Le Règne de Dieu est la véritable richesse de l’être humain

 

Dix-septième dimanche du temps ordinaire; 30 juillet 1978; Lectures : I Rois 3,5.7-12; Romains 8,28-30; Matthieu 13,33-57.

 

L’Évangile qui marque la lecture principale continue de puiser dans ce prĂ©cieux chapitre de saint Matthieu (13,33-57) qui s’appelle : « Les Paraboles du Règne Â». Vous vous rappelez que depuis trois dimanches nous disions : Le Règne des Cieux, cela nous a donnĂ© l’opportunitĂ© de comprendre Ă  quel règne nous appartenons. C’est le centre de la prĂ©dication du Christ; c’est un immense honneur pour la communautĂ© chrĂ©tienne de savoir que mĂŞme si on l’interprète mal, nous ne faisons pas autre chose que d’assimiler individuellement et communautairement cette mystique du Règne des Cieux.

 

Nous tenterons de mĂ©diter Ă©galement, avec cette limpiditĂ© de foi et d’intention. Sachons ĂŞtre au-dessus de toutes ces suspicions, de toutes ces peurs que cette Parole de Dieu suscite dans le monde. Il est nĂ©cessaire, si nous voulons ĂŞtre des chrĂ©tiens vĂ©ritables, que nous captions et que nous nous efforcions de vivre tout ce que le Christ a cherchĂ© Ă  nous dire en nous convoquant Ă  ce Règne. Il nous a appelĂ©s pour ceci : Je ne veux pas un Évangile mystifiĂ©, Je ne veux pas des chrĂ©tiens accommodĂ©s. Celui qui est comme cela n’est pas avec moi. Il s’agit d’une attitude tranchante qui dit beaucoup de mal de ceux qui dĂ©sirent un Évangile qui ne suscite aucun conflit ni difficultĂ©, alors que nous vivons une heure si conflictuelle et si difficile. Il est très difficile de marcher comme une anguille en fuyant les conflits que la Parole de Dieu se doit d’éveiller, si en vĂ©ritĂ© l’on vit cette plĂ©nitude du Règne, cette consĂ©quence, cette logique selon laquelle le jour de notre baptĂŞme, nous avons acceptĂ© d’appartenir Ă  ce Règne. C’est le centre de la prĂ©dication du Christ et cela caractĂ©rise les qualitĂ©s authentiques de la vĂ©ritable Église.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La véritable richesse

2) Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ

3) L’Échec de la fausse richesse

 

 

1) La véritable richesse

 

En cette heure oĂą la richesse s’érige en idole, il serait bon de demander comme Salomon dans la première lecture (1 R 3,5; 7-12) : « Seigneur, donne-moi la sagesse Â» pour connaĂ®tre la diffĂ©rence entre la vĂ©ritĂ© et la faussetĂ©, pour ne pas adorer comme un idolâtre une richesse qui a seulement des pieds d’argile, pour ĂŞtre un vĂ©ritable adorateur de Dieu et pour savourer la richesse de la Terre dans sa valeur relative, sachant que la valeur absolue n’appartient qu’à la vĂ©ritable richesse qui nous a Ă©tĂ© apportĂ©e par le vĂ©ritable riche : le Christ Notre Seigneur.

 

Quelle est la vĂ©ritable richesse? C’est ce Ă  quoi se rĂ©fèrent les deux paraboles oĂą le Christ dit (Mt 13,44) : « Le Royaume des cieux est comparable Ă  un trĂ©sor qui Ă©tait cachĂ© dans un champ et qu’un homme a dĂ©couvert : il le cache Ă  nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a, et il achète ce champ. Â» Il s’agit de quelque chose de très oriental oĂą il se produit continuellement des invasions de pillards; des invasions politiques. Les propriĂ©taires d’une petite ou d’une grande fortune l’enterraient gĂ©nĂ©ralement dans des vases et ils devaient s’enfuir avant l’invasion. Plusieurs ne revenaient jamais, et c’est ainsi que demeurèrent cachĂ©s de nombreux trĂ©sors, dans les champs du Moyen-Orient. Alors, quelqu’un, creusant, trouva un de ces vases, un trĂ©sor, une urne pleine de pièces d’or ou quelque chose d’autre, mais il s’agit d’un trĂ©sor richissime, et il se dit : Je le cache et je vais acheter ce terrain. Il l’achète Ă  bas prix et il devient propriĂ©taire d’un trĂ©sor. Le Christ ne veut pas justifier ici cette escroquerie, le mensonge qui est cachĂ© dans cette transaction, mais Il cherche Ă  nous enseigner la diligence qu’a un homme lorsqu’il dĂ©couvre un trĂ©sor.

