La Pauvreté des Béatitudes, Force de la véritable libération du Peuple

 

Sixième dimanche du temps ordinaire; 17 fĂ©vrier 1980; Lectures : JĂ©rĂ©mie 17,5-8; I Corinthiens 15,12)16-20; Luc 6,17.20-26.

 

Le carême, Itinéraire vers Pâques et la Pentecôte

 

Vivons ce temps qui va nous rendre capables d’entreprendre, en ce mercredi, ce long pèlerinage vers Pâques et la PentecĂ´te, les deux grands buts du carĂŞme. L’être humain ne se mortifie pas Ă  cause d’une passion maladive pour la souffrance. Dieu ne nous a pas faits pour la souffrance. S’il y a des jeĂ»nes, s’il y a des pĂ©nitences, des prières, c’est parce qu’il existe un but très positif que l’humain atteint en son terme : la Pâque, ou encore, la RĂ©surrection. Tout cela afin que nous ne cĂ©lĂ©brions pas un Christ qui ressuscite diffĂ©rent de nous, mais que, durant le carĂŞme, nous nous rendions capables de ressusciter avec Lui Ă  une vie nouvelle et que nous devenions ainsi les hommes nouveaux et les femmes nouvelles dont notre pays a un urgent besoin. Ne crions pas seulement que nous voulons des changements de structures, parce qu’il ne sert Ă  rien d’avoir des structures nouvelles si nous n’avons pas des hommes et des femmes renouvelĂ©s qui construisent et dirigent ces structures.

 

OpportunitĂ© des lectures d’aujourd’hui : Les BĂ©atitudes

 

La Résurrection…

 

AussitĂ´t après vient la PentecĂ´te, la venue de l’Esprit Saint. Rendons-nous aptes pour que notre cĹ“ur soit comme un vase propre, disponible Ă  la venue de l’Esprit de Dieu, avec toute sa force de saintetĂ©, pour transformer la face de la Terre. C’est ce qui manque dans notre patrie : beaucoup d’Esprit de Dieu, de sens de la RĂ©surrection et de rĂ©novation de vie.

 

Forge de chrétiens libérateurs et artisans du destin de la patrie

 

Le carĂŞme nous invite Ă  regarder Ă  l’intĂ©rieur et Ă  nous rĂ©nover. C’est pourquoi je crois que les lectures d’aujourd’hui (Jer 17,5-8; Cor 15,12)16-20; Lc 6,17.20-26) sont prĂ©cisĂ©ment un appel Ă  cette rĂ©novation intĂ©rieure. Le prologue du carĂŞme des lectures d’aujourd’hui est prĂ©cieux parce que je crois que dans le document de Puebla se trouve une constatation qui nous remplit d’espĂ©rance si nous savons vraiment la comprendre (Puebla 1129) : « En AmĂ©rique latine, la pauvretĂ© est palpable comme un sceau qui marque les immenses majoritĂ©s, lesquelles, en mĂŞme temps, sont ouvertes non seulement aux bĂ©atitudes et Ă  la prĂ©dilection du Père, mais Ă  la possibilitĂ© d’être de vĂ©ritables protagonistes de leur propre dĂ©veloppement. Â»

 

Les pauvres sont un signe en Amérique latine. Les majorités de nos pays sont pauvres et c’est pourquoi ils sont habilités à recevoir ces dons de Dieu et une fois remplis de Dieu, ils seront capables de transformer leur propre société. J’aime voir, qu’auprès de ces pauvres, Puebla dit que les jeunes sont également ce signe. Très chers jeunes, vous êtes comme les pauvres d’Amérique latine, les signes de la Présence de Dieu.

