L’Esprit de Dieu dans l’Église
PentecĂ´te; 29 mai 1977;
Lectures : Actes 2,1-11; I Corinthiens 12,3b-7.12-13; Jean 20,19-23.
Nous sommes comme le petit David face
au géant Goliath, qui se fie à ses armes, à son pouvoir et à son argent.
Confions-nous dans le Seigneur, notre faiblesse sera grande et puissante dans
la mesure oĂą elle sera humble et amoureuse et se confiera dans le nom du
Seigneur.
Plan de l’homélie :
1) L’Église, phénomène d’ouverture
humaine Ă la force divine
2) Sécurité de la Vérité
3) Garantie d’Unité
1) L’Église, phénomène d’ouverture
humaine Ă la force divine
Dans le dernier message des Ă©vĂŞques
salvadoriens, nous dénoncions deux systèmes matérialistes tout aussi
épouvantables : le matérialisme athée des marxistes et également, le
matérialisme égoïste du capitalisme libéral. Ces deux systèmes sont
matérialistes : c’est pourquoi aucun d’eux ne s’entend avec l’Église qui
est par essence spirituelle, élévation vers Dieu. Elle dit à l’homme :
« N’est-ce pas magnifique! » C’est ce que manifeste la
Pentecôte : Un Dieu qui crée un espace parmi les humains pour leur donner
sa vie, sa vérité et son essence.
Saint Paul a dit :
« Personne ne peut dire que Jésus est Seigneur sinon sous l’inspiration de
l’Esprit saint. » Méditez cette phrase! Avec les lèvres, nous pouvons
dire : « Jésus est Seigneur! », mais sentir, approfondir tout ce
que cela veut dire, je le peux seulement si Dieu me permet d’entrer en
communion avec Lui, seulement si je sens la capacité de prier. L’homme qui ne
prie pas n’a pas développé toute sa force humaine; l’homme qui ne croit pas que
Dieu existe est mutilé; l’homme qui ne prie pas parce qu’il est agenouillé devant
son matérialisme – nommons-les argent, politique ou autre chose – n’a pas
compris la véritable grandeur de son être.
Prier, c’est comprendre que ce
mystère que je suis, homme ou femme, possède des limites et c’est là où
commence l’essence infini de celui avec qui je peux dialoguer. Si j’avais le
pouvoir de créer de mes mains un ami à mon goût auquel je pourrais transmettre
toute ma pensée, toute ma liberté, tout ce que je suis pour pouvoir établir
avec lui un dialogue, de mes mains naîtrait une créature qui deviendrait en
même temps mon interlocuteur. Mais cela est impossible. Parmi les hommes, c’est
impossible. Seul Dieu, qui a fait le Ciel et la Terre, possède la capacité de
créer un interlocuteur, un prince de la création pour qu’il interprète la beauté
du Soleil et des étoiles, pour qu’il interprète la joie de la vie, pour qu’il
sente l’angoisse de sa petitesse et parle avec Celui qui peut le secourir, avec
l’Auteur de toutes choses. C’est cela prier! C’est la capacité de l’être humain
de comprendre qu’il a été créé par quelqu’un de puissant qui l’a élevé pour
ĂŞtre son interlocuteur, pour parler avec Lui.
C’est cela, la Pentecôte, c’est cela,
l’Église : apporter aux humains ce message. C’est pour cela que l’Église
prêche avant tout sa mission religieuse, elle enseigne à prier. Elle s’afflige
lorsque ses enfants ne prient pas : la prière que nous avons tant essayé
d’inculquer. C’est cela, mes frères, notre Église, l’âme de notre Église.
L’Esprit saint n’est pas autre chose que ce Dieu qui se met en communication
avec nous et qui nous invite à utiliser notre liberté, notre intelligence, pour
nous ouvrir à son Intelligence, pour nous ouvrir à l’Absolu et entrer en
dialogue avec notre Créateur. Il m’a rendu capable de devenir son fils, il
m’attend dans son Ciel, me console sur la Terre et me conduit par des chemins
dignes d’un enfant de Dieu. 29/05/77, p.71-72, I-II.
2) Sécurité de la Vérité
La seconde pensée, mes frères, que je
veux vous annoncer sur la Pentecôte, est la Sécurité de la Vérité. Je serai orgueilleux d’affirmer que je suis
certain de la Vérité si le Christ ne l’avait pas dit lui-même aux
apôtres : « Je vous enverrai l’Esprit de la Vérité qui vous
enseignera tout. »
C’est cet Esprit de Vérité qui anime
l’Église à prêcher, à écrire, à parler. L’Esprit de la Vérité parle devant le
mensonge, il détruit les ambiguïtés. Pourquoi cette Église inspirée par
l’Esprit de Vérité se tairait-elle lorsqu’elle-même est victime de la calomnie
et des malentendus? IL existe des espaces payés dans les journaux où la vérité
se dit à moitié. C’est pire que mentir! Les pages noires de l’Église sont la
partie humaine, et il faut les situer dans leur contexte historique oĂą elles se
produisent. L’Église n’est pas criminelle! La persécution des Jésuites est
historique et si nous savions que leur fondateur lui-mĂŞme, saint Ignace de
Loyola, demanda pour son ordre le signal de la persécution, nous serions moins
surpris de ce qui se produit actuellement.
