L’Église, Israël spirituel

 

L’Église, IsraĂ«l spirituel; Deuxième dimanche du carĂŞme; 19 fĂ©vrier 1978; Lectures : Genèse 12,1-4a; II TimothĂ©e 1,8b-10; Matthieu 17,1-9.

 

Celui qui prêche en cette cathédrale, comme à toutes les chaires de l’Église, n’est rien d’autre que l’humble écho de cette voix divine de Jésus-Christ Notre Maître qui nous oriente. Celui qui prêche ne fait rien d’autre que de prendre cette Parole Éternelle et illuminer notre réalité par où notre histoire passe en pèlerinage. C’est la raison de ma préoccupation d’apporter comme cadre à la lecture de chaque dimanche l’histoire de chaque semaine. C’est une histoire si dense que celle du Salvador, très chers frères, qu’elle ne se répète jamais. Chaque dimanche nous rencontrons des événements qui réclament l’éclairage de la Parole du Seigneur. Le véritable chrétien d’aujourd’hui au Salvador ne peut faire abstraction de ces réalités à moins qu’il ne veuille professer un christianisme aérien, sans réalité sur la terre, un christianisme sans compromis, spirituel. Il est ainsi très facile d’être chrétien, désincarné, détourné des réalités où nous vivons.

 

Cet Évangile, que par ordre du Père Éternel nous devons entendre du Christ, nous devons le vivre dans le cadre réel de notre existence. C’est difficile, c’est ce qui crée des conflits, mais c’est ce qui rend authentiques la prédication de l’Évangile et la vie de chaque chrétien. Chacun de vous, très chers frères, a sa propre histoire, l’histoire de sa propre famille, de sa propre communauté. Il serait impossible d’analyser ici toutes ces histoires concrètes, c’est cela le travail que chacun doit faire dans son intimité. Illuminer ses espoirs, ses projets, ses désillusions, ses fracas, éclairons-les de la Parole de Dieu pour que nous vivions toujours de foi et d’espérance. 19/02/78, p. 27, IV.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Dieu sauve les hommes en constituant un peuple de Dieu

2) Le Christ transfiguré est l’héritier de toutes les promesses salvatrices de Dieu

3) L’Épître de saint Paul nous recommande de traduire en solidarité avec Abraham et avec le Christ notre vie chrétienne

 

 

1) Dieu sauve les hommes en constituant un peuple de Dieu.

 

Un jour, un jeune de Santa Tecla me fit cette observation très intĂ©ressante. Il me dit : « Comment se peut-il qu’Adam ait Ă©tĂ© si parfait et que l’humanitĂ© après lui ait commencĂ© Ă  monter d’un abĂ®me si profond? Ne serait-ce pas que l’humanitĂ© fut crĂ©Ă©e si imparfaite que nous marchons vers le haut? Â»Je lui ai rĂ©pondu alors : « C’est ce que le critère humain nous dicte, mais Ă  la lumière de la RĂ©vĂ©lation, Adam Ă©tait l’homme parfait, Adam Ă©tait l’idĂ©al de Dieu. Le second Adam qui allait venir est le Christ, se prĂ©figurait dĂ©jĂ  dans cette figure merveilleuse du premier homme, le Christ qui devait venir. Mais cet homme merveilleux perdit toute sa grandeur surnaturelle, son amitiĂ© avec Dieu, et lorsqu’un homme a coupĂ© contact avec Dieu, mĂŞme s’il conserve ses qualitĂ©s humaines, il dĂ©gĂ©nère toujours davantage. Â» L’histoire nous le prouve : que tout homme, aussi intelligent qu’il soit, aussi capable qu’il soit, mais qui ne recherche pas l’amitiĂ© avec Dieu, qui ne prie pas, n’est pas digne de confiance. […]

 

L’homme dégénère lorsqu’il s’éloigne de sa relation à Dieu. Ce sont là les premiers chapitres de l’histoire de l’humanité. A versio a Deo, elle s’éloignait de plus en plus de Dieu. Rappelez-vous les chapitres du Déluge universel, de l’incendie de Sodome et Gomorrhe, souvenez-vous du crime de Caïn contre son frère Abel. C’est cela l’homme sans Dieu. 19/02/78, p.32-33, IV.