 

La parabole de la pierre prĂ©cieuse nous dit Ă©galement (Mt 13, 45-46) : « Le Royaume des cieux est comparable Ă  un marchand qui cherchait des perles fines. Ayant trouvĂ© une perle de grand prix, il s’en est allĂ© vendre tout ce qu’il avait, et il l’a achetĂ©e. Â» Que cherche Ă  nous dire le Seigneur par cela?

 

 

DĂ©jĂ  sans parabole, la première lecture (I R 3,5-12) nous parle de ce sens du discernement entre le vrai et le faux. Dieu apparaĂ®t en rĂŞve Ă  Salomon, le roi le plus sage : « Demande-moi ce que tu dĂ©sires et je te le donnerai. Â» Pour un homme au milieu de l’idolâtrie du pouvoir et de la richesse, la tentation aurait Ă©tĂ© : donne-moi beaucoup d’or, donne-moi beaucoup de pouvoir, livre-moi mes ennemis, permets-moi de dominer les peuples, donne-moi une longue vie. Je me demande, mes frères, ce que nous aurions demandĂ© au Seigneur si, lors d’une de ces nuits, Il s’était prĂ©sentĂ© Ă  nous pour nous dire : je vais te donner ce que tu me demandes. Ici, nous connaissons le critère de l’homme. Combien Ă  notre Ă©poque demanderaient plus d’argent, davantage de pouvoir? Face Ă  la terrible tentation d’un gouvernant, Salomon fait honneur Ă  son père et il Ă©lève au Seigneur cette prĂ©cieuse prière (1 R 3,8-9) : « Seigneur, Tu sais tout, Tu m’as constituĂ© gouvernant de ce peuple si nombreux, si difficile. Ce que je te demande, c’est un cĹ“ur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal; un cĹ“ur sage et intelligent. Â» C’est le marchand qui apprĂ©cie la vĂ©ritable pierre prĂ©cieuse. C’est l’homme prudent qui dĂ©couvre un trĂ©sor et le garde.

 

Quel enseignement plus sage que celui de l’Évangile d’aujourd'hui! Le discernement entre le principal et ce qui ne vaut rien. Le discernement entre le Dieu vĂ©ritable des richesses et les fausses richesses adorĂ©es par les humains. Alors, la rĂ©ponse de Dieu est prĂ©cieuse (I R 3, 11-12) : « Parce que tu ne m’as pas demandĂ© une longue vie, ni les richesses, ni la vie de tes ennemis, mais que tu m’as demandĂ© le discernement pour savoir Ă©couter et gouverner, J’acquiesce Ă  ta demande. Ton cĹ“ur sera dorĂ©navant sage et intelligent comme personne ne l’a Ă©tĂ© auparavant ni ne le sera jamais plus après toi. Â»

 

Cet enseignement, saint Paul, dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Rm 8,28-30), le ramène Ă  la vĂ©ritable richesse du Royaume. Saint Paul, dans ce chapitre 8 que nous lisons depuis trois dimanches, nous enseigne que la vĂ©ritable richesse du cĹ“ur de l’homme est la justification et la glorification que l’être humain, toujours en pèlerinage sur cette Terre, ne vaut rien, si ce n’est, parce que Dieu fait de lui son fils, sa fille. Par cette RĂ©demption, Dieu nous a sortis du pĂ©chĂ© et nous a rendus dignes d’être devant Lui, comme ses enfants. Après cela, nous connaĂ®trons la vie Ă©ternelle, la joie du Royaume de Dieu, le Règne de Dieu dans sa phase dĂ©finitive, le Règne de Dieu oĂą chacun de nous - nous disait la semaine dernière la parabole du blĂ© et de l’ivraie : « Va briller comme le soleil dans le Royaume du Père. Â» Ce destin Ă©ternel de l’être humain, cette vie surnaturelle de la personne humaine appelĂ©e Ă  ĂŞtre enfant de Dieu, cette justification, c’est la vĂ©ritable richesse du Règne de Dieu.

