Par Marie, Dieu veut sauver dans
l’histoire
Quatrième dimanche de l’avent; 23
décembre 1979; Lectures : Michée 5,2-5a; Hébreux 10,5-10; Luc 1,39-45.
Contexte central : deux femmes
enceintes miraculeusement : Marie et Élisabeth
Les figures principales de ces quatre
dimanches de l’avent sont deux femmes enceintes : Élisabeth et Marie. Les
deux ont été fécondées miraculeusement. Élisabeth vieille et stérile qui était
déjà au sixième mois de sa grossesse et qui va être mère du Précurseur. Et
Marie qui sans perdre sa virginité, par l’œuvre du Saint Esprit, va concevoir
Celui qui vient naître à Bethléem comme le Rédempteur des hommes.
Marie est la belle figure de l’avent
Pour rendre un grand hommage Ă la
femme, j’aimerais dire que toute femme enceinte est un avent. C’est l’annonce
d’une vie qui arrive. Comment l’Église pourrait-elle diffamer et outrager la
figure de la femme? Au contraire, elle l’exalte et la loue, et elle veut la
défendre de tout ce qui l’outrage et la diminue.
Pendant l’avent, ces deux
personnages : Marie, enceinte pour être la mère de Jésus et l’Église
elle-même qui féconde tant de fils. Et, comme Marie, Vierge et Mère, elle se
prépare à donner naissance à la lumière dans l’éternité, dans l’Église
définitive du Ciel. Ceci évoque tout le sens de cette préparation de Noël dans
le cœur du chrétien : la venue de la vie de Dieu pour se faire vie des
hommes, et la seconde venue de ce JĂ©sus, qui dans la splendeur de sa gloire,
viendra pour consumer son Église. C’est entre ces deux avents, entre ces deux
venues de vie, que se meut le christianisme.
Marie se démarque dans la première
venue du Christ, mais lĂ ne se termine pas sa mission
Tout au long de l’histoire du
christianisme, elle accompagne les ministères de l’Église : les travaux de
ses apôtres, de ses évêques, de ses prêtres, de ses catéchistes, de ses
religieuses, des pères de famille; tous ceux qui construisent l’Église au long
des siècles. Marie est la mère de toute cette fécondité que nous autres,
humbles travailleurs de l’Évangile, tâchons de semer dans le peuple.
Plan de l’homélie :
1) JĂ©sus est le Salut de Dieu dans
l’Histoire
2) Par Marie, nous avons JĂ©sus
3) Marie continue d’être un signe de
Salut pour tous les temps
1) JĂ©sus est le Salut de Dieu dans
l’Histoire
A) Jésus est le nom que l’Archange de
Dieu ordonna de donner au futur Fils de la Vierge.
L’Évangile nous raconte que ce fruit
des entrailles de Marie va prendre le nom imposé par ce même Dieu. Il charge
Joseph (Mt 1,21) : « Tu l’appelleras du nom de Jésus. » Contraction
hébraïque qui veut dire : « Dieu sauve ».
C’est cela, Jésus : Dieu sauve!
Il est le Salut de Dieu qui se fait enfant à Bethléem, qui se fait homme crucifié
au Calvaire, qui se fait Église pour prolonger sa vie dans l’Histoire.
Il sauvera le peuple de ses péchés.
C’est intéressant ce que dit le document de Puebla à propos de Marie :
Marie est le point culminant de l’Histoire qui s’unit avec le Ciel et apporte
la vie de Dieu à l’humanité.
Marie enceinte de JĂ©sus
Marie se présente dans l’Évangile
d’aujourd’hui (Lc 1,39-45) féconde de ce Salut qui est déjà venu et qu’elle
porte dans ses entrailles.
La force salvatrice de l’Esprit
repose déjà sur Élisabeth et Jean.
En arrivant Ă la maison de sa cousine
Élisabeth, se produit la sanctification de Jean Baptiste sans même qu’il soit
né : « Dès qu’Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant
tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint. » Jean
Baptiste va naître sans péché parce que l’a déjà sanctifié le Salut de Dieu qui
vient Ă sa propre maison dans les entrailles de Marie.