 

Les pauvres et les jeunes constituent la richesse et l’espérance de l’Église en Amérique latine et leur évangélisation est tout autant une priorité. C’est-à-dire que notre Église sent une affection spéciale pour la majorité pauvre et pour les jeunes. Jeunes et pauvres vont construire notre Patrie; nous pouvons avoir véritablement confiance que c’est ainsi que cela doit être si nous nous disposons comme peuple pauvre et comme peuple jeune - ce que nous sommes dans notre immense majorité - à ce que la Résurrection du Seigneur rencontre dans ces deux grands signes présents au Salvador, pauvres et jeunes, les éléments capables de reconstruire. Ne désespérons pas parce que, si cela est l’espérance de l’Amérique latine au Salvador, il y a beaucoup d’espérance parce qu’il y a beaucoup de pauvres et de jeunes.

 

C’est pourquoi j’ai choisi comme plan de mon homélie d’aujourd’hui, un passage d’un texte des documents de Medellín qui parle de la pauvreté. Il dit que la pauvreté est une dénonciation, un esprit et un engagement. Ces trois points que nous indique Medellín, sont une force de libération.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) La Pauvreté est une dénonciation divine

2) La Pauvreté est un esprit

3) La Pauvreté est un engagement.

 

Nous aurons aujourd’hui, si Dieu le veut, une idĂ©e claire de ce que nous avons tant de fois rĂ©pĂ©tĂ©, Ă  savoir : que l’Église a assumĂ© une option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres… et que seule peut exister une Église vĂ©ritable, celle qui se convertit et s’engage avec le peuple souffrant et pauvre… Â» 17/02/80, p.231-232, VIII.

 

1) La Pauvreté est une dénonciation divine

 

Paroles de MedellĂ­n (14,4) : « La pauvretĂ© comme carence des biens de ce monde est, en tant que tel, un mal – manquer des biens de ce monde est un mal – Les prophètes la dĂ©nonçaient comme contraire Ă  la volontĂ© du Seigneur et la plupart du temps, comme fruit de l’injustice et du pĂ©chĂ© des hommes… Â»

 

Je vais renforcer cette pensée avec les textes liturgiques d’aujourd’hui (Jer 17,5-8; I Cor 15,12)16-20; Lc 6,17.20-26). Comment cela se fait-il que la pauvreté est une dénonciation?

 

A) DĂ©nonciation de JĂ©sus : « Malheur Ă  vous, les riches! »

 

Quelle autre chose fait Jésus dans l’Évangile des Béatitudes?

Comme il est enchanteur d’être en train de rĂ©flĂ©chir avec ce JĂ©sus qui descend de la montagne (Lc 6,17.20-26). Ses expressions de l’Évangile possèdent une profonde façon de voir JĂ©sus. Regardons-le descendre des hauteurs pour se confondre dans la plaine avec le commun des mortels. Descendant, il se mit Ă  leur adresser la parole… et c’est ainsi que dĂ©bute l’Évangile (Lc 6,20) : « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est Ă  vous. Â»

 

Il y a des pauvres… des gens affamés… qui pleurent parce qu’il y a des riches.

 

Ces quatre bĂ©atitudes sont en opposition; elles dĂ©noncent parce qu’il y a des pauvres, parce qu’il y a des gens qui ont faim, parce qu’il y a des gens qui souffrent. Ceux-lĂ  sont bienheureux parce qu’ils souffrent et qu’ils pleurent, parce qu’ils ont faim. Pourquoi cela existe-t-il? L’Évangile d’aujourd’hui est terrible quand il nous indique les causes de ces carences (Lc 6,24-25) : « Mais malheur Ă  vous, les riches! car vous avez votre consolation. Malheur Ă  vous qui ĂŞtes repus maintenant! car vous aurez faim. Malheur, vous qui riez maintenant! car vous connaĂ®trez le deuil et les larmes! » L’accent de tous les prophètes de l’Ancien Testament, rĂ©sonne dans la voix du Christ. Comme sont terribles les prophètes lorsqu’ils dĂ©noncent ceux qui ajoutent maison sur maison et ceux qui ajoutent terrains sur terrains et qui se rendent maĂ®tres de tous le pays.