 

Mes frères, je voudrais insister beaucoup sur ce grand enseignement, parce que l’Église n’est pas sur la Terre pour recevoir des privilèges, pour s’appuyer sur le pouvoir et sur la richesse, pour bĂ©nĂ©ficier des faveurs des grands de ce monde. L’Église n’est pas non plus ici pour Ă©riger de grands temples matĂ©riels ou des monuments. L’Église n’est pas sur Terre pour enseigner la sagesse de la Terre. L’Église est le Règne de Dieu qui nous donne prĂ©cisĂ©ment ceci : la filiation divine. Il est grand, dans le Royaume de l’Église, celui qui vit la saintetĂ©. Il est grand celui qui, comme Salomon, peut sentir dans son cĹ“ur la sagesse et l’union avec Dieu. Ils sont grands, les hommes ou les femmes qui se font, par leur repentir, par leur conversion, vĂ©ritables enfants de Dieu qui peuvent participer Ă  l’allĂ©gresse de ses sacrements, Ă  la fĂ©licitĂ© dont seulement jouissent les âmes qui ont conservĂ© leur innocence ou, s’ils l’ont perdue, qui l’ont rĂ©cupĂ©rĂ©e par la pĂ©nitence. FĂ©licitĂ© que seul possède le saint. Seul le saint est vĂ©ritablement libre. Est uniquement libre celui qui n’a pas peur des choses de la Terre, parce qu’il ne possède qu’une seule peur : perdre l’amitiĂ© avec Dieu, et conserver cette amitiĂ© de Dieu est son unique trĂ©sor. Toutes les autres amitiĂ©s lui apparaissent superflues lorsque Dieu lui dit : tu es mon ami, tu es mon enfant; tu es destinĂ© en tant que cohĂ©ritier avec le Christ Ă  possĂ©der mon Royaume, ma fĂ©licitĂ©. Moi-mĂŞme, dit-Il Ă  son ami Abraham, Je serai ta rĂ©compense. 30/07/78, p.96-98, V.

 

Frères, cela n’est pas une utopie. C’est la grande vĂ©ritĂ© qui devrait remplir le cĹ“ur des humains. Lorsque saint Paul nous a dit aujourd’hui, remontant jusqu’à la prĂ©histoire (Rm 8,29-30) : « Avant que tu n’existes, Dieu t’aimait et te prĂ©destina Ă  ĂŞtre semblable au Christ. Et c’est cette ressemblance au Christ qui te justifie. Dans ce Christ glorifiĂ©, tu seras Ă©galement glorifiĂ©. Â» Regardez comment la sagesse de Dieu, embrasse la personne humaine bien avant qu’elle n’existe et au-delĂ  de sa mort. Qu’est-ce que cette vie de peu d’annĂ©es, lorsque Dieu ne remplit pas cette Histoire, qu’Il ne m’enveloppe pas dans son amour?

 

Quelqu’un ne s’émeut pas Ă  l’idĂ©e que, neuf mois avant sa naissance, il y avait une femme qui l’aimait affectueusement. Elle ignorait ce Ă  quoi cet enfant allait ressembler, mais elle l’aimait dĂ©jĂ  parce qu’elle le portait dans ses entrailles. Et lorsqu’elle lui donna naissance, elle le serra dans ses bras parce qu’il ne s’agissait pas d’un nouvel amour; il Ă©tait nĂ© bien avant dans ses entrailles. La mère aime et c’est pourquoi l’avortement est si abominable parce que la mère qui avorte n’est pas fidèle Ă  cet amour qu’elle doit avoir comme Dieu qui, de toute Ă©ternitĂ©, bien avant que ne naisse cette crĂ©ature, aime. Dieu est cette belle image de la femme enceinte. Dieu me voyait dans ses rĂŞves, Il m’aimait et me prĂ©destinait, Il connaĂ®t dĂ©jĂ  le nombre de mes jours. Ce qui doit m’arriver maintenant ne m’importe pas, Dieu le sait dĂ©jĂ . N’ayons pas peur, frères, nous vivons une pĂ©riode de difficiles vicissitudes. Nous ignorons si, aujourd’hui mĂŞme, nous ne serons pas arrĂŞtĂ©s ou tuĂ©s. Nous ne savons pas ce que vont faire de nous les forces du mal. Mais je sais une chose : mĂŞme les disparus, mĂŞme ceux qui pleurent dans le mystère d’une sĂ©questration, Dieu les connaĂ®t et les aime. Et si Dieu permet ces disparitions, ce n’est pas parce qu’Il est impuissant. Il m’aime, Il continue d’aimer, Il aime aussi notre histoire et Il sait par oĂą vont dĂ©boucher les chemins de la RĂ©demption de notre Patrie.

