Par Marie, Dieu veut sauver dans l’histoire

 

Quatrième dimanche de l’avent; 23 dĂ©cembre 1979; Lectures : MichĂ©e 5,2-5a; HĂ©breux 10,5-10; Luc 1,39-45.

 

Contexte central : deux femmes enceintes miraculeusement : Marie et Élisabeth

 

Les figures principales de ces quatre dimanches de l’avent sont deux femmes enceintes : Élisabeth et Marie. Les deux ont Ă©tĂ© fĂ©condĂ©es miraculeusement. Élisabeth vieille et stĂ©rile qui Ă©tait dĂ©jĂ  au sixième mois de sa grossesse et qui va ĂŞtre mère du PrĂ©curseur. Et Marie qui sans perdre sa virginitĂ©, par l’œuvre du Saint Esprit, va concevoir Celui qui vient naĂ®tre Ă  BethlĂ©em comme le RĂ©dempteur des hommes.

 

Marie est la belle figure de l’avent

 

Pour rendre un grand hommage à la femme, j’aimerais dire que toute femme enceinte est un avent. C’est l’annonce d’une vie qui arrive. Comment l’Église pourrait-elle diffamer et outrager la figure de la femme? Au contraire, elle l’exalte et la loue, et elle veut la défendre de tout ce qui l’outrage et la diminue.

 

Pendant l’avent, ces deux personnages : Marie, enceinte pour ĂŞtre la mère de JĂ©sus et l’Église elle-mĂŞme qui fĂ©conde tant de fils. Et, comme Marie, Vierge et Mère, elle se prĂ©pare Ă  donner naissance Ă  la lumière dans l’éternitĂ©, dans l’Église dĂ©finitive du Ciel. Ceci Ă©voque tout le sens de cette prĂ©paration de NoĂ«l dans le cĹ“ur du chrĂ©tien : la venue de la vie de Dieu pour se faire vie des hommes, et la seconde venue de ce JĂ©sus, qui dans la splendeur de sa gloire, viendra pour consumer son Église. C’est entre ces deux avents, entre ces deux venues de vie, que se meut le christianisme.

 

Marie se démarque dans la première venue du Christ, mais là ne se termine pas sa mission

 

Tout au long de l’histoire du christianisme, elle accompagne les ministères de l’Église : les travaux de ses apĂ´tres, de ses Ă©vĂŞques, de ses prĂŞtres, de ses catĂ©chistes, de ses religieuses, des pères de famille; tous ceux qui construisent l’Église au long des siècles. Marie est la mère de toute cette fĂ©conditĂ© que nous autres, humbles travailleurs de l’Évangile, tâchons de semer dans le peuple.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Jésus est le Salut de Dieu dans l’Histoire

2) Par Marie, nous avons JĂ©sus

3) Marie continue d’être un signe de Salut pour tous les temps

 

1) Jésus est le Salut de Dieu dans l’Histoire

 

A) Jésus est le nom que l’Archange de Dieu ordonna de donner au futur Fils de la Vierge.

 

L’Évangile nous raconte que ce fruit des entrailles de Marie va prendre le nom imposĂ© par ce mĂŞme Dieu. Il charge Joseph (Mt 1,21) : « Tu l’appelleras du nom de JĂ©sus. Â» Contraction hĂ©braĂŻque qui veut dire : « Dieu sauve Â».

 

C’est cela, JĂ©sus : Dieu sauve! Il est le Salut de Dieu qui se fait enfant Ă  BethlĂ©em, qui se fait homme crucifiĂ© au Calvaire, qui se fait Église pour prolonger sa vie dans l’Histoire.

 

Il sauvera le peuple de ses pĂ©chĂ©s. C’est intĂ©ressant ce que dit le document de Puebla Ă  propos de Marie : Marie est le point culminant de l’Histoire qui s’unit avec le Ciel et apporte la vie de Dieu Ă  l’humanitĂ©.

 

Marie enceinte de JĂ©sus

 

Marie se présente dans l’Évangile d’aujourd’hui (Lc 1,39-45) féconde de ce Salut qui est déjà venu et qu’elle porte dans ses entrailles.

La force salvatrice de l’Esprit repose déjà sur Élisabeth et Jean.

En arrivant Ă  la maison de sa cousine Élisabeth, se produit la sanctification de Jean Baptiste sans mĂŞme qu’il soit nĂ© : « Dès qu’Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillit dans son sein et Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint. Â» Jean Baptiste va naĂ®tre sans pĂ©chĂ© parce que l’a dĂ©jĂ  sanctifiĂ© le Salut de Dieu qui vient Ă  sa propre maison dans les entrailles de Marie.

