Les Missions, Dimanche des missions

 

23 octobre 1977; Lecture : IsaĂŻe 60,1-6; Romains 10,9-18; Matthieu 28,16-20.

 

Vision universaliste du Règne de Dieu

 

Dans le monde, il n’y a plus que ténèbres et confusion. Il suffit d’observer le contexte de notre patrie quand s’éteint la Lumière de Dieu. Qu’est-ce qui reste? Séquestrations, haines, tortures, violences et ce triste panorama, quand Dieu ne visite plus Jérusalem. C’est ce que nous pouvons dire de tous les peuples lorsqu’ils sont abandonnés par Dieu, parce que les hommes ne se sont pas montrés dignes de sa Présence. Tout devient confus, ténèbres, peur et terreur. Il est nécessaire que Dieu vienne les illuminer. C’est cela, la mission. Mission est un mot d’origine latine qui signifie envoie (mittere, envoyer) parce que c’est l’envoi de Dieu à son Fils.

 

Et quand son Fils envoyé a racheté le monde et lui a enseigné sa doctrine, Il retourne au Père, et depuis là, le Père et le Fils nous envoient l’Esprit Saint. De sorte que l’Église est le produit d’un double envoi, d’une double mission qui trouve son origine dans le cœur de Dieu, l’envoi de son Verbe fait chair, Jésus-Christ, notre Rédempteur que Dieu a voulu comme tête du genre humain.

« Quand Je serai Ă©levĂ©, tout sera attirĂ© Ă  moi, Â» dit le Christ. Et quand Il termine son labeur pastoral avec un petit groupe en Terre Sainte, Il s’en va mais Il leur dit (cf. Mt 28,16-20) : « Je vous enverrai l’Esprit qui vous enseignera la vĂ©ritĂ© et vous conduira par tous les chemins du monde. Ainsi comme mon Père m’a envoyĂ© ainsi je vous envoie avec la force de mon Esprit. Allez donc, par le monde entier, par tous les chemins, par tous les temps et enseignez Ă  tous les hommes ce que Je vous ai enseignĂ© et enseignez-leur Ă  garder aussi les prĂ©ceptes que je vous ai enseignĂ©s. Celui qui les acceptera se sauvera et celui qui ne les acceptera pas se condamnera. Â»

 

C’est cela, la grande mission : l’EnvoyĂ© du Père c’est le Fils et l’EnvoyĂ© du Père et du Fils, c’est l’Esprit Saint comme l’Église est l’envoyĂ©e du Christ. « Ainsi comme mon Père m’a envoyĂ©, Je vous envoie Â». Missionnaires, envoyĂ©s. 23/10/77, p.289, I-II.

 

Qu’est-ce qui s’est alors produit dans le monde? Il commence Ă  sentir une lumière comme celle qu’IsaĂŻe (60,1-6) prophĂ©tisa. Les tĂ©nèbres n’existent plus. Les peuples qui accepteront cette lumière du Christ vont se sentir frères. Dans le message de Paul VI sur l’évangĂ©lisation des peuples dans le monde actuel, il dit : « Quelques hommes acceptent ce message du Christ; ils s’unissent en communautĂ© et ils se sentent inquiets pour apporter ce mĂŞme message Ă  tous. Â»

 

J’ai le bonheur d’être le missionnaire de cette communauté, mais vous, en recevant ce message, vous ne devez pas le garder uniquement pour vous, égoïstement dans votre cœur, dans votre famille, dans votre communauté. Je sais que ici et ailleurs, pour m’avoir écouté à la radio, surgissent de nombreuses communautés. Lorsque j’ai fini de parler, ces communautés se mettent à analyser ce que j’ai dit, s’évangélisant en approfondissant ce message et en prenant des consignes pour apporter cette même lumière à leur canton, à leurs frères.

 

C’est pourquoi l’Église souffre quand elle rencontre des obstacles à cette lumière, lorsqu’on suspecte sa mission, lorsqu’on cherche à la confondre avec des messages de subversion et de révolution. Ce que nous prêchons, c’est la Lumière de Dieu dont les êtres humains ont besoin. Le subversif, le révolutionnaire, éteignent la lumière de Dieu, en ne laissant pas circuler le message du Christ, l’amour; en échange ils sèment la haine et la violence. Mais je sens une joie intime par le fait que la communauté de l’archidiocèse s’évangélise, qu’elle reçoit le don du Fils, de l’Esprit Saint au travers de son Église qui continue de lui parler. L’Église n’est pas une colonisatrice. L’Église est inspiratrice des valeurs qui existent sous toutes les latitudes de la Terre. 23/10/77, p.290, I-II.

