La Famille, Incarnation et Épiphanie de Dieu, La Sainte famille

 

30 dĂ©cembre 1979; Lectures : EcclĂ©siaste : 3,3-7.14-17a; Colossiens 3,12-21; Luc 2,41-52)

 

Mystère d’immanence et de transcendance

 

C’est un mystère d’immanence. Dieu descend dans l’Histoire et s’assimile à tous les problèmes de l’humanité. Il s’incarne dans tous les peuples, dans toutes les familles, mais non pas pour demeurer là, mais pour transcender. C’est aussi un mystère de transcendance. Si Dieu se fait homme, c’est pour que nous, les humains, devenions Dieu; pour que nous nous élevions et que tous les problèmes humains, politiques, sociaux, historiques, soient élevés par ce courant de transcendance à la suite de ce Verbe fait chair pour donner vie divine aux hommes et rendre les êtres humains compagnons de la félicité de Dieu pour toute l’éternité. Laissons-nous porter par ce courant du Christ et célébrons Noël.

 

Signe de l’Incarnation : Un membre d’une famille parmi tant d’autres!

Et comme une des manifestations de Dieu fait homme, en ce mystère d’immanence et de transcendance, c’est prĂ©cisĂ©ment la famille. Il ne serait pas un homme vĂ©ritable s’il n’avait pas eu une famille. Nous non plus, nous ne serions pas humains si nous n’avions pas le souvenir d’une famille, d’une maman, d’un papa, de nos frères et de nos sĹ“urs, oncles et tantes, grands-parents et tout ce qui constitue une famille. C’est pour cela que le Verbe s’est fait homme en commençant par sanctifier cette rĂ©alitĂ© : la famille. Et l’Église recueille le mystère de Dieu fait homme pour nous l’offrir en cette rĂ©flexion de NoĂ«l. Nous vous invitons aujourd’hui Ă  cĂ©lĂ©brer la fĂŞte de la Sainte Famille.

 

La famille, Incarnation et Épiphanie de Dieu

 

C’est ce qu’est toute famille. Le concept de Dieu qui s’incarne dans la famille et la famille qui doit être l’Épiphanie, la manifestation que Dieu vit en ce monde.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Présence de Dieu dans la famille

2) La famille, Église domestique du Christ

3) La famille, une priorité pastorale de l’Église en Amérique latine. 30/12/79, p.88, VIII.

 

1) Présence de Dieu dans la famille

 

(Lc 2,41) : « Ses parents se rendaient chaque annĂ©e Ă  JĂ©rusalem pour la fĂŞte de la Pâque. Â» En premier lieu, dans les lectures d’aujourd’hui, ce qui ressort, c’est cette relation intime entre Dieu et la famille, entre la famille et Dieu. Qu’est-ce que l’Évangile sinon l’Incarnation de Dieu dans une famille et la transcendance de cette famille : Marie, Joseph, l’enfant, transcendant jusqu’à Dieu. Nous avons dĂ©jĂ  dit vers oĂą se dirige la famille de Nazareth en marche : vers le temple, le centre national et religieux d’IsraĂ«l. Toutes les Pâques Ă©taient des fĂŞtes religieuses et nationales pour les juifs et cette bonne famille d’israĂ©lites, comme toutes les autres, y allait Ă  chaque annĂ©e. Un peu comme le font nos familles de la campagne qui vont cĂ©lĂ©brer les fĂŞtes patronales. C’est le signe que la famille marche vers Dieu.

 

A) On accentue le caractère sacrĂ© de la famille : obĂ©issance au Père

 

Il existe un dialogue entre le Christ et ses parents, pour leur dire qu’au-delĂ  du père et de la mère de la Terre il existe un Père des cieux dont la volontĂ© doit ĂŞtre faite par tous les membres de la famille. Le jeune ne doit pas ĂŞtre manipulĂ©, ni par son père, ni par sa mère lorsqu’il s’agit de la volontĂ© du Père qui est dans les cieux. (Lc 2,48-49) : « Mon enfant, dit la Vierge Ă  JĂ©sus, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois! Ton père et moi, nous te cherchons angoissĂ©s. Â» Et le Christ leur dit avec la tendresse d’un fils, mais avec la vaillance d’un fils de Dieu : « Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois ĂŞtre dans la maison de mon Père? » Tout homme doit, un jour, dire cette vĂ©ritĂ©. S’il est certain qu’il existe un amour très grand entre les Ă©poux, amour jusqu’à la mort, sanctifiĂ© par Dieu, il doit demeurer toujours subordonnĂ© Ă  la volontĂ© de Dieu. La loi de Dieu est au-dessus de toi.