 

L’existence de la pauvreté comme carence du nécessaire est une dénonciation. Frères, ceux qui disent que l’évêque, l’Église et les prêtres ont causé le malaise dans le pays, veulent jeter un nuage de poussière sur la réalité… Ceux qui ont commis le grand mal ce sont ceux qui ont rendu possible l’injustice sociale si horrible dans laquelle vit notre peuple… Les pauvres indiquent le véritable chemin de l’Église. Une Église qui ne s’unit pas avec les pauvres pour dénoncer, à partir d’eux, les injustices qui sont commises envers eux, qui ne s’engage pas avec eux, n’est pas la véritable Église de Jésus-Christ.…

 

Résumé de mon discours de Louvain

 

Je veux profiter de cette opportunitĂ© pour vous rapporter ce que fut prĂ©cisĂ©ment le thème de mon discours Ă  l’UniversitĂ© de Louvain alors qu’on m’indiqua, dans son cycle de confĂ©rences, le thème gĂ©nĂ©ral de toute cette annĂ©e : Foi et Politique.

 

I) Les pauvres ont marqué la pastorale de notre archidiocèse

 

J’ai donc choisi pour nuancer ce concept : « La Dimension politique de la Foi, Ă  partir des pauvres Â». Je me suis efforcĂ© de dire comment, pour nous au Salvador, la clĂ© pour comprendre la foi chrĂ©tienne, ce sont justement les pauvres.

 

B) Ils ont été la clé pour comprendre la foi chrétienne

 

Notre monde salvadorien n’est pas une abstraction; ce n’est pas un cas parmi tant d’autres qu’on entend de par monde dans des pays développés comme le vôtre. C’est un monde qui, dans son immense majorité, est formé d’hommes et de femmes pauvres et opprimés; et de ce monde des pauvres, nous disons qu’il est la clé pour comprendre la foi chrétienne, l’agir de l’Église et la dimension politique de cette foi et de cet agir ecclésial.

 

Les pauvres sont ceux qui nous disent ce qu’est le monde et quel est le service que l’Église doit rendre Ă  ce monde… Les pauvres sont ceux qui nous disent ce qu’est la politique. Dans son origine, le mot politique faisait rĂ©fĂ©rence Ă  la « polis Â», qui veut dire : CitĂ©. Les pauvres nous disent ce qu’est la « polis Â», ce qu’est la citĂ© et ce que signifie rĂ©ellement pour l’Église vivre dans le monde, dans la « polis Â», dans la citĂ©. Permettez-moi, leur ai-je dit, Ă  partir des pauvres de mon peuple, que je veux reprĂ©senter, de vous expliquer brièvement la situation et l’agir de notre Église dans le monde oĂą nous vivons. Et j’ai commencĂ© Ă  leur raconter l’aventure de notre Église, ici au Salvador : « Qu’est-ce que nous faisons? Â»

 

En premier lieu, nous nous incarnons chez les pauvres; nous voulons être une Église qui se sent réellement coude à coude avec le peuple pauvre du Salvador et nous notons ainsi que, chaque fois qu’il y a ce rapprochement avec le pauvre, nous découvrons le visage véritable du Serviteur Souffrant de Yahvé. C’est là que nous connaissons de plus près le mystère du Christ qui s’est fait homme et qui s’est fait pauvre pour nous.

 

Annoncer la Bonne Nouvelle

 

Que fait d’autre l’Église d’ici? Elle annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres, mais non pas dans un sens dĂ©magogique, comme si nous voulions exclure les autres; bien au contraire. Ceux qui, siècle après siècle, n’ont entendu que des mauvaises nouvelles et qui ont vĂ©cu les pires rĂ©alitĂ©s, entendent par le biais de l’Église, les paroles de JĂ©sus : «Le Règne de Dieu s’approche pour nous! Bienheureux ĂŞtes-vous les pauvres parce que le Règne de Dieu vous appartient! » Et Ă  partir de lĂ , Ă©galement, une Bonne Nouvelle qui annonce aux riches qu’ils doivent se convertir aux pauvres pour partager avec eux les biens du Règne de Dieu.

