Le divin Sauveur et le Pape, signe de
Dieu avec nous
Dix-neuvième dimanche du temps
ordinaire; 13 août 1978; Lectures : I Roi 19,9a.11-13; Romains 9,1-5;
Matthieu 14,22-23.
Je dis que la Parole de Dieu illumine
merveilleusement ces deux événements, même si cette semaine pourrait être
qualifiée de semaine grise. D’autres événements de portée nationale se sont
produits dont je parlerai à la fin. Cependant, ces deux événements
m’apparaissent centraux, ils sont comme des rayons de lumière qui peuvent
illuminer toute cette semaine et tout ce paysage gris que nous présente notre
histoire concrète. Sachons distinguer ce qu’est le Peuple de Dieu : l’Église.
Ceux qui forment par leur baptême un engagement de notre foi pour cette lumière
qui est le Christ avec cette colonne de la vérité qui se dresse en ce monde et
qui se nomme le Magistère du Pape. À partir de cette solidarité avec le Christ
et avec son représentant sur Terre, nous devenons chaque jour davantage un
peuple lumineux. MĂŞme si nous partageons la triste histoire du peuple profane
qui est entremêlée de tant de choses qui ne sont pas aussi claires que le Règne
de Dieu, sachons être ce que le Christ désira que nous soyons : Sel de la
Terre et Lumière du monde.
Mon homélie d’aujourd’hui
s’intitule : Le Divin Sauveur et le Pape, signe de Dieu avec nous. Sachons
exploiter ces signes, et sachons devenir lumineux avec la lumière du Divin
Transfiguré, lumineux avec la bonté et la vérité de la tête visible de
l’Église. Mon idée est de développer ces trois idées :
1) Désir de Dieu et capacité des
hommes pour se rencontrer mutuellement
2) Signes de la présence de Dieu
parmi nous
3) Le Pape, le grand signe de
l’Église, le grand sacrement de l’Église
1) Désir de Dieu et capacité des
hommes pour se rencontrer mutuellement
Dans la première lecture (I R
19,9-13) on décrit de façon merveilleuse cette première pensée, le désir que
Dieu a d’être avec les hommes; de se sentir présent dans l’humanité, que les
hommes et les femmes le sentent par cette capacité qu’a l’être humain de capter
cette présence de Dieu en ce monde. Élie, un des personnages qui apparaît avec
le Christ, s’est enfui d’une persécution pour avoir défendu les droits de Dieu.
Il a traversé le désert, une marche difficile de 40 jours, pour finalement
arriver au mont Horeb. Cette montagne c’est le mont Sinaï, où l’autre
personnage de la
transfiguration Moïse, des siècles avant Élie, avait conversé
avec Dieu et avait reçu de Dieu les dix commandements. […]
Ce qui arriva avec MoĂŻse se produisit
également avec Élie. Dieu dit à Moïse qu’il se prépare parce qu’il allait voir
le passage de Dieu et MoĂŻse se couvrit le visage parce que personne ne peut voir
le visage de Dieu sans mourir, dit la Bible, pour signifier sa transcendance,
sa majesté infinie. Et seulement lorsqu’Il est passé devant Moïse, ce dernier
peut voir le dos de Dieu. C’est toujours ainsi que cela se produit, nous ne
pouvons voir Dieu de face, comme non plus nous ne pouvons regarder le soleil en
face. Parce que si nous le regardons, nous souffririons les effets du soleil.
Dieu non plus nous ne pouvons le regarder en face. Nous sommes trop petits, nos
pupilles sont trop limitées, mais nous pouvons le voir de dos, son passage, ses
traces. C’est ce qu’Élie nous présente dans la théophanie de ce matin en nous
présentant Dieu de la manière suivante (I R 19, 11-13) : « Sors et
tiens-toi dans la montagne devant Yahvé. » Et voici que Yahvé passa. Il y
eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les
rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n’était pas dans l’ouragan; et après
l’ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n’était pas dans le tremblement
de terre; et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n’était pas dans
le feu; et après le feu, le bruit d’une brise légère. » C’est là que se
trouvait le Seigneur.
