L’Homélie, actualisation vivante de la Parole de Dieu

 

Troisième dimanche du temps ordinaire; 27 janvier 1980; Lectures : NĂ©hĂ©mie 8.2-4a.5-6.8-10; Corinthiens 12,12-30; Luc 1,1-4; 4,14-21.

 

Le Concile Vatican II qui a donnĂ© son impulsion Ă  la rĂ©novation actuelle de l’Église, nous dit quel est rĂ´le de l’HomĂ©lie (S.C. 52) : « L’homĂ©lie par laquelle, au cours de l’annĂ©e liturgique, on explique Ă  partir du texte sacrĂ© les mystères de la foi et les normes de la vie liturgique elle-mĂŞme; bien plus, aux messes cĂ©lĂ©brĂ©s avec concours du peuple les dimanches et jours de fĂŞte de prĂ©cepte, on ne l’omettra que pour un motif grave. Â» On nous dit ici comment cela doit ĂŞtre fait Ă  partir de la Parole de Dieu. Ce n’est pas celui qui prĂŞche qui invente le thème, mais la Parole de Dieu qui l’impose : Elle dit ceci et nous rĂ©clame de le dire au peuple. La tâche du prĂ©dicateur est d’expliquer cette Parole au peuple, Ă  l’assemblĂ©e qui s’est rĂ©unie afin d’éclairer ses rĂ©alitĂ©s, mais surtout pour cĂ©lĂ©brer cette Parole dans la cĂ©lĂ©bration eucharistique. Toute la Bible et toute la prĂ©dication se dĂ©roulent autour du grand mystère salvifique du Christ qui culmine dans sa mort et sa rĂ©surrection.

 

L’Homélie actualise le Christ

 

Dans la messe, oĂą le Christ nous laissa le mĂ©morial de sa mort et de sa rĂ©surrection, la lecture de n’importe quelle partie de la Bible doit ĂŞtre centrĂ©e sur ce mystère. VoilĂ  pourquoi le prĂ©dicateur, en mĂŞme temps qu’il illumine les rĂ©alitĂ©s, les chemins du peuple, doit orienter, comme dans l’homĂ©lie d’Esdras (Ne 8,2-4a,5-6,8-10), pour qu’à la fin nous puisions dire : « Amen, amen, rendons grâce et louons le Seigneur! » et que nous puissions nous unir dans le Saint Sacrifice de la messe.

 

L’Homélie établit un dialogue avec Dieu et illumine les réalités.

 

L’homĂ©lie est un discours de caractère sacrĂ©, liturgique, qui emporte le cĹ“ur de l’homme, de l’auditeur, Ă  la foi en Dieu, aux louanges Ă  Dieu, Ă  la cĂ©lĂ©bration de la RĂ©demption qui se fait prĂ©sente dans le sacrifice eucharistique : nous prĂŞchons et nous cĂ©lĂ©brons. C’est pourquoi, la messe n’apparaĂ®t pas complète si nous venons uniquement pour entendre l’homĂ©lie et que nous ne demeurons pas pour la partie eucharistique.

 

Le principal ce n’est pas la prédication; elle n’est que le chemin. Le principal c’est le moment où nous adorons le Christ et où notre foi se livre à Lui, illuminée par cette Parole et à partir de laquelle nous retournons vers le monde pour réaliser cette Parole. Nous écoutons la Parole, nous la mettons en lien avec la réalité, nous célébrons et nous alimentons notre vie du Christ qui nous conduit à l’engagement de l’être humain dans son devoir, dans son foyer, dans le service au monde pour qu’il soit véritablement vie selon Dieu. […]

 

L’homélie, actualisation vivante de la Parole de Dieu

 

L’homélie est actualisation, c’est-à-dire qu’elle rend présent, actuel --- comme si elle se produisait actuellement sous nos yeux --- avec toute sa force vive, la Parole de Dieu, ici, parmi nous; c’est cette réalité du Christ qui vit par cette Parole.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Jésus est l’homélie vivante de la révélation du Père (La personne du Christ est comme une homélie permanente de la révélation du Père; la volonté éternelle de Dieu se fait humaine, se revêt de chair humaine et vit ici, dans le Christ; même quand Il ne parle pas, Il parle; Il est l’homélie perpétuelle de Dieu.)