 

 

Dieu choisi Abraham pour se donner un peuple

 

Ă€ partir du chapitre 12 de la Genèse, l’histoire change d’aspect. Lisons avec attention. De lĂ , prenons la première lecture (Gn 12, 1-4) d’aujourd’hui. Dieu prend l’initiative de former un peuple et de donner Ă  ce peuple les promesses et les espĂ©rances. C’est la grande mission d’Abraham et d’IsraĂ«l : « Je ferai de toi un grand peuple de qui naĂ®tra le RĂ©dempteur. Â» Abraham, un homme de 75 ans, un homme que nous dirions terminĂ©, est cependant choisi par Dieu pour en faire sa nouvelle crĂ©ation. De lui naĂ®tra un peuple, mais celui-ci exige d’Abraham un grand renoncement (Gn 12,1-3) : « Quitte ton pays, ta parentĂ© et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bĂ©nirai, je magnifierai ton nom; sois une bĂ©nĂ©diction! Je bĂ©nirai ceux qui te bĂ©niront, je rĂ©prouverai ceux qui te maudiront, par toi se bĂ©niront tous les clans de la terre. Â»

 

Quel vieillard plus formidable! C’est un homme anonyme, un homme que ces tribus semi-nomades d’Ur, de Calde. Dieu choisit un illustre inconnu de l’histoire. Comme c’est curieux, Abraham marche comme lui avait dit le Seigneur. Vers oĂą? Sans but, « Ă  la terre que je te montrerai. Â» Et il passa toute sa vie en pèlerinage en Canaan qui allait ĂŞtre la terre promise, mais après de nombreuses gĂ©nĂ©rations. Abraham fut un pèlerin sur sa propre terre promise, il ne la connut pas, pourrions-nous dire. Dieu Ă©prouvait sa foi. Et lui, stĂ©rile, mariĂ© Ă  une femme stĂ©rile, Dieu lui promet que de ses entrailles va naĂ®tre une grande nation. Jusqu’à Sara se met Ă  rire. Mais le miracle arrive lorsque les entrailles fĂ©condes de Sara donnent naissance Ă  Isaac. Mais Dieu lui fait subir une autre Ă©preuve : sacrifie-le-moi, tue-le-moi, et Abraham, obĂ©issant, s’en va offrir l’unique espĂ©rance de sa descendance. Il l’emmène, image de JĂ©sus avec sa croix sur les Ă©paules. C’est pourquoi en l’Église du Calvaire de JĂ©rusalem, la figure la plus belle est celle d’Isaac avec son paquet de bois qui marche vers la montagne oĂą il va ĂŞtre sacrifiĂ©. Sauf qu’Abraham fut arrĂŞtĂ© par un ange : « Ne le tue pas, tu m’as prouvĂ© ta foi! Â»

 

C’est pour cela, frères, que ce dĂ©tachement d’Abraham, cet abandon Ă  l’impossible, cette folie de la foi sont ceux que Dieu nous demande. La foi c’est se lancer dans les bras de Dieu, la foi c’est croire ce que Dieu dit mĂŞme lorsque cela paraĂ®t impossible, la foi c’est Marie lorsqu’un ange lui dit que, sans perdre sa virginitĂ©, elle va ĂŞtre mère. « Je ne le comprends pas, mais qu’il soit fait selon ta volontĂ©! Â» La foi demande cet abandon et c’est pour cela qu’Abraham est non seulement appelĂ© le père d’IsraĂ«l, mais le Père de la foi. Il est le modèle du croyant. 19/02/78, p.34-35, IV.

 

 

2) Le Christ transfiguré est l’héritier de toutes les promesses salvatrices de Dieu

 

 

Le Christ et l’Israël croyant

 

LĂ  sur la montagne de la transfiguration apparaissent les personnages de l’Ancien Testament descendant d’Abraham, MoĂŻse et Élie; tout l’IsraĂ«l croyant, tout l’IsraĂ«l qui attend. MoĂŻse est le symbole de la loi, Élie est le symbole des prophètes. La loi et les prophètes Ă©taient comme la constitution d’IsraĂ«l. Ce qui avait Ă©tĂ© Ă©crit comme Alliance entre Dieu et les hommes, ce qui avait Ă©tĂ© Ă©crit comme la volontĂ© de Dieu toujours active au travers des prophètes : « C’est ce que dit le Seigneur, conservez mes espĂ©rances, conservez mes promesses. Â» De ces espĂ©rances et de ces promesses vĂ©curent les siècles antĂ©rieurs au Christ.

