Célébration de fin d’année
Action de grâces et demande de
pardon; Célébration de fin d’année. 31 décembre 1977.
Relation entre Dieu et son peuple
La communauté qui est réunie autour
de l’autel de la cathédrale se sent comme l’héritière de ce Peuple de Dieu,
Israël que Dieu choisit pour y déposer ses promesses, ses bénédictions. Quand
vint le Promis, lorsque les promesses parvinrent à leur plénitude de leur
accomplissement dans la personne du Christ, naquit le nouvel Israël, le peuple
chrétien. Ce que nous avons entendu dans la première lecture ne fait plus uniquement
référence aux relations entre cet Israël de l’Ancien Testament et son Dieu,
mais également, celle de cet Israël moderne, le christianisme de 1977 qui est
sur le point de commencer à être le Peuple de Dieu de 1978. […]
Bénédiction de Dieu à son peuple
Invoquer le nom du Seigneur est une
expression classique de la Bible qui signifie non seulement l’invoquer des
lèvres, mais prendre conscience que nous sommes le Peuple de Dieu. Cela veut
dire que l’Église de Dieu est engagée dans l’histoire humaine. Cela signifie
invoquer le nom de Dieu sur son peuple, que ce peuple a un engagement avec ce
Dieu et que dans sa destinée historique, ce peuple doit rendre gloire à Dieu
non seulement par l’expression de leurs bons sentiments, sinon en réalisant une
société qui est en vérité la société des enfants de Dieu. Société où la paix ne
soit pas uniquement l’équilibre de la terreur, où la paix ne soit pas le
silence des cimetières, où la paix soit la dynamique heureuse d’un Dieu de paix
qui précisément pour être un Dieu de la paix construit, se dépense,
dirions-nous, en bontés, réalisant la merveille multiforme de la création. Et ses
enfants doivent faire de mĂŞme : une paix qui se construit dans la justice,
dans l’amour et dans la bonté. 31/12/77, p. 111-112, III.
1) Une Action de Grâce
Parce que l’Église, le peuple de Dieu
de cette communauté de 1977, marquée par ce que nous avons appelé : une
heure de Pâques et de Croix. Croix dans la douleur de la persécution, croix
dans l’assassinat des prêtres qui moururent cette année. Ils ne devraient pas
ĂŞtre morts, ils devraient ĂŞtre encore en train de travailler avec nous, mais
nous les énumérons déjà parmi les défunts, non pas par la volonté de Dieu,
sinon par le crime des hommes. Croix de la persécution que nous sentons en
voyant les postes laissés vacants par ces prêtres qui nous ont quittés cette
année, dans la terreur des communautés où l’on réfléchit la Parole de Dieu et,
comme aux premiers temps du christianisme, l’on suspecte le christianisme
d’attenter à la paix des hommes qui pensent rendre un service à Dieu en tuant
les chrétiens.
C’est une heure de croix parce que
l’Église souffre également dans son cœur les multiples outrages à la vie, à la
liberté, à la dignité humaine. L’Église, chargée de la gloire de la terre, sent
qu’en chacun est inscrite une image de son Créateur et que tous ceux qui
l’outragent offensent Dieu. Et elle doit élever la voix. Elle sent aussi
qu’on lui crache au visage, qu’on lacère son dos, croix de passion.
Tout ce qu’ont souffert les hommes et
les femmes, même s’ils n’ont pas la foi, mais ce sont quand même des images de
Dieu qui ont soufferts. Il n’y a pas de dichotomie entre l’image de Dieu et
l’être humain. Celui qui torture quelqu’un, qui offense une personne, qui
outrage un être humain, offense l’image de Dieu et l’Église sent comme sienne
cette croix, ce martyre. 31/12/77, p.112, III.
2) Une supplique de pardon
Alors que nous nous lamentions et que
nous criions contre la persécution, alors que nous rejetions et que nous
répudiions la violence qui fit couler tant de sang en 1977, notre cri ne fut
jamais celui de la vengeance. […] L’Église ne hait pas. Comme Étienne le martyr
– que nous célébrons ces jours-ci – qui, alors qu’il périssait lapidé, éleva la
voix, la voix de l’Église (Ac 7,60) : « Seigneur, ne leur impute pas
ce péché. » Nous avons vécu, qui sait, l’année le plus tragique de
notre histoire, mais ce fut en même temps pour l’Église l’année la plus féconde
de notre histoire ecclésiastique. […] Ce que je fis cette année devant le
cadavre d’un prêtre assassiné, je veux le faire à nouveau en cette fin
d’année : un appel afin que tous fassent un effort pour la paix, que nous
construisons cette paix dynamique qui s’élance d’une Église qui tente de
demeurer fidèle à son Évangile. 31/12/77, p.113-114, III.
3) Action de grâce pour tâcher d’être
fidèle à l’Évangile.
L’Église a cela bien clair dans son
programme : être fidèle à son Évangile, tenter d’analyser sa propre vie,
ses relations sociales, sa situation dans le monde à la lumière de l’Évangile,
car seul ce qui peut résister à cette lumière est authentique. Aucun bonheur
d’un des fils de l’Église ne peut être authentique s’il ne se fonde pas dans
l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ qui proclame :
« Bienheureux ceux qui ont le cœur libre des prisons de la richesse, de
l’égoïsme, des vengeances, des rancœurs, des haines. » C’est cette
attitude que je vous demande d’avoir, très chers catholiques, en ce début
d’année. […]
Nous avons tous besoin de nous
convertir, moi le premier, mes prêtres, mes religieuses, les laïcs baptisés.
Une conversion aux promesses de notre baptême, renonçons à tout le mal et
convertissons-nous à tout ce qui est évangélique. […] Je me réjouis, frère, que
dans le camp protestant se réalise une sérieuse révision pour vivre l’Évangile.
Il a déjà des conflits. Béni soit Dieu! Parce que lorsqu’on met la main dans la
plaie conflictuelle de l’histoire, il se produit des conflits, il y a des
douleurs. Et le protestantisme est en train lui aussi de mettre la main dans
cette plaie, ils sont en train de dire qu’il n’est pas possible d’être de
véritables protestants, de véritables disciples de l’Évangile sans en tirer
toutes les conclusions que l’Évangile a pour les réalités de cette terre. On ne
peut pas vivre un Évangile trop évangélique, un Évangile de conformisme, un
Évangile qui ne soit pas une paix dynamique, un Évangile qui ne contienne pas
de dimensions exigeantes envers les choses temporelles également. […] Une
convivialité fraternelle qui s’inspire dans le sens d’une société démocratique,
mais dans son sens véritable, non dans les abus de cette parole, sinon dans le
sens que tout homme soit respecté dans ses droits légitimes, dans ses droits
primitifs qu’il a reçus dès sa création. 31/12/77, p. 114, III.