 

Élisabeth la nomme : « Mère de mon Seigneur. Â»

 

Quelle rencontre plus fantastique que celle de ces deux femmes!

« Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a Ă©tĂ© dit de la part du Seigneur! Â» (Lc 1,45) dit Élisabeth Ă  Marie.

 

Le projet du Salut

 

Qu’est-ce que le Seigneur a dit à Marie? Il lui a révélé le projet du Salut.

 

Le Salut que nous prêchons, il ne faut pas le diluer avec des projets de libérations partielles

 

Le Salut que prêche l’Église du Christ n’est pas autre chose que ce que Marie a cru et initié en donnant son consentement de se faire féconde pour le Salut de l’humanité. C’est pourquoi l’Église est si jalouse de préserver cette foi de Marie, ce projet de Dieu dans le Salut des hommes. Et c’est pour cela qu’elle, l’Église, ne tolère pas qu’on la mêle à des projets simplement humains, parce qu’elle les sanctifie et les pénètre tous par l’Esprit du Christ. Tout effort de libération des peuples ne sera efficace que s’il se laisse pénétrer par la foi du projet de Dieu pour sauver l’humanité.

Nos temps sont propices pour fĂ©liciter Marie et pour l’entendre. Elle qui veut voir Dieu dans la libĂ©ration de notre pays et de notre peuple, afin que nous ne nous laissions pas sĂ©duire par les fausses libĂ©rations, et que nous demeurions toujours - dans la prolongation de l’histoire - le Salut de Dieu qui est venu par les entrailles de Marie, dans la foi de Marie, pour donner vie Ă  tous les efforts « salvifiques Â» de la Terre. 23/12/79, p.62-64, VIII.

 

B) MichĂ©e - le prophète de ce dimanche - se rĂ©fère Ă  ce projet « salvifique Â» de Dieu.

 

Lorsqu’il dit (Mi 5,1) : « Ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. Â»

 

Annonce de ce souvenir de l’antiquitĂ© du berceau de David (Mi 5,1) :

 

« Et toi, (BethlĂ©em) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que naĂ®tra celui qui doit rĂ©gner sur IsraĂ«l. Â» C’est l’initiative de Dieu, qu’en cet humble hameau de BethlĂ©em oĂą est nĂ© David, vienne naĂ®tre son descendant qui doit ĂŞtre Celui qui rĂ©alisera comme protagoniste le Salut de Dieu projetĂ© pour les hommes : Une dynastie de laquelle naĂ®tra le Roi de ceux qui le suivent avec la vĂ©ritable foi.

 

Le style de cette œuvre libératrice

 

On nous relate dans la première lecture d’aujourd’hui que (Mi 5,2) : « â€¦ YahvĂ© les abandonnera jusqu’au temps oĂą aura enfantĂ© celle qui doit enfanter. Â» Encore une prĂ©cieuse allusion Ă  Marie.

 

Ă€ peine trente ans plus tĂ´t, devant le roi Ajab, qui tremblait de peur devant l’invasion de l’Assyrie, le grand prophète IsaĂŻe lui offre un signe que Dieu est avec son peuple : « Une vierge concevra et donnera naissance, demeurant toujours vierge. Â» C’est le merveilleux signe du prodige de Dieu qui dĂ©jĂ  s’accomplit quand celle qui doit donner naissance est sur le point de le faire. En ce NoĂ«l, arrive Ă  nous, dit le prophète : « Celui qui doit rompre les esclavages de tous les hommes. Â»

 

Comme ce NoĂ«l devrait faire rĂ©sonner l’espĂ©rance pour notre pays, alors que plusieurs vivent dans le pessimisme! Si Dieu est avec nous, si celle qui doit donner naissance se souvient, une annĂ©e encore, qu’en cette Sainte Nuit, Elle marqua le dĂ©but du Salut que Dieu veut, pourquoi avons-nous peur? Une nuit d’espĂ©rance s’approche : la nuit de NoĂ«l oĂą celle qui doit donner naissance, donnera naissance et mettra fin aux esclavages de la Terre, l’esclavage de ceux qui vivaient sous la tyrannie et le pouvoir des idoles, du pĂ©chĂ© et des passions.

 

Le prophète annonce (Mi 5,3) : « Ils s’établiront, car alors il sera grand jusqu’aux extrĂ©mitĂ©s de la Terre. Â» Il s’agit d’un Règne universel, d’un Salut qui s’offre Ă  tous ceux qui le recherchent avec un cĹ“ur sincère.

