La violence qui endeuille le pays

 

Dimanche de l’Ascension, 22 mai 1977; Lectures : Actes 1,1-11; ÉphĂ©siens 1,17-23; Luc 24,46-53.

 

Pour tous ceux qui souffrent de la torture et de l’humiliation, l’Église ne peut se taire, parce qu’elle est la voix du Christ qui à partir de son ascension, manifestant la dignité humaine de son Ciel glorieux, nous dit comment il aime l’humanité et comment Il nous reproche qu’il existe encore en ce monde ces lacunes de violations de la dignité humaine.

 

 

Marxisme et Capitalisme

 

L’Église condamne le communisme marxisme qui de par son idĂ©ologie et sa pratique rĂ©volutionnaire nient l’existence de Dieu et de toutes valeurs spirituelles, en les qualifiant d’aliĂ©nantes. Le communisme n’admet pas cette rĂ©union Ă  laquelle nous sommes en train de participer en cette Ă©glise, il qualifie cela d’aliĂ©nation, d’opium du peuple, de somnifère qui empĂŞche les gens de protester, mais nous allons voir comment cela n’est pas si certain. Le communisme est Ă©minemment matĂ©rialiste tandis que l’Église est Ă©minemment spirituelle. Le communisme « exploite les diffĂ©rences sociales au sein de la sociĂ©tĂ© afin de susciter la lutte des classes, il utilise l’être humain comme un simple moyen d’obtenir le pouvoir politique, conformĂ©ment Ă  son idĂ©ologie. Â» Ceci est une synthèse de ce qu’est le communisme. Mais avec la mĂŞme intensitĂ©, l’Église condamne le système capitaliste libĂ©ral qui mĂŞme s’il confesse Dieu, le nie cependant dans la pratique en mettant sa foi dans le profit comme but essentiel du progrès humain. Il considère la personne humaine comme un simple instrument pour augmenter ses richesses en laissant celle-ci dans la pauvretĂ© et en crĂ©ant de cette manière les diffĂ©rences de classes qui existent au sein de la sociĂ©tĂ©. Il piĂ©tine les droits de la personne, la dignitĂ© humaine et mĂŞme la vie pour conserver le pouvoir acquis en politique, dans la sociĂ©tĂ© ou encore en Ă©conomie.

 

Pourquoi les capitalistes d’aujourd’hui s’en prennent-ils Ă  l’Église? Pourquoi donc le pouvoir politique s’attaque-t-il Ă  l’Église? PrĂ©cisĂ©ment pour cela, parce que l’Église ne peut ĂŞtre d’accord avec ces idolâtres de l’argent, avec l’idolâtrie de l’État. Saint Paul nous a dit aujourd’hui dans son Ă©pĂ®tre (Ep 1,17-23) : « Seul le Christ est le Seigneur! Â» Et la mission de l’Église est de prĂŞcher aux hommes principalement Ă  ceux qui sont agenouillĂ©s devant les idoles de la Terre, qu’il n’est pas licite d’adorer les biens de ce monde, que le Christ est l’unique Seigneur. Il dit Ă  ses chrĂ©tiens : « Bienheureux, ceux qui vivent l’esprit de pauvretĂ©, de dĂ©tachement dans leurs efforts pour un monde meilleur, vous suivez le vĂ©ritable LibĂ©rateur, le Christ, le Seigneur, Celui qui donne Ă  l’être humain sa vĂ©ritable dignitĂ©. Â» Ni le communisme, ni le capitalisme n’adorent le Christ, ils adorent des idoles. L’Église adore son Christ et en ce jour elle Le proclame comme Celui qui doit ĂŞtre le but vers oĂą se dirigent les idĂ©aux de tous les chrĂ©tiens. Le Christ s’élevant aux cieux est l’idĂ©al de la vĂ©ritable promotion humaine qui culmine dans l’identification avec ce mĂŞme Dieu. 22/05/77, p.59, I-II.