 

Ne perdons pas confiance en cette grande vĂ©ritĂ©. C’est le vĂ©ritable trĂ©sor du Règne de Dieu : L’espĂ©rance, la foi, la prière, la force intime qui m’unit Ă  Dieu. C’est ce que nous demandons, mes frères, comme Salomon : Seigneur, ne me donne pas de richesses, ni une vie longue ou courte; ne me donne pas des pouvoirs sur la Terre qui enivrent les hommes; ne me donne pas ces folies d’adorer les fausses idoles de ce monde. Seigneur purifie mes intentions et donne-moi la vĂ©ritable sagesse du discernement pour savoir distinguer entre le bien et le mal; donne-moi la conviction qu’avait saint Paul de se sentir aimĂ© de Toi. 30/07/78, p. 98, V.

 

 

2) Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ

 

 

Cela nous amène Ă  un des grands problèmes qui a surgi au cours des siècles dans la thĂ©ologie : la prĂ©destination.

 

Saint Paul dit dans l’épĂ®tre aux Romains (8,28-30) : « Dieu m’a appelĂ© et me prĂ©destina pour ĂŞtre semblable Ă  son Fils, Ă  ĂŞtre glorifiĂ© avec Lui. Â» Cela ne signifie pas que nous sommes prĂ©destinĂ©s. C’est la triste vĂ©ritĂ©. Lorsque le Christ dit : « Plusieurs sont appelĂ©s et peu nombreux seront les Ă©lus. Â» Saint Paul a dit aujourd’hui des Ă©lus : « Ceux qu’il aima, Il les garda. Â» L’angoisse demeure dans le cĹ“ur de l’homme : serais-je, moi aussi, de ceux qui vont ĂŞtre rejetĂ©s par Dieu? Cette grande angoisse se convertit en un grand problème thĂ©ologique : les grandes discussions de la prĂ©destination. PrĂ©cisĂ©ment dans les annĂ©es du Concile de Trente et de ceux qui suivirent surgirent ces deux grands mouvements des thĂ©ologiens dominicains et jĂ©suites, distinguant et dĂ©fendant ces courants diffĂ©rents qui tentaient de coordonner ces deux grandes vĂ©ritĂ©s qui, Ă  notre entendement, sont impossibles Ă  coordonner : la grâce de Dieu qui veut me sauver et la libertĂ© humaine qui peut rejeter cette grâce de Dieu. Pourquoi se condamnent-ils Ă©tant donnĂ© que Dieu veut les sauver tous? Pourquoi dit-on que Dieu veut tous les sauver si quelques-uns vont se condamner?

 

Frères, je voudrais Ă  tout le moins semer cette parole : l’insĂ©curitĂ©. Personne ne doit se sentir sĂ»r d’être un Ă©lu. Tous, nous devons prendre comme Ă©tant nĂ´tre la grande recommandation de saint Paul : « RĂ©aliser votre Salut avec peur et tremblement. Â» Ce qu’enseignait Luther est faux : « Une foi dans mon Salut me donnera le Salut. Â» Si vous n’œuvrez pas pour le bien, souvenez-vous de ce que disait le Christ : « Celui qui m’aime, qu’il garde mes commandements. Â» Et souvenons-nous surtout de ce que nous a dit saint Paul aujourd’hui pour savoir si nous marchons sur le chemin du Salut ou sur celui de la perdition : « Je t’ai choisi pour que tu sois semblable au Christ. L’homme qui rejette le Christ, ses engagements et son Église, s’il ne se convertit pas, marche sur le mauvais chemin. Â»