 

L’autre jour, on me rapporta que certains me critiquent parce que je fais rĂ©fĂ©rence Ă  la doctrine de l’Église en ce qui concerne la fĂ©conditĂ©, l’interdiction de certains actes de pĂ©chĂ© dans le mariage, et ils dirent : « Pourquoi se mĂŞle-t-il de ces choses intimes? » Je ne me mĂŞle pas des choses intimes. C’est Dieu, l’auteur de la nature, des sexes, le propriĂ©taire de la famille, qui pose une loi Ă  laquelle doivent se soumettre le mari, la femme et les enfants. « Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des choses de mon père? » Lui, plus que tout autre, Il est la paternitĂ© d’oĂą dĂ©coule toute la famille, tout l’amour et toute relation.

 

Le Christ est l’exemple de la famille orientĂ©e vers Dieu. L’obĂ©issance au Père. Ici aussi, il est question de la vocation, puisque cette messe est une messe de jeunes. Voici ce qui est le plus important de vos vies, très chers jeunes : « Pourquoi Dieu me veut-il? » Savoir discerner par-dessus toutes considĂ©rations Ă©conomiques et familiales : « Pour quoi Dieu me veut-Il? Combien de fois j’entends dire : « Je voudrais ĂŞtre prĂŞtre mais je suis très pauvre. Â» Cela n’importe pas. Recherchez le Règne de Dieu et sa justice. ObĂ©issez Ă  votre vocation et tout le reste viendra par surcroĂ®t. Ne sommes-nous pas pauvres, la majoritĂ© de nous qui sommes prĂŞtres? Combien nous ressentions ces mots sur les lèvres de notre mère : « Comme je voudrais te contenter mon enfant, mais je ne peux pas, je suis pauvre. Â» Plusieurs des prĂŞtres qui sont ici, ont dĂ» affronter de telles difficultĂ©s, mais grâce Ă  Dieu, obĂ©issant Ă  sa volontĂ©, les moyens se sont prĂ©sentĂ©s Ă  vous. Dieu veut ces choses et souvent il soumet nos facultĂ©s Ă  l’épreuve. La première lecture d’aujourd’hui (Lc 2,41-52) nous offre ces devoirs routiniers de la famille mais convertis en un culte Ă  Dieu.

 

B) Valeur religieuse de l’accomplissement des devoirs familiaux.

 

Méditez beaucoup cette première lecture du livre de l’Ecclésiaste (3,3-7. 14-17a) où se trouvent étroitement réunis le devoir envers les parents et la bénédiction de Dieu. Il débute en disant que tout procède de l’initiative de Dieu.

 

Dieu fait les parents (Initiative de Dieu)

 

Dieu rend le père plus respectable que les fils et affirme l’autoritĂ© de la mère sur ses enfants. Aujourd’hui, le conflit de gĂ©nĂ©rations est Ă  la mode, alors que la fille ou le fils dit Ă  son père ou Ă  sa mère : tu ne comprends pas la jeunesse d’aujourd’hui. Ils se croient plus sages que leurs propres parents. Souvenez-vous de ce principe : Dieu rend plus respectables les parents. Ce n’est pas parce qu’ils sont paysans et toi universitaire, ce n’est pas parce que ta mère est une humble vendeuse du marchĂ© et toi une professionnelle, que tu peux te prĂ©tendre supĂ©rieur Ă  eux. Dieu leur a donnĂ© une autoritĂ© que tu n’as pas. Toute autoritĂ© vient de Dieu et tes parents possèdent ce don du Seigneur, qu’il faut respecter.

 

Celui qui honore son père, expie ses péchés; c’est un devoir transcendant de la famille

 

Pardonner les pĂ©chĂ©s est un sujet religieux, mais honorer son père se convertit en un sujet religieux. C’est pourquoi sont si heureux les enfants qui respectent leurs parents parce que, sans doute, mĂŞme s’ils ont leurs dĂ©fauts et leurs pĂ©chĂ©s, ils savent ce que signifie aimer leur père et leur mère. MĂŞme si c’est difficile. Si en vĂ©ritĂ© ils le veulent, ils peuvent Ă©viter de faire tout ce qui fait horreur Ă  leurs parents. (Si 3,5) : « Celui qui honore son père trouvera de la joie dans ses enfants; lorsqu’il priera il sera exaucĂ©. Â»

 

Honorer son père et sa mère équivaut à recevoir une audience avec Dieu

 