Il semble que c’est de cela que nous
parle le Concile Vatican II lorsqu’il énonce les deux classes de révélations
que Dieu a faites aux hommes. Dieu s’est révélé sous une forme naturelle :
la Création et la conservation de la Création. Le Concile
qualifie cette Révélation de témoignage éternelle de la Présence divine. Qui
observe la Création, qui regarde la conservation si équilibrée et si
merveilleuse de la nature, même celui qui sent l’ébranlement d’un tremblement
de terre, la chaleur des incendies, les forces des ouragans, la beauté de la
création et le sublime des phénomènes que l’homme peut seulement admirer sans
pouvoir les contrĂ´ler. La tempĂŞte que saint Pierre lui-mĂŞme sentit sur le lac
de Génésareth. Combien petit se sent l’homme devant ces manifestations de
l’omnipotence du Créateur dans sa Création. C’est le témoignage de sa Présence.
Témoignage éternel, peu importe où nous tendons l’oreille ou ouvrons les yeux,
nous captons le murmure de la création, Dieu nous parle. C’est cela, la
révélation naturelle, c’est pourquoi saint Paul disait qu’aucun homme n’est
excusable ni ne peut être pardonné de nier l’existence de Dieu. Il est
nécessaire d’être très stupide ou très prétentieux pour affirmer que Dieu
n’existe pas. Dieu se laisse voir même si c’est de dos au cœur de sa Création.
Le Seigneur passe… Quelles belles poésies ont écrites les poètes qui voient dans
les créatures, comme l’empreinte du Créateur qui passe, comme lorsqu’on
remarque qu’un homme est passé en observant l’empreinte de ses pieds dans le
sable, on sent que Dieu est passé lorsque l’empreinte de sa Création et de sa
conservation est continuellement présente en notre monde, si près de nous.
Mais lorsque Dieu distingue la brise
légère comme sa manifestation la plus exquise, le Concile nomme cela la
révélation surnaturelle. Il a voulu nous révéler et nous manifester le mystère
de sa volonté. Par le Christ et par son Esprit, les hommes et les femmes
peuvent parvenir jusqu’au Père et participer à sa nature divine. Dieu parle aux
humains comme les amis parlent entre eux. Qui a un ami comprend cette belle
distinction.
Là où il n’y a pas de secret, où règne
la confiance, où existe la liberté d’expression, où les secrets se communiquent
sans peur d’être dénoncés; c’est ainsi que parle Dieu, ses secrets, ses
desseins sur la Création, sur les hommes, sur son Église. Qu’est-ce que Dieu
attend de l’humanité? Il est le Seigneur de l’Histoire! Qu’il est merveilleux
de se sentir comme Adam au paradis, oĂą la Bible dit que Dieu descendait pour
parler avec lui. Ce sont lĂ les moments savoureux que le Christ, le Fils de
l’Homme, sentit. En ce moment qu’est-ce que nous a révélé l’Évangile
d’aujourd'hui? Il est monté seul sur la montagne pour prier. Nous découvrons
souvent le Christ en dialogue avec son Père. Est-ce qu’Il voulait nous
enseigner à vivre en constante communication avec Lui? Qu’il nous faut vivre de
la vie de Dieu? Qu’il ne faut pas vivre du péché, du mensonge, qu’il faut nous
renier nous-mêmes dans la beauté, dans la sublimité de Dieu afin de Lui rendre
grâce pour les faveurs obtenues; pour Lui demander pardon pour nos infidélités;
pour lui demander, lorsque nos limites se heurtent devant l’impuissance de la
grandeur qu’Il nous demande. Il est nécessaire de comprendre que nous avons
cette capacité et que Dieu a le désir de remplir cette capacité.
C’est le beau côté de la prière et de
la vie chrétienne lorsque l’homme parvient à comprendre qu’un interlocuteur
divin l’a créé et l’a élevé avec une capacité pour pouvoir parler en égal. Que
ne donnerions-nous pas pour avoir ce pouvoir de nous créer un ami à notre goût
et, par un simple souffle de notre vie, avoir la capacité de nous comprendre
mutuellement et de converser si intimement avec lui, de sentir qu’il est
véritablement un autre moi? C’est ce qu’a fait Dieu. L’être humain est l’autre
« moi » de Dieu. Il nous a élevés pour pouvoir discuter avec nous et
partager avec nous ses joies, ses largesses et ses grandeurs. Quel
interlocuteur plus divin? Comment est-ce possible que nous puissions vivre sans
prier? Comment est-ce possible que l’être humain puisse passer toute sa vie
sans penser à Dieu, qu’il garde vide cette capacité du divin sans jamais la remplir. Si je ne
parvenais qu’à cela dans mon homélie d’aujourd’hui, qu’à éveiller l’intérêt de
découvrir ce qui peut-être n’a jamais été découvert.