 

Cette prophĂ©tie de MichĂ©e appelle Celui qui doit naĂ®tre de cette femme mystĂ©rieuse : « Il sera notre paix. Â» Il est la paix! Pourquoi la paix manque-t-elle sur la Terre? Parce que les hommes, les femmes, se sont Ă©loignĂ©s de Dieu et parce qu’ils se sont approchĂ©s de la haine qui sĂ©pare les uns des autres. Le Christ est la paix parce qu’Il nous approche de Dieu et parce qu’il nous appelle tous Ă  nous embrasser fraternellement. C’est cela, le Salut que le Christ apporte.

 

Raisons théologiques

 

Il sauvera les humains

 

Quand dans la seconde lecture (He 10,5-10) nous avons l’explication du pourquoi le Christ est Rédempteur et du pourquoi Jésus est le Salut du monde, il nous est présenté également comment en une nuit de Noël, Il fit son entrée dans l’Histoire.

 

Tu m’as façonné un corps

 

Observez ce moment prĂ©cieux oĂą Dieu entre dans l’Histoire, comme nous le raconte l’épĂ®tre aux HĂ©breux (10,5) : « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m’as façonnĂ© un corps… Â»

 

« Je viens pour faire ta volontĂ©. Â» (10,9-10) « â€¦ Et c’est en vertu de cette volontĂ© que nous sommes sanctifiĂ©s par l’oblation du corps de JĂ©sus-Christ, une fois pour toutes. Â»

 

Cela veut dire que cet enfant qui naît de Marie est la chair dont Dieu a besoin pour s’offrir en holocauste. Le monde a commencé à se sauver dès le moment où le Verbe se fit chair. Dans les entrailles de Marie a débuté le Salut du monde, Salut qui va se consumer sur la croix du Calvaire, et plus encore, quand Il triomphe sur la mort et est glorifié dans le Ciel.

 

Le Christ sauve depuis l’Incarnation… depuis la croix… depuis la Résurrection et la gloire = Kénose.

 

Ou encore, ici apparaĂ®t le parcours du Salut. « Je viens du Père et Je me suis soumis Ă  l’humiliation de la mort; maintenant Je retourne vers le Père en apportant avec moi le Salut des hommes. Â» C’est cela, le projet salvifique du Christ, lequel suppose ce que la thĂ©ologie appelle la KĂ©nose ou bien, l’humiliation de celui qui, Ă©tant Dieu, se dĂ©pouilla de son rang divin pour se faire homme et, bien davantage, un condamnĂ©. Un homme qui souffre l’injustice dans sa propre chair et qui offre Ă  Dieu l’holocauste de sa souffrance afin que tous ceux qui croient en Lui soient sauvĂ©s. Marie est l’auteur de cette chair du Fils de Dieu qui par la volontĂ© du Père, offre dans l’holocauste de la croix, le sacrifice qui sauve le monde.

 

Si une libération ne porte pas Dieu dans ses entrailles, elle ne peut pas être complète ni efficace

 

Frères, connaissant ici le projet salvifique de Dieu, nous pouvons dire dès maintenant qu’il n’existe pas de libérations dans l’Histoire si elle ne s’incorpore pas à la grande libération que Dieu projette pour tous les hommes. Toute libération qui ne porte pas dans ses entrailles le Projet de Dieu, est une fausse libération. Toute libération qui ne débute pas par la foi dans le Salut en Jésus-Christ est une libération mutilée, temporelle, politico-économique. Celle-ci, aussi parfaite qu’elle soit, si elle n’est pas incrustée dans le Salut du Christ qui enlève du péché et élève jusqu’à Dieu, nous ne pouvons pas dire qu’elle est la Libération intégrale que Dieu veut.

 

Plus encore, cette Ă©pĂ®tre de saint Paul condamne, comme peu libĂ©ratrice, une religion qui s’éloigne du projet de Dieu. Quand saint Paul, dans l’épĂ®tre aux HĂ©breux dit clairement : « â€¦ ni les sacrifices, ni les holocaustes du temple ne sont agrĂ©ables Ă  Dieu parce qu’ils ne possèdent pas la profondeur du sacrifice du Christ pour le Salut des hommes… », il dĂ©nonce un faux sens de la religion.