Élisabeth la nomme : « Mère
de mon Seigneur. »
Quelle rencontre plus fantastique que
celle de ces deux femmes!
« Bienheureuse celle qui a cru
en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur! » (Lc
1,45) dit Élisabeth à Marie.
Le projet du Salut
Qu’est-ce que le Seigneur a dit Ă
Marie? Il lui a révélé le projet du Salut.
Le Salut que nous prĂŞchons, il ne
faut pas le diluer avec des projets de libérations partielles
Le Salut que prêche l’Église du
Christ n’est pas autre chose que ce que Marie a cru et initié en donnant son
consentement de se faire féconde pour le Salut de l’humanité. C’est pourquoi
l’Église est si jalouse de préserver cette foi de Marie, ce projet de Dieu dans
le Salut des hommes. Et c’est pour cela qu’elle, l’Église, ne tolère pas qu’on
la mêle à des projets simplement humains, parce qu’elle les sanctifie et les
pénètre tous par l’Esprit du Christ. Tout effort de libération des peuples ne
sera efficace que s’il se laisse pénétrer par la foi du projet de Dieu pour
sauver l’humanité.
Nos temps sont propices pour
féliciter Marie et pour l’entendre. Elle qui veut voir Dieu dans la libération
de notre pays et de notre peuple, afin que nous ne nous laissions pas séduire
par les fausses libérations, et que nous demeurions toujours - dans la
prolongation de l’histoire - le Salut de Dieu qui est venu par les entrailles
de Marie, dans la foi de Marie, pour donner vie à tous les efforts « salvifiques »
de la Terre. 23/12/79, p.62-64, VIII.
B) Michée - le prophète de ce
dimanche - se réfère à ce projet « salvifique » de Dieu.
Lorsqu’il dit (Mi 5,1) :
« Ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. »
Annonce de ce souvenir de l’antiquité
du berceau de David (Mi 5,1) :
« Et toi, (Bethléem) Ephrata, le
moindre des clans de Juda, c’est de toi que naîtra celui qui doit régner sur
Israël. » C’est l’initiative de Dieu, qu’en cet humble hameau de Bethléem
où est né David, vienne naître son descendant qui doit être Celui qui réalisera
comme protagoniste le Salut de Dieu projeté pour les hommes : Une dynastie
de laquelle naîtra le Roi de ceux qui le suivent avec la véritable foi.
Le style de cette œuvre libératrice
On nous relate dans la première
lecture d’aujourd’hui que (Mi 5,2) : « … Yahvé les abandonnera
jusqu’au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. » Encore une
précieuse allusion à Marie.
Ă€ peine trente ans plus tĂ´t, devant
le roi Ajab, qui tremblait de peur devant l’invasion de l’Assyrie, le grand
prophète Isaïe lui offre un signe que Dieu est avec son peuple : « Une
vierge concevra et donnera naissance, demeurant toujours vierge. » C’est
le merveilleux signe du prodige de Dieu qui déjà s’accomplit quand celle qui
doit donner naissance est sur le point de le faire. En ce Noël, arrive à nous,
dit le prophète : « Celui qui doit rompre les esclavages de tous les
hommes. »
Comme ce Noël devrait faire résonner
l’espérance pour notre pays, alors que plusieurs vivent dans le pessimisme! Si
Dieu est avec nous, si celle qui doit donner naissance se souvient, une année
encore, qu’en cette Sainte Nuit, Elle marqua le début du Salut que Dieu veut, pourquoi
avons-nous peur? Une nuit d’espérance s’approche : la nuit de Noël où
celle qui doit donner naissance, donnera naissance et mettra fin aux esclavages
de la Terre, l’esclavage de ceux qui vivaient sous la tyrannie et le pouvoir
des idoles, du péché et des passions.
Le prophète annonce (Mi 5,3) :
« Ils s’établiront, car alors il sera grand jusqu’aux extrémités de la
Terre. » Il s’agit d’un Règne universel, d’un Salut qui s’offre à tous
ceux qui le recherchent avec un cœur sincère.