 

2) L’Église est la prolongation toujours actuelle et agissante de l’homĂ©lie de JĂ©sus (JĂ©sus prĂŞche au moyen de son Église. L’Église est la prolongation de l’homĂ©lie que le Christ initia Ă  Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi! Â», peut dire l’Église Ă  chaque instant, tout comme je peux le dire en ce moment, dimanche 27 janvier 1980, ici dans la basilique Ă  huit heures du matin : « Ceci s’accomplit aujourd’hui. Â» Ici est prĂ©sente la Parole de Dieu. L’Église c’est vous et moi, nous sommes la continuation de l’homĂ©lie vivante qui est le Christ Notre Seigneur).

 

3) Les effets messianiques et salvateurs de l’homélie du Christ chez les humains (Certains les acceptent et sont heureux, les autres les rejettent et s’obstinent dans leur méchanceté.)

 

1) Jésus est l’homélie vivante de la révélation du Père

 

A) L’homĂ©lie la plus sublime : l’épisode

 

Disons avant tout que Jésus est l’homélie vivante de la révélation de Dieu. L’épisode que nous avons lu aujourd’hui dans l’Évangile (Lc 4,14-21), est émouvant. Observons bien. Le Christ, se rendant à la synagogue de Nazareth, son village, prend place sur l’estrade où sont les rabbins et selon la coutume - qui se perpétue dans notre Église, lorsque nous invitons un membre de l’assemblée à venir lire la Parole de Dieu - ils invitent Jésus.

 

Attente de toute la Synagogue

 

Et prenant le rouleau, Il choisit ou le rabbin choisit pour Lui, le passage qu’Il va commenter, celui d’IsaĂŻe. C’est le Christ Lui-mĂŞme qui le lit. Quel honneur pour IsaĂŻe d’être lu par JĂ©sus-Christ, et honneur plus grand encore, quand Il referme le parchemin, comme nous le rapporte l’Évangile de ce matin (Lc 4,20) : « Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue tenaient les yeux fixĂ©s sur lui. Â»

 

C’est une expression qui exprime plus que ce simple moment historique. Vous savez que dans l’Évangile, il faut rechercher des profondeurs thĂ©ologiques, ce que l’auteur cherche Ă  nous dire, Ă  inspirer de ce moment historique. « Toute la synagogue avait les yeux posĂ©s sur lui. Â» C’est comme dire : Le monde entier attendait du Christ la Parole qui peut sauver. Il va nous rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© dont le monde a besoin; nous avons tous cette anxiĂ©tĂ©, nous Le voyons et nous attendons tous qu’Il nous dise cette parole de la part du Seigneur. Et ce commentaire du Christ, bien simple, mais très profond, nous dit (Lc 4,21) : « Aujourd’hui s’accomplit Ă  vos oreilles ce passage de l’Écriture. Â» Qu’est-ce que vous venez d’entendre? (Lc 4,18) : « Que l’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’Il m’a consacrĂ© par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Â» Et (Lc 4,14) : « Que JĂ©sus retourna en GalilĂ©e avec la puissance de l’Esprit. Â»

 

B) Dans le Christ culmine la révélation

 

Le Christ se prĂ©sente ici comme la rĂ©vĂ©lation, l’accomplissement de toute la rĂ©vĂ©lation. Le Concile nous prĂ©sente le Christ, dans le document sur la rĂ©vĂ©lation, comme Celui en qui culmine la rĂ©vĂ©lation. Je vous lis cela parce que ces paroles irremplaçables valent la peine d’être savourĂ©es; elles nous aident Ă  ressentir l’honneur et le bonheur que nous avons d’avoir connu le Christ (D.V. 4) : « Le Père a envoyĂ© son Fils, c’est-Ă -dire le Verbe Ă©ternel qui Ă©claire tous les hommes, pour habiter parmi les hommes et leur faire connaĂ®tre les secrets de Dieu. JĂ©sus-Christ donc, le Verbe fait chair, envoyĂ© « comme homme aux hommes Â», « par les paroles du Salut que le Père Lui a donnĂ©es de dire, rĂ©vèlent le Père. C’est pourquoi JĂ©sus-Christ - qui Le voit, voit aussi le Père - par toute sa PrĂ©sence, par tout ce qu’Il montre de Lui-mĂŞme, par ses paroles, par ses Ĺ“uvres, par ses signes, par ses miracles, mais surtout par sa mort et sa glorieuse rĂ©surrection d’entre les morts, enfin par l’envoi qu’Il fait de l’Esprit de vĂ©ritĂ©, donne Ă  la rĂ©vĂ©lation son dernier achèvement et la confirme par le tĂ©moignage divin. Â»