 

Il ne sert à rien d’offrir de nombreuses pénitences, de nombreuses prières à Dieu si on n’a pas le sens profond de cette libération des esclavages de l’homme et de la femme, que Dieu veut, si elles ne s’introduisent pas dans cet abandon du Christ, qui étant riche s’est fait pauvre et se déposséda de tout jusqu’à l’humiliation sur la croix. C’est à partir de là, qu’est donné son véritable sens à la libération et à la religion chrétienne.

 

Puisse Dieu, qu’en ce matin où nous réfléchissons sur le fait qu’en Jésus seul nous avons le Salut en Dieu, nous observions si vraiment notre religion adore le véritable Jésus ou si nous n’avons pas mystifié en Jésus-Christ, ce qui ne correspond pas au véritable Salut de Dieu que Marie nous enseigne à connaître par l’exemple de sa foi. 23/12/79, p.64-66, VIII.

 

2) Par Marie, nous avons JĂ©sus

 

A) JĂ©sus et Marie unis dans le projet de Dieu

 

« Au moyen de Marie… Â» (Puebla)

 

JĂ©sus et Marie dans le projet de Salut de Dieu nous sont prĂ©sentĂ©s dans le document de Puebla par cette belle expression : « Au moyen de Marie, Dieu se fit chair, fit partie d’un peuple, d’oĂą Il constitue le centre de l’Histoire. Elle est le trait d’union entre le Ciel et la Terre. Sans Marie, l’Évangile se dĂ©sincarne, se dĂ©figure et se transforme en idĂ©ologie, en rationalisme spiritualiste. Â» (301) Marie, donc, donnera Ă  la RĂ©demption le sens que Dieu veut.

 

 

La voix d’Élisabeth sera la voix de toute l’éternité…

 

L’Évangile d’aujourd’hui, (Lc 1,39-45) met sur les lèvres d’Élisabeth le Salut de tous les siècles. L’Attendu est dĂ©jĂ  le fruit des entrailles de Marie (Lc 1,42) : « BĂ©nie es-tu entre toutes les femmes, et bĂ©ni le fruit de ton sein! Â»

 

Virgile

 

MĂŞme les paĂŻens prĂ©sentèrent la venue de cette femme admirable. Par exemple, quand le poète Virgile, dans un de ses poèmes qui semble quasi semblable Ă  une prophĂ©tie d’IsaĂŻe, dit Ă  l’enfant de cette femme mystĂ©rieuse : incipe parvea puer rusum cognoscere matris, « commence, tendre enfant, Ă  connaĂ®tre le sourire de ta mère Â», c’est une mère bĂ©nie en qui toute l’humanitĂ© s’est donnĂ© rendez-vous, qu’il prĂ©sente.

 

Quand Marie reçoit l’annonce de l’ange : Veux-tu ĂŞtre mère du Sauveur? Marie va ĂŞtre la responsable de toute l’humanitĂ©. Ce « fiat Â», « qu’il m’advienne selon ta parole! », n’est pas uniquement celui de la jeune femme de Nazareth, c’est la voix de l’angoisse de tous les peuples qui ont besoin de RĂ©demption. On pourrait dire que cette inquiĂ©tude, cette crise, cette frayeur du Salvador de 1979, pesait de toute son angoisse sur les lèvres tremblantes de Marie : « Je suis l’esclave du Seigneur, viens sauver ce peuple. Viens, le Salvador a besoin de toi, l’Histoire a besoin de toi, les peuples ont besoin de toi. Â» Marie est alors celle qui donne naissance Ă  l’Être mystĂ©rieux que Dieu a promis comme signe de sa toute Puissance, comme signe de son Salut.

 

B) « Tu m’as prĂ©parĂ© un corps… Â»

 

Quand, dans la seconde lecture d’aujourd’hui (He 10,5-10), le Christ fait son entrĂ©e dans l’Histoire, Il dit Ă  Dieu : « Tu m’as prĂ©parĂ© un corps. Ce corps sera l’holocauste dont tu as besoin. Â» Et nous avons ici Marie qui donne son corps, sa vie humaine, comme toutes les femmes donnent la vie humaine Ă  leur fils. Marie donne tout ce qu’est l’être humain Ă  Celui qui, par ailleurs, est Fils de Dieu, pour, qu’en ses membres humains, Il porte la responsabilitĂ© de tout l’humain et le purifie par son sang, lequel, parce qu’il appartient Ă  Dieu, est sang divin, est RĂ©demption de Dieu.

