Les Chemins des BĂ©atitudes, La Toussaint

 

01 novembre 1977; Lectures : Apocalypse 7,2-4.9-14; I Jean 3,1-3; Matthieu 5,10-12a.

 

Je viens pour vous dire le message clair de l’Église, en cette atmosphère où la persécution, l’outrage et la grossièreté des uns envers les autres sont marqués de sang et d’humiliation. Ne confondez pas ce langage, ce message d’espoir et de foi de l’Église avec le discours subversif, avec le langage politique de la mauvaise foi de ceux qui luttent pour le pouvoir, de ceux qui se disputent les richesses de la Terre en oubliant les espérances du Ciel, de ceux qui ont mis leurs illusions dans leurs propriétés, dans leurs capitaux, dans leur pouvoir. Frères, il ne faut pas confondre le message de l’Église avec ces idolâtries. Ces idolâtres et ceux qui les servent, n’ont rien à craindre de ce message clair et limpide que l’Église prêche.

 

Aucun autre jour, que ce 1er novembre, Jour de la Toussaint et veille du Jour des DĂ©funts, ne m’apparaĂ®t plus opportun pour vous dire ce clair message de l’Église, pour vous rappeler la fin de la vie humaine : tout se termine, et seule demeure la joie d’avoir Ă©tĂ© fidèle Ă  la Loi du Seigneur, d’avoir aimĂ© son prochain, de s’être donnĂ© pour lui, en gĂ©nĂ©rositĂ©, en amour, en service, et de ne pas s’être servi de la vie pour offenser la dignitĂ© et les droits de l’homme, afin qu’à l’heure de notre mort nous puissions nous prĂ©senter devant le tribunal de Dieu et recevoir de ces lèvres divines et infaillibles, l’accueil que nous nous serons mĂ©ritĂ©.

 

 « Venez Ă  Moi, bĂ©nis de mon Père, possĂ©dez le Royaume des Cieux, parce que vous avez Ă©tĂ© charitables, parce que vous n’avez pas Ă©tĂ© grossiers, parce que tout ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est Ă  Moi que vous l’avez fait. C’est Moi que vous avez frappĂ© quand vous torturiez, c’est Moi que vous avez tuĂ© quand vous commettiez ce crime, c’est Moi aussi que vous avez servi avec amour quand vous me dĂ©fendiez en vous exposant pour Moi, quand vous enseigniez le catĂ©chisme aux enfants, quand vous avez soignĂ© les malades, quand vous avez donnĂ© aux nĂ©cessiteux par amour. Tu te trompais en croyant que tu faisais autre chose. C’est Moi que tu servais.

 

C’est le langage clair de l’Église, s’il vous plait, ne le confondez pas. Je voudrais vous dire, frères, en ce Jour des Défunts, le langage sublime dont nous parle le père Grande, don Manuel Solorzano et l’enfant Nelson Rutilio Remus depuis leur tombeau. Quel est leur message? Il est que tout se termine; le temporel se termine dans la tombe, le temporel… Mais c’est alors que débute l’éternel. Mais ce dernier doit être recueilli également dans le temporel. Dans les choses de la Terre, nous devons savoir reconnaître que dès ici, sur Terre, commence le Règne des Cieux. 01/11/77, p.300, I-II.

 

La Libération que prêche l’Église

 

Je me souviens très bien qu’aux funérailles du père Grande, en citant les pensées de Paul VI dans son exhortation Evangelii Nuntiandi, d’avoir dit que les hommes comme ceux-ci, sont ceux que l’Église offre en modèle pour la libération du monde actuel; que le monde doit lutter pour cette libération des esclavages et surtout du péché. Cette libération que l’Église annonce possède trois caractéristiques que je retrouve chez le père Grande et chez les libérateurs authentiques qui, comme celui-ci, s’impliquent dans la lutte libératrice de notre peuple.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Une inspiration de foi

2) Une inspiration d’amour

3) Une doctrine sociale de l’Église fondée sur les bases de sa prudence et de son action

 

1) Une inspiration de foi

 

Ces trois choses font du chrĂ©tien d’aujourd’hui le vĂ©ritable libĂ©rateur de son peuple, en autant que sa lutte s’éclaire de la foi. Qu’est-ce d’autre que ce jour de la Toussaint? Une foi qui s’ouvre Ă  l’horizon oĂą se donnent ceux qui luttent proprement, illuminĂ©s par la foi, pour faire un peuple plus digne, pour libĂ©rer l’homme des esclavages, de l’analphabĂ©tisme, de la faim, de la misère oĂą vit la majoritĂ© de notre peuple. L’Église ne peut demeurer indiffĂ©rente Ă  tant de douleurs, Ă  tant d’injustices et Ă  cette lutte. Mais elle doit garder ses yeux centrĂ©s sur la foi. C’est uniquement Ă  partir des BĂ©atitudes, de l’espĂ©rance de ce Ciel, illuminĂ©s par la foi, que les chrĂ©tiens vĂ©ritables collaboreront au message authentique de l’Église. Puisse Dieu, frères, faire en sorte que vous ne vous laissiez pas confondre par ces autres idĂ©ologies, par l’athĂ©isme, par une lutte terrestre qui ne consiste qu’à acquĂ©rir des pouvoirs politiques. Que votre lutte mette surtout son espĂ©rance dans la grande rĂ©compense que le Christ nous a rĂ©vĂ©lĂ©e aujourd’hui (cf. Mt 5,10-12a) : Heureux les persĂ©cutĂ©s pour la justice, car le Royaume des Cieux est Ă  eux. Heureux ceux qui pleurent maintenant dans la faim, la pauvretĂ©, la misère, l’exclusion, parce qu’ils seront consolĂ©s. Heureux les libĂ©rateurs qui ne mettent pas leur force dans les armes, dans les sĂ©questrations, dans la violence ou dans l’argent, mais qui savent que la libĂ©ration vient de Dieu, vient de la conjugaison merveilleuse du pouvoir libĂ©rateur de Dieu et de l’effort chrĂ©tien des ĂŞtres humains. Qu’ils se convertissent, qu’ils n’adorent plus l’idole de la richesse, ni le pouvoir politique car ils sont capables de tout pour le maintenir. Qu’ils se convertissent pour qu’ensemble, unis aux travailleurs, aux pauvres, pauvres et riches, patrons et ouvriers, propriĂ©taires et paysans, nous construisions ce monde nouveau d’espoir chrĂ©tien. 01/11/77, p.302, I-II.