 

Dans un instant, je vais vous signaler un ensemble d’évĂ©nements qui se sont produits cette semaine afin que vous puissiez vous-mĂŞmes analyser parmi ceux qui se produisent dans notre histoire, lesquels sont prĂ©destinĂ©s et ceux dont nous ne pouvons affirmer qu’ils sont prĂ©destinĂ©s Ă  moins qu’ils ne se convertissent Ă  Dieu. Craignons! Et ici, je fais appel Ă  tous ceux qui veulent se jouer de l’Église. Fiez-vous Ă  la parole de l’Église. Ce n’est pas pour vous faire peur ni pour vous imposer un faux respect. C’est que je sens que je n’accomplirais pas mon devoir si je ne vous disais pas que la prĂ©destination est un mystère d’incertitude et, qu’uniquement un grand sens de l’amour, de la communautĂ©, de la justice et de l’imitation de JĂ©sus-Christ peuvent le rĂ©soudre. Ce serait une fausse sĂ©curitĂ© si je vous disais : « Oui, nous allons tous nous sauver. Vivons Ă  notre guise sur cette Terre. Le Règne de Dieu c’est prĂ©cisĂ©ment le Christ qui nous appelle. Â» Croyez-vous que le Christ serait mort dans les souffrances sur une croix si le problème du Salut n’était pas une chose si sĂ©rieuse? Comment allons-nous regarder avec indiffĂ©rence un RĂ©dempteur des hommes qui a payĂ© avec tant d’amertume et de douleurs le pĂ©chĂ© des ĂŞtres humains? Nous sommes si indiffĂ©rents au pĂ©chĂ© dans toutes ses manifestations, surtout dans ses manifestations d’injustices sociales. Comment peut-il rire de Dieu, celui qui est complice de toutes ces injustices et qui n’essaie pas d’amĂ©liorer le pays pour que les images du Christ, les personnes humaines appelĂ©es Ă  ĂŞtre semblables au Christ, se diffĂ©rencient tant, non pas entre favoris de Dieu et exclus, mais entre riches et pauvres, Ă©tant donnĂ© que lĂ  n’est pas le critère de la vĂ©ritable sagesse, mais de penser comme Dieu ou de ne pas penser comme Lui?

 

C’est pourquoi, mes frères, ces grands problèmes thĂ©ologiques se rĂ©solvent en une chose. Il serait intĂ©ressant de repasser ces courants d’opinions thĂ©ologiques qui tentèrent de rĂ©soudre le problème de la prĂ©destination. Aujourd’hui alors qu’on fait de la thĂ©ologie moderne, qu’on dĂ©couvre des causes nouvelles qui s’éloignent quelque peu du traditionnel, on arrive Ă  dire, par exemple, ce qu’a dit saint Paul sans tant d’implications thĂ©ologiques modernes : « Dieu prĂ©destina ceux qu’Il aima, Ă  ĂŞtre semblables au Christ, premier-nĂ© parmi de nombreux frères. Â» Ici, nous avons une clĂ©. Le Christ est en mĂŞme temps Dieu et homme. En tant que Dieu, Il est celui qui prĂ©destine ou condamne, mais en tant qu’homme, Il a assumĂ© la responsabilitĂ© de tous les humains, mĂŞme celle des grands pĂ©cheurs. Si ceux-ci s’identifient au Christ, ils se sauvent parce qu’Il a payĂ© dans sa chair d’homme, les pĂ©chĂ©s de tous et Il a construit une grande communautĂ© qui se nomme son Église, son Royaume.

 

Suis-je en train de m’identifier à ce Christ et à sa communauté ou suis-je en train de lutter contre cette communauté et contre ce Christ? En fin de compte, Dieu ne condamnera pas celui qui L’accepte; mais Il rejettera celui qui Le rejette.

C’est pourquoi, en dernière instance, cela dépend de notre volonté. Une volonté qui s’emplit d’espérance et embrasse le Christ et qui reconnaît le Seigneur, même si j’ai été un grand pécheur, je me lave avec son Sang et je m’unis à Lui, à sa Chair qui paya sur la Croix pour racheter mes péchés. Je me suis incorporé à cette Église où il y a des bons et des mauvais, mais je tenterai d’être bon. C’est cela la grande espérance du Salut que le chrétien porte, tentant de ressembler au Christ notre Seigneur.