 

L’être humain uni à Dieu

 

Frères, c’est lĂ  le grand mystère que la thĂ©ologie a appelĂ© d’un nom un peu rare, mais qui exprime toute la profondeur de la nature du Verbe et de la nature humaine qui s’unissent en une union « hypostatique Â». Hypostatique signifie personnel, une seule personne, la Seconde de la Sainte TrinitĂ© : le Verbe. Il avait non seulement la nature divine, nature de Dieu, mais aussi la nature humaine : « Mes mains, mes pleurs, mes larmes, mon sang sont humains et divins. Â» JĂ©sus est Ă  la fois homme et Dieu.

 

Selon la thĂ©ologie, Il ne possède qu’une personne, qui est la divine, qui vit depuis toujours, depuis l’éternitĂ©, et la nature humaine nouvelle, qui fut assumĂ©e Ă  partir des entrailles d’une femme, comme tout ĂŞtre humain. Cette union personnelle, hypostatique, est le secret du Salut des ĂŞtres humains. C’est pourquoi, je le rĂ©pète : il ne peut plus y avoir dorĂ©navant le Salut d’un homme, si ce n’est qu’en passant par JĂ©sus, par la personne du Christ, par la foi dans le Seigneur.

 

Ce matin, nous devons demander à la Vierge que tous ceux qui travaillent pour la libération du peuple ne s’éloignent pas de cette foi, mais qu’ils sentent que cette foi leur donne la véritable grandeur, le véritable destin, l’origine et la fin de tout ce que Dieu veut pour le bonheur des peuples. Qu’il n’y ait pas sur la Terre des prétentions qui ne soient pas de Dieu. Et que loin de nous éloigner du mouvement salvifique du Christ, nous nous sentions davantage généreux pour sauver le peuple. Que seul Dieu, Dieu dans son Christ, Dieu fait homme, nous donne le véritable sens libérateur pour lequel nous travaillons et nous mourons. 23/12/79, p. 66-68, VIII.

 

3) Marie continue d’être un signe de Salut pour tous les temps

 

A) Marie n’est pas seulement la mère du Christ physique, mais aussi celle du Christ historique

 

Cet heureux événement passa et nous allons le commémorer en cette nuit de Noël. Mais Marie, Dieu voulut l’identifier avec son Église. Mère de notre vie spirituelle, Elle vit préoccupée de ce que la Vie de Dieu s’incarne chez tous les humains. Marie est non seulement la mère du Christ physique, mais aussi celle du Christ historique. Marie considère le Christ comme la Tête de tout le corps mystique que nous formons tous et tant qu’un homme sera sur le point de naître, Marie sera enceinte. L’Église enceinte, donne sans cesse naissance. L’accouchement de Marie et de l’Église se poursuivra jusqu’à la fin des temps.

 

Ce n’est pas là un mensonge ou une image ce que nous venons de dire… En cette heure tragique, comme est en train de vivre notre patrie, nous vivons un accouchement. C’est vrai. Dans l’Histoire, il y a des heures d’accouchement pour les peuples, des heures où la naissance est difficile. Lorsque doit naître un homme nouveau, un pays nouveau, une nation selon le cœur de Dieu, sans nous en rendre compte, nous collaborons tous aux douleurs de l’enfantement avec la foi dans la destinée de l’Histoire que Dieu a voulue.

 

Marie connaĂ®t ce destin et c’est pourquoi nous recherchons ce que dit saint Paul : « que le Christ offrit son corps en holocauste une fois pour toutes et cet acte continue de sanctifier ceux qui furent rachetĂ©s par le Christ. Â» Ce qui signifie que l’acte salvifique se consuma sur le Calvaire et dans la RĂ©surrection, mais l’application de ce mystère, pour sauver le monde, est l’œuvre de l’Église tout au long des siècles.

 

Ce que je fais en ce moment, ce que doivent faire les futurs prêtres dans leur ministère, ce qu’aujourd’hui l’Église fait par le moyen de son travail pastoral, n’est pas autre chose que de rendre fécond ce sacrifice du Christ dans le cœur de chacun, de convertir les incrédules, de faire en sorte que croisse la foi de ceux qui croient, de sanctifier ceux qui sont déjà saints. Ce travail ne se termine jamais.

 

Je voudrais que tous ceux qui forment l’Église, nous ayons une idĂ©e si claire de cette vision de transformation du monde dont Dieu nous a chargĂ©e, que nous n’ayons plus besoin de mendier aux projets politiques de la Terre, que nous ayons une comprĂ©hension telle de tout cela, que nous puissions leur dire sans envie, mais avec affection : « Ce que vous ĂŞtre en train de faire pour une nouvelle naissance du pays, ne suffit pas si cela ne correspond pas Ă  une sanctification de tous les Salvadoriens. Â» Accompagnons, oui, accompagnons ces efforts libĂ©rateurs mais en les portant en tant qu’Église, en tant que mère fĂ©conde de la vie de Dieu qui ne cesse de venir au monde, vĂ©ritable Fils de Dieu.