 

C) Par l’Esprit, Il est la Puissance de Dieu

 

Connaître le Christ, c’est connaître Dieu. Le Christ est l’homélie qui nous explique continuellement que Dieu est amour, que l’Esprit du Seigneur est sur Lui, qu’Il est la Parole divine, qu’Il est la présence de Dieu parmi nous.

 

L’Évangile n’est pas une biographie

 

Alors, Jésus-Christ et l’Évangile ne sont pas deux choses distinctes. L’Évangile n’est pas une biographie du Christ. Pour saint Paul, l’Évangile est la force vivante de Dieu. Lire l’Évangile ce n’est pas comme lire n’importe quel livre; il faut se remplir de foi et faire ressortir Jésus-Christ vivant, révélation du Père. Sentir, même si c’est dans le silence, sans que personne ne parle, dans la foi profonde du cœur, que le Christ est l’homélie de Dieu qui m’est prêchée, et, je tente de me remplir de cette Force divine qui est venue en Jésus-Christ.

 

Par l’Esprit

 

Tenons compte de cette merveilleuse théologie de saint Luc. On le nomme l’Évangile de la prière et de l’Esprit Saint, parce qu’il est l’Évangile où le Christ en prière, manifeste le plus sa communion avec le Père. C’est l’Évangile qui nous répète continuellement que le Christ était porté par l’Esprit.

 

C’est pourquoi quand Luc, l’auteur de ce troisième Évangile, écrit également les Actes des Apôtres, il apparaît que cet Esprit qui anime le Christ dans la Rédemption, est le même qu’Il communiqua à cette Église qui continua à croître à travers les voyages de saint Paul, des emprisonnements de saint Pierre et dans la prière des premières communautés chrétiennes.

 

Le Christ continue d’être vivant grâce à l’Esprit. L’Esprit est sur moi; ceci s’accomplit aujourd’hui; aujourd’hui débute l’ère du christianisme; ici débute une phase de l’Histoire qui est la plénitude des temps. L’Esprit de Dieu, s’est fait aussi l’Esprit de l’homme qui veut bien le recevoir. 27/01/80, p.188, VIII.

 

2) L’Église est la prolongation toujours actuelle et agissante de l’homélie de Jésus

 

A) La vérité de l’Église se fonde dans la vérité des faits de l’Évangile

 

En premier lieu, la vĂ©ritĂ© de l’Église dĂ©pend de la vĂ©ritĂ© du Christ. « Nous serions, dit saint Paul, de grands menteurs si nous annoncions le Christ et que Celui-ci ne serait pas ce que nous disons. Â»

 

Prologue de saint Luc : « D’après ce que nous ont transmis… Â»

C’est pour cela que du Prologue de saint Luc (1,1-4), que nous avons lu aujourd’hui, se dĂ©marque cette idĂ©e. Qu’est-ce que Luc voulut faire quand il Ă©crivit son Évangile? Relater les faits (Lc 1,2-4) : « D’après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le dĂ©but tĂ©moins oculaires et serviteurs de la Parole, j’ai dĂ©cidĂ©, moi aussi, après m’être informĂ© exactement de tout depuis les origines, d’en Ă©crire pour toi l’exposĂ© suivi, cher ThĂ©ophile, pour que tu te rendes bien compte de la sĂ»retĂ© des enseignements que tu as reçus. Â»

 

En cette heure, oĂą tout apparaĂ®t relatif, oĂą tout est confusion, oĂą rien n’est vĂ©ritĂ©, combien solide sonne cette Parole de l’Évangile! L’Évangile apporte une consistance Ă©ternelle Ă  l’Église. C’est pourquoi nous avons rĂ©pĂ©tĂ© : l’Église ne vit pas de conjonctures; l’Église vit de la rĂ©alitĂ© Ă©ternelle qui se rĂ©alisa et oĂą des tĂ©moins oculaires furent prĂ©sents. Les hommes se la transmirent en traditions vivantes, illuminĂ©s par la prĂ©sence de l’Esprit.