Cette prophétie de Michée appelle
Celui qui doit naître de cette femme mystérieuse : « Il sera notre
paix. » Il est la paix! Pourquoi la paix manque-t-elle sur la Terre? Parce
que les hommes, les femmes, se sont éloignés de Dieu et parce qu’ils se sont
approchés de la haine qui sépare les uns des autres. Le Christ est la paix
parce qu’Il nous approche de Dieu et parce qu’il nous appelle tous à nous
embrasser fraternellement. C’est cela, le Salut que le Christ apporte.
Raisons théologiques
Il sauvera les humains
Quand dans la seconde lecture (He
10,5-10) nous avons l’explication du pourquoi le Christ est Rédempteur et du
pourquoi Jésus est le Salut du monde, il nous est présenté également comment en
une nuit de Noël, Il fit son entrée dans l’Histoire.
Tu m’as façonné un corps
Observez ce moment précieux où Dieu
entre dans l’Histoire, comme nous le raconte l’épître aux Hébreux (10,5) :
« C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu
ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonné un corps… »
« Je viens pour faire ta
volonté. » (10,9-10) « … Et c’est en vertu de cette volonté que nous
sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour
toutes. »
Cela veut dire que cet enfant qui
naît de Marie est la chair dont Dieu a besoin pour s’offrir en holocauste. Le
monde a commencé à se sauver dès le moment où le Verbe se fit chair. Dans les
entrailles de Marie a débuté le Salut du monde, Salut qui va se consumer sur la
croix du Calvaire, et plus encore, quand Il triomphe sur la mort et est
glorifié dans le Ciel.
Le Christ sauve depuis l’Incarnation…
depuis la croix… depuis la Résurrection et la gloire = Kénose.
Ou encore, ici apparaît le parcours
du Salut. « Je viens du Père et Je me suis soumis à l’humiliation de la
mort; maintenant Je retourne vers le Père en apportant avec moi le Salut des
hommes. » C’est cela, le projet salvifique du Christ, lequel suppose ce
que la théologie appelle la Kénose ou bien, l’humiliation de celui qui, étant
Dieu, se dépouilla de son rang divin pour se faire homme et, bien davantage, un
condamnĂ©. Un homme qui souffre l’injustice dans sa propre chair et qui offre Ă
Dieu l’holocauste de sa souffrance afin que tous ceux qui croient en Lui soient
sauvés. Marie est l’auteur de cette chair du Fils de Dieu qui par la volonté du
Père, offre dans l’holocauste de la croix, le sacrifice qui sauve le monde.
Si une libération ne porte pas Dieu
dans ses entrailles, elle ne peut pas être complète ni efficace
Frères, connaissant ici le projet
salvifique de Dieu, nous pouvons dire dès maintenant qu’il n’existe pas de
libérations dans l’Histoire si elle ne s’incorpore pas à la grande libération
que Dieu projette pour tous les hommes. Toute libération qui ne porte pas dans
ses entrailles le Projet de Dieu, est une fausse libération. Toute libération
qui ne débute pas par la foi dans le Salut en Jésus-Christ est une libération
mutilée, temporelle, politico-économique. Celle-ci, aussi parfaite qu’elle
soit, si elle n’est pas incrustée dans le Salut du Christ qui enlève du péché
et élève jusqu’à Dieu, nous ne pouvons pas dire qu’elle est la Libération
intégrale que Dieu veut.
Plus encore, cette épître de saint
Paul condamne, comme peu libératrice, une religion qui s’éloigne du projet de
Dieu. Quand saint Paul, dans l’épître aux Hébreux dit clairement :
« … ni les sacrifices, ni les holocaustes du temple ne sont agrĂ©ables Ă
Dieu parce qu’ils ne possèdent pas la profondeur du sacrifice du Christ pour le
Salut des hommes… », il dénonce un faux sens de la religion.
Il ne sert à rien d’offrir de
nombreuses pénitences, de nombreuses prières à Dieu si on n’a pas le sens
profond de cette libération des esclavages de l’homme et de la femme, que Dieu
veut, si elles ne s’introduisent pas dans cet abandon du Christ, qui étant
riche s’est fait pauvre et se déposséda de tout jusqu’à l’humiliation sur la
croix. C’est à partir de là , qu’est donné son véritable sens à la libération et
à la religion chrétienne.