 

2) Une inspiration d’amour

 

Et bientĂ´t nous aurons, frères, non seulement la lumière de la foi mais aussi l’inspiration de l’Amour. Le vĂ©ritable libĂ©rateur chrĂ©tien, celui qui jouira un jour de la patrie du Ciel, sera celui qui lutte sur Terre avec la puissance de la justice, avec l’inspiration de l’amour. Ne haĂŻssez point, ne tuez pas, ne faites pas le mal, mais aimez et espĂ©rez en ce Dieu qui est le Dieu de l’amour et qui entend la clameur de son peuple. Son heure viendra pour donner Ă  ce monde l’amour qui lui fait tant dĂ©faut. Depuis la tombe du père Grande, nous Ă©levons au Ciel cette requĂŞte : Seigneur envoie ton Amour Ă  cette Terre. Toi qui apportas le feu pour qu’il enflamme le cĹ“ur des hommes, vois combien il y a de matĂ©rialisme, combien il y a d’égoĂŻsme, combien existe l’envie. Seigneur que ton amour brĂ»le toutes ces ordures qui existent dans le cĹ“ur humain; sanctifie-nous parce que la saintetĂ© que nous cĂ©lĂ©brons en ce moment, Jour de la Toussaint, est compatible avec le travail de chacun dans son propre devoir, dans sa propre vocation : moi comme Ă©vĂŞque, les autres comme prĂŞtres, comme religieuses, comme catĂ©chistes, journaliers, travailleurs; ce qui fait en sorte que chacun rĂ©alise sa tâche d’amour en servant son prochain par amour de Dieu. 01/11/77, p.303, I-II.

 

3) Une doctrine sociale de l’Église fondée sur les bases de sa prudence et de son action

 

Mais aussi, en plus de cette inspiration de foi et d’amour, il doit connaître la doctrine sociale de l’Église. L’archidiocèse a publié un feuillet dans lequel sont contenues les orientations sociales à la lumière du magistère des pontifes et de l’Évangile. Je le recommande, surtout à ceux qui se préoccupent des problèmes sociaux. Étudiez la doctrine sociale de l’Église et voyez comme elle sait conjuguer le respect des droits et aussi, les exigences des devoirs.

 

Maintenant, frères, personne ne se sanctifie s’il n’entre pas dans ces exigences de l’Évangile à l’heure actuelle. C’est pourquoi, ne craignez pas les conservateurs, surtout ceux qui ne veulent pas entendre parler de la question sociale, des thèmes épineux dont le monde d’aujourd’hui a besoin. Ne craignez pas ceux qui disent qu’en parlant de ces choses nous devenons communistes ou subversifs. Nous ne sommes que des chrétiens qui extrayons de l’Évangile les solutions qui conviennent aux problèmes, qu’aujourd’hui, en cette heure, l’humanité et notre peuple ont besoin. C’est par là que nous marchons; par la pauvreté en esprit, par la lutte pour la justice, par les artisans de paix. Les chemins des Béatitudes sont aujourd’hui des chemins très dangereux et c’est pour cela qu’il y a peu de gens qui s’y aventurent. N’ayons pas peur. Poursuivons ce chemin qui, un jour, nous amènera à notre mort. Que les saints en ce Ciel prient pour nous, pour que nous participions à la gloire du Christ Ressuscité.

 

CĂ©lĂ©brons cette Eucharistie. L’Église de El Paisnal s’est convertie ce matin en une cathĂ©drale, parce que la cathĂ©drale est lĂ  oĂą est l’évĂŞque qui est le centre de l’unitĂ© de tout le diocèse. LĂ  oĂą il Ă©lève l’hostie et le calice qui sont le Christ, signe de l’unitĂ© de tout un peuple et de tout l’archidiocèse pour demander Ă  Dieu, qu’en Ă©change du sacrifice de ce Christ sur l’autel, auquel s’unissent tous les sacrifices de tous ceux qui travaillent pour le Règne de Dieu, Il nous bĂ©nisse et nous sanctifie de cette saintetĂ© moderne des chrĂ©tiens engagĂ©s dans les problèmes actuels. Les heures difficiles importent peu, parce que, pour nous Ă©galement, si nous sommes fidèles, sonnera la voix de l’Apocalypse, que nous venons de chanter comme liturgie de la Parole (7,14) : « Ce sont ceux qui viennent de la grande Ă©preuve : ils ont lavĂ© leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. 01/11/77, p.303-304, I-II.