 

Récit des événements qui se sont produits parmi nous.

 

Quels furent ces événements? Ce sont ceux qu’il va commencer à raconter. À partir de cette entrée à la synagogue, le Christ initie sa prédication, consomme la Rédemption et ressuscite. Il s’agit en fait de tout ce qui constitue le Kérygme, l’annonce du Règne de Dieu, de la venue du Christ pour sauver les hommes et les femmes; c’est précisément cette réalité que nous appelons Église, celle qui naît de la réalité des faits.

 

Même historiquement, même en faisant abstraction de l’inspiration divine, il n’existe pas de livre si scientifiquement vérifié concernant l’authenticité et la véracité de ce à quoi l’Évangile fait référence. Vingt siècles, au cours desquels l’Évangile a été critiqué non seulement par des amis, mais également par des ennemis qui cherchaient à détruire ce qu’il disait, ne sont parvenus qu’à apporter davantage de lustre à ces paroles de saint Luc.

 

Témoignage de ceux qui furent les témoins oculaires

 

Les réalités où furent présents les témoins oculaires et qui nous furent transmises, sont des faits qui confirment la vérité, la solidité des choses auxquelles tu crois.

 

Frères, ne doutons jamais de la vérité de l’Évangile; il est dangereux de le confondre avec tant de fausses promesses des hommes et de croire que l’Évangile aussi nous laisse frustrés et désillusionnés. Mais, en vérité, il s’agit d’une Parole très distincte; c’est pourquoi, qu’en ce jour où revient sur les ondes la radio YSAX, je peux vous dire avec honneur, qu’au travers de ses antennes, qu’ont voulu détruire les forces humaines, voyage une Parole que personne ne peut retenir, qui vit dans l’Église, qui est la réalité solide dans la foi de tout un peuple et que personne ne peut venir à bout de cette Parole.

 

B) La communauté se fait homélie de Jésus

 

Ainsi comme l’Église naĂ®t de l’Évangile, dans le prologue de saint Luc apparaissent d’autres aspects importants : l’Église se convertit en messagère de l’Évangile. Elle s’évangĂ©lise pour Ă©vangĂ©liser.

C’est pourquoi saint Luc nous dit qu’il recueille ces tĂ©moignages. Saint Luc ne fut pas un apĂ´tre, ni mĂŞme ne connut le Christ, mais il fut un disciple de Paul et il fut Ă  Rome. Il Ă©couta les apĂ´tres et les communautĂ©s. C’est ce qui est fantastique : savoir que l’Évangile fut Ă©crit par les communautĂ©s. Les Évangiles qu’aujourd’hui nous lisons, celles de saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean, sont l’homĂ©lie des communautĂ©s.

 

Les prédicateurs de la Parole

 

Un témoin rendait compte à un groupe de ce qu’il avait vu et donnait jusqu’au sang si nécessaire, un témoignage de sa foi, de la véracité de ce qu’il leur racontait. Et ces gens croyaient parce qu’ils étaient éclairés par l’Esprit de Dieu qui les évangélisait. Et, nous avions alors, une communauté qui avait reçu la foi et qui se sentait motivée à porter cette foi grâce à ce même Esprit qui les illuminait.

 

Style de Luc

 

Luc, prĂ©cisĂ©ment, n’est rien de plus qu’un maillon de cette chaĂ®ne de la tradition. Luc ne connut pas le Christ, ni ne vit personnellement les faits qu’il raconte : « â€¦ mais - comme il dit - convaincu de la rĂ©alitĂ©, de la soliditĂ© de ces choses, je sais que la communautĂ© s’alimente de cette foi, Â» et il ne pouvait pas douter d’elle. C’est donc Ă  partir des commentaires aux communautĂ©s que les Ă©vangĂ©listes Ă©crivirent les Évangiles qui sont parvenus jusqu’à nous. C’est pourquoi ils possèdent des caractĂ©ristiques très distinctes malgrĂ© le fait qu’ils nous parlent tous de la mĂŞme vie du Christ; ce sont des homĂ©lies, des rĂ©flexions rĂ©alisĂ©es Ă  partir de contextes historiques rĂ©els et distincts.