 

Ah, si les gouvernements comprenaient que l’Église ne vient pas leur faire une compétition politique, pour leur enlever leurs paysans, leurs gens. En aucune manière elle vient pour nuire à son pouvoir politique, à son pouvoir sociologique, à toutes ses techniques; elle ne vient pas lui enlever ses compétences, mais elle vient leur donner un sens chrétien pour que tous soient meilleurs, les gouvernants comme les gouvernés. Parce que, par le message de l’Évangile, l’Église prêche la véritable paix, la véritable justice, celle qu’on ne veut pas entendre; et c’est pour cela qu’on calomnie l’Église – comme on calomnia le Christ – non parce qu’Il prêchait la subversion mais parce qu’Il voulait un ordre meilleur et plus juste. L’Église ne fait pas autre chose dans ces missions que de valoriser l’humain. 23/10/77, p.291, I-II.

 

2) La conversion du cœur

 

Mais dans la seconde lecture, saint Paul dit aux Romains (10,9-18) qu’il ne sert Ă  rien de leur enseigner si les cĹ“urs ne se convertissent pas. Saint Paul Ă©crit dans le contexte oĂą a Ă©tĂ© entendue cette prĂ©dication. Nous dirions qu’il prĂŞche Ă  la nation salvadorienne oĂą tous l’ont entendu. « N’auraient-ils pas entendu? » dit saint Paul (10,18) : « Et pourtant leur voix a retenti par toute la Terre et leur parole jusqu’aux extrĂ©mitĂ©s du monde. Â» Mais ce qui se produit c’est qu’ils ne veulent pas croire dans leur cĹ“ur. C’est pourquoi l’organisation de structures extĂ©rieures ne suffisent pas nous dit MedellĂ­n.

 

Tant que ce continent ne pourra pas compter sur des hommes nouveaux, nous n’aurons pas un ordre nouveau. Il est nécessaire de croire, nous dit saint Paul, parce que c’est seulement la foi en Dieu qui sauve. La libération que l’Église enseigne se fonde sur cette foi en Dieu. Les hommes ne vont pas vous apporter la libération. Détrompons-nous. La libération ne peut venir que de Dieu, mais elle compte sur la conversion du cœur de l’homme. Que Dieu nous offre sa Rédemption, sa Libération, un monde meilleur, ne sert à rien si ceux qui sont chargés de construire ce monde sur la Terre, ne veulent pas collaborer avec ce Dieu. 23/10/77, p.291, I-II.

 

3) La mission de l’Église

 

La mission que le Christ nous apporta et l’Esprit après lui, demeure vivante aujourd’hui en 1977, malgré que vingt siècles aient passé et cela, grâce à l’Église qui est le Corps du Christ dans l’Histoire, comme j’ai intitulé ma seconde lettre pastorale. L’Église est l’envoyée du Christ aux Salvadoriens et de l’Esprit Saint aux hommes et aux femmes de tous les temps. Aujourd’hui j’aimerais savoir ce que dirait le Christ aux Salvadoriens, riches et pauvres, gouvernants et gouvernés. Nous n’avons pas à interpréter littéralement l’Évangile d’il y a vingt siècles, sinon que l’Évangile du Christ s’applique aux circonstances de chaque époque. La fidélité à cet Évangile, à cette mission, est ce qui constitue le perpétuel savoir-faire de la mission de l’Église. Comme vient de le dire le Pape (Paul VI), il ne s’agit pas d’apporter le message du Christ à des régions toujours plus éloignées géographiquement, sinon d’imprégner de l’Évangile du Christ, les cultures et les industries modernes des hommes d’aujourd’hui.

 

Qu’on apporte une inspiration chrétienne à l’éducation, à tous ceux qui vont construire ce monde. Faisons en sorte que ce ne soit plus l’ancienne civilisation de l’avoir qui prévale. L’homme d’aujourd’hui ne vaut pas par ce qu’il possède mais par ce qu’il est. Et l’homme est, dans la mesure où il est chrétien; parce que tout homme se réalise dans la mesure où il le fait selon le modèle du Fils de l’homme, le Christ Notre Seigneur. 23/10/77, p.293, I-II.