Comme celui qui monte à l’étage pour
rencontrer le Christ et converser avec Lui. Quelle chance de pouvoir le
rencontrer! Peut-être ne sommes-nous pas encore montés à l’étage? C’est
pourquoi nous vivons au ras du sol, en parlant seulement des misères des
hommes, des mensonges et nous ne montons pas Ă cet Ă©tage oĂą comme le Christ Ă
la montagne pour parler seul Ă seul avec notre Dieu. Ce second plancher nous
l’avons ici à l’intérieur de nous, dit le Concile, Dieu a créé pour l’homme et
la femme la conscience comme un sanctuaire intime oĂą Il descend pour
s’entretenir seul à seul avec nous et où l’être humain décide de son propre
destin.
Ne soyons pas les esclaves de
personne. N’appelez personne maître sur la Terre, disait le Christ. Voyez,
quelle rébellion plus grande! Mais c’est la sainte rébellion de celui qui a
rencontré le seul qui puisse être appelé Seigneur. Lorsque quelqu’un a fait la
rencontre de ce Seigneur et Maître qui illumine la vérité dans l’intimité de la
propre conscience, cette personne est libre en vérité. Ils peuvent dire les
choses avec la sécurité de ceux qui se savent appuyés de Dieu. Puisse Dieu, mes
frères, que notre peuple, dévot du Divin Sauveur du Monde, sache comprendre
cette grandeur, ce dessein pour lequel Dieu nous a créés avec la capacité de
l’entendre, pour parler avec Lui, et surtout, pour comprendre le désir qu’Il a
de converser avec nous et de partager sa Vie avec nous. 13/08/78, p.117-120, V.
2) Signes de la présence de Dieu
parmi nous
Comment savons-nous que Dieu vit en
ce monde? C’est ma seconde réflexion. Les signes de la Présence de Dieu. En
plus de ces signes naturels desquels nous parlions comme les empreintes de Dieu
qui passe, la révélation naturelle, nous avons des signes merveilleux de la
révélation surnaturelle. Et ici je fais allusion à la seconde lecture où saint
Paul commence à affronter en ce neuvième chapitre de l’Épître aux Romains
(1-5), un problème qui le fait énormément souffrir. Il en arrive à dire qu’il
voudrait être lui-même anathème pour que les gens le comprennent.
Lorsque Paul est arrivé à converser
avec Dieu et à comprendre que son peuple Israël est un signe de Dieu qui veut
venir nous sauver; lorsqu’il regarde ses compatriotes israéliens qui ont rejeté
le moment où Dieu est venu en Jésus-Christ, Paul souffre énormément de voir que
ses compatriotes continuent de suivre la loi de MoĂŻse dans les Ĺ“uvres de la loi
et qu’ils croient davantage dans les institutions humaines qu’en l’amour d’un
Dieu qui nous a envoyé son propre Fils. Celui qui a eu la chance de connaître
le Christ qui est le sommet des révélations de l’Ancien Testament, sait que
toutes les escales de celui-ci n’étaient rien de plus que des échafaudages, que
des appuis. Maintenant que le Christ est venu, avec sa mort et sa résurrection,
Il a rempli la plénitude des promesses de Dieu et a sauvé le monde. Ni la
circoncision, ni le temple de Jérusalem, ni le sacerdoce d’Aaron, ni toutes les
lois de Moïse ne sont plus nécessaires. Ce fut là le grand conflit que Paul
vécut si intimement au point d’en arriver à dire (Rm 9,3) : « Car je
souhaiterais d’être moi-même anathème, séparé du Christ, pour mes frères, ceux
de ma race selon la chair. »
Israël est le signe de Dieu parmi
nous. Israël avec ses privilèges dont nous a parlé la seconde lecture. Alors
que saint Paul avait déjà abandonné la loi mosaïque et s’était fait chrétien,
il dit avec joie : « Comme chrétien que je suis, je vais être
sincère, ma conscience illuminée par l’Esprit saint m’assure que je ne mens
pas. » Pauvre Paul, lorsqu’il se fit chrétien, ils le traitèrent comme on
traite les juifs qui se font chrétiens, traîtres, anathèmes, un objet de
malédiction, c’est ce qu’est devenu Paul parce qu’il s’était fait chrétien.