 

Engagement pour la défense des pauvres

 

Une autre chose que fait l’Église du Salvador, c’est de défendre les pauvres. Les majorités pauvres de notre pays rencontrent dans la voix de l’Église, celle des prophètes d’Israël. Il y en a parmi nous qui vendent le juste pour de l’argent et le pauvre pour une paire de sandales, comme disent les prophètes… Ceux qui accumulent des violences et des butins dans leurs palais, ceux qui écrasent les pauvres, ceux qui font s’approcher un règne de violence et qui sont allongés sur des lits de marbre, ceux qui ajoutent maison sur maison et qui annexe champ sur champ et qui finissent par occuper tout l’espace disponible, afin de demeurer seuls dans le pays. Ces textes des prophètes ne sont pas des voix lointaines que nous lisons avec révérence dans notre liturgie; ce sont des réalités quotidiennes, dont nous vivons quotidiennement la cruauté et l’intensité.

 

Persécutés pour la défense des pauvres

 

C’est pourquoi l’Église souffre le destin des pauvres : la persĂ©cution. Notre Église se glorifie d’avoir mĂŞlĂ© son sang de prĂŞtres, de catĂ©chistes et de communautĂ©s, aux massacres du peuple et d’avoir toujours portĂ© la marque de la persĂ©cution. PrĂ©cisĂ©ment parce qu’elle dĂ©range, on la calomnie et on ne veut pas entendre en elle la voix qui rĂ©clame contre les injustices.

 

II) L’Église a enseigné une conscience plus grande du péché

 

Mais pour cela, la seconde partie de mon discours portait sur ce dont l’Église s’est enrichie dans cette dimension politique de la foi à partir du peuple, à partir du pauvre.

 

Conscience plus claire du péché.

 

De lĂ  a surgi un sens plus clair de ce qu’est le pĂ©chĂ©. Ce que nous disons aujourd’hui, prĂ©cisĂ©ment, c’est que la pauvretĂ© dĂ©nonce le pĂ©chĂ©. Dans son rapprochement des pauvres, l’Église comprend que le pĂ©chĂ© est une chose grave. Le pĂ©chĂ© est ce qui donna la mort au Fils de Dieu et le pĂ©chĂ© continue d’être ce qui donne la mort aux fils de Dieu. Cette vĂ©ritĂ© fondamentale de la foi, nous la voyons Ă  l’œuvre quotidiennement dans les situations de notre pays. On ne peut pas offenser Dieu sans offenser le frère. Ce n’est pas, pour autant, par pure routine que nous rĂ©pĂ©tons une fois de plus l’existence de structures de pĂ©chĂ© dans notre pays. Elles sont un pĂ©chĂ© parce qu’elles produisent les fruits du pĂ©chĂ© : la mort des Salvadoriens, la mort rapide de la rĂ©pression ou la mort lente de l’oppression structurelle. C’est Ă  cause d’elles que nous avons dĂ©noncĂ© le pĂ©chĂ© de l’injustice.

 

Une meilleure clarté sur l’Incarnation et la Résurrection

 

Ce mystère de la pauvreté nous a également mieux fait comprendre la Rédemption de Jésus-Christ qui se fit en tout semblable à nous pour nous racheter de nos péchés et pour nous révéler le sens de Dieu. Dieu veut nous donner la vie et toute personne qui enlève ou qui estropie la vie en mutilant, en torturant, en réprimant, nous révèle également par contraste, l’image divine du Dieu de la vie, du Dieu qui respecte la liberté des hommes.

 

Ceci est le premier point de mon homĂ©lie d’aujourd’hui et je me rĂ©jouis d’avoir fait ces considĂ©rations dans un pays très organisĂ© comme l’est la Belgique. Cela leur fit comprendre un peu ce qui est difficile Ă  saisir dans ces contrĂ©es, Ă  savoir : une Église qui ne fait pas de politique mais qui depuis la Parole prophĂ©tique de Dieu, dĂ©nonce, dans une rĂ©alitĂ© qui parle d’elle-mĂŞme, les injustices subies par le peuple.