 

Luc écrit pour des païens, Matthieu écrit pour des Juifs, Marc écrit pour des Romains. Luc, écrivant pour des païens, ne se préoccupe pas tant des formules juives mais se soucie davantage des motifs qui peuvent toucher n’importe qui.

 

Caractéristiques doctrinales

 

C’est pourquoi, les caractéristiques doctrinales de l’Évangile de saint Luc tracent un parallèle entre l’activité de Jésus et le ministère de l’Église. Ils présentent Jésus non pas tant comme la réalisation des prophéties judaïques, mais plutôt comme un prophète nouveau qui va voir s’accomplir ce qu’Il dit dans la postérité de l’Église.

 

Luc présente le Christ comme le prophète qui lance au monde un Règne qui n’aura pas de fin et les années vont se charger de confirmer ce prophète et fondateur de l’Église. Saint Luc fait aussi ressortir l’agissement du Christ parmi les gentils, parmi les pauvres, parmi les marginaux. Cela remue davantage un peuple qui n’a pas fait de cette religion un privilège, mais qui, de sa connaissance nouvelle du Christ, fait la compréhension de ce monde si déprécié des esclaves et des marginaux.

 

 

On le nomme l’Évangile de la miséricorde

 

L’Évangile de saint Luc a pris tant de noms si précieux, qu’on le nomme l’Évangile de la miséricorde et des grands pardons. En aucun autre Évangile n’est rapportée la parabole de l’Enfant Prodigue, le pécheur repenti. L’Évangile de saint Luc est celui qui exprime le mieux la tendresse du cœur du Christ quand Il s’approche des pécheurs et leur pardonne.

 

On le nomme l’Évangile des pauvres

 

Le récit de Bethléem est pittoresque parce qu’autour du Christ qui naît, sont présents les pauvres, les pasteurs, ceux qui n’ont pas d’importance aux yeux du monde, ceux qui forment le cortège de ce Roi qui vient de naître. C’est de là que provient cette option préférentielle pour les pauvres.

 

 

On le nomme l’Évangile du renoncement absolu

 

Luc, écrivant pour les idolâtres de l’honneur et des richesses de la Terre, leur dit de tout abandonner pour le Règne de Dieu. Personne n’est autant absolu dans ce renoncement des choses pour se faire vraiment pauvres, comme l’Évangile des pauvres.

 

On le nomme également l’Évangile de la prière et de l’Esprit saint

 

Parce qu’il est l’Évangile qui présente le mieux la transcendance de ce message évangélique et nous élève jusqu’à Dieu. Et de Dieu, fait dériver dans la prière les moments solennels où le Christ accueille les apôtres et se transfigure. Et, Il va lancer son Église de par le monde, fruit de la prière et de l’Esprit.

 

On le nomme aussi l’Évangile de la Joie Messianique

 

Si vous recherchez un message d’allégresse et d’optimisme, lisez saint Luc. Lisez avec quelle allégresse il raconte la grande nouvelle, cette bonne nouvelle que Dieu est venu et que les pécheurs, les marginaux, ceux qui ont besoin de bonnes nouvelles, l’ont ici dans l’Évangile; et c’est pourquoi on l’appelle la Bonne Nouvelle.

 

L’Église se fait communauté qui transmet le Christ, qui suit l’homélie du Christ dans le style de chacun. C’est merveilleux. Chaque communauté, chaque prédicateur, chaque catéchiste, chaque congrégation religieuse, chaque physionomie de l’Église possède son propre charisme, sa propre manière d’être, mais, entre tous, nous partageons cette merveille que le Christ vit au travers de son Esprit, en nous.