Mais il dit (Rm 9,1-3) : « Je dis la vérité dans le Christ, je ne
mens point – ma conscience m’en rend témoignage dans l’Esprit saint. J’éprouve
une grande tristesse et une douleur incessante en mon cœur, car je souhaiterais
être anathème, séparé du Christ. »
C’est ici que commence l’énumération
des raisons pour lesquels Israël est le signe de Dieu parmi les hommes et
pourquoi ils furent adoptés comme fils. À aucun peuple Dieu ne dit tu es mon
fils comme Il le dit aux descendants d’Israël.
Deuxièmement, ils ont la Présence de
Dieu. En aucun autre peuple qui traversa l’Histoire ne se fit aussi présente la
Gloire de Dieu, comme lorsque Israël, en marchant au désert, sentait que Dieu
descendait dans la luminosité d’un nuage qui illuminait la nuit et qui durant
le jour les protégeait du soleil. Et lorsque l’on consacra le temple de
Jérusalem, une grande fumée et une grande lumière le remplissent. La Clarté de
Dieu, la Présence de Dieu se fait sentir en ce peuple.
Troisièmement, l’Alliance. Nous
sommes sur le mont Sinaï, cette semaine précisément, avec Élie, avec Moïse,
avec le Divin Transfiguré et nous savons que sur une montagne Dieu a parlé au
peuple : « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu. Cela est ma
loi. » Et lorsque le Christ inaugure l’Eucharistie que nous sommes en
train de cĂ©lĂ©brer ce matin, il transmet toute cette richesse de l’Alliance Ă
notre autel. Ceci est mon sang qui a été versé comme signe de l’Alliance avec
vous, Alliance du Nouveau et de l’Éternel Testament. Il n’y aura plus d’autres
alliances, mais celle du Sinaï préfigure celle de l’autel que nous célébrons.
Aujourd’hui, chers frères, la cathédrale et les communautés qui sont en
syntonie, nous sommes le peuple d’Israël en alliance avec Dieu, célébrant notre
alliance.
Quatrièmement, la Loi. Cet autre privilège,
aucun peuple, dit la Bible, n’a reçu une loi si sage parce qu’elle provient de
la Sagesse même de Dieu. En tant que peuple, Israël connaissait la loi que
voulait Dieu et que ne voulait pas Dieu. Saint Paul fait l’éloge de la Loi,
mais il dit : « La Loi ne suffit plus, parce que le Christ est venu
compléter la Loi et nous donner la force pour l’accomplir. Mais la Loi est
toujours un don, parce que même si c’est dans l’Ancien Testament que nous avons
reçu la Loi, elle demeure encore effective aujourd’hui. Celui qui croit en
Jésus-Christ, plénitude de la Loi, a aussi l’obligation du Décalogue de
l’Ancien Testament. La loi est un privilège, elle nous révèle la vérité sur ce
que veut Dieu et ce qu’Il ne veut pas. »
Le culte est un autre des privilèges
d’Israël. Le culte, c’était toute cette organisation et cette législation que
Dieu inspira Ă MoĂŻse de choisir une famille pour faire des prĂŞtres et accomplir
les rites qui se déroulaient dans le Temple de Jérusalem. Ces liturgies étaient
de véritables merveilles où Dieu se faisait présent pour recevoir des hommes,
représentés par les prêtres, l’humble hommage des Actions de grâce et des
prières de repentir. Du temple, Dieu bénissait ce peuple qui continuait de se
sentir comme le peuple de Dieu, qui sentait en son temple comme l’âme de sa
nationalité.
Les promesses. Saint Paul nous dit
qu’elles sont un autre des privilèges de l’Ancien Testament. Elles sont un
signe que Dieu est présent parmi les hommes. Lorsqu’un peuple a été élu pour
que lui soit dicté des promesses aussi sûres, aussi efficaces, nous pouvons
dire ceci : «Aucun homme n’a pu écrire sa biographie avant de naître sauf
un, cet homme c’est Jésus-Christ.» Les prophètes annoncèrent depuis des
siècles la physionomie, la figure, l’esprit, ce que Christ viendrait réaliser.
