La Famille, Incarnation et Épiphanie
de Dieu, La Sainte famille
30 décembre 1979; Lectures :
Ecclésiaste : 3,3-7.14-17a; Colossiens 3,12-21; Luc 2,41-52)
Mystère d’immanence et de
transcendance
C’est un mystère d’immanence. Dieu
descend dans l’Histoire et s’assimile à tous les problèmes de l’humanité. Il
s’incarne dans tous les peuples, dans toutes les familles, mais non pas pour
demeurer là , mais pour transcender. C’est aussi un mystère de transcendance. Si
Dieu se fait homme, c’est pour que nous, les humains, devenions Dieu; pour que
nous nous élevions et que tous les problèmes humains, politiques, sociaux,
historiques, soient élevés par ce courant de transcendance à la suite de ce
Verbe fait chair pour donner vie divine aux hommes et rendre les ĂŞtres humains
compagnons de la félicité de Dieu pour toute l’éternité. Laissons-nous porter
par ce courant du Christ et célébrons Noël.
Signe de l’Incarnation : Un
membre d’une famille parmi tant d’autres!
Et comme une des manifestations de
Dieu fait homme, en ce mystère d’immanence et de transcendance, c’est
précisément la famille. Il ne serait pas un homme véritable s’il n’avait pas eu
une famille. Nous non plus, nous ne serions pas humains si nous n’avions pas le
souvenir d’une famille, d’une maman, d’un papa, de nos frères et de nos sœurs,
oncles et tantes, grands-parents et tout ce qui constitue une famille. C’est
pour cela que le Verbe s’est fait homme en commençant par sanctifier cette
réalité : la famille. Et l’Église recueille le mystère de Dieu fait homme
pour nous l’offrir en cette rĂ©flexion de NoĂ«l. Nous vous invitons aujourd’hui Ă
célébrer la fête de la Sainte Famille.
La famille, Incarnation et Épiphanie
de Dieu
C’est ce qu’est toute famille. Le
concept de Dieu qui s’incarne dans la famille et la famille qui doit être
l’Épiphanie, la manifestation que Dieu vit en ce monde.
Plan de l’homélie :
1) Présence de Dieu dans la famille
2) La famille, Église domestique du
Christ
3) La famille, une priorité pastorale
de l’Église en Amérique latine. 30/12/79, p.88, VIII.
1) Présence de Dieu dans la famille
(Lc 2,41) : « Ses parents
se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. » En
premier lieu, dans les lectures d’aujourd’hui, ce qui ressort, c’est cette
relation intime entre Dieu et la famille, entre la famille et Dieu. Qu’est-ce
que l’Évangile sinon l’Incarnation de Dieu dans une famille et la transcendance
de cette famille : Marie, Joseph, l’enfant, transcendant jusqu’à Dieu. Nous
avons déjà dit vers où se dirige la famille de Nazareth en marche : vers
le temple, le centre national et religieux d’Israël. Toutes les Pâques étaient
des fĂŞtes religieuses et nationales pour les juifs et cette bonne famille
d’israélites, comme toutes les autres, y allait à chaque année. Un peu comme le
font nos familles de la campagne qui vont célébrer les fêtes patronales. C’est
le signe que la famille marche vers Dieu.
A) On accentue le caractère sacré de la
famille : obéissance au Père
Il existe un dialogue entre le Christ
et ses parents, pour leur dire qu’au-delà du père et de la mère de la Terre il
existe un Père des cieux dont la volonté doit être faite par tous les membres
de la famille. Le jeune ne doit pas être manipulé, ni par son père, ni par sa
mère lorsqu’il s’agit de la volonté du Père qui est dans les cieux. (Lc
2,48-49) : « Mon enfant, dit la Vierge à Jésus, pourquoi nous as-tu
fait cela? Vois! Ton père et moi, nous te cherchons angoissés. » Et le
Christ leur dit avec la tendresse d’un fils, mais avec la vaillance d’un fils
de Dieu : « Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que
je dois être dans la maison de mon Père? » Tout homme doit, un jour, dire cette
vérité. S’il est certain qu’il existe un amour très grand entre les époux,
amour jusqu’à la mort, sanctifié par Dieu, il doit demeurer toujours subordonné
à la volonté de Dieu. La loi de Dieu est au-dessus de toi.
L’autre jour, on me rapporta que
certains me critiquent parce que je fais référence à la doctrine de l’Église en
ce qui concerne la fécondité, l’interdiction de certains actes de péché dans le
mariage, et ils dirent : « Pourquoi se mêle-t-il de ces choses
intimes? » Je ne me mêle pas des choses intimes. C’est Dieu, l’auteur de la
nature, des sexes, le propriétaire de la famille, qui pose une loi à laquelle
doivent se soumettre le mari, la femme et les enfants. « Ne savez-vous pas
que je dois m’occuper des choses de mon père? » Lui, plus que tout autre, Il
est la paternité d’où découle toute la famille, tout l’amour et toute relation.
Le Christ est l’exemple de la famille
orientée vers Dieu. L’obéissance au Père. Ici aussi, il est question de la
vocation, puisque cette messe est une messe de jeunes. Voici ce qui est le plus
important de vos vies, très chers jeunes : « Pourquoi Dieu me
veut-il? » Savoir discerner par-dessus toutes considérations économiques et familiales :
« Pour quoi Dieu me veut-Il? Combien de fois j’entends dire :
« Je voudrais être prêtre mais je suis très pauvre. » Cela n’importe
pas. Recherchez le Règne de Dieu et sa justice. Obéissez à votre vocation et
tout le reste viendra par surcroît. Ne sommes-nous pas pauvres, la majorité de nous
qui sommes prêtres? Combien nous ressentions ces mots sur les lèvres de notre
mère : « Comme je voudrais te contenter mon enfant, mais je ne peux
pas, je suis pauvre. » Plusieurs des prêtres qui sont ici, ont dû
affronter de telles difficultés, mais grâce à Dieu, obéissant à sa volonté, les
moyens se sont présentés à vous. Dieu veut ces choses et souvent il soumet nos
facultés à l’épreuve. La première lecture d’aujourd’hui (Lc 2,41-52) nous offre
ces devoirs routiniers de la famille mais convertis en un culte Ă Dieu.
B) Valeur religieuse de
l’accomplissement des devoirs familiaux.
Méditez beaucoup cette première
lecture du livre de l’Ecclésiaste (3,3-7. 14-17a) où se trouvent étroitement
réunis le devoir envers les parents et la bénédiction de Dieu. Il débute en
disant que tout procède de l’initiative de Dieu.
Dieu fait les parents (Initiative de
Dieu)
Dieu rend le père plus respectable
que les fils et affirme l’autorité de la mère sur ses enfants. Aujourd’hui, le
conflit de générations est à la mode, alors que la fille ou le fils dit à son
père ou à sa mère : tu ne comprends pas la jeunesse d’aujourd’hui. Ils se
croient plus sages que leurs propres parents. Souvenez-vous de ce
principe : Dieu rend plus respectables les parents. Ce n’est pas parce
qu’ils sont paysans et toi universitaire, ce n’est pas parce que ta mère est
une humble vendeuse du marché et toi une professionnelle, que tu peux te
prétendre supérieur à eux. Dieu leur a donné une autorité que tu n’as pas.
Toute autorité vient de Dieu et tes parents possèdent ce don du Seigneur, qu’il
faut respecter.
Celui qui honore son père, expie ses
péchés; c’est un devoir transcendant de la famille
Pardonner les péchés est un sujet
religieux, mais honorer son père se convertit en un sujet religieux. C’est
pourquoi sont si heureux les enfants qui respectent leurs parents parce que,
sans doute, même s’ils ont leurs défauts et leurs péchés, ils savent ce que
signifie aimer leur père et leur mère. Même si c’est difficile. Si en vérité
ils le veulent, ils peuvent Ă©viter de faire tout ce qui fait horreur Ă leurs
parents. (Si 3,5) : « Celui qui honore son père trouvera de la joie
dans ses enfants; lorsqu’il priera il sera exaucé. »
Honorer son père et sa mère équivaut
Ă recevoir une audience avec Dieu
Dieu t’exaucera lorsque tu seras
respectueux envers tes parents. Celui qui respecte son père et sa mère, le
Seigneur l’écoute. Et il le répète en disant : (Si 3,14) « Car une
charité faite à un père ne sera pas oubliée, et, pour tes péchés, elle te
vaudra réparation. » Au sujet des pauvres, le Christ dit: « Tout ce
que vous avez fait à eux, c’est à moi que vous l’avez fait, » encore bien
plus à ces vénérables de la maison : nos parents. Dieu reçoit comme
paiement de tes péchés tout ce que tu offres à ton père et à ta mère.
Il se souviendra de toi au jour du
danger
Cette phrase biblique « le Jour
de Dieu », c’est le jour du jugement de chacun, le jour où nous devrons
rendre compte au Seigneur. Le bilan sera positif si nous avons eu de bonnes
relations avec nos parents.
Dieu est famille (Jean-Paul II)
J’aime à me rappeler cette jolie
phrase du Pape Jean-Paul II qui parlait de la famille au Mexique. La famille
est la relation avec Dieu. Le plus profond que nous puissions dire est
ceci : « Notre Dieu dans son mystère le plus intime n’est pas une
solitude, mais une famille qui porte en soi-même la paternité, la filiation et
l’essence de la famille qui est l’amour. Cet amour dans la famille divine est
l’Esprit saint. » Le thème de la famille, n’est pas étranger au thème de
l’Esprit Saint. Il est précieux de savoir que Dieu est famille. Qu’en Dieu il y
a le Père, le Fils et ce qui unit cette relation, l’amour qui se personnifie,
l’Esprit Saint.
Â
C’est pourquoi lorsque Dieu dit :
« Faisons l’homme à notre image et ressemblance », Il les fit homme
et femme pour qu’en s’aimant dans le mariage ils possèdent la fécondité de la
famille et soient oints de l’amour, de l’Esprit de Dieu.
Bienheureux les foyers où l’on n’a
pas oublié cette relation avec Dieu, et qui font de leur famille une véritable
communauté religieuse qui prie, rend grâce et se sanctifie dans la vénération
du Seigneur. Plus la famille se rappellera de cette relation avec Dieu, plus
l’on sentira la Présence de Dieu sur la Terre. Si Dieu, dans le Ciel, est
famille, Dieu, sur la Terre, est famille. C’est pourquoi nous avons intitulé
cette homélie : « La famille, Épiphanie de Dieu. » 30/12/79,
p.89-91, VIII.
2) La famille, Église domestique du
Christ
A) Concept du Concile
La seconde réflexion se rapporte au
concept chrétien de la famille en tant qu’Église domestique. Cette parole n’est
pas de moi, c’est celle du Concile Vatican II qui dit que : « La
famille est une Église domestique où les parents sont les premiers prêtres pour
leurs enfants et où mutuellement on se sanctifie et on s’élève vers
Dieu. »
Jean-Paul II : « Faire de
chaque famille chrétienne une véritable Église domestique, avec tout le riche
contenu de cette expression, est la plus grande nécessité de l’Amérique latine »,
a dit le Pape Ă Mexico.
B) Le mystère de l’Église s’introduit
dans la famille.
La seconde lecture d’aujourd’hui (Col
3,12-21) m’inspire à vous dire cela parce que saint Paul, en écrivant aux
Colossiens, leur présenta, dans cette épître, une merveilleuse christologie. Et
pour qu’ils ne le sentent pas éloignés d’eux, Il s’est incarné. Il est la tête
de tous ceux qui veulent être ses membres et qui s’incorporent à Lui par le
baptĂŞme.
Par le baptĂŞme nous participons Ă sa
mort et à sa résurrection, de sorte que la vie du Christ circule dans la vie de
tous les chrétiens. C’est ce qui se nomme l’Église, corps du Christ; Église,
famille de Dieu; Église Peuple de Dieu; Église vivifiée par l’esprit de Dieu.
Ce concept de Peuple de Dieu, très riche dans toutes ses conséquences, est, en
cette ère chrétienne, ce qui donne une élévation à la famille. Il y a une
famille chrétienne là où le père, la mère et les enfants appartiennent à cette
autre grande famille qu’est l’Église. Mais celle-ci compte sur cette cellule
familiale pour qu’elle soit le produit de la famille chrétienne. Plus nous
aurons d’Églises domestiques dans le diocèse, plus nous aurons des communautés
de foi, de charité, d’amour, d’espérance et de prière où se manifestera
également la richesse de notre Église. Plus notre diocèse sera Église, plus
Église seront les familles.
Comme niveaux intermédiaires nous
avons ces communautés ecclésiales que l’on nomme paroisses, que l’on nomme
communautés ecclésiales de base, groupes de jeunes. Tous ces groupes possèdent
l’Esprit de l’Église pour réfléchir la Bible, pour s’alimenter des sacrements,
pour être en communion avec l’Évêque; cela est indispensable dans la famille
qu’est l’Église. Combien plus se multiplieront ces liens, combien plus il y
aura Église et ces jeunes, ces parents, ces mères de famille apporteront à leur
foyer le sens de l’Église!
C’est par le christianisme que
s’introduit dans la famille le mystère de l’Église. C’est pour cela que lorsque
dans l’Église chrétienne on bénit un mariage, on leur révèle le grand panorama
qu’ils ne connaissaient pas dans le simple amour d’homme et de femme. Lorsqu’on
leur dit qu’ils sont la représentation de l’amour avec lequel le Christ aime
l’Église, l’époux se convertit en Christ et l’épouse en Église. Et l’amour
inséparable du Christ et de l’Église vaincra au cours de l’histoire, les
difficultés, les tentations, les violences, en les unissant toujours plus à la
sainteté de l’Église du Christ. Cela doit se refléter aussi dans la fidélité du
mariage malgré les tentations, les difficultés et tout ce qui cherche à rompre
la merveille de l’unité dans l’Église.
Éléments ecclésiaux
Saint Paul, dans l’épître (Col
3,12-21) que nous avons lue aujourd’hui, énumère premièrement les éléments
ecclésiaux pour conclure par les devoirs familiaux. Comme pour dire : En
cette mer de l’Église est submergée la famille, laquelle doit être une petite
Église dans l’ensemble de toute l’Église. Quels sont ces éléments que l’épître
d’aujourd’hui nous propose?
Peuple élu de Dieu, sacré et uni…
Saint Paul dit aux chrétiens de
Colosse (3,12) : « Peuple élu de Dieu, Peuple sacré et aimé. »
Ne sentons-nous pas ici l’écho de l’Ancien Testament lorsque Dieu choisit
Israël comme son peuple privilégié? C’est cela, l’Église dans le christianisme;
c’est pour cela que saint Paul l’appelle : « L’Israël nouveau,
l’Israël de Dieu, » et ainsi, comme Israël dans l’Ancien Testament, Dieu
en fait sa famille et il arrive Ă comparer cette relation Ă celle entre un
époux et son épouse qui malgré les trahisons demeurent toujours fidèles. Ainsi
l’Église, dans le Nouveau Testament, est le Peuple sacré, c’est-à -dire,
consacré à Dieu, peuple aimé de Dieu, peuple élu par Dieu. C’est pourquoi je
répète en ces heures de convulsions et de confusions politiques : Ne
confondons pas le concept de peuple en général avec le concept de Peuple de
Dieu.
Dans cette confusion se trouve la
cause de plusieurs erreurs, et ce, même dans les communautés chrétiennes. La
communauté chrétienne est ce qu’en a dit saint Paul : « élue, sacrée
et aimée de Dieu. » Donc, à partir de cette communauté choisie, nous
devons nous sanctifier, nous illuminer, nous orienter, et accompagner le peuple
en général mais sans nous confondre avec lui, étant ferment sans perdre notre
force de ferment.
De là , très chers jeunes, si vous
appartenez à des organisations politiques populaires, c’est magnifique, mais
soyez chrétiens. N’oubliez jamais qu’en vous confondant avec le peuple en
général, avec les organisations populaires, vous apportez un engagement
spécial. En plus d’être le peuple du Salvador, vous êtes le Peuple élu de Dieu,
peuple sacré, consacré à Dieu, peuple aimé de Dieu. Ne perdez pas cet amour en
faisant des folies que peuvent vouloir vous imposer d’autres idéologies. Sachez
ĂŞtre le ferment dans ces organisations. Sachez prendre votre engagement
politique sans trahir l’amour que Dieu vous porte comme Peuple de Dieu. Sachez
être, où que vous soyez, famille de Dieu. Ainsi, comme nous n’avons point honte
de notre foyer où que nous soyons, nous n’avons pas non plus à avoir honte, ni
à nous sentir diminués, parce que nous sommes chrétiens, devant d’autres qui se
glorifient de ne pas avoir la foi.
Il apparaît très important de
reconnaître cela en ce jour de la Sainte Famille, la Famille de Dieu et ce
qu’elle doit d’être. Dans la communauté, Famille de Dieu, convergent tous les
enfants, qui comme en une famille, se réunissent à chaque fin de semaine. Tous
ceux qui travaillent en différents endroits de la république se retrouvent auprès
de leur mère, de leur foyer, autour de la table à manger, dans le souvenir de
l’enfance. Là , disparaissent les divisions, là , il n’y a pas de factions. C’est
cela, la famille et c’est de là que l’on tire l’énergie, l’amour, l’orgueil de
la famille pour apporter cette conviction dans l’engagement politique sans
trahir cet amour Ă sa famille.
C’est ce que devraient être toutes
communautés chrétiennes où convergent les diverses options politiques. Hommes
du gouvernement, soldats, hommes du Bloc Populaire RĂ©volutionnaire, du FAPU ou
des ligues, de sorte qu’ils vont y alimenter leur foi chrétienne et que devant
le Père commun, la famille commune, ils jurent devant Dieu de ne pas trahir
leurs convictions de famille, leur foi, leurs engagements envers le Christ.
La communauté chrétienne ne doit pas
renoncer à s’incarner dans la réalité du peuple; au contraire, ne serait pas un
bon chrétien celui qui ne vivrait pas la réalité de son pays; mais il doit la
vivre depuis sa foi, en appartenant à cette famille sacrée, aimée de Dieu, élue
de Dieu. Il peut se mêler à tous ceux qui ne sont pas élus, ni sacrés, ni aimés
de Dieu, qui sont peut être ennemis de Dieu, peut être athées; mais il ne doit
pas perdre sa foi. Tu n’es pas un athée, tu n’es pas un criminel, tu ne dois
pas te prêter à une violence qui va contre ta conscience…
Je crois, frères, que c’est lĂ
précisément où réside le conflit de notre pays, où tous les Salvadoriens sont
baptisés et appartiennent à ce peuple sacré, mais dans la pratique, ils
l’oublient. C’est pourquoi les communautés ecclésiales de base, en notre temps,
tentent d’éveiller le véritable engagement du baptême et de faire ressentir la
sainte fierté d’appartenir à ce Peuple élu de Dieu, Peuple sacré et aimé.
L’amour ceinture de l’unité
C’est de là , selon saint Paul, que dérivent
les devoirs de ce peuple et de tous ses membres lorsqu’il dit (Col
3,12-15) : « Revêtez des sentiments de tendre compassion, de
bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience; supportez-vous les uns les
autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet
de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. Et puis,
par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection. Avec cela, que
la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel est bien le terme de l’appel
qui vous a rassemblés en un même Corps. » C’est le grand privilège des
chrétiens, de porter cet uniforme de vertu et d’être convoqués à former un seul
cœur avec le cœur du Christ. C’est pourquoi plusieurs stratégies qu’on demande
aux chrétiens sur la Terre, ne peuvent aller de paire avec le sens authentique
du chrétien. Sachez donc être l’honneur de votre famille, du Peuple de Dieu.
Le culte célèbre l’Action de grâce
Ainsi notre famille Église et notre
famille humaine se convertissent en un culte spirituel au Seigneur lorsque
saint Paul nous dit (Col 3, 15-17) : « Enfin vivez dans l’action de
grâce. Que la Parole du Christ réside chez-vous en toute sagesse par des
admonitions réciproques. Chantez à Dieu de tout votre cœur avec reconnaissance,
par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Et quoi que vous
puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur JĂ©sus, rendant
par lui grâces au Dieu Père! »
Quelle belle description de ce que
vous ĂŞtes les laĂŻcs en ce monde : prĂŞtres par le baptĂŞme! Par le baptĂŞme
vous tous, Famille de Dieu, vous devez célébrer sa messe en ce monde. Vous
célébrez la messe, et ici saint Paul nous dit ce qu’est la messe du laïc :
« Tout ce que vous faites, faites-le au nom du Seigneur Jésus. »
Qu’est-ce que fait un laïc? C’est merveilleux, lorsque je vois cette multitude
en cathédrale et parmi elle les communautés qui sont en réflexion. Combien de
manières de gagner la vie! Certains sont professionnels dans leurs bureaux
d’avocats, ou dans leur clinique médicale, ou dans une firme où ils travaillent
leurs projets d’ingénierie; d’autres sont ouvriers dans diverses fabriques.
Combien d’habilités dans vos mains! D’autres sont employés, d’autres sont
vendeuses au marché, d’autres travaillent au service d’une famille, ou sont
gardiennes d’enfants, d’autres sont journaliers qui sèment le maïs; c’est tout
cela la messe du laïc. C’est pourquoi, lorsque le prêtre, serviteur du Peuple
Sacerdotal, recueille tout cela au moment de l’Eucharistie, il fait quelque
chose qu’il est le seul à pouvoir faire : son office. Mais c’est pour
donner un sens Ă tous vos offices. Recevez ce pain, fruit de la terre et du
travail de l’homme. C’est pourquoi ce n’est pas moi uniquement qui célèbre la
messe du dimanche, ni seulement les prêtres. La messe que je célèbre et que
nous célébrons nous les prêtres ici où dans n’importe quelle paroisse, est la
messe de vous tous, de ceux qui assistent Ă la messe pour offrir Ă Dieu leur
travail de la semaine, leurs préoccupations, leurs angoisses, dans vos domaines
respectifs. C’est cela, la grande responsabilité du prêtre : pouvoir faire
de ce moment si sacré la véritable messe des laïcs, le véritable culte du
Peuple de Dieu.
La famille : les quatre visages
de l’amour
Dans le document de Puebla on résume
tout ce que je vous ai dit sur ce sujet lorsqu’il parle de la famille :
« Le couple sanctifié par le sacrement du mariage, est un témoignage de la
présence pascale du Seigneur, » c’est-à -dire qu’il ne s’agit plus simplement
du mariage de l’Ancien Testament; c’est le mariage des baptisés qui portent la
marque de la Pâque : la mort et la résurrection du Christ. Où qu’il y ait
un mariage chrétien, il y a un témoignage de la présence pascale du Seigneur.
La famille chrétienne d’amour et de service est celle qui rend heureuses les
véritables familles chrétiennes.
Quatre relations fondamentales de la
personne rencontrent leur plein Ă©panouissement dans la vie de famille : la
paternité, la filiation, la fraternité et la nuptialité. Ou encore, la relation
père-fils, la paternité; la relation du fils ou de la fille envers leur père et
leur mère, relation de filiation; relation entre les nés d’un même mariage, les
frères et les sœurs; et les deux princes de la famille : l’époux et
l’épouse, relation de nuptialité. Quelle belle synthèse!
Famille avec l’Esprit de l’Église
« Ces mêmes relations qui
composent la vie de l’Église sont une expĂ©rience de Dieu comme Père. Il y a lĂ
aussi un Père qui nous appelle fils; expérience du Christ, comme frère. Nous
sentons que le Christ est notre frère dans cette grande famille de l’unique
Père Dieu; expérience de fils avec et par le Fils, unis au Christ. C’est pour
cela qu’il est si intéressant, dans la communauté Église, que se démarque
surtout le Christ. Il est le Prince de nos réunions; autour de Lui nous nous
sentons frères et nous établissons une relation de fils avec notre Père. Et
l’expérience du Christ comme époux de l’Église : c’est ce que sont l’époux
et l’épouse dans le foyer; c’est l’Église.
« La vie en famille, reproduit
ces quatre expériences fondamentales à petite échelle; ce sont les quatre
visages de l’amour humain. » Avec cette seule synthèse, nous en aurions
pour toute l’homélie. Les quatre visages de l’amour humain qui se vivent dans
l’Église sous forme grandiose avec Dieu, avec le Christ, nous les vivons dans
notre foyer à petite échelle avec nos parents, avec notre mère, avec nos frères
et sœurs.
Saint Paul continue après, avec ce que
nous avons lu aujourd’hui : les relations avec les servantes, les
esclaves, les travailleurs au service de la famille. Comme nous en aurions Ă
dire ici, en ce moment où la sensibilité sociale n’est pas toujours exacte dans
ces concepts! Dire aux ouvriers, aux travailleurs, aux classes qui gagnent leur
vie au service des autres, de retourner Ă la Parole de Dieu (Col
3,23-24) : « Quel que soit votre travail, faites-le avec âme, comme
pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que le Seigneur vous
récompensera en vous faisant ses héritiers. » Ah si l’on tenait compte de
cette relation à Dieu, le Père de tous : - des patrons et des ouvriers,
des riches et des pauvres, devant qui nous devons rendre compte, - il n’y
aurait pas tous ces conflits entre ces deux classes d’hommes en notre pays.
Hommes de première classe et hommes de seconde classe… Ce que nous voulons, en
résumé, ce sont des familles qui aient l’esprit de l’Église.
Église avec un esprit de famille
Je me réjouis aujourd’hui de célébrer
avec les jeunes qui sont venus de diverses communautés pour apporter cet esprit
de famille et l’insérer le plus profondément dans leur communauté et leur
paroisse. N’oubliez pas que la communauté ecclésiale de base ne doit pas être
une île, un club, mais qu’elle doit demeurer ouverte à la paroisse comme cette
dernière doit ĂŞtre ouverte au diocèse, comme celui-ci doit ĂŞtre ouvert Ă
l’Église Universelle pour que celle-ci célèbre, comme une seule famille ce
grand jour de la Sainte Famille.
Puebla dit : « Plusieurs
paroisses et diocèses mettent l’accent sur la dimension familiale. Ils savent
que le latino-américain a besoin et recherche une famille. » Cela est certain.
Il s’agit là de l’un de nos grands trésors culturels. Ne le perdons pas. Tout
Salvadorien a la nécessité de rechercher une famille mais souvent il se trompe
et fait une mauvaise famille. Mais comme il serait beau qu’aujourd’hui nous
sortions de cette fête de la Sainte Famille en rendant grâce à Dieu pour ce
sens de la famille qu’ont les Salvadoriens, et en demandant au Seigneur de
savoir bien orienter ce sens de la famille pour constituer des familles comme
Dieu les veut.
« Nous disons cela, dit Puebla,
parce que dans la recherche d’une famille, l’Église qui est famille, peut
apporter la réponse à vos nécessités. Il ne s’agit pas de techniques
psychologiques mais de fidélité à sa propre identité parce que l’Église n’est
pas le lieu où les hommes se sentent une famille, mais le lieu à partir d’où, réellement,
profondément et ontologiquement l’on construit la famille de Dieu. Nous ne
venons pas simplement pour nous sentir une famille, mais en vérité pour nous
constituer comme famille. Se convertissent véritablement en fils du Père, en
Jésus-Christ, ceux qui y participent dans leur vie par le pouvoir de l’Esprit
de par leur baptême. Cette grâce de la filiation divine est le grand trésor que
l’Église doit offrir aux hommes de notre continent. C’est pourquoi, frères, j’insiste
tant pour que nous soyons une Église authentique. Que nous ne faussions pas les
finalités de la communauté. Il appartient à l’Église, à la communauté
chrétienne, de travailler comme frères, avec tous les hommes, pour le bien
commun de la famille qu’est notre patrie… 30/12/79, p.92-97, VIII.
3) La famille, une priorité pastorale
de l’Église en Amérique latine
A) Aux Ă©vĂŞques
Jean-Paul II possède un riche concept
de la famille en Amérique latine. Le Pape nous en parla longuement à Puebla
dans son discours dirigé aux évêques. Parmi les trois possibilités de la
pastorale en Amérique latine, il mit la famille en premier; la seconde se
rapporte aux vocations sacerdotales et religieuses; et la troisième concerne la
jeunesse. Nous obéissons au Pape, ce matin, d’une très belle façon, puisque
nous sommes ici avec la jeunesse de notre diocèse et que nous sommes en famille
Ă©galement.
S’adressant aux évêques, le Pape a
dit : « Faites tous les efforts pour qu’il y ait dans vos diocèses
une pastorale familiale. Occupez-vous de ce champ si prioritaire avec la
certitude que l’évangélisation dans le futur dépend en grande partie de
l’Église domestique. C’est l’école de l’amour, de la connaissance de Dieu, du
respect de la vie et de la dignité humaine. »
Je vais vous répéter ces quatre titres
qui définissent la famille. Le Pape dit que la famille est l’école de l’amour,
de la connaissance de Dieu, du respect de la vie et de la dignité humaine. Et
cette pastorale familiale est d’autant plus importante alors que la famille est
victime de tant de menaces. Il expliqua davantage ce concept lorsqu’il
dit : « En défense des familles contre les maux immenses parce que
dans la famille se reflètent particulièrement les conséquences les plus
négatives du développement, indice véritablement déprimant
d’insalubrité. »
Pensons en ce jour de la famille Ă
tant d’enfants malades et tant de pères et de mères sous-alimentés :
« Pauvreté et misère, ignorance et analphabétisme; conditions inhumaines
d’habitations, sous-alimentation chronique et tant d’autres réalités non moins
tristes. » Voyez comment le problème de la famille apparaît lié au grand
problème que nous ne cessons de réclamer : la justice sociale! Le fait
qu’il existe des familles comme celles que le Pape nous a décrites est le fruit
de l’injustice sociale…
Parce que nous ne voulons pas qu’il y
ait des familles super alimentées et d’autres sous-alimentées, nous plaidons et
nous appuyons tout ce qui cherche Ă transformer cette injustice sociale en
ordre dans le pays…
« En défense de la famille
contre ces maux, l’Église s’engage à donner son aide et invite les
gouvernements à poser comme point clé de leur actions, une politique socio
familiale, intelligente, audacieuse, persévérante, en reconnaissant que c’est
là , sans aucun doute, que se jouent l’avenir et l’espérance de ce
continent… »
Sa Sainteté, le pape, devint encore
plus éloquent lorsqu’il affirma qu’il voudrait, depuis cette plate-forme de
Puebla, s’adresser à toutes les familles du continent et il décrit comment il
s’est senti lorsqu’il entra dans tant de foyers, où les familles vivent plus
que modestement, … « Des maisons où il ne manque ni le pain ni le bien-être
matériel mais peut-être la concorde et l’allégresse; tandis que dans d’autres
maisons, où les familles vivent plus modestement, dans l’insécurité du
lendemain, mais s’aident les uns les autres à mener une existence difficile
mais digne. » Quelle belle phrase sur la famille pauvre : « une
existence difficile mais digne… »
Continuons avec le Pape :
« Ces pauvres habitations des périphéries de vos villes où s’il y a
beaucoup de souffrances cachées, au milieu d’elles existe l’allégresse simple
des pauvres. Ces humbles chaumières de paysans, d’indigènes, d’immigrants… À chaque
famille en particulier le Pape aimerait dire une parole d’encouragement et
d’espérance. Vous les familles qui pouvez savourez le confort, ne vous
renfermez pas à l’intérieur de votre bonheur. Ouvrez-vous aux autres pour leur
offrir ce dont vous n’avez plus besoin et ce dont ils ont un besoin
urgent… »
Et il y a cette phrase très sage du
Pape : « Les familles opprimées par la pauvreté, ne vous découragez
pas; n’ayez pas le luxe pour idéal, ni la richesse comme principe du bonheur; recherchez,
avec l’aide de tous, à surmonter ces moments difficiles dans l’attente de jours
meilleurs… Familles visitées et angoissées par la douleur physique et morale,
éprouvées par la maladie ou la misère, n’ajoutez pas à tant de souffrances,
l’amertume ou le désespoir, mais sachez amoindrir la douleur par
l’espoir… » 30/12/79, p.97-99, VIII.