La persécution est quelque chose de
nécessaire pour l’Église. Savez-vous pourquoi? Parce que la Vérité est toujours
persécutée. Jésus-Christ l’a dit : « S’ils m’ont persécuté, ils vous
persécuteront vous aussi. » C’est pourquoi, lorsqu’un jour on demanda au
Pape Léon XIII, cette grande personnalité intelligente du début de notre
siècle, quelles sont les caractéristiques qui permettent de reconnaître la
véritable Église catholique, le Pape dit : « Les quatre
caractéristiques déjà connues auxquelles nous ajouterons la persécution. »
L’Église ne peut accomplir son devoir sans être persécutée. L’Église enseigne
la Vérité comme Dieu ordonna aux prophètes d’annoncer sa Vérité face aux
mensonges, aux injustices et aux abus de leur Ă©poque.
Comme cela Ă©tait difficile! Certains
voulaient fuir Dieu parce qu’ils savaient qu’aller dire la VĂ©ritĂ© Ă©quivalait Ă
une sentence de mort. Lorsque le prophète Jean Baptiste se présenta au palais
d’Hérode pour lui dire : « Il ne t’est pas permis de vivre dans
l’adultère », cette femme, comme une vipère, arrache au roi la décapitation
du prophète.
Il en est toujours ainsi lorsqu’on
prêche la vérité contre les injustices, contre les abus, contre les outrages,
la vérité fait souffrir. Vous ai-je déjà parlé de la comparaison très simple
que faisait un paysan? Il me dit : « Monseigneur lorsque quelqu’un
met sa main dans une cruche d’eau salée, si sa main est saine il ne sent rien,
mais si elle est blessée alors là c’est douloureux. » L’Église est le sel
du monde et naturellement là où il y a des blessures, ce sel brûle. C’est
pourquoi l’Église possède comme caractéristique essentielle la persécution et
il y a des moments oĂą celle-ci redouble.
Nous ne décidons pas si elle provient
du gouvernement, la persécution vient d’autres sources aussi puissantes. La
persécution vient des pécheurs, la persécution vient de tous ceux qui ont
quelque chose contre le DĂ©calogue.
Elle dérange celui qui tue, qui
assassine parce qu’elle lui rappelle le cinquième commandement : tu ne
tueras pas. L’Église importune aussi celui qui vole et qui ment en lui
rappelant les commandements qui réprouvent ces actions.
L’Église est persécutée, elle doit
être persécutée si elle défend les droits de Dieu et de la dignité humaine.
Cette mission prophétique de l’Église est difficile, mais elle est nécessaire,
parce que le Concile dit que l’Esprit de Dieu lui donna la vérité pour rendre
témoignage à la vérité. Comment pourrions-nous regarder avec indifférence les
scènes douloureuses qui se sont déroulées à Aguilares, au Paisnal et à Guazapa?
Comment l’Église pourrait-elle ne pas dire sa parole de douleur devant celui
qui souffre, et de refus de la violence devant tant d’abus? Que l’on juge de
ces événements, que la justice soit rendue! Mais par ceux qui doivent le faire,
parce qu’au-dessus des hommes il y a Dieu qui réclame le respect de la vie et
de la dignité, de la liberté de l’homme et de son foyer. Et l’Église se doit de
proclamer la Parole du Seigneur, mais de la proclamer ainsi, prophétiquement.
Ce refus de la méchanceté du péché, l’Église ne la fait pas avec haine. Sachez
que l’Esprit de la vérité qui illumine l’Église pour dire au pécheur :
« Ne soyez pas pécheurs, ne soyez pas cruels, ne tourmentez pas, ne
torturez pas, ne faites pas le mal. » Elle le fait avec amour, en
cherchant son bien et sa conversion.
En ce jour, nous raconte la Bible,
qu’en entendant la prédication de Pierre, trois mille hommes se convertirent.
Ils écoutèrent l’Esprit de Dieu dans la parole de cet homme. Et je sais, mes
frères, que tous ceux qui vivent dans ces vicissitudes de notre Église, s’ils
sont véritablement des hommes de bonne volonté, ils se convertiront. Voyez
combien de gens se convertissent devant une Église qui est ferme dans
l’accomplissement de sa mission. Plusieurs pensent qu’elle est en train de
perdre la foi parce que quelques-uns s’en vont.
S’en vont ceux qui doivent s’en
aller, mais demeurent avec l’Église ceux qui comprennent que l’Église ne peut
parler autrement. Ils se convertissent et se font prophètes avec l’Église de sa
vérité, ils s’incorporent à sa mission de défense de Dieu en ce monde.