Ce sont les promesses de Dieu. Et c’est pourquoi saint Paul, lorsqu’il parle du
Christ, Le nomme l’Amen, l’accomplissement des promesses de Dieu. C’est
pourquoi saint Paul souffre autant de voir que son peuple ait refusé d’accepter
l’accomplissement pour demeurer avec les promesses de l’Ancien Testament. Il
sent de la peine pour son peuple davantage attaché à son culte, une institution
humaine, qu’à l’amour de Dieu qui inspire ce culte. Et la liste continue.
Les patriarches. MĂŞme dans le Nouveau
Testament on se réjouit lorsqu’on prononce : Le Dieu d’Abraham, le Dieu de
Jacob, le Dieu d’Isaac. Ces hommes que notre tradition théologique appelle les
bénis de Dieu, ces hommes qui sont comme le sommet de l’humanité, touchèrent
Dieu, ils se nommèrent les amis de Dieu et ils reçurent les premières
promesses. Ils sont comme les pères de notre foi. C’est ainsi que les chrétiens
appellent encore Abraham, le père de notre foi.
Et pour finir, le Christ, le Messie.
Qui est au-dessus de tout. Dieu bénit par les siècles. Saint Paul qui a placé
au sommet de cette montagne de privilèges, les Patriarches et le Christ. Comme
si déjà le peuple, l’humanité, a touché le divin et, une fleur de cette
humanité privilégiée : Marie, la Vierge, recueille dans ses entrailles le
Verbe de Dieu et le fait homme qui apparaît en ce monde, Fils de nos
patriarches, Fils des promesses de Dieu. C’est ce Christ que nous devons
recevoir, nous dit saint Paul. Le Christ est celui qui incarne la Présence de
Dieu dans l’histoire d’Israël. Dieu était présent au cours de toute l’histoire
d’Israël, parce qu’elle se déroulait comme une histoire porteuse du Fils de
l’Homme. Elle Le portait comme fécondée par la divinité de Dieu en promesse,
jusqu’à ce qu’elle donne le jour en cette sainte nuit de Bethléem. La Vierge
n’est pas seulement une femme, c’est toute une race. C’est tout un peuple
privilégié qui dans les promesses de Dieu a rencontré une Incarnation, ici, en
Marie.
Mais en plus d’Israël, en plus des
promesses faites à Israël et le Christ qui est la fleur de cette promesse,
frères en ces jours où l’Église devient une nouvelle de première importance, je
voudrais vous dire avec une joie immense que l’Église est aujourd’hui à partir
du Christ, l’accomplissement des promesses. L’Église prolonge la présence de
Dieu parmi les hommes. Paul nomme ce peuple chrétien qui est réuni aujourd’hui
en cette cathédrale : l’Israël de Dieu. Israël ne vaut pas tant parce
qu’il est le fils d’Abraham, il vaut parce qu’il est le fils des promesses de
Dieu. Il vaut parce qu’il a été chargé d’apporter le Christ. Et le nouvel
Israël, l’Église est aujourd’hui aussi celle qui est chargée de rendre présent
Notre Seigneur et Sauveur : JĂ©sus-Christ. 13/08/78, p.120-122, V.
3) Le Pape, le grand signe de
l’Église, le grand sacrement de l’Église
C’est ainsi que nous arrivons à notre
troisième réflexion de mon homélie. L’Évangile de saint Matthieu (14,22-23),
déjà présent dans les communautés chrétiennes, dans le nouvel Israël, est le
fruit de profondes réflexions. Lisez saint Matthieu et vous y trouverez
constamment : ceci s’accomplit afin que s’accomplisse ce qu’avaient annoncé
les prophètes. De sorte que Matthieu est comme le transfuge du vieil Israël
pour le peuple chrétien. Et précisément dans le passage d’aujourd’hui, nous
rencontrons une description de l’Église, parce que – et il est bon que vous
preniez cela en compte, surtout ces communautés qui étudient beaucoup
l’Évangile, si vous le voulez je vous l’enverrai par écrit – si tout l’Évangile
de saint Matthieu est comme un poème chanté au Règne de Dieu qui vient, Règne
des cieux le nomme Matthieu, qui vient en ce monde et se fait présent parmi les
hommes en un Enfant-Messie, par une promulgation de ce que va ĂŞtre son Esprit
dans les BĂ©atitudes. Lors des derniers dimanches, dans ses paraboles, le Christ
nous décrivait le Règne des cieux avec son humilité, mais dont personne ne peut
empêcher sa venue malgré les obstacles des mauvaises herbes et des mauvais
poissons.
