La Mission de l’Église
Cinquième dimanche de Pâques; 8 mai
1977; Lectures : Actes 14,21b-26; Apocalypse 21,1-5a; Jean 13,31-33a,
34-35.
Selon le Concile : « Le
devoir de l’Église est de donner son jugement moral, inclusivement dans les
domaines qui se réfèrent à l’ordre politique lorsque l’exigent les droits
fondamentaux de la personne et le Salut des âmes. »
Permettez-moi de citer cette très
belle phrase du Pape Pie XI – j’étais alors étudiant à Rome et cette phrase m’a
beaucoup ému : « L’Église ne fait pas de politique, mais lorsque la
politique touche son autel, l’Église défend son autel. » Les droits de
l’homme intéressent l’Église. La vie menacée intéresse votre Mère l’Église. Les
mères qui souffrent sont présentes au cœur de l’Église. Ceux qui ne peuvent pas
parler, ceux qui souffrent, ceux qui sont torturés, réduits au silence,
intéressent l’Église. Cela n’est pas faire de la politique, mais lorsque la
politique touche à l’autel, elle s’en prend à la morale et l’Église a le droit
de donner une parole d’orientation morale. 08/05/77, p.28-29, I-II.
« Je reconnais que je suis un
homme et que je peux me tromper ». C’est pourquoi j’ai ouvert le dialogue
(avec le gouvernement). Tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi peuvent
venir me voir pour discuter de mes erreurs. Mais ne me critiquez pas sans
m’écouter d’abord. En tant qu’êtres humains, nous pouvons tous nous tromper.
Cependant, dit le message, tous les prêtres et l’évêque réunis, nous disons
d’une seule voix : « Nous voulons demeurer fidèles à notre mission
prophétique pour orienter les hommes à travers toute cette confusion. »
C’est cela, notre intention, ne la faussez pas. Nous voulons orienter et nous
prenons à témoin le Peuple de Dieu qui nous écoute, qui nous lit, qui recherche
une orientation. Ne faites pas taire cette voix qui oriente. Corrigeons ses
erreurs possibles. Nous sommes disposés à dialoguer, à entendre en quoi nous
abusons, en quoi nous nous trompons. Ce sont des choses accidentelles qui
peuvent être corrigées. Mais laissez-nous parler et orienter. C’est pourquoi
nous réitérons notre promesse de fidélité à la Parole de Dieu et au magistère
de l’Église. C’est cela, l’orientation du prêtre : la parole de Dieu et le
magistère de l’Église.
Et devant cette inspiration de la
Parole de Dieu et du magistère de l’Église, nous tenons à dire comme saint
Pierre devant les autorités de Jérusalem (Ac 4,19) : « Il ne
nous est pas permis d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu, » et au magistère
de l’Église. Par ailleurs, nous sommes conscients que nous ne serions pas en
communion avec notre Église si nous annoncions et travaillions pour une
libération uniquement politique et socioéconomique. C’est-à -dire si la
libération et la Rédemption que l’Église enseigne par ses prêtres cherchaient
seulement des rédemptions économiques et politiques à la manière du marxisme,
qui n’a ni foi en Dieu, ni d’espérance dans le Ciel, ce ne serait pas là le
message de l’Église. Qu’il soit bien clair que l’Église prêche la justice
sociale, l’égalité et la dignité des êtres humains, en défendant celui qui souffre,
celui qui est outragé, cela n’est pas de la subversion, cela n’est pas du
marxisme. C’est l’authentique magistère de l’Église. Puisse Dieu chers frères
que nous nous intéressions à ce que dit l’Église à partir du Concile Vatican
II.
Et cela n’est pas une trahison envers
les traditions de vingt siècles, mais c’est les faire évoluer aux temps
modernes. Voyez comme il est facile de confondre l’Église avec le marxisme si
l’on ne tient pas compte du fait qu’elle vit d’espérance, de Dieu, du spirituel,
de la prière. Et cela lui donne davantage d’énergie qu’aux communistes. Le
paradis se consommera là -bas dans l’éternité, mais la construction du Règne de
Dieu débute ici sur Terre comme nous dit aujourd’hui l’Apocalypse (21,1-5a) que
le Christ est venu pour Ă©tablir par sa RĂ©surrection une condition nouvelle pour
l’être humain : de sainteté, de justice et d’amour. Il n’est pas
nécessaire d’attendre ou de mourir pour posséder le Ciel. Déjà , sur Terre
s’enseigne l’amour. Et tant qu’il n’y aura pas d’amour, il n’y aura que cette
triste réalité : l’homme sera un loup pour l’homme.