 

B) La contribution de l’Église au Salvador : Marie, une dĂ©votion libĂ©ratrice

 

C’est pourquoi j’écris, dans ma quatrième lettre pastorale, que j’offre au pays ce que l’Église peut faire pour qu’on ne l’interprète pas mal, ce que tous ses membres doivent savoir de ce que nous pouvons et de ce que nous devons donner et ce que nous ne pouvons ni ne devons donner. Je disais que, parmi les choses que nous pouvons donner, c’est Marie, Mère du Christ, Mère de l’Église et de l’AmĂ©rique. C’est le plus tendre et le plus beau de la collaboration de l’Église du Salvador. Puebla fit Ă©galement cette riche interprĂ©tation du rĂ´le de Marie dans l’œuvre libĂ©ratrice de l’Église et de sa providentielle prĂ©sence dans la dĂ©votion de notre peuple. Â» (99)

 

Je cite ici la pensĂ©e du Pape sur le fait que pour l’AmĂ©rique latine, la dĂ©votion Ă  Marie est une expĂ©rience vitale et historique qui appartient Ă  l’identitĂ© propre de ces peuples. Aujourd’hui, avec le motif des fĂŞtes Ă  la Vierge, qui sont si belles en ce mois de dĂ©cembre, nous avons rappelĂ© comment elle est : « â€¦. femme forte qui connut la pauvretĂ© et la souffrance, la fuite et l’exil. Ce sont des situations qui ne peuvent Ă©chapper Ă  l’attention de ceux qui veulent seconder avec un esprit Ă©vangĂ©lique les Ă©nergies libĂ©ratrices de l’homme et de la sociĂ©tĂ©. Â» (Puebla 302; 99)

 

Souvenons-nous Ă©galement comment Marie dans son cantique, prĂ©cisĂ©ment dans l’Évangile d’aujourd’hui (Luc), « se manifeste comme modèle pour ceux qui n’acceptent pas passivement les circonstances adverses de la vie personnelle et sociale, ni ne sont victimes de l’aliĂ©nation comme cela se produit aujourd’hui. Mais ils proclament avec Elle que Dieu « loue les humbles Â» et, si c’est nĂ©cessaire, renverse les puissants de leurs trĂ´nes. Â» Puebla (297; 99)

 

Marie nous enseigne le projet de Dieu et la collaboration qu’Il demande aux humains

 

En ce dimanche que nous avons dĂ©diĂ© avec tant d’affection Ă  la Vierge, je voudrais que tous les chrĂ©tiens qui participent Ă  cette rĂ©flexion, nous sachions vivre l’expĂ©rience puissante et douce de la dĂ©votion Ă  Marie qui ne nous amène pas au conformisme et Ă  l’aliĂ©nation comme vient de le rappeler le Pape, mais qu’elle sait donner Ă  la souffrance, Ă  l’exil, Ă  l’oppression, son vĂ©ritable sens. Pas de dĂ©sespoir, de violence, de haine ou de vengeance, mais le sens de la RĂ©demption. Le sens du Christ qui dit : « Tu m’as donnĂ© un corps pour te l’offrir en holocauste. Il est le Salut du monde. C’est cela, le Salut et le Projet de Dieu que nous vivons et que nous aimerions vivre plus intensĂ©ment. […]

 

En terminant cette prĂ©cieuse rĂ©flexion, j’aimerais inviter les prĂŞtres Ă  vivre dans toute leur vie le double mystère de NoĂ«l : l’Immanence et la Transcendance. Le mystère de l’Immanence, Dieu qui se fait homme, qui assume et sanctifie en Lui les rĂ©alitĂ©s de l’Histoire sans craindre les vicissitudes du monde. Le mystère de la Transcendance est un Dieu qui s’engage dans l’Histoire pour la transcender Ă  partir de son intimitĂ©, de ses entrailles. Le prĂŞtre, la communautĂ©, l’Église qui vit ainsi sa foi comme une Immanence de Dieu dans l’Histoire et une Transcendance de l’Histoire vers Dieu, accomplit la mission salvatrice, le projet du JĂ©sus du Salut. 23/12/79, p.68-70, VIII.