 

Et un jour, le Christ dĂ©jĂ  prĂ©sent, fonde le Nouveau Testament, l’Alliance Nouvelle et Éternelle. Il a dĂ©jĂ  choisi quelques hommes qui appartiennent Ă  l’IsraĂ«l d’Abraham, mais qui sont dĂ©jĂ  rentrĂ©s dans l’IsraĂ«l du christianisme. Pierre, Jacques et Jean n’appartiennent dĂ©jĂ  plus Ă  l’Ancien Testament mĂŞme s’ils sont des fils d’Abraham. Avec JĂ©sus apparaissent sur le mont de la transfiguration les personnages de l’Ancien Testament : MoĂŻse et Élie. Le Christ au milieu d’eux est transfigurĂ©, son visage resplendit comme le soleil, ses vĂŞtements sont blancs comme de la neige. C’est la figure de Dieu fait homme, et le Père lui-mĂŞme l’atteste : « Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimĂ©. Il est le promis, c’est de lui que j’ai dit qu’il allait ĂŞtre source de bĂ©nĂ©diction, descendant d’Abraham. En lui seront bĂ©nies toutes les nations! Il n’a pas Ă©tĂ© donnĂ© d’autres noms aux hommes dans lesquels ils puissent se sauver en dehors de celui de JĂ©sus. Et JĂ©sus apparaĂ®t ici comme en des Pâques anticipĂ©es, comme un RessuscitĂ© qui n’aura dĂ©jĂ  plus rien Ă  voir avec la mort et les misères de la terre. 19/02/78, p.35, IV.

 

 

Chemin vers la croix et vers la résurrection

 

Pierre s’enhardit et dit : « Seigneur, qu’il est bon d’être ici, c’est cela la destinĂ©e, et les aspirations de l’humanitĂ©! Â» Et le Christ lui dit : pas encore, ne dis rien de cela parce que les jours amers de la passion ne sont pas encore venus, jusqu’à ce que Je ressuscite d’entre les morts pour sauver les humains, parce que sans cette mort il n’y aura pas de RĂ©demption. Â» Mais il ne s’agit pas d’une mort Ă©chec, mais d’une mort condition pour la RĂ©surrection. C’est une mort oĂą seront payĂ©es toutes les dĂ©sobĂ©issances dans la douleur d’une croix, c’est une mort nĂ©cessaire, amère et difficile pour que tous les pĂ©chĂ©s des hommes et des femmes puissent ĂŞtre pardonnĂ©s. Le glorieux c’est que de cette mort, de cette tombe, Il ressort ressuscitĂ©. C’est ce que nous appelons le mystère pascal, Pâques qui sera mort et rĂ©surrection.

 

Vers Pâques marche le carême, chemine le christianisme toute sa vie, toute son histoire, marchant vers la croix et vers la Résurrection. C’est pour cela, mes frères, qu’il ne faut pas nous surprendre d’avoir une Église qui vit de nombreuses croix parce que dans le cas contraire, elle ne participerait pas beaucoup non plus de la Résurrection. Une Église accommodée, une Église qui recherche le prestige sans la douleur de la croix, ce n’est pas l’Église authentique de Jésus-Christ.

 

Le Christ dans la plĂ©nitude de sa gloire sur le mont Tabor, le Christ nouveau, le Divin Sauveur patron de notre patrie, « est l’acquiescement des promesses divines Â» nous dit saint Paul. Quelle belle expression! Le Christ est l’acquiescement, celui qui dit oui au Père, c’est en lui que s’accomplissent les promesses de pardon, de Salut. Le Christ est le chemin par oĂą les hommes tombĂ©s se convertissent Ă  Dieu. Depuis Abraham a commencĂ© le chapitre de la conversion Ă  Dieu. Et le Christ avec sa croix et Pâques ne fait rien d’autre qu’appeler les hommes Ă  leur vĂ©ritable grandeur en tant qu’être humain et comme sociĂ©tĂ©. Il ne peut pas y avoir une sociĂ©tĂ©, une nouvelle manière de vivre sans avoir le Christ RĂ©dempteur. C’est Lui seul qui peut inspirer les Ă©goĂŻstes au repentir, ceux qui ont plein de ressentiments au travail honorable et honnĂŞte, Ă  tous, au vĂ©ritable sens de la libĂ©ration chrĂ©tienne, pour que nous nous rachetions du pĂ©chĂ© et de la mort pour participer Ă  sa gloire. 19/02/78, p.35-36, IV.