Il en est ainsi lorsque l’amour du
Christ s’éteint dans les cĹ“urs et l’Église prĂŞche prĂ©cisĂ©ment l’amour, mĂŞme Ă
ceux qui la persécutent et la calomnient. Comme a dit le Christ :
« Aimez ceux qui vous persĂ©cutent et vous calomnient, faites le bien Ă
ceux qui vous détestent. » C’est cela, que nous prêchons. Non pas la
vengeance, ni la lutte des classes, ni la violence. Seul un aveugle ne pourrait
voir qu’en ces circonstances de violences, de persécutions, nous avons été avec
celui qui souffre, qu’il soit pauvre ou riche. Nous ne sommes pas une classe
sociale. […] La mission de l’Église ne se confond pas avec le marxisme, avec la
subversion, avec la haine, parce que l’Église trahirait alors sa mission.
08/05/77, p.29-30, I-II.
Message équilibré de l’Église
Nous sommes conscients que nous ne
serions pas en communion avec notre Église si nous n’annoncions qu’une
libération simplement politique et socioéconomique. Par ailleurs, une libération
exclusivement transcendante se situerait Ă©galement au-dehors de la communion et
de la foi catholique. Un prêtre ou un croyant qui, au nom d’une tradition sans
évolution et sans immanence; c’est-à -dire sans incarnation dans les problèmes
temporels et historiques, rejetterait l’enseignement du Concile Vatican II, de
la ConfĂ©rence Épiscopale latino-amĂ©ricaine de MedellĂn, du Pape actuel et de
l’évêque diocésain en communion avec le Pape, ne serait plus de fait en
communion avec son Église. L’évêque, en communion avec le Pape, est le seul
maître autorisé à enseigner et à autoriser l’enseignement authentique de
l’Église dans son diocèse.
Oui, mes frères tandis que d’une
part, on accuse l’Église d’être marxiste, subversive et d’autre part, on veut
l’enfermer dans une tradition sans immanence, c’est-à -dire une spiritualité
désincarnée, une prédication qui se maintient dans les nuages, qui chante des
psaumes, qui prie, mais qui ne se soucie pas des réalités temporelles. Ceux-là ,
non plus, ne sont pas catholiques, parce que toute la documentation moderne de
l’Église s’inspire précisément de l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 13,35) « À
ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de
l’amour les uns pour les autres. » Et la prédication moderne de l’Église
accentue cet amour fraternel. Peut-être avions-nous trop insisté sur l’amour de
Dieu, nous pensions que nous aimions Dieu tandis que nous maltraitions nos
frères. Aujourd’hui, l’Église exige si vous aimez Dieu en vérité de bien
traiter votre prochain, votre travailleur, votre subalterne, votre prisonnier.
Et alors il y aurait de l’amour même en prison, il n’y aurait plus partout
cette haine, cette violence que l’on note à notre époque. 08/05/77, p.30-31,
I-II.
La mission de l’Église, au cœur de la
confusion, doit se faire prophétique afin d’orienter la société en orientant
tous les hommes et les femmes de bonne volonté. Cette parole prophétique se
veut en lien avec la Parole de Dieu et avec le magistère de l’Église et sa
doctrine sociale. La véritable libération qu’annonce l’Église ne saurait se
limiter au simple plan politique et socioéconomique comme le fait le marxisme
qui n’a pas la foi en Dieu. Il fait référence à Vatican II : « C’est
cette foi en Dieu qui maintient l’Église dans l’Espérance et la lutte pour la
libération de cette Terre », sans affirmer qu’elle sera le paradis
terrestre, comme le font les marxistes. Mais construisons dès aujourd’hui le
Règne à venir dans l’amour que le Christ nous a légué afin que l’être humain ne
soit plus un loup pour son semblable. 08/05/77, p.29-30, I-II.