29/05/77, p.73-74, I-II.
3) Garantie d’Unité
En troisième lieu, la Pentecôte,
l’Église est garantie d’unité
Saint Paul nous dit que l’Esprit
donne à son Église une diversité de dons, de tâches, et de charismes. Parmi les
milliers de personnes qui m’écoutent actuellement au moyen de la radio, il n’y
en a pas deux qui ont reçu les mêmes dons. Dieu est si riche dans sa création
qu’il n’existe pas deux feuilles semblables dans un arbre; combien plus dans la
création infinie de son Église? Il a fait des dons merveilleux afin que parmi
tous les dons, nous organisions le Règne de Dieu. Un sain pluralisme est
nécessaire; nous ne voulons pas que tous soient taillés à la même mesure. Il ne
s’agit pas ici d’uniformité qui est une chose bien différente de l’unité.
L’unité veut dire pluralité, le respect de tous à l’opinion d’autrui en créant
une unité qui est beaucoup plus riche que ma seule pensée. C’est cela, l’Esprit
saint, Il nous unit en une seule vérité, en un seul critère divin, tous les
enfants de l’Église. Les uns, Il les fait évêques, d’autres prêtres, d’autres
encore, religieux ou religieuses, catéchistes ou bien pères de famille,
Ă©tudiants, professionnels ou journaliers, etc., etc. Et en chacun, dit saint
Paul, le même esprit qui nous fait tous converger vers l’unité. […]
Tout n’est pas amer; ces pauvres
dĂ©chets de la persĂ©cution demeurent des dĂ©chets lorsque l’on se met Ă
contempler la hauteur des catholiques qui aiment et qui tentent de construire
l’Église véritable. Par exemple, cette semaine nous avons noté un éveil du
laïcat. Le laïcat c’est vous; ceux qui ne sont pas prêtres, ni religieux se
nomment les laĂŻcs et par votre baptĂŞme vous ĂŞtes membres du Corps du Christ et
vous partagez avec l’Église (hiérarchique) toute la responsabilité d’être pour
le monde vérité, unité, lumière, sel et Salut des gens. Nous avons eu le
plaisir de voir des laïcs se réunir et préparer un communiqué qui est diffusé
actuellement et qui dit : « Nous comprenons et nous admirons les
prêtres que nous avons laissés seuls et qui, héroïquement, ont eu à défendre
des responsabilités qui nous reviennent à nous les laïcs. » C’est une
belle confession, un appel à tous ceux qui vivent dans le monde pour qu’ils
sachent que le prĂŞtre qui ne vit pas dans le monde, dans une famille comme
vous, vous inspire par sa doctrine, par sa grâce, par sa parole, par son
ministère, mais qu’à vous qui vivez en ce monde revient la responsabilité
d’être ceux qui incarnent dans les structures, dans la vie concrète du foyer,
du travail, du commerce, de la politique, de l’agriculture, la vie du Règne du
Christ. Vous ĂŞtes catholiques, sans ĂŞtre prĂŞtres, vous ĂŞtes les prĂŞtres de
votre propre foyer, vous devez sanctifier votre propre travail et cet Ă©veil du
laïcat nous le notons actuellement alors qu’il manque quinze prêtres qu’on nous
a enlevés et qui ne peuvent plus travailler avec nous. C’est à vous maintenant
que revient la tâche d’assumer votre rôle dans l’Église en cette heure où
toutes les forces sont nécessaires à l’avènement du Règne de Dieu. […]
N’oublions pas, mes frères, que
devant cette vague de diffamations de l’Église, elle apparaît encore plus
belle. L’Église est semblable à ce rocher sur le rivage lorsqu’il est battu par
les vagues de la mer qui l’embellissent de ses ruissellements de perles. Plus
l’assaut des vagues se fait violent et plus il devient magnifique. C’est cela,
l’Église en cette heure. Vivons-la! Maintenant que nous nous sommes immergés
dans l’Esprit de la Pentecôte pour voir les origines de notre Église et que
nous avons reconnu ces trois caractéristiques :
1. Ouverture Ă l’absolu (enseigner Ă
prier)
2. Sécurité de la vérité, (mission
prophétique pour dénoncer le mensonge et l’ambiguïté et proclamer la vérité du
Seigneur)
3. Garantie de l’unité (celle qui
unit tous les dons en un seul amour) : c’est cela, l’Église
Elle nous donne la joie qu’en la
confrontant avec ses origines, elle demeure elle-mĂŞme. Ceux qui veulent vivre
cette ouverture spirituelle à Dieu, cette sécurité dans la vérité de son
magistère, cette unité dans la variété, sans haine, mais dans l’amour. Ceux qui
ne veulent pas cela, s’excluent, s’excommunient eux-mêmes, ils ne sont pas
Église, même s’ils se nomment catholiques. 29/05/77, p.75-77, I-II.