 

C) La Pauvreté est une dénonciation envers l’Église elle-même

 

La pauvretĂ© est Ă©galement sainte parce qu’elle rĂ©clame et dĂ©nonce l’Église elle-mĂŞme. Cette pensĂ©e est aussi de Puebla quand il dit (1147) : « L’engagement avec les pauvres et les opprimĂ©s et l’apparition des communautĂ©s ecclĂ©siales de base, ont aidĂ© l’Église Ă  dĂ©couvrir le potentiel Ă©vangĂ©lisateur des pauvres en tant qu’interpellation permanente, l’appelant Ă  la conversion parce que plusieurs d’entre eux rĂ©alisent dans leur vie les valeurs Ă©vangĂ©liques de solidaritĂ©, de service, de simplicitĂ© et de disponibilitĂ© pour accueillir le don de Dieu… Â»

 

Parce que tous ceux qui dénoncent doivent être disposés à être dénoncés et si l’Église dénonçait les injustices, elle est aussi disposée à entendre les reproches et elle est obligée de se convertir. Et les pauvres, sont le cri constant qui dénonce non seulement l’injustice sociale mais aussi le peu de générosité de notre propre Église… 17/02/80, p.232-236, VIII.

 

2) La Pauvreté est un esprit

 

De sorte que, premièrement, la pauvretĂ© est une dĂ©nonciation mais qu’elle est Ă©galement un esprit. MedellĂ­n dit Ă  ce propos (14,4) : « La pauvretĂ© spirituelle est le thème des pauvres de YahvĂ©. La pauvretĂ© spirituelle est l’attitude d’ouverture Ă  Dieu, la disponibilitĂ© de celui qui attend tout du Seigneur. MĂŞme s’il valorise les biens de ce monde, il ne s’attache pas Ă  eux et il reconnaĂ®t la valeur supĂ©rieure des biens du Règne. Â»

 

« Par le Règne de Dieu – ProximitĂ© de Dieu, une Promesse… Â»

 

La pauvretĂ© est donc une spiritualitĂ©; c’est une attitude du chrĂ©tien, c’est une disponibilitĂ© de l’âme ouverte Ă  Dieu. C’est pourquoi Puebla disait que les pauvres sont une espĂ©rance en AmĂ©rique latine, parce qu’ils sont les plus disponibles pour recevoir les dons de Dieu. C’est pour cela que le Christ dit avec tant d’émotion : « Bienheureux vous les pauvres parce que le Règne de Dieu est Ă  vous! Vous ĂŞtes les plus aptes Ă  comprendre ce que ne comprennent pas ceux qui sont agenouillĂ©s devant les fausses idoles et qui s’y fient. Vous qui n’avez pas ces idoles, qui ne vous fiez pas sur cela parce que vous n’avez ni argent ni pouvoir, vous qui ĂŞtes dĂ©pourvus de tout, combien plus pauvres ĂŞtes-vous, combien davantage ĂŞtes vous propriĂ©taires du Règne de Dieu. Ă€ condition que vous viviez rĂ©ellement cette spiritualitĂ© parce que la pauvretĂ© que JĂ©sus-Christ rend digne, n’est pas une pauvretĂ© matĂ©rielle; ne rien avoir, cela est un mal. C’est une pauvretĂ© qui prend conscience, c’est une pauvretĂ© qui accepte la croix et le sacrifice mais non pas avec conformisme mais parce qu’elle sait que cela n’est pas la volontĂ© de Dieu.