Toute cette réflexion nous conduit
maintenant à réfléchir sur les chapitres 13 à 18 de saint Matthieu. Ils nous
parlent de la communauté humaine, où ce Règne de Dieu commence déjà à se faire
réalité. En cette communauté humaine, concrète, il y a un sujet principal qui
se distingue comme la tête. C’est
ici dans ces trois chapitres, trois passages qui font référence à saint Pierre,
un de ceux-ci est celui d’aujourd’hui, où il apparaît sur ce navire comme le
capitaine. Mais le bateau en soi, oĂą vont quelques apĂ´tres et dont le Christ se
tient tout près, même s’ils ne le sentent pas, même s’ils le confondent avec un
fantôme, cette embarcation, selon saint Matthieu, représente l’Église, la
communauté des hommes qui croient au Christ et qui possèdent l’autorité que le
Christ leur a laissée. Les apôtres, parmi lesquels se distingue le chef, le
prince des apĂ´tres qui est en son successeur, le Pape actuel.
Il est merveilleux de penser ce matin
comme nous l’avons si souvent fait en notre Église persécutée. D’autant plus
que l’on nie cette évidence, cela continue d’être la vérité. On persécute la
communauté chrétienne qui tente d’être fidèle et de s’identifier au Christ.
C’est la bourrasque, la tempête qui veut faire apparaître le Christ comme un
fantôme. Qui fait sentir le Christ avec la peur, c’est pourquoi plusieurs s’en
éloignent. Mais c’est ici que le Christ nous demande de vaillantes preuves de
foi, où Pierre apparaît comme celui qui est le plus éprouvé dans sa foi. C’est
qu’il lui est nécessaire d’avoir une foi spéciale. C’est pourquoi Pierre entre
dans une relation très personnelle que n’ont pas les autres apôtres avec le
Christ. Celui-ci lui tend la main pour lui signifier l’unité entre le Christ et
Pierre et l’Église qui marche avec Pierre.
Dans la Constitution du Concile sur
l’Église on décrit quelque chose qui me semble très important maintenant et
dont nous avons déjà parlé avec le problème de saint Paul. Si Israël était le
signe de la présence de Dieu dans l’Ancien Testament et si l’Église chrétienne
est le signe de la présence de Dieu parmi nos contemporains, pourquoi alors
l’Église n’est-elle pas sainte? Et pourquoi malgré tout, l’Église
demeure-t-elle nécessaire?
Je voudrais vous proposer ces trois
principes. Gardons cela à l’esprit en ces heures où l’Église est en conflit.
Premièrement : Dieu est dans le
Christ et le Christ est dans l’Église, mais le Christ déborde l’Église,
c’est-à -dire que l’Église ne peut prétendre posséder entièrement le Christ.
L’expression qui dit : seuls ceux qui sont dans l’Église sont des
chrétiens n’est pas exacte. Il existe de nombreux chrétiens de cœur qui ne
connaissent pas l’Église, mais qui sont peut-être meilleurs que ceux qui appartiennent
à l’Église. Le Christ déborde, comme lorsque l’on met un seau dans un puits
rempli d’eau, le récipient déborde d’eau, mais ne contient pas tout le puits.
Il y a encore beaucoup d’eau au dehors du seau. C’est ce que dit le Concile. Il
existe de nombreux éléments de vérité et de grâce qui appartiennent au Christ
et qui ne sont pas dans l’Église. C’est une des grandes révélations ou
redécouvertes d’une grande vérité pour ceux qui se font une vaine gloire
d’appartenir à l’Église. Sachez que nous pouvons dire : « Ici, on ne
trouve pas tous ceux qui le sont et nous n’y retrouvons pas non plus tous ceux
qui lui appartiennent. »
On n’y trouve pas tous ceux qui le
sont. Il y a de nombreux chrétiens qui ne sont pas membres de notre Église.