Puisse Dieu, qu’en ce matin où nous
réfléchissons sur le fait qu’en Jésus seul nous avons le Salut en Dieu, nous
observions si vraiment notre religion adore le véritable Jésus ou si nous
n’avons pas mystifié en Jésus-Christ, ce qui ne correspond pas au véritable
Salut de Dieu que Marie nous enseigne à connaître par l’exemple de sa foi.
23/12/79, p.64-66, VIII.
2) Par Marie, nous avons JĂ©sus
A) JĂ©sus et Marie unis dans le projet
de Dieu
« Au moyen de Marie… »
(Puebla)
JĂ©sus et Marie dans le projet de
Salut de Dieu nous sont présentés dans le document de Puebla par cette belle
expression : « Au moyen de Marie, Dieu se fit chair, fit partie d’un
peuple, d’où Il constitue le centre de l’Histoire. Elle est le trait d’union
entre le Ciel et la Terre. Sans Marie, l’Évangile se désincarne, se défigure et
se transforme en idéologie, en rationalisme spiritualiste. » (301) Marie,
donc, donnera Ă la RĂ©demption le sens que Dieu veut.
La voix d’Élisabeth sera la voix de
toute l’éternité…
L’Évangile d’aujourd’hui, (Lc
1,39-45) met sur les lèvres d’Élisabeth le Salut de tous les siècles. L’Attendu
est déjà le fruit des entrailles de Marie (Lc 1,42) : « Bénie es-tu
entre toutes les femmes, et béni le fruit de ton sein! »
Virgile
Même les païens présentèrent la venue
de cette femme admirable. Par exemple, quand le poète Virgile, dans un de ses
poèmes qui semble quasi semblable à une prophétie d’Isaïe, dit à l’enfant de
cette femme mystérieuse : incipe
parvea puer rusum cognoscere matris, « commence, tendre enfant, à connaître
le sourire de ta mère », c’est une mère bénie en qui toute l’humanité
s’est donné rendez-vous, qu’il présente.
Â
Quand Marie reçoit l’annonce de
l’ange : Veux-tu être mère du Sauveur? Marie va être la responsable de
toute l’humanité. Ce « fiat », « qu’il m’advienne selon ta
parole! », n’est pas uniquement celui de la jeune femme de Nazareth, c’est la
voix de l’angoisse de tous les peuples qui ont besoin de Rédemption. On
pourrait dire que cette inquiétude, cette crise, cette frayeur du Salvador de
1979, pesait de toute son angoisse sur les lèvres tremblantes de Marie :
« Je suis l’esclave du Seigneur, viens sauver ce peuple. Viens, le
Salvador a besoin de toi, l’Histoire a besoin de toi, les peuples ont besoin de
toi. » Marie est alors celle qui donne naissance à l’Être mystérieux que
Dieu a promis comme signe de sa toute Puissance, comme signe de son Salut.
B) « Tu m’as préparé un
corps… »
Quand, dans la seconde lecture
d’aujourd’hui (He 10,5-10), le Christ fait son entrĂ©e dans l’Histoire, Il dit Ă
Dieu : « Tu m’as préparé un corps. Ce corps sera l’holocauste dont tu
as besoin. » Et nous avons ici Marie qui donne son corps, sa vie humaine,
comme toutes les femmes donnent la vie humaine Ă leur fils. Marie donne tout ce
qu’est l’être humain à Celui qui, par ailleurs, est Fils de Dieu, pour, qu’en
ses membres humains, Il porte la responsabilité de tout l’humain et le purifie
par son sang, lequel, parce qu’il appartient à Dieu, est sang divin, est
RĂ©demption de Dieu.