 

Mais le pauvre évangélique sait aussi que dans la mesure où il fait de sa pauvreté une conscience, une spiritualité, un don de soi, une disponibilité au Seigneur, il se fait saint et à partir de cette sainteté il saura être un meilleur libérateur de son propre peuple. L’Église est en train de forger ces libérateurs du peuple. Vous chrétiens, dans la mesure où votre pauvreté se convertit en spiritualité, dans cette mesure également, vous êtes des libérateurs de notre peuple.

 

L’Histoire d’Israël a pour scène la Terre Promise

 

Observons bien Ă  quel moment le Christ dit ces bĂ©atitudes pour voir leur portĂ©e. Ne les enlevons pas du contexte de toute l’histoire d’IsraĂ«l. Comment naquit IsraĂ«l? D’une promesse de Dieu Ă  un ancien qui s’appelait Abraham et qui, pour comble, Ă©tait stĂ©rile. Il vivait avec une femme qui Ă©tait aussi stĂ©rile. Sans qu’il ait eu d’enfants, Dieu lui dit : « De ta descendance, Je vais faire un grand peuple. Â» Cela commence par un signe de pauvretĂ©, presque de limitation absolue : Ils ne peuvent pas avoir d’enfant et Dieu leur dit qu’Il va leur donner une descendance aussi nombreuse qu’un peuple. Cette promesse est acceptĂ©e par la foi d’Abraham et ce peuple va devenir rĂ©alitĂ©. Et ce peuple rencontre en Dieu une promesse : je vais te donner une terre. Et au moyen d’un guide, MoĂŻse, Il les conduit Ă  cette Terre promise oĂą Dieu leur offrira sa Loi et son Alliance.

 

Conquise…perdue par le péché… dominée par Rome

 

Mais ce peuple ne fut pas fidèle et Ă  cause de son infidĂ©litĂ© il va ĂŞtre dĂ©portĂ©. C’est dans la dĂ©portation qu’il pleure avec regrets ce que Dieu lui avait donnĂ© et ce qu’il a perdu par le pĂ©chĂ©. Il s’agit Ă©galement d’un signe de pauvretĂ© : « Maintenant, dit-Il, le peuple se repent. Â» Les prophètes appellent au repentir et obtiennent le pardon de Dieu et le peuple revient de Babylone et il se rĂ©jouit une autre fois dans son pays. Mais en ce pays il se produit tant de vicissitudes politiques…. dont celle qui nous intĂ©resse plus particulièrement aujourd’hui : celle qu’un jour l’Empire Romain prit possession de cette terre et la domina par son administration, par son armĂ©e. Un peuple dominĂ©! C’est en ce peuple dominĂ© par Rome qu’arrive le Christ. Ă€ ce peuple soumis politiquement Ă  un pouvoir Ă©tranger, Ă  un impĂ©rialisme, le Christ prĂŞche les bĂ©atitudes : « Bienheureux les pauvres, parce que le Règne de Dieu vous appartient! Â»

 

Je vous ai rappelĂ© le contexte pour que nous ne mystifiions pas les BĂ©atitudes de l’Évangile, parce que saint Mathieu, dans une rĂ©flexion plus difficile Ă  comprendre, nous dit : « Bienheureux les pauvres d’esprit. Â» Et plusieurs ont tergiversĂ© cette phrase jusqu’au point de vouloir dire que tous sont pauvres, jusqu’à celui qui opprime les autres. Ce n’est pas si sĂ»r. Dans le contexte de l’Évangile « pauvre d’esprit Â» signifierait plutĂ´t, comme Luc qui dit simplement « pauvre Â», celui qui manque, celui qui vit une oppression; c’est lui dont Dieu a besoin pour sortir de cette situation.