 

Ici, mes frères, j’ai le grand plaisir de me souvenir d’une belle page du Concile Vatican II, lorsque dans la constitution de l’Église dans le Monde Actuel, dans le numĂ©ro 22, on prĂ©sente le Christ comme la grande rĂ©vĂ©lation du mystère de l’homme : « Nul ne connaĂ®t sa propre vocation si ce n’est en connaissant le Christ. Â» Un homme, une femme, qui ne connaĂ®t pas le Christ, ni n’essaie de le faire sien, est un ĂŞtre myope, mutilĂ©, incomplet, c’est un ĂŞtre sans critère de totalitĂ©. La figure du Christ a Ă©tĂ© prĂ©figurĂ©e par Adam, mais après, ce premier Adam a dĂ©truit l’image de l’homme par le pĂ©chĂ©, vint le second Adam : JĂ©sus-Christ, Dieu et homme en mĂŞme temps, pour indiquer Ă  l’humain quelle est sa vocation intĂ©grale afin qu’il se rĂ©chappe du pĂ©chĂ© d’Adam et se fasse membre de cette seconde gĂ©nĂ©ration. En vĂ©ritĂ©, en vĂ©ritĂ© je te le dis, dit le Christ Ă  Nicodème, tu ne peux pas entrer au Royaume des Cieux si tu ne renais d’abord de nouveau. Comment?, Lui rĂ©pond Nicodème. Comment un vieil homme peut-il entrer de nouveau dans le sein de sa mère et renaĂ®tre? Je ne te parle pas ainsi, ne l’entends pas matĂ©riellement, je te parle d’une renaissance spirituelle. Celui qui ne naĂ®t pas de l’eau et de l’Esprit, celui qui ne fait pas sien l’Esprit du Christ; celui qui ne s’incorpore pas Ă  mon Règne oĂą il y a des exigences terribles que Je te demande pour que tu appartiennes Ă  mon Royaume, celui-lĂ  ne peut pas ĂŞtre sauvĂ©. En cela, remplissons-nous de joie parce que cette vocation de l’être humain en JĂ©sus-Christ n’appartient pas seulement aux chrĂ©tiens. Prenez garde de vous sentir orgueilleux d’être chrĂ©tiens. Ne sommes-nous pas alors comme les IsraĂ©lites lorsqu’ils disaient au Christ : « Ne nous renie pas, nous sommes les fils d’Abraham. Â» Et le Christ leur rĂ©pondit : « Peu importe d’être fils d’Abraham parce que Dieu peut faire de ces pierres des fils d’Abraham, ce qui importe c’est la justice de Dieu. Â»

 

Ne nous glorifions pas non plus de venir Ă  l’Église, d’être chrĂ©tiens, parce que nous savons qu’en dehors des limites du christianisme, il existe plusieurs hommes et plusieurs femmes qui adorent peut-ĂŞtre de fausses idoles, mais avec une conscience morale si pure qu’il n’y a pas de doute que le Christ les sauvera. Je me souviens que, lorsque j’étais Ă©tudiant Ă  Rome, le Pape Pie XI reçut ce grand philosophe et humaniste, Mahatma Gandhi. EnveloppĂ© dans une Ă©tole et avec une chèvre, il marchait dans les rues de Rome. Pie XI dit dans un discours : « Nous avons connu un saint paĂŻen. Â» Quelle belle expression! Dans le paganisme, il y a des saints. Peut-ĂŞtre plus saints que dans notre Église catholique, parce que le Christ, qui est la rĂ©vĂ©lation de l’homme, peut ĂŞtre connu. Mahatma Gandhi disait : « Comment les chrĂ©tiens peuvent-ils avoir un livre si beau, l’Évangile, et ne pas vivre la grande rĂ©volution de la sanctification et de la libĂ©ration du monde? Â»

 