L’être humain uni à Dieu
Frères, c’est là le grand mystère que
la théologie a appelé d’un nom un peu rare, mais qui exprime toute la
profondeur de la nature du Verbe et de la nature humaine qui s’unissent en une
union « hypostatique ». Hypostatique signifie personnel, une seule
personne, la Seconde de la Sainte Trinité : le Verbe. Il avait non
seulement la nature divine, nature de Dieu, mais aussi la nature humaine :
« Mes mains, mes pleurs, mes larmes, mon sang sont humains et
divins. » Jésus est à la fois homme et Dieu.
Selon la théologie, Il ne possède qu’une
personne, qui est la divine, qui vit depuis toujours, depuis l’éternité, et la
nature humaine nouvelle, qui fut assumée à partir des entrailles d’une femme, comme
tout ĂŞtre humain. Cette union personnelle, hypostatique, est le secret du Salut
des êtres humains. C’est pourquoi, je le répète : il ne peut plus y avoir
dorénavant le Salut d’un homme, si ce n’est qu’en passant par Jésus, par la
personne du Christ, par la foi dans le Seigneur.
Ce matin, nous devons demander Ă la
Vierge que tous ceux qui travaillent pour la libération du peuple ne s’éloignent
pas de cette foi, mais qu’ils sentent que cette foi leur donne la véritable
grandeur, le véritable destin, l’origine et la fin de tout ce que Dieu veut
pour le bonheur des peuples. Qu’il n’y ait pas sur la Terre des prétentions qui
ne soient pas de Dieu. Et que loin de nous Ă©loigner du mouvement salvifique du
Christ, nous nous sentions davantage généreux pour sauver le peuple. Que seul
Dieu, Dieu dans son Christ, Dieu fait homme, nous donne le véritable sens
libérateur pour lequel nous travaillons et nous mourons. 23/12/79, p. 66-68,
VIII.
3) Marie continue d’être un signe de
Salut pour tous les temps
A) Marie n’est pas seulement la mère
du Christ physique, mais aussi celle du Christ historique
Cet heureux événement passa et nous
allons le commémorer en cette nuit de Noël. Mais Marie, Dieu voulut
l’identifier avec son Église. Mère de notre vie spirituelle, Elle vit
préoccupée de ce que la Vie de Dieu s’incarne chez tous les humains. Marie est
non seulement la mère du Christ physique, mais aussi celle du Christ
historique. Marie considère le Christ comme la Tête de tout le corps mystique
que nous formons tous et tant qu’un homme sera sur le point de naître, Marie
sera enceinte. L’Église enceinte, donne sans cesse naissance. L’accouchement de
Marie et de l’Église se poursuivra jusqu’à la fin des temps.
Ce n’est pas là un mensonge ou une
image ce que nous venons de dire… En cette heure tragique, comme est en train
de vivre notre patrie, nous vivons un accouchement. C’est vrai. Dans l’Histoire,
il y a des heures d’accouchement pour les peuples, des heures où la naissance
est difficile. Lorsque doit naître un homme nouveau, un pays nouveau, une
nation selon le cœur de Dieu, sans nous en rendre compte, nous collaborons tous
aux douleurs de l’enfantement avec la foi dans la destinée de l’Histoire que
Dieu a voulue.
Marie connaît ce destin et c’est
pourquoi nous recherchons ce que dit saint Paul : « que le Christ
offrit son corps en holocauste une fois pour toutes et cet acte continue de
sanctifier ceux qui furent rachetés par le Christ. » Ce qui signifie que
l’acte salvifique se consuma sur le Calvaire et dans la Résurrection, mais
l’application de ce mystère, pour sauver le monde, est l’œuvre de l’Église tout
au long des siècles.
Ce que je fais en ce moment, ce que
doivent faire les futurs prêtres dans leur ministère, ce qu’aujourd’hui
l’Église fait par le moyen de son travail pastoral, n’est pas autre chose que
de rendre fécond ce sacrifice du Christ dans le cœur de chacun, de convertir
les incrédules, de faire en sorte que croisse la foi de ceux qui croient, de sanctifier
ceux qui sont déjà saints. Ce travail ne se termine jamais.