 

C’est l’Esprit qui construit le Corps du Christ avec tous ceux qui Le suivent

 

J’aimerais ici vous rappeler cette seconde lecture d’aujourd’hui où saint Paul (I Cor 12,12-30), maître de saint Luc, se réfère à la constitution de cette Église comme un corps où nous sommes tous membres les uns des autres. Le Christ est la tête et l’Esprit qui anime cette tête, anime également, comme d’une même vie, la tête et le corps de tous les membres qui constituent l’Église.

 

Et c’est pourquoi, je vous rĂ©pète, frères et sĹ“urs, ce que je vous ai dĂ©jĂ  dit, prĂ©cisĂ©ment au sujet de cette peur de demeurer un jour sans radio : Le meilleur microphone de Dieu est le Christ et le meilleur microphone du Christ c’est l’Église et l’Église c’est vous. Chacun de vous… depuis son propre poste, Ă  partir de sa propre vocation : la religieuse, l’époux, l’évĂŞque, le prĂŞtre, l’étudiant, l’universitaire, le journalier, l’ouvrier, la vendeuse du marchĂ©, que chacun Ă  son poste, vive intensĂ©ment sa foi et se sente comme un vĂ©ritable microphone de Dieu Notre Seigneur dans son milieu.

 

Ainsi l’Église aura toujours une prédication; elle sera toujours une homélie même si nous n’avons pas l’heureuse opportunité, que je sens à chaque dimanche, de communiquer avec autant de communautés qui, au cours de cette semaine, m’ont manifesté le désir d’entendre à nouveau cette radio qui est presque devenue le pain de notre peuple. Mais le jour où les forces du mal nous laisseront sans cette merveille dont ils disposent en abondance, et qu’à l’Église ils enlèveront le peu qu’elle possède, sachons qu’ils ne nous auront fait aucun mal; au contraire, nous serons alors davantage des microphones vivants du Seigneur et nous prononcerons partout sa Parole… 27/01/80, p.188-192, VIII.

 

 

3) Les effets messianiques et salvateurs de l’homélie du Christ chez les humains

 

Messianiques, c’est-à-dire, tous les biens que le Christ apporta. Salvateurs, c’est-à-dire, la Parole de l’Évangile qui est une force de libération comme nulle autre.

 

A) L’Évangile est la prédication de Jésus. Il se présente dans l’Évangile de saint Luc comme une mission de grâce, comme une offre de Salut.

 

Quel fut le texte que le Christ choisit dans l’abondance de l’Ancien Testament pour se prĂ©senter dans les temps messianiques? Luc, non seulement veut nous raconter l’épisode du Christ dans la synagogue de Nazareth, mais situant cette Ă©pisode avec son prologue de l’Évangile veut nous dire : « Qu’au monde entier sera annoncĂ© qui est le Christ, quelle est l’œuvre qu’Il est venue nous apporter. Â»

 

C’est pourquoi Luc choisit et raconte avec agrĂ©ment le passage que le Christ a lu et oĂą sont dĂ©crites toutes les merveilles de la libĂ©ration (Lc 4,18) : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’Il m’a consacrĂ© par l’onction! » Il m’a oint! Le Christ est l’Oint; c’est ce que signifie le Christ, le Messie. Messie est la parole hĂ©braĂŻque qui signifie la mĂŞme chose que Christ en grec et Oint en français. Il est l’Oint. Il a Ă©tĂ© comme assumĂ©, comme imprĂ©gnĂ© par l’Esprit saint. Il est la plĂ©nitude de l’Esprit de Dieu : l’Oint.

 

« Il m’a oint pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres! Â»

 

C’est cela, la mission du Christ : porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, Ă  ceux qui ne reçoivent que de mauvaises nouvelles, Ă  ceux qui ressentent l’outrage des puissants, Ă  ceux qui voient passer au-dessus d’eux les richesses qui rendent les autres heureux. C’est pour cela que vient le Seigneur; pour les rendre heureux et leur dire : N’ambitionnez pas, sentez-vous bienheureux et riches du grand don que vous apporte Celui qui, Ă©tant riche, s’est fait pauvre pour ĂŞtre avec vous et sachez que le plus grand bonheur, c’est de partager la joie que Dieu ressent d’être avec ses pauvres.

 

« Il m’a envoyĂ© annoncer aux captifs la dĂ©livrance et aux aveugles le retour Ă  la vue, renvoyer en libertĂ© les opprimĂ©s, proclamer une annĂ©e de grâce du Seigneur. Â»

 

C’était l’année sabbatique que tous attendaient avec un ardent désir parce qu’en cette année toutes les choses devaient être rendues à leurs propriétaires légitimes, les dettes étaient effacées et tout recommençait à neuf. C’est l’heure que nous attendons au Salvador. Non pas la grâce d’une année sabbatique, mais la force d’une restructuration à laquelle le peuple aspire et à laquelle il va parvenir avec l’aide du Christ qui est venu précisément pour annoncer des sociétés nouvelles, la Bonne Nouvelle, les temps nouveaux…

 

C’est pourquoi je ne me lasse pas de dire Ă  tous les hommes, surtout aux jeunes qui aspirent Ă  la libĂ©ration du peuple, que j’admire leur sensibilitĂ© sociale et politique mais que je me dĂ©sole de voir qu’ils la gaspillent par ces chemins qui ne sont pas vĂ©ritables. L’Église leur dit : Par ce chemin, par celui du Christ, mettez toute votre Ă©nergie, toute votre abnĂ©gation, tout votre sacrifice jusqu’au point de mourir, mais mourant pour la cause de la LibĂ©ration vĂ©ritable que vous a garantie Celui qui est imprĂ©gnĂ© de l’Esprit de Dieu et qui ne peut nous tromper. Celui qui peut assumer toutes les prĂ©occupations libĂ©ratrices et revendicatrices du peuple qui sont des cris qui clament jusqu’à Dieu et que Dieu se doit d’entendre. Puisse Dieu que nous entendions tous que le grand leader de notre libĂ©ration est cet Oint du Seigneur qui vient pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour donner l’allĂ©gresse Ă  de si nombreux foyers endeuillĂ©s, pour renouveler la sociĂ©tĂ© comme pendant les annĂ©es sabbatiques d’IsraĂ«l!

 

B) L’homélie doit conduire au culte, à l’adoration de Dieu

 

Un autre effet de l’homélie c’est d’éveiller l’adoration envers Dieu. J’aime entendre cette première lecture (Ne 8,2-4a,5-6,8-10) avec ce contexte historique si émouvant. Néhémie et Esdras sont des noms de Juifs qui revinrent du désert de Babylone. Et quand ils régressèrent, les nombreuses caravanes rencontrèrent une Jérusalem détruite. Il y eut une grande désillusion mais ils travaillèrent à la reconstruction. Cela a toujours été l’effort humain de ne pas se laisser abattre par le pessimisme, de reconstruire et de ne pas détruire. Et ceux-ci, lorsqu’ils terminèrent la reconstruction, convoquèrent tout le peuple qui était en train de récupérer son esprit patriotique. C’est cette assemblée solennelle qui nous est rapportée.

Tout le peuple écoutait Esdras qui, monté sur une estrade, lit le Pentateuque écrit par Moïse que Dieu lui a commandé de dire à son peuple. Il leur explique sous la forme d’une simple catéchèse la volonté de Dieu. L’homélie au peuple, la simplicité de la Parole, sans prétention rhétorique ou oratoire; simplement l’amour au peuple pour qu’il comprenne ce Dieu et entre en contact avec Lui.

 

C’est ce que nous nous proposons de faire; que je ne sois pas un obstacle dans le dialogue entre vous et Dieu, mais qu’en chaque cĹ“ur s’éveille la gratitude, l’amour, l’admiration, le repentir, le retour vers Dieu. Pour qu’une fois terminĂ©e l’homĂ©lie nous puissions voir le peuple qui, unissant les mains, se mettant debout, rĂ©ponde : « Amen! Amen! Et qu’il s’incline et se prosterne, visage contre terre devant le Seigneur. Â»

 

Pour qu’après l’homélie nous nous mettions à prier et à célébrer l’Eucharistie! Pour qu’aujourd’hui, chaque fois qu’un sacrement est célébré, nous lisions la Bible et nous faisions une homélie. Aujourd’hui, la vie sacramentelle de l’Église est autant solennelle. Pour faire un baptême, il nous importe que cela soit préparé d’avance et qu’après nous lisions un passage de l’Évangile qu’un prêtre vient expliquer.