Nous ne donnons pas vie Ă  ce que nous avons. Nous connaissons le Christ et nous ne le vivons pas. Mais il n’y a pas d’autres chemins, mes frères, et c’est la solution Ă  ces grandes frayeurs. Me sauverai-je ou me condamnerai-je? N’hĂ©sitons pas, tentons plutĂ´t de connaĂ®tre mieux JĂ©sus-Christ et d’appartenir intimement Ă  son Église. Et, au lieu de la combattre, tâchons de comprendre sa logique et ses consĂ©quences douloureuses. N’essayons pas de faire un christianisme Ă  notre goĂ»t, ne cherchons pas Ă  domestiquer l’Évangile, mais plutĂ´t Ă  y devenir dociles en tentant de suivre le Christ authentique si nous voulons vraiment ĂŞtre sauvĂ©s. Ă€ cause de toutes ces idolâtries du pouvoir et de l’argent, plusieurs n’entreront pas au Royaume des cieux, parce qu’ils ne tenteront pas de s’identifier au plan de Dieu qui consiste en cela : Il m’a prĂ©destinĂ© pour me rendre semblable au Christ et par Lui ĂŞtre justifiĂ© et ĂŞtre glorifiĂ© pour former une communautĂ© de frères et de sĹ“urs. Puisions-nous ĂŞtre ainsi dans notre Église une communautĂ© de frères.

 

Puisse Dieu, que nous sentions véritablement que notre prochain est également notre frère; lorsque je le regarde au travers du Christ mon grand frère et que je tente d’être comme le Christ pour être digne d’être appelé son frère, et pour pouvoir appeler frères tous les humains, qu’ils soient riches ou pauvres, parce que tous nous sommes aimés du Seigneur. 30/07/78, p.99-101, V.

 

 

3) L’Échec de la fausse richesse

 

Ma troisième rĂ©flexion porte sur l’échec de la fausse richesse. Pauvres idolâtres de la fausse richesse, ils adorent une idole aux pieds d’argile. Et JĂ©sus-Christ le compare, dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 13,47-48) : « Le Royaume des cieux est comparable Ă  un filet qu’on jette en mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, puis on s’assied; on ramasse dans des paniers ce qui est bon et l’on rejette ce qui ne vaut rien. Â» C’est la mĂŞme chose qu’avec le blĂ© et l’ivraie. Ne soyons donc pas effrayĂ©s qu’en ce filet qu’est l’Église pĂŞcheuse d’hommes, il y ait plusieurs bons poissons, grâce Ă  Dieu, mais il existe aussi plusieurs chrĂ©tiens que l’on peut comparer aux mauvais poissons qui seront jetĂ©s au feu, Ă  l’heure du jugement.

Le problème de la prĂ©destination est un problème d’accueil ou de rejet du Règne de Dieu prĂŞchĂ© par le Christ. Nous sommes en train de vivre une heure de lutte entre la vĂ©ritĂ© et le mensonge, entre la sincĂ©ritĂ©, en qui plus personne ne croit, et l’hypocrisie et l’intrigue. Ne nous effrayons pas, mes frères; tentons d’être sincères, tentons d’aimer la vĂ©ritĂ©, tentons de nous Ă©difier en JĂ©sus-Christ. C’est une heure en laquelle nous devons possĂ©der un grand sens de sĂ©lection, de discernement. C’est un des dons de l’Esprit saint et nous devons le demander beaucoup en cette heure, comme le demanda Salomon : « Donne-moi un cĹ“ur qui sache distinguer entre le bien et mal.» 30/07/78, p.101-102, V.

 

Très chers frères, comme vous voyez, la Parole de Dieu, dans ses beaux enseignements de la vraie et de la fausse richesse, nous amène Ă  bien distinguer les Ă©vĂ©nements de la semaine pour savoir dĂ©couvrir, comme Salomon inspirĂ© par Dieu : OĂą est le bien, la sagesse, le Christ, le chemin du Salut? OĂą se trouvent l’ennemi de Dieu, la perdition, les larges chemins qui mènent Ă  l’abĂ®me? Alors, ayant devant nous non seulement une parole thĂ©orique qui nous illumine, mais aussi des faits concrets vers oĂą se dirigent des hommes concrets, des chemins de Salut et des chemins de perdition, nous crions de la voix du Seigneur : Convertissez-vous, Dieu ne veut pas vous punir, revenez dans le droit chemin.

FĂŞte du divin Sauveur du Monde. 30/07/78, p.105, V.