Je voudrais que tous ceux qui forment
l’Église, nous ayons une idée si claire de cette vision de transformation du
monde dont Dieu nous a chargée, que nous n’ayons plus besoin de mendier aux
projets politiques de la Terre, que nous ayons une compréhension telle de tout
cela, que nous puissions leur dire sans envie, mais avec affection :
« Ce que vous être en train de faire pour une nouvelle naissance du pays,
ne suffit pas si cela ne correspond pas Ă une sanctification de tous les
Salvadoriens. » Accompagnons, oui, accompagnons ces efforts libérateurs
mais en les portant en tant qu’Église, en tant que mère féconde de la vie de
Dieu qui ne cesse de venir au monde, véritable Fils de Dieu.
B) La contribution de l’Église au
Salvador : Marie, une dévotion libératrice
C’est pourquoi j’écris, dans ma
quatrième lettre pastorale, que j’offre au pays ce que l’Église peut faire pour
qu’on ne l’interprète pas mal, ce que tous ses membres doivent savoir de ce que
nous pouvons et de ce que nous devons donner et ce que nous ne pouvons ni ne
devons donner. Je disais que, parmi les choses que nous pouvons donner, c’est
Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église et de l’Amérique. C’est le plus tendre
et le plus beau de la collaboration de l’Église du Salvador. Puebla fit
également cette riche interprétation du rôle de Marie dans l’œuvre libératrice
de l’Église et de sa providentielle présence dans la dévotion de notre
peuple. » (99)
Je cite ici la pensée du Pape sur le
fait que pour l’Amérique latine, la dévotion à Marie est une expérience vitale
et historique qui appartient à l’identité propre de ces peuples. Aujourd’hui,
avec le motif des fêtes à la Vierge, qui sont si belles en ce mois de décembre,
nous avons rappelé comment elle est : « …. femme forte qui connut la
pauvreté et la souffrance, la fuite et l’exil. Ce sont des situations qui ne
peuvent échapper à l’attention de ceux qui veulent seconder avec un esprit
évangélique les énergies libératrices de l’homme et de la société. »
(Puebla 302; 99)
Souvenons-nous Ă©galement comment
Marie dans son cantique, précisément dans l’Évangile d’aujourd’hui (Luc), « se
manifeste comme modèle pour ceux qui n’acceptent pas passivement les
circonstances adverses de la vie personnelle et sociale, ni ne sont victimes de
l’aliénation comme cela se produit aujourd’hui. Mais ils proclament avec Elle
que Dieu « loue les humbles » et, si c’est nécessaire, renverse les
puissants de leurs trônes. » Puebla (297; 99)
Marie nous enseigne le projet de Dieu
et la collaboration qu’Il demande aux humains
En ce dimanche que nous avons dédié
avec tant d’affection à la Vierge, je voudrais que tous les chrétiens qui
participent à cette réflexion, nous sachions vivre l’expérience puissante et
douce de la dĂ©votion Ă Marie qui ne nous amène pas au conformisme et Ă
l’aliénation comme vient de le rappeler le Pape, mais qu’elle sait donner à la souffrance,
à l’exil, à l’oppression, son véritable sens. Pas de désespoir, de violence, de
haine ou de vengeance, mais le sens de la RĂ©demption. Le sens du Christ qui
dit : « Tu m’as donné un corps pour te l’offrir en holocauste. Il est
le Salut du monde. C’est cela, le Salut et le Projet de Dieu que nous vivons et
que nous aimerions vivre plus intensément. […]
En terminant cette précieuse
réflexion, j’aimerais inviter les prêtres à vivre dans toute leur vie le double
mystère de Noël : l’Immanence et la Transcendance. Le mystère de
l’Immanence, Dieu qui se fait homme, qui assume et sanctifie en Lui les
réalités de l’Histoire sans craindre les vicissitudes du monde. Le mystère de
la Transcendance est un Dieu qui s’engage dans l’Histoire pour la transcender Ă
partir de son intimité, de ses entrailles. Le prêtre, la communauté, l’Église
qui vit ainsi sa foi comme une Immanence de Dieu dans l’Histoire et une
Transcendance de l’Histoire vers Dieu, accomplit la mission salvatrice, le
projet du JĂ©sus du Salut. 23/12/79, p.68-70, VIII.