 

Le Libérateur

 

Mais JĂ©sus-Christ ne se prĂ©sente pas avec des armes ni avec des mouvements rĂ©volutionnaires, mĂŞme s’Il donne une doctrine pour que toutes les rĂ©volutions de la Terre s’inscrivent dans la grande libĂ©ration du pĂ©chĂ© et de la Vie Ă©ternelle. Il donne des horizons Ă  ceux qui luttent pour les libĂ©rations du peuple. Lorsque le Christ dit : « les pauvres d’esprit Â», Il se rĂ©fère aux IsraĂ©lites, sans leur enlever leur patrie. C’est leur dire aussi : vous aussi devez ĂŞtre libres, vous devez secouer un jour le joug de ceux qui ont envahi cette terre, mais vous devez le faire Ă  partir de cette spiritualitĂ© des pauvres. Marie, la Vierge, la plus spirituelle de YahvĂ©, lorsqu’elle chante dans son Magnificat que Dieu libère les humbles et les pauvres, quand elle dit textuellement : « Dieu renvoie les riches les mains vides et comble de biens les pauvres, Â» faut-il comprendre ici que rĂ©sonne Ă©galement cette dimension politique?

 

Marie en arrive aussi Ă  dire une parole qu’aujourd’hui nous qualifierions « d’insurrectionnelle Â» : « Il dĂ©trĂ´ne les puissants quand ceux-ci sont un obstacle Ă  la tranquillitĂ© du peuple…! » C’est cela, la dimension politique de notre foi : Marie l’a vĂ©cue, JĂ©sus l’a vĂ©cue. Il Ă©tait un authentique patriote d’un peuple qui Ă©tait sous domination Ă©trangère et que Lui, sans doute, rĂŞvait de voir libre. Mais, pourtant, Il dut payer le tribut Ă  CĂ©sar : « Rendez Ă  CĂ©sar ce qui appartient Ă  CĂ©sar et donnez Ă  Dieu ce qui Lui revient. Â» C’est cette spiritualitĂ© que d’une manière plus explicite, nous a dit la première lecture (Jr 17,5-8). Sans doute que lorsque le Christ parlait, Il rappelait l’écho des anciens prophètes.

 

Confiance en Dieu, non dans l’homme

 

Ainsi comme aujourd’hui, l’Église en apportant un texte de l’Évangile du Christ, cite une Parole de L’Ancien Testament, de sorte qu’avec les BĂ©atitudes aux pauvres, Ă  ceux qui ont faim, Ă  ceux qui souffrent, Ă  ceux qui pleurent, nous entendons aussi l’écho de JĂ©rĂ©mie (17,5-6) : « Maudit l’homme qui se confie en l’homme, qui fait de la chair son appui et dont le cĹ“ur s’écarte de YahvĂ©! Il est comme un chardon dans la steppe : il ne ressent rien quand arrive le bonheur, il se fixe aux lieux brĂ»lĂ©s du dĂ©sert, terre salĂ©e oĂą nul n’habite. Â» La vision de l’ariditĂ© pour l’être humain qui a mis sa confiance dans les choses de la Terre. C’est pourquoi, malheur Ă  vous les riches! parce que si maintenant vous paraissez semblables Ă  des arbres feuillus, demain vous serez des arbres secs comme les steppes et vous serez arides Ă  cause de votre propre Ă©goĂŻsme… Le contraste des prophètes : « BĂ©ni celui qui se confie dans le Seigneur. Â»

 

Il ne vous semble pas entendre ici l’écho du Christ (Jr 17,7-8) : « BĂ©ni l’homme qui se confie en YahvĂ© et dont YahvĂ© est la foi. Il ressemble Ă  un arbre plantĂ© au bord des eaux, qui tend ses racines vers le courant : il ne redoute rien quand arrive la chaleur, son feuillage reste vert; dans une annĂ©e de sĂ©cheresse il est sans inquiĂ©tude et ne cesse pas de porter des fruits. Â» Ceux-lĂ  sont les vĂ©ritables pauvres; la spiritualitĂ© des pauvres c’est substantiellement une grande confiance dans le Seigneur et la malĂ©diction des riches c’est qu’ils s’éloignent du Seigneur et mettent toute leur confiance dans la chair, c’est-Ă -dire, dans des valeurs terrestres.

