saint et nous devons le demander beaucoup en
cette heure, comme le demanda Salomon : « Donne-moi un cœur qui sache
distinguer entre le bien et mal.» 30/07/78, p.101-102, V.
Très chers frères, comme vous voyez,
la Parole de Dieu, dans ses beaux enseignements de la vraie et de la fausse
richesse, nous amène à bien distinguer les événements de la semaine pour savoir
découvrir, comme Salomon inspiré par Dieu : Où est le bien, la sagesse, le
Christ, le chemin du Salut? Où se trouvent l’ennemi de Dieu, la perdition, les
larges chemins qui mènent à l’abîme? Alors, ayant devant nous non seulement une
parole théorique qui nous illumine, mais aussi des faits concrets vers où se
dirigent des hommes concrets, des chemins de Salut et des chemins de perdition,
nous crions de la voix du Seigneur : Convertissez-vous, Dieu ne veut pas
vous punir, revenez dans le droit chemin.
FĂŞte du divin Sauveur du Monde.
30/07/78, p.105, V.