Béni soit Dieu qu’il existe plusieurs bonnes personnes, très bonnes, au-dehors
des limites de l’institution ecclésiale : protestants, juifs, musulmans,
etc. Un événement comme celui que nous avons vécu cette semaine nous fait
sentir cela. La mort du Pape a ébranlé non seulement la communauté
institutionnelle qui se nomme l’Église. Cet événement a transcendé, a débordé
l’Église parce qu’ils sentent dans le Pape une présence qu’eux-mêmes à leur
manière pressentent.
Le second principe est
celui-ci : l’Église est le signe de la Présence de Dieu et c’est pourquoi
elle est nécessaire. Même si l’Église ne contient pas tout le Christ, elle est
un signe que le Christ est en ce monde. Revenons Ă notre comparaison. Le seau
d’eau que l’on remplit à la source est le signe que cette eau est de cette
source, qu’il existe une source de laquelle on peut tirer de l’eau. Écoutez ce
que dit le Concile : « À cette société qu’est l’Église sont
incorporés pleinement ceux qui possèdent l’Esprit du Christ, qui acceptent la
totalité de son organisation et tous les moyens du Salut qu’Il a établis, et en
son corps visible sont unis au Christ, lequel est régi au travers du Pontife
SuprĂŞme et des Ă©vĂŞques par les liens de la profession de foi, des sacrements,
du gouvernement et de la communion ecclésiastique. Ne se sauvent pas cependant,
même s’ils sont incorporés à l’Église, ceux qui ne persévèrent pas dans la
charité, qui demeurent au sein de l’Église de corps, mais non de cœur. »
On peut appartenir à l’Église de corps, on peut être présent de corps à la sainte
messe à la cathédrale, mais ne pas y être de cœur. On peut être dans l’Église,
mais ne pas être de l’Église parce que le cœur n’y est pas. Il ne suffit pas de
dire : je suis d’une famille de baptisés. Si je ne vis pas conformément au
christianisme, je n’appartiens pas de cœur à ce corps mystique qu’est l’Église.
Les fils de l’Église ne doivent pas
oublier qu’ils ne doivent pas attribuer leur excellente condition à leurs
propres mérites, mais plutôt à une grâce singulière du Christ, à laquelle,
s’ils ne répondent pas en pensées, en paroles et en acte, loin de se sauver,
ils seront jugés avec une plus grande sévérité. Cela veut dire que nous les
catholiques, nous avons la chance d’avoir connu les moyens du Salut que le
Christ a apportés. En ce seau qui se nomme l’Institution Église est le Pape, la
hiérarchie, les sacrements qui sont les instruments de Dieu pour nous donner le
Salut. Mais il ne suffit pas d’avoir tout cela à notre disposition. Et ces
mêmes instruments (les prêtres) peuvent également être condamnés parce que nous
pouvons bien être les instruments de la grâce de Dieu et ne pas l’utiliser pour
nous-mĂŞmes.
C’est pourquoi maintenant nous
parlons du Pape et de l’Église comme institution, gardons cela à l’Esprit. Que
ni les prĂŞtres, ni les Ă©vĂŞques, ni le Pape, ni les sacrements, ni les
organisations ecclésiales ne contiennent tout le Christ. Mais ils sont
nécessaires pour rendre présente comme un signe perceptible, la Présence de
Dieu parmi nous.
C’est pourquoi le troisième principe
est celui-ci : ce ne sont pas tous les membres de l’Église qui possèdent
et irradient le Christ. Saint Paul se plaint justement de ce qu’un peuple aussi
privilĂ©giĂ© n’a pas voulu accepter le Christ. Et il dit : « Grâce Ă
Dieu, il demeure toujours un reste. » La Vierge, les apôtres, les premiers
chrétiens convertis du judaïsme sont le reste qui fut fidèle à la promesse et
accepta le Christ. Par contre, l’immense majorité du peuple continua de croire
en son institution. Faisons très attention, nous catholiques, en commençant par
nous les ministres de Dieu, ne croyons pas que parce que nous sommes Ă©vĂŞques ou
prêtres et parce que nous appartenons à l’institution ecclésiastique, nous
sommes les meilleurs chrétiens. Nous sommes un signe, mais nous pouvons être
comme la cloche qui sonne et appelle, mais qui demeure au-dehors. C’est ici
comment le Christ attire l’attention de tous ceux qui forment cette
institution, le visible du christianisme, pour que nous nous efforcions d’être
de véritables signes d’une présence de Dieu en ce monde.