 

C’est pourquoi, mes frères, ce n’est pas un prestige pour l’Église d’être bien avec les puissants. Le véritable prestige de l’Église c’est de sentir que les pauvres la sentent comme une des leurs, de sentir que l’Église vit une dimension sur la Terre d’où elle fait appel à tous, aux riches également, pour qu’ils se convertissent et se sauvent depuis le monde des pauvres, parce que ceux-ci uniquement sont les bienheureux…

 

La Résurrection… Fondement solide de cet Esprit

 

Et sur ce point de l’esprit, de la pauvretĂ© comme esprit, je veux situer Ă©galement la deuxième lecture d’aujourd’hui (I Co 15,12)16-20) parce que celle-ci donne des bases Ă  notre espĂ©rance. Saint Paul Ă©crit aux chrĂ©tiens de Corinthe oĂą circulaient des idĂ©es erronĂ©es contre la RĂ©surrection : « La rĂ©surrection n’existe pas! » Et ils se moquaient de Paul lorsqu’il parlait de la RĂ©surrection et Paul affermissait sa foi. DĂ©jĂ  depuis dimanche dernier, il nous dit qu’il y a eu des tĂ©moins que le Christ est ressuscitĂ© : « Cinq cents disciples et en dernier Il m’est apparu Ă  moi qui vous le dis, moi qui persĂ©cutait l’Église et qui n’était pas disposĂ© Ă  croire aux histoires de l’Église. Je l’ai vu et je me suis converti Ă  Celui que je vous prĂŞche. Â»

 

Saint Paul est un merveilleux tĂ©moin de la RĂ©surrection parce s’il y avait un homme qui ne voulait pas croire en JĂ©sus ni en la RĂ©surrection, c’était Saul le persĂ©cuteur. Il croyait que les chrĂ©tiens trompaient ses compagnons juifs et c’est pourquoi il les persĂ©cutait. Et Ă  ce Paul, convaincu que le Christ est mort, apparaĂ®t le Christ vivant et après cela le nouveau converti est capable de donner sa vie pour cette grande vĂ©ritĂ© : « Non dit-il aux Corinthiens dans l’erreur, le Christ est ressuscité…! Et si vous dites que les morts ne ressuscitent pas, pourquoi ai-je vu le Christ ressuscitĂ©? Â»

 

Et si le Christ est ressuscité, la résurrection des hommes existe également et si cette dernière existe, c’est là que s’affermit notre foi et notre espérance parce que si le Christ n’était pas ressuscité, nous serions les plus misérables des hommes, croyant dans un mensonge. Mais le Christ est ressuscité, le Christ vit et c’est là notre grande foi et notre confiance, la grande spiritualité des pauvres. Il est notre Dieu, le Dieu des pauvres comme le chantent nos chansons populaires… 17/02/80, p.236-239, VIII.

 

3) La Pauvreté est un engagement.

 

Comme dernier point de ma rĂ©flexion d’aujourd’hui je veux laisser cette idĂ©e : que la pauvretĂ© est une force de libĂ©ration parce qu’en plus d’être une dĂ©nonciation du pĂ©chĂ© et d’être une spiritualitĂ© chrĂ©tienne, elle est, en troisième lieu, un engagement.

 

Le mot chrĂ©tien signifie pour moi en premier lieu, que je dois donner l’exemple de cette appartenance ; et pour vous tous très chers prĂŞtres, religieuses et vous tous, les baptisĂ©s qui se nomment chrĂ©tiens, Ă©coutez ce que dit MedellĂ­n : « La pauvretĂ©, comme engagement qui assume volontairement et par amour la condition des nĂ©cessiteux de ce monde pour tĂ©moigner du mal qu’elle reprĂ©sente et de la libertĂ© spirituelle devant les biens, continue en cela, l’exemple du Christ qui fit siennes toutes les consĂ©quences de la condition pĂ©cheresse des hommes et qui “étant riche, se fit pauvre pour nous sauver.” Â»

 

C’est cela, l’engagement d’être chrĂ©tien : suