Les Signes des temps
Trente-et-unième dimanche du temps ordinaire;
30 octobre 1977; Lectures : Sagesse 11,23-12,2; II Thessaloniciens
1,11-2,2; Luc 19,1-10.
En plus de la lecture de la Bible qui
est la Parole de Dieu, un chrétien fidèle à cette Parole doit lire aussi les
signes des temps, les événements, pour les éclairer de cette Parole.
La politique ne m’importe pas. Ce qui
m’importe c’est que le pasteur qui vit où est la souffrance,( et j’y ai été, je
me suis rendu présent dans tous les lieux où il y a de la douleur et de la
souffrance,) que le pasteur, oui, apporte la Parole de la consolation Ă ceux
qui souffrent; qu’il soit là pour exprimer nos condoléances à la famille qui
souffre comme je l’ai exprimé également à la famille de la vendeuse qui mourut
au cours de ces événements sanglants; j’envoie également ces condoléances aujourd’hui
aux familles des policiers décédés. Pour l’Église il n’existe pas de catégories
distinctes. Il n’existe que la souffrance et elle se doit exprimer cette
douleur peu importe où elle se rencontre. Comme j’ai été auprès de la famille
du ministre Borgonovo, comme j’ai été auprès de la douleur des paysans, je
pense que c’est la voix de l’Église, une parole de condoléances dans la
douleur. Je voudrais qu’elle soit également une parole de dénonciation du
crime. Quand se terminera cette vague de sang et de tourments pour notre
patrie?
Je voudrais aussi que ma parole soit,
en ces funérailles, une parole d’appui aux justes revendications de notre
peuple. Les justes revendications, dis-je. Quel péché y a-t-il à ce qu’un
pauvre cueilleur de café, de canne à sucre ou de coton, demande, avec la faim
au ventre, huit cuillères de soupe, un œuf, un repas qui prolonge à peine les
énergies qu’il dépense pour aider à faire ces cueillettes qui rendent le pays
heureux et qui sont l’œuvre de Dieu, pour le bonheur de tous?
Ainsi, comme ce télégramme d’un
planteur de cannes Ă sucre qui me fit souffrir et qui dit :
« L’archevêque ignore ce que nous devons dépenser. C’est pourquoi il
réclame pour les travailleurs. » Je reconnais que ce n’est pas en tant que
technicien que je parle, que je ne sais pas ce qu’il en coûte, ni combien les
travailleurs doivent être rémunérés. Mais comme pasteur, au nom de Dieu qui a
créé les choses, je dis aux propriétaires terriens, à ceux qui travaillent et
aux gouvernements d’être justes, d’écouter la clameur du peuple. Ce n’est ni
par le sang, ni par la violence que nous allons changer les conditions
économiques, sociales et politiques qui doivent être analysées, pour qu’il n’y
ait plus de semaines de tragédies et de douleurs. Il est nécessaire qu’on
s’entende à temps.
Cela fait déjà trop longtemps que le
peuple attend et je crois qu’il est juste d’étudier le problème à fond avec des
techniciens. Il faut éviter de dilapider les fonds de l’État, éviter de donner une
autre destinée aux produits de notre terre; il faut les employer pour ce
pourquoi Dieu les a créés, pour le bien-être de toute la communauté, avec la
justice et le respect à la propriété privée et à tout ce que l’Église défend
Ă©galement. Que ce soit toujours comme saint Paul (II Tes 1,11-2,2) le
dit : « Pour sauver du péché la création qui gémit dans l’attente de
la libération des fils de Dieu. »
L’Église ne peut taire ici une parole
d’espérance, une parole de l’au-delà . La lutte revendicatrice des droits à la
terre ne doit pas oublier qu’il y a un Dieu qui juge et qu’il y a une mort qui
nous situe par-delà l’Histoire; qu’il existe un ciel et un enfer; qu’il existe
une justice de Dieu, ce qu’on appelle la vision eschatologique de l’Église. Je
voudrais semer en ces heures de tragédie, de sang, de douleur, cette vision
d’espérance, de l’au-delà , non comme un opium du peuple, comme l’affirme le
communisme en critiquant l’Église, mais comme un stimulant pour que, sur cette
Terre, nous soyons plus justes. Nous devons savoir que Dieu va demander des
comptes aux uns et aux autres. C’est de cette espérance que je voudrais remplir
le cœur de ceux qui ont été victimes de la violence en ces jours. 30/10/77,
p.295-297, I-II.