 

C’est seulement lorsque la foi est éveillée que nous pouvons apporter l’enfant aux fonds baptismaux afin que les adultes comprennent ce qui va se produire. De même pour le mariage qui est un rite sacramentel; que nous lisions également la Parole de Dieu pour ceux qui vont s’aimer pour toujours afin qu’ils se sentent inclinés à espérer de Dieu la fidélité de cet amour. Tout cela c’est s’approcher de Dieu.

 

Je ne prĂ©tends pas faire autre chose, très chers frères, et cela me rĂ©jouit beaucoup lorsqu’il y a de simples gens qui rencontrent dans mes paroles, un vĂ©hicule pour s’approcher de Dieu ou bien lorsqu’un pĂ©cheur se convertit. C’est cela, l’effet de la vĂ©ritable prĂ©dication ecclĂ©siastique : L’Église, homĂ©lie du Christ, continuant le message du Christ.

 

Allégresse et fête dans le cœur

 

L’homĂ©lie produit une autre chose que nous raconte aussi le livre de NĂ©hĂ©mie quand il dit (8,11-12) : « Taisez-vous : ce jour est saint. Ne vous affligez point! » Parce que le peuple pleurait lorsqu’il entendait les paroles de la loi. « Et tout le peuple s’en fut manger, boire, distribuer des parts et se livrer Ă  grande liesse : car ils avaient compris les paroles qu’on leur avait communiquĂ©es. Â» Nous dirions qu’il s’agit de l’esprit du dimanche, le Jour du Seigneur, jour d’allĂ©gresse mais d’une joie non Ă©goĂŻste, d’une joie qui partage avec ceux qui n’ont rien. Ce que nous avons, partageons-le pour nous sentir plus heureux.

 

Comme sera magnifique le jour où une société nouvelle, au lieu d’emmagasiner et de garder égoïstement, répartira, partagera, divisera, et où tous se réjouiront parce qu’ils se sentiront tous fils d’un même Dieu! Qu’est-ce que peut désirer d’autre la Parole de Dieu dans notre contexte salvadorien sinon la conversion de tous pour que nous nous sentions tous frères?

 

L’Évangile nous fait aussi voir un autre effet de l’HomĂ©lie : les uns heureux et les autres amers.

 

L’heureux est celui dont nous parle l’Évangile d’aujourd’hui. Les gens qui l’admiraient et qui se sentaient heureux d’être auprès du Christ, parce qu’ils avaient reçu de Lui la grande révélation.

 

DĂ©nonciation du manque de foi

 

Mais immĂ©diatement après, le Christ commença Ă  expliquer dans son homĂ©lie la dĂ©nonciation de son peuple. Nazareth oĂą Il ne pouvait faire de miracles mĂŞme s’Il aimait tant son peuple, parce que c’était un peuple incrĂ©dule, un peuple qui le confondait avec un simple fils de Marie, fils d’un homme. Le Christ leur dit (Lc 4,25-26) : « AssurĂ©ment, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en IsraĂ«l aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermĂ© pour trois ans et six mois, quand survint une grande famine sur tout le pays; et ce n’est Ă  aucune d’elles que fut envoyĂ© Élie, mais bien Ă  une veuve de Sarepta, au pays de Sidon. Â» Ils se sentirent offensĂ©s de ce qu’Il dĂ©nonçait leur incrĂ©dulitĂ©, leur fausse piĂ©tĂ©.

 

La synagogue, formaliste dans sa religion, ne tolère pas qu’on lui dise que leur culte est erronĂ© et ils furent remplis de fureur. (Lc 4,29-30) : « Et, se levant, ils le poussèrent hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville Ă©tait bâtie, pour l’en prĂ©cipiter. Mais Lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin… Â» C’est le sort des prophètes qui diront toujours de bonnes choses mais qui, pour le bonheur de leur peuple, doivent Ă©galement signaler les pĂ©chĂ©s afin qu’ils se convertissent. Ceux qui sont humbles entendent et se sauvent, mais ceux qui ne le sont pas s’obstinent et se perdent. 27/01/80, p.192-195, VIII.