 

 

3) L’Épître de saint Paul nous recommande de traduire en solidarité avec Abraham et avec le Christ notre vie chrétienne (II Tm 1, 8-10)

 

 

L’appel de Dieu à l’homme

 

Celui qui prĂŞche, celui qui fait Église, celui qui proclame la Parole de Dieu, celui qui convoque la communautĂ© chrĂ©tienne, celui qui enseigne dans un collège avec un vrai sens Ă©vangĂ©lique, tous ceux qui veulent vivre dans leur famille le vĂ©ritable christianisme, ne vous fiez pas en vos propres forces, mais en Dieu, avec la force que Dieu donne. « Il nous a sauvĂ©s et nous appelle Ă  une vie sainte. Â» Voyez quel Ă©cho merveilleux, dans le christianisme de Paul Ă  TimothĂ©e, l’écho de Dieu Ă  Abraham, une vocation : « Quitte ta parentĂ©, recherche la terre que je te montrerai! Â»

 

C’est ce que fait Dieu avec chacun de nous. Bienheureux celui qui Ă©coute cet appel de Dieu : « Viens, laisse ta vie de pĂ©chĂ©s, abandonne cette situation commode de ton argent, de tes haciendas, de tes biens dans lesquels tu veux t’installer. Laisse ces choses qui ne rendent heureux que sur la terre et suis la route que je vais t’indiquer. Abandonne-toi Ă  la foi, abandonne-toi Ă  l’amour, vis l’amour parce que, sans amour, rien ne sert de possĂ©der. Â» L’amour est ce qui donne Ă  l’homme son vĂ©ritable dĂ©veloppement. L’avarice, a dit Paul VI, est le signe le plus Ă©vident du sous-dĂ©veloppement moral. L’égoĂŻsme est un sous-dĂ©veloppement. C’est pourquoi l’appel Ă  tous les chrĂ©tiens en cette heure de l’Église est le mĂŞme que l’appel de Dieu Ă  Abraham : « Viens vers la terre que je te montrerai! Â»

 

 

La sanctification est l’initiative de Dieu

 

Très chers frères, la religion n’est pas une invention de l’être humain, personne ne peut se forger un christianisme Ă  son goĂ»t. Personne ne peut imposer ses règles au prĂ©dicateur de l’Évangile selon ses caprices. C’est Dieu qui nous envoie prĂŞcher, c’est la parole de l’Évangile que nous devons prononcer. C’est Dieu qui prend l’initiative de sauver l’être humain. C’est en cela que rĂ©side la grande diffĂ©rence avec les fausses religions et la religion vĂ©ritable. Les fausses religions proviennent de la volontĂ© des humains, ils inventent la façon d’adorer leur dieu, de croire leur foi, d’organiser leur vie religieuse, mais c’est une religion d’hommes. La religion vĂ©ritable est celle d’Abraham. Yeux et oreilles aux aguets : « Qu’est-ce que dit le Seigneur? De lĂ  vient l’initiative, et nous nous devons de croire en une foi qui soit non pas Ă  notre goĂ»t, mais selon la volontĂ© du Seigneur, et nous devons vivre une morale non pas inventĂ©e par nous, mais comme Dieu la veut par ses commandements. C’est pourquoi Dieu dit en nous montrant le Christ qu’Il est son messager, sa parole, la plĂ©nitude de sa rĂ©vĂ©lation, sa voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimĂ©, en Lui je vous ai envoyĂ© dire la plĂ©nitude de la rĂ©vĂ©lation, Ă©coutez-le, celui qui le suit se sauvera, celui qui veut s’inventer un christianisme Ă  son goĂ»t, selon ses commoditĂ©s, sans conflit, sans difficultĂ©, paresseux, Ă©goĂŻste, ce n’est pas mon christianisme, ce n’est pas la parole de mon Fils bien-aimĂ© en qui j’ai mis toute ma confiance. 19/02/78, p. 37, IV.