C’est pour cela que le Pape que
j’appelle le grand signe de l’Église. Ubi
Petrus ibi celesia, dit la
théologie. L’Église se trouve là où est Pierre; c’est là une
des plus belles révélations de cette semaine.
Nous avons senti oĂą se trouvait le
centre du catholicisme. Ce que ne peuvent montrer d’autres confessions
chrétiennes. Ce que ne peuvent montrer d’autres religions. C’est pourquoi je
dis qu’il est nécessaire que l’institution existe. Le Pape dans son humilité se
croyait inutile. Et cependant, lui-même face aux protestants de Genève a
dit : mon nom est Pierre. Je suis Pierre. Le Christ a voulu que mon humble
personne soit le signe de sa présence, le centre de son Église.
Lorsque le Concile Vatican II, en
s’inspirant aussi du Concile Vatican I, nous enseigne sur ce qu’est le Pape, il
nous dit : « Pour que l’épiscopat soit un et indivisible, il mit à la
tĂŞte des autres apĂ´tres le bienheureux Pierre qui institua en sa personne le
principe et le fondement perpétuel et visible de l’unité de la foi et de la
communion. » Cette doctrine sur l’institution, perpétuité, pouvoir et
raison d’être de la sainte primatie du Pontife Romain et du magistère
infaillible, le Saint Concile la propose Ă nouveau comme objet de foi
inamovible de tous les fidèles.
Ce dogme de foi a été défini lors du
Concile Vatican I en 1870, à savoir que le Pape détient un primat qui est
infaillible, qui est l’autorité suprême du peuple de Dieu universel.
C’est pourquoi, mes frères, la mort
de Paul VI nous dit, à la lumière des Paroles de Dieu d’aujourd’hui, que Dieu
aspire à être avec les hommes et que ceux-ci possèdent la capacité d’être avec
Dieu jusqu’au point de pouvoir construire une organisation humaine qui se nomme
l’Église, où Dieu vit avec les humains. Et le signal de vérité de cette
PrĂ©sence de Dieu dans son Église, c’est le Pape. Il est fantastique de penser Ă
cette figure, Ă cette physionomie. Combien riche est le pontificat romain qui
confie à un seul homme la charge de maintenir le fondement et l’unité de son
Église. Le pontificat prend la physionomie, les caractéristiques si propres,
selon la personnalité de l’homme qui est choisi par cette institution.
Plusieurs d’entre nous peuvent se souvenir de Papes comme Pie XI, Pie XII, Jean
XXIII, et Paul VI, quelles figures plus distinctes de l’être humain. Et lorsque
Jean XXIII, revêtu de l’habit papal, montait au balcon de saint Pierre pour
annoncer au monde comme Pasteur universel, il dit : « Plusieurs se
demandent comment sera le nouveau Pape; sera-t-il un homme d’État, un diplomate,
ou un organisateur? Tous se sont trompés, dit le Pape, toutes ces choses
peuvent servir comme garnitures. Mais ce que l’on doit rechercher c’est un
Pape, c’est un pasteur. Et j’essayerai d’être le Pasteur, représentant du Bon
Pasteur.
De Paul VI, je disais Ă mes prĂŞtres
bien-aimés, durant nos réunions, qu’il possédait ce charisme de pouvoir parler
du Christ et de l’Église, qu’il défendit l’identité de l’Église malgré l’audace
avec laquelle il amena l’Église jusqu’aux frontières, jusqu’aux limites qu’elle
ne pouvait passer. Cet aggiornamento, cette mise à jour dans la théologie et
dans les problèmes de l’humanité, cette primatie du spirituel, ce dialogue
ouvert avec le monde, etc. La physionomie change avec chaque homme qui accède
au pontificat romain, mais l’institution demeure la même. Tu es Pierre et sur
cette pierre je construirai mon Église. 13/08/78, p.123-126, V.