 

 

L’Église et la Libération

 

Quelle est la contribution de l’Église Ă  ce processus de libĂ©ration du monde? Elle ne peut ĂŞtre ni communiste ni capitaliste. Selon Evangelii Nuntiandi de Paul VI : « La contribution spĂ©cifique de l’Église et des chrĂ©tiens libĂ©rateurs ne doit pas ĂŞtre confondue avec des attitudes tactiques, ni avec une subordination envers un système politique. L’Église contribue par son apport d’une motivation d’amour fraternel, une inspiration de foi, une doctrine sociale Ă  laquelle le chrĂ©tien doit prĂŞter attention et poser comme fondement de sa prudence et de son expĂ©rience afin de la traduire concrètement dans ses critères d’action, d’engagements et de participations. Â» […]

Notre peuple n’a pas à s’inspirer du communisme, ni ne doit mettre sa confiance dans le capitalisme. Il s’agit de deux matérialismes.

 

Notre peuple reçoit de l’Église l’inspiration de la foi, la motivation de l’amour et une doctrine sociale très claire. […] L’Église n’offre aucun système, mais elle offre une doctrine sociale que les chrétiens peuvent organiser avec leur conscience, sans engager l’Église en tant qu’institution, mais s’inspirant de l’Église et de sa doctrine.

Le message des Ă©vĂŞques condamne ces fausses traditions, en vertu desquelles on cherche Ă  prĂ©senter l’Église comme quelque chose qui doit demeurer exclusivement spirituelle, une Église des sacrements, de prières, qui ne vivrait aucun engagement social, une Église qui ne serait pas engagĂ©e dans l’Histoire. « Nous trahirions notre mission de pasteurs si nous voulions rĂ©duire l’évangĂ©lisation Ă  de simples pratiques de piĂ©tĂ© individualiste et Ă  un ritualisme dĂ©sincarnĂ©.

 

L’ÉvangĂ©lisation ne serait pas complète, Â» dit le Pape, « si elle ne tenait pas compte de l’interpellation rĂ©ciproque qui se produit au cours des temps, qui s’établit entre l’Évangile et la vie concrète, personnelle et sociale, de l’être humain. Â» Il est temps, frères, de ne plus cacher notre foi dans notre vie privĂ©e pour ensuite vivre en public comme si nous ne l’avions pas. Ce divorce entre la foi et la vie pratique est une des grandes erreurs de notre temps, dit le Concile. Cette erreur est si grande, qu’au nom mĂŞme de celle-ci, on nomme l’Église subversive parce qu’elle veut prĂ©cisĂ©ment amener le christianisme Ă  engager sa foi au cĹ“ur de la vie concrète. Étudiez, chers catholiques, cette droite doctrine qu’est la sagesse de l’Église et vous verrez comme sont loin d’être marxistes ou subversifs le prĂŞtre, le chrĂ©tien qui vit son engagement chrĂ©tien avec le monde. […]

 

La véritable lutte contre le communisme, affirment les évêques du Chili, consiste à éliminer les causes qui l’engendrent, à transformer le milieu où il se développe, à offrir des alternatives pour le substituer. Souvent cependant, ce sont les antimarxistes eux-mêmes qui créent le mal qu’ils prétendent combattre. Ainsi, on aide le marxisme certes sans le vouloir, en considérant comme marxiste ou suspect de marxisme tous ceux qui luttent pour la dignité humaine, pour la justice et pour l’égalité, celui qui réclame la participation, celui qui s’oppose au pouvoir abusif.

 

Pour tous ceux qui souffrent la torture et l’humiliation, l’Église ne peut se taire, parce qu’elle est la voix du Christ qui à partir de son ascension, manifestant la dignité humaine de son Ciel glorieux, nous dit comment il aime l’humanité et comment Il nous reproche qu’il existe encore en ce monde ces lacunes de violations de la dignité humaine. 22/05/77, p.60-61, I-II.