Dieu t’exaucera lorsque tu seras respectueux envers tes parents. Celui qui respecte son père et sa mère, le Seigneur l’écoute. Et il le rĂ©pète en disant : (Si 3,14) « Car une charitĂ© faite Ă  un père ne sera pas oubliĂ©e, et, pour tes pĂ©chĂ©s, elle te vaudra rĂ©paration. Â» Au sujet des pauvres, le Christ dit: « Tout ce que vous avez fait Ă  eux, c’est Ă  moi que vous l’avez fait, Â» encore bien plus Ă  ces vĂ©nĂ©rables de la maison : nos parents. Dieu reçoit comme paiement de tes pĂ©chĂ©s tout ce que tu offres Ă  ton père et Ă  ta mère.

 

Il se souviendra de toi au jour du danger

 

Cette phrase biblique « le Jour de Dieu Â», c’est le jour du jugement de chacun, le jour oĂą nous devrons rendre compte au Seigneur. Le bilan sera positif si nous avons eu de bonnes relations avec nos parents.

 

Dieu est famille (Jean-Paul II)

 

J’aime Ă  me rappeler cette jolie phrase du Pape Jean-Paul II qui parlait de la famille au Mexique. La famille est la relation avec Dieu. Le plus profond que nous puissions dire est ceci : « Notre Dieu dans son mystère le plus intime n’est pas une solitude, mais une famille qui porte en soi-mĂŞme la paternitĂ©, la filiation et l’essence de la famille qui est l’amour. Cet amour dans la famille divine est l’Esprit saint. Â» Le thème de la famille, n’est pas Ă©tranger au thème de l’Esprit Saint. Il est prĂ©cieux de savoir que Dieu est famille. Qu’en Dieu il y a le Père, le Fils et ce qui unit cette relation, l’amour qui se personnifie, l’Esprit Saint.

 

C’est pourquoi lorsque Dieu dit : « Faisons l’homme Ă  notre image et ressemblance Â», Il les fit homme et femme pour qu’en s’aimant dans le mariage ils possèdent la fĂ©conditĂ© de la famille et soient oints de l’amour, de l’Esprit de Dieu.

 

Bienheureux les foyers oĂą l’on n’a pas oubliĂ© cette relation avec Dieu, et qui font de leur famille une vĂ©ritable communautĂ© religieuse qui prie, rend grâce et se sanctifie dans la vĂ©nĂ©ration du Seigneur. Plus la famille se rappellera de cette relation avec Dieu, plus l’on sentira la PrĂ©sence de Dieu sur la Terre. Si Dieu, dans le Ciel, est famille, Dieu, sur la Terre, est famille. C’est pourquoi nous avons intitulĂ© cette homĂ©lie : « La famille, Épiphanie de Dieu. Â» 30/12/79, p.89-91, VIII.

 

2) La famille, Église domestique du Christ

 

A) Concept du Concile

 

La seconde rĂ©flexion se rapporte au concept chrĂ©tien de la famille en tant qu’Église domestique. Cette parole n’est pas de moi, c’est celle du Concile Vatican II qui dit que : « La famille est une Église domestique oĂą les parents sont les premiers prĂŞtres pour leurs enfants et oĂą mutuellement on se sanctifie et on s’élève vers Dieu. Â»

Jean-Paul II : « Faire de chaque famille chrĂ©tienne une vĂ©ritable Église domestique, avec tout le riche contenu de cette expression, est la plus grande nĂ©cessitĂ© de l’AmĂ©rique latine Â», a dit le Pape Ă  Mexico.

 

B) Le mystère de l’Église s’introduit dans la famille.

 

La seconde lecture d’aujourd’hui (Col 3,12-21) m’inspire à vous dire cela parce que saint Paul, en écrivant aux Colossiens, leur présenta, dans cette épître, une merveilleuse christologie. Et pour qu’ils ne le sentent pas éloignés d’eux, Il s’est incarné. Il est la tête de tous ceux qui veulent être ses membres et qui s’incorporent à Lui par le baptême.

 

Par le baptême nous participons à sa mort et à sa résurrection, de sorte que la vie du Christ circule dans la vie de tous les chrétiens. C’est ce qui se nomme l’Église, corps du Christ; Église, famille de Dieu; Église Peuple de Dieu; Église vivifiée par l’esprit de Dieu. Ce concept de Peuple de Dieu, très riche dans toutes ses conséquences, est, en cette ère chrétienne, ce qui donne une élévation à la famille. Il y a une famille chrétienne là où le père, la mère et les enfants appartiennent à cette autre grande famille qu’est l’Église. Mais celle-ci compte sur cette cellule familiale pour qu’elle soit le produit de la famille chrétienne. Plus nous aurons d’Églises domestiques dans le diocèse, plus nous aurons des communautés de foi, de charité, d’amour, d’espérance et de prière où se manifestera également la richesse de notre Église. Plus notre diocèse sera Église, plus Église seront les familles.

 

Comme niveaux intermédiaires nous avons ces communautés ecclésiales que l’on nomme paroisses, que l’on nomme communautés ecclésiales de base, groupes de jeunes. Tous ces groupes possèdent l’Esprit de l’Église pour réfléchir la Bible, pour s’alimenter des sacrements, pour être en communion avec l’Évêque; cela est indispensable dans la famille qu’est l’Église. Combien plus se multiplieront ces liens, combien plus il y aura Église et ces jeunes, ces parents, ces mères de famille apporteront à leur foyer le sens de l’Église!

 

C’est par le christianisme que s’introduit dans la famille le mystère de l’Église. C’est pour cela que lorsque dans l’Église chrétienne on bénit un mariage, on leur révèle le grand panorama qu’ils ne connaissaient pas dans le simple amour d’homme et de femme. Lorsqu’on leur dit qu’ils sont la représentation de l’amour avec lequel le Christ aime l’Église, l’époux se convertit en Christ et l’épouse en Église. Et l’amour inséparable du Christ et de l’Église vaincra au cours de l’histoire, les difficultés, les tentations, les violences, en les unissant toujours plus à la sainteté de l’Église du Christ. Cela doit se refléter aussi dans la fidélité du mariage malgré les tentations, les difficultés et tout ce qui cherche à rompre la merveille de l’unité dans l’Église.

 

Éléments ecclésiaux

 

Saint Paul, dans l’épĂ®tre (Col 3,12-21) que nous avons lue aujourd’hui, Ă©numère premièrement les Ă©lĂ©ments ecclĂ©siaux pour conclure par les devoirs familiaux. Comme pour dire : En cette mer de l’Église est submergĂ©e la famille, laquelle doit ĂŞtre une petite Église dans l’ensemble de toute l’Église. Quels sont ces Ă©lĂ©ments que l’épĂ®tre d’aujourd’hui nous propose?

 

Peuple élu de Dieu, sacré et uni…

 

Saint Paul dit aux chrĂ©tiens de Colosse (3,12) : « Peuple Ă©lu de Dieu, Peuple sacrĂ© et aimĂ©. Â» Ne sentons-nous pas ici l’écho de l’Ancien Testament lorsque Dieu choisit IsraĂ«l comme son peuple privilĂ©giĂ©? C’est cela, l’Église dans le christianisme; c’est pour cela que saint Paul l’appelle : « L’IsraĂ«l nouveau, l’IsraĂ«l de Dieu, Â» et ainsi, comme IsraĂ«l dans l’Ancien Testament, Dieu en fait sa famille et il arrive Ă  comparer cette relation Ă  celle entre un Ă©poux et son Ă©pouse qui malgrĂ© les trahisons demeurent toujours fidèles. Ainsi l’Église, dans le Nouveau Testament, est le Peuple sacrĂ©, c’est-Ă -dire, consacrĂ© Ă  Dieu, peuple aimĂ© de Dieu, peuple Ă©lu par Dieu. C’est pourquoi je rĂ©pète en ces heures de convulsions et de confusions politiques : Ne confondons pas le concept de peuple en gĂ©nĂ©ral avec le concept de Peuple de Dieu.

 

Dans cette confusion se trouve la cause de plusieurs erreurs, et ce, mĂŞme dans les communautĂ©s chrĂ©tiennes. La communautĂ© chrĂ©tienne est ce qu’en a dit saint Paul : « Ă©lue, sacrĂ©e et aimĂ©e de Dieu. Â» Donc, Ă  partir de cette communautĂ© choisie, nous devons nous sanctifier, nous illuminer, nous orienter, et accompagner le peuple en gĂ©nĂ©ral mais sans nous confondre avec lui, Ă©tant ferment sans perdre notre force de ferment.

 

De là, très chers jeunes, si vous appartenez à des organisations politiques populaires, c’est magnifique, mais soyez chrétiens. N’oubliez jamais qu’en vous confondant avec le peuple en général, avec les organisations populaires, vous apportez un engagement spécial. En plus d’être le peuple du Salvador, vous êtes le Peuple élu de Dieu, peuple sacré, consacré à Dieu, peuple aimé de Dieu. Ne perdez pas cet amour en faisant des folies que peuvent vouloir vous imposer d’autres idéologies. Sachez être le ferment dans ces organisations. Sachez prendre votre engagement politique sans trahir l’amour que Dieu vous porte comme Peuple de Dieu. Sachez être, où que vous soyez, famille de Dieu. Ainsi, comme nous n’avons point honte de notre foyer où que nous soyons, nous n’avons pas non plus à avoir honte, ni à nous sentir diminués, parce que nous sommes chrétiens, devant d’autres qui se glorifient de ne pas avoir la foi.

 

Il apparaît très important de reconnaître cela en ce jour de la Sainte Famille, la Famille de Dieu et ce qu’elle doit d’être. Dans la communauté, Famille de Dieu, convergent tous les enfants, qui comme en une famille, se réunissent à chaque fin de semaine. Tous ceux qui travaillent en différents endroits de la république se retrouvent auprès de leur mère, de leur foyer, autour de la table à manger, dans le souvenir de l’enfance. Là, disparaissent les divisions, là, il n’y a pas de factions. C’est cela, la famille et c’est de là que l’on tire l’énergie, l’amour, l’orgueil de la famille pour apporter cette conviction dans l’engagement politique sans trahir cet amour à sa famille.

 

C’est ce que devraient être toutes communautés chrétiennes où convergent les diverses options politiques. Hommes du gouvernement, soldats, hommes du Bloc Populaire Révolutionnaire, du FAPU ou des ligues, de sorte qu’ils vont y alimenter leur foi chrétienne et que devant le Père commun, la famille commune, ils jurent devant Dieu de ne pas trahir leurs convictions de famille, leur foi, leurs engagements envers le Christ.

 

La communauté chrétienne ne doit pas renoncer à s’incarner dans la réalité du peuple; au contraire, ne serait pas un bon chrétien celui qui ne vivrait pas la réalité de son pays; mais il doit la vivre depuis sa foi, en appartenant à cette famille sacrée, aimée de Dieu, élue de Dieu. Il peut se mêler à tous ceux qui ne sont pas élus, ni sacrés, ni aimés de Dieu, qui sont peut être ennemis de Dieu, peut être athées; mais il ne doit pas perdre sa foi. Tu n’es pas un athée, tu n’es pas un criminel, tu ne dois pas te prêter à une violence qui va contre ta conscience…

 

Je crois, frères, que c’est là précisément où réside le conflit de notre pays, où tous les Salvadoriens sont baptisés et appartiennent à ce peuple sacré, mais dans la pratique, ils l’oublient. C’est pourquoi les communautés ecclésiales de base, en notre temps, tentent d’éveiller le véritable engagement du baptême et de faire ressentir la sainte fierté d’appartenir à ce Peuple élu de Dieu, Peuple sacré et aimé.

 

L’amour ceinture de l’unité

 

C’est de lĂ , selon saint Paul, que dĂ©rivent les devoirs de ce peuple et de tous ses membres lorsqu’il dit (Col 3,12-15) : « RevĂŞtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilitĂ©, de douceur, de patience; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonnĂ©, faites de mĂŞme Ă  votre tour. Et puis, par-dessus tout, la charitĂ©, en laquelle se noue la perfection. Avec cela, que la paix du Christ règne dans vos cĹ“urs : tel est bien le terme de l’appel qui vous a rassemblĂ©s en un mĂŞme Corps. Â» C’est le grand privilège des chrĂ©tiens, de porter cet uniforme de vertu et d’être convoquĂ©s Ă  former un seul cĹ“ur avec le cĹ“ur du Christ. C’est pourquoi plusieurs stratĂ©gies qu’on demande aux chrĂ©tiens sur la Terre, ne peuvent aller de paire avec le sens authentique du chrĂ©tien. Sachez donc ĂŞtre l’honneur de votre famille, du Peuple de Dieu.

 

Le culte célèbre l’Action de grâce

 

Ainsi notre famille Église et notre famille humaine se convertissent en un culte spirituel au Seigneur lorsque saint Paul nous dit (Col 3, 15-17) : « Enfin vivez dans l’action de grâce. Que la Parole du Christ rĂ©side chez-vous en toute sagesse par des admonitions rĂ©ciproques. Chantez Ă  Dieu de tout votre cĹ“ur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirĂ©s. Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur JĂ©sus, rendant par lui grâces au Dieu Père! Â»

 

Quelle belle description de ce que vous ĂŞtes les laĂŻcs en ce monde : prĂŞtres par le baptĂŞme! Par le baptĂŞme vous tous, Famille de Dieu, vous devez cĂ©lĂ©brer sa messe en ce monde. Vous cĂ©lĂ©brez la messe, et ici saint Paul nous dit ce qu’est la messe du laĂŻc : « Tout ce que vous faites, faites-le au nom du Seigneur JĂ©sus. Â» Qu’est-ce que fait un laĂŻc? C’est merveilleux, lorsque je vois cette multitude en cathĂ©drale et parmi elle les communautĂ©s qui sont en rĂ©flexion. Combien de manières de gagner la vie! Certains sont professionnels dans leurs bureaux d’avocats, ou dans leur clinique mĂ©dicale, ou dans une firme oĂą ils travaillent leurs projets d’ingĂ©nierie; d’autres sont ouvriers dans diverses fabriques. Combien d’habilitĂ©s dans vos mains! D’autres sont employĂ©s, d’autres sont vendeuses au marchĂ©, d’autres travaillent au service d’une famille, ou sont gardiennes d’enfants, d’autres sont journaliers qui sèment le maĂŻs; c’est tout cela la messe du laĂŻc. C’est pourquoi, lorsque le prĂŞtre, serviteur du Peuple Sacerdotal, recueille tout cela au moment de l’Eucharistie, il fait quelque chose qu’il est le seul Ă  pouvoir faire : son office. Mais c’est pour donner un sens Ă  tous vos offices. Recevez ce pain, fruit de la terre et du travail de l’homme. C’est pourquoi ce n’est pas moi uniquement qui cĂ©lèbre la messe du dimanche, ni seulement les prĂŞtres. La messe que je cĂ©lèbre et que nous cĂ©lĂ©brons nous les prĂŞtres ici oĂą dans n’importe quelle paroisse, est la messe de vous tous, de ceux qui assistent Ă  la messe pour offrir Ă  Dieu leur travail de la semaine, leurs prĂ©occupations, leurs angoisses, dans vos domaines respectifs. C’est cela, la grande responsabilitĂ© du prĂŞtre : pouvoir faire de ce moment si sacrĂ© la vĂ©ritable messe des laĂŻcs, le vĂ©ritable culte du Peuple de Dieu.

 

La famille : les quatre visages de l’amour

 

Dans le document de Puebla on rĂ©sume tout ce que je vous ai dit sur ce sujet lorsqu’il parle de la famille : « Le couple sanctifiĂ© par le sacrement du mariage, est un tĂ©moignage de la prĂ©sence pascale du Seigneur, Â» c’est-Ă -dire qu’il ne s’agit plus simplement du mariage de l’Ancien Testament; c’est le mariage des baptisĂ©s qui portent la marque de la Pâque : la mort et la rĂ©surrection du Christ. OĂą qu’il y ait un mariage chrĂ©tien, il y a un tĂ©moignage de la prĂ©sence pascale du Seigneur. La famille chrĂ©tienne d’amour et de service est celle qui rend heureuses les vĂ©ritables familles chrĂ©tiennes.

 

Quatre relations fondamentales de la personne rencontrent leur plein Ă©panouissement dans la vie de famille : la paternitĂ©, la filiation, la fraternitĂ© et la nuptialitĂ©. Ou encore, la relation père-fils, la paternitĂ©; la relation du fils ou de la fille envers leur père et leur mère, relation de filiation; relation entre les nĂ©s d’un mĂŞme mariage, les frères et les sĹ“urs; et les deux princes de la famille : l’époux et l’épouse, relation de nuptialitĂ©. Quelle belle synthèse!

 

Famille avec l’Esprit de l’Église

 

« Ces mĂŞmes relations qui composent la vie de l’Église sont une expĂ©rience de Dieu comme Père. Il y a lĂ  aussi un Père qui nous appelle fils; expĂ©rience du Christ, comme frère. Nous sentons que le Christ est notre frère dans cette grande famille de l’unique Père Dieu; expĂ©rience de fils avec et par le Fils, unis au Christ. C’est pour cela qu’il est si intĂ©ressant, dans la communautĂ© Église, que se dĂ©marque surtout le Christ. Il est le Prince de nos rĂ©unions; autour de Lui nous nous sentons frères et nous Ă©tablissons une relation de fils avec notre Père. Et l’expĂ©rience du Christ comme Ă©poux de l’Église : c’est ce que sont l’époux et l’épouse dans le foyer; c’est l’Église.

 

« La vie en famille, reproduit ces quatre expĂ©riences fondamentales Ă  petite Ă©chelle; ce sont les quatre visages de l’amour humain. Â» Avec cette seule synthèse, nous en aurions pour toute l’homĂ©lie. Les quatre visages de l’amour humain qui se vivent dans l’Église sous forme grandiose avec Dieu, avec le Christ, nous les vivons dans notre foyer Ă  petite Ă©chelle avec nos parents, avec notre mère, avec nos frères et sĹ“urs.

 

Saint Paul continue après, avec ce que nous avons lu aujourd’hui : les relations avec les servantes, les esclaves, les travailleurs au service de la famille. Comme nous en aurions Ă  dire ici, en ce moment oĂą la sensibilitĂ© sociale n’est pas toujours exacte dans ces concepts! Dire aux ouvriers, aux travailleurs, aux classes qui gagnent leur vie au service des autres, de retourner Ă  la Parole de Dieu (Col 3,23-24) : « Quel que soit votre travail, faites-le avec âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que le Seigneur vous rĂ©compensera en vous faisant ses hĂ©ritiers. Â» Ah si l’on tenait compte de cette relation Ă  Dieu, le Père de tous : - des patrons et des ouvriers, des riches et des pauvres, devant qui nous devons rendre compte, - il n’y aurait pas tous ces conflits entre ces deux classes d’hommes en notre pays. Hommes de première classe et hommes de seconde classe… Ce que nous voulons, en rĂ©sumĂ©, ce sont des familles qui aient l’esprit de l’Église.

 

Église avec un esprit de famille

 

Je me réjouis aujourd’hui de célébrer avec les jeunes qui sont venus de diverses communautés pour apporter cet esprit de famille et l’insérer le plus profondément dans leur communauté et leur paroisse. N’oubliez pas que la communauté ecclésiale de base ne doit pas être une île, un club, mais qu’elle doit demeurer ouverte à la paroisse comme cette dernière doit être ouverte au diocèse, comme celui-ci doit être ouvert à l’Église Universelle pour que celle-ci célèbre, comme une seule famille ce grand jour de la Sainte Famille.

 

Puebla dit : « Plusieurs paroisses et diocèses mettent l’accent sur la dimension familiale. Ils savent que le latino-amĂ©ricain a besoin et recherche une famille. Â» Cela est certain. Il s’agit lĂ  de l’un de nos grands trĂ©sors culturels. Ne le perdons pas. Tout Salvadorien a la nĂ©cessitĂ© de rechercher une famille mais souvent il se trompe et fait une mauvaise famille. Mais comme il serait beau qu’aujourd’hui nous sortions de cette fĂŞte de la Sainte Famille en rendant grâce Ă  Dieu pour ce sens de la famille qu’ont les Salvadoriens, et en demandant au Seigneur de savoir bien orienter ce sens de la famille pour constituer des familles comme Dieu les veut.

 

« Nous disons cela, dit Puebla, parce que dans la recherche d’une famille, l’Église qui est famille, peut apporter la rĂ©ponse Ă  vos nĂ©cessitĂ©s. Il ne s’agit pas de techniques psychologiques mais de fidĂ©litĂ© Ă  sa propre identitĂ© parce que l’Église n’est pas le lieu oĂą les hommes se sentent une famille, mais le lieu Ă  partir d’oĂą, rĂ©ellement, profondĂ©ment et ontologiquement l’on construit la famille de Dieu. Nous ne venons pas simplement pour nous sentir une famille, mais en vĂ©ritĂ© pour nous constituer comme famille. Se convertissent vĂ©ritablement en fils du Père, en JĂ©sus-Christ, ceux qui y participent dans leur vie par le pouvoir de l’Esprit de par leur baptĂŞme. Cette grâce de la filiation divine est le grand trĂ©sor que l’Église doit offrir aux hommes de notre continent. C’est pourquoi, frères, j’insiste tant pour que nous soyons une Église authentique. Que nous ne faussions pas les finalitĂ©s de la communautĂ©. Il appartient Ă  l’Église, Ă  la communautĂ© chrĂ©tienne, de travailler comme frères, avec tous les hommes, pour le bien commun de la famille qu’est notre patrie… 30/12/79, p.92-97, VIII.

 

3) La famille, une priorité pastorale de l’Église en Amérique latine

 

A) Aux Ă©vĂŞques

 

Jean-Paul II possède un riche concept de la famille en Amérique latine. Le Pape nous en parla longuement à Puebla dans son discours dirigé aux évêques. Parmi les trois possibilités de la pastorale en Amérique latine, il mit la famille en premier; la seconde se rapporte aux vocations sacerdotales et religieuses; et la troisième concerne la jeunesse. Nous obéissons au Pape, ce matin, d’une très belle façon, puisque nous sommes ici avec la jeunesse de notre diocèse et que nous sommes en famille également.

 

S’adressant aux Ă©vĂŞques, le Pape a dit : « Faites tous les efforts pour qu’il y ait dans vos diocèses une pastorale familiale. Occupez-vous de ce champ si prioritaire avec la certitude que l’évangĂ©lisation dans le futur dĂ©pend en grande partie de l’Église domestique. C’est l’école de l’amour, de la connaissance de Dieu, du respect de la vie et de la dignitĂ© humaine. Â»

 

Je vais vous rĂ©pĂ©ter ces quatre titres qui dĂ©finissent la famille. Le Pape dit que la famille est l’école de l’amour, de la connaissance de Dieu, du respect de la vie et de la dignitĂ© humaine. Et cette pastorale familiale est d’autant plus importante alors que la famille est victime de tant de menaces. Il expliqua davantage ce concept lorsqu’il dit : « En dĂ©fense des familles contre les maux immenses parce que dans la famille se reflètent particulièrement les consĂ©quences les plus nĂ©gatives du dĂ©veloppement, indice vĂ©ritablement dĂ©primant d’insalubritĂ©. Â»

 

Pensons en ce jour de la famille Ă  tant d’enfants malades et tant de pères et de mères sous-alimentĂ©s : « PauvretĂ© et misère, ignorance et analphabĂ©tisme; conditions inhumaines d’habitations, sous-alimentation chronique et tant d’autres rĂ©alitĂ©s non moins tristes. Â» Voyez comment le problème de la famille apparaĂ®t liĂ© au grand problème que nous ne cessons de rĂ©clamer : la justice sociale! Le fait qu’il existe des familles comme celles que le Pape nous a dĂ©crites est le fruit de l’injustice sociale…

 

Parce que nous ne voulons pas qu’il y ait des familles super alimentées et d’autres sous-alimentées, nous plaidons et nous appuyons tout ce qui cherche à transformer cette injustice sociale en ordre dans le pays…

 

« En dĂ©fense de la famille contre ces maux, l’Église s’engage Ă  donner son aide et invite les gouvernements Ă  poser comme point clĂ© de leur actions, une politique socio familiale, intelligente, audacieuse, persĂ©vĂ©rante, en reconnaissant que c’est lĂ , sans aucun doute, que se jouent l’avenir et l’espĂ©rance de ce continent… Â»

 

Sa SaintetĂ©, le pape, devint encore plus Ă©loquent lorsqu’il affirma qu’il voudrait, depuis cette plate-forme de Puebla, s’adresser Ă  toutes les familles du continent et il dĂ©crit comment il s’est senti lorsqu’il entra dans tant de foyers, oĂą les familles vivent plus que modestement, … « Des maisons oĂą il ne manque ni le pain ni le bien-ĂŞtre matĂ©riel mais peut-ĂŞtre la concorde et l’allĂ©gresse; tandis que dans d’autres maisons, oĂą les familles vivent plus modestement, dans l’insĂ©curitĂ© du lendemain, mais s’aident les uns les autres Ă  mener une existence difficile mais digne. Â» Quelle belle phrase sur la famille pauvre : « une existence difficile mais digne… Â»

 

Continuons avec le Pape : « Ces pauvres habitations des pĂ©riphĂ©ries de vos villes oĂą s’il y a beaucoup de souffrances cachĂ©es, au milieu d’elles existe l’allĂ©gresse simple des pauvres. Ces humbles chaumières de paysans, d’indigènes, d’immigrants… Ă€ chaque famille en particulier le Pape aimerait dire une parole d’encouragement et d’espĂ©rance. Vous les familles qui pouvez savourez le confort, ne vous renfermez pas Ă  l’intĂ©rieur de votre bonheur. Ouvrez-vous aux autres pour leur offrir ce dont vous n’avez plus besoin et ce dont ils ont un besoin urgent… Â»

 

Et il y a cette phrase très sage du Pape : « Les familles opprimĂ©es par la pauvretĂ©, ne vous dĂ©couragez pas; n’ayez pas le luxe pour idĂ©al, ni la richesse comme principe du bonheur; recherchez, avec l’aide de tous, Ă  surmonter ces moments difficiles dans l’attente de jours meilleurs… Familles visitĂ©es et angoissĂ©es par la douleur physique et morale, Ă©prouvĂ©es par la maladie ou la misère, n’ajoutez pas Ă  tant de souffrances, l’amertume ou le dĂ©sespoir, mais sachez amoindrir la douleur par l’espoir… Â» 30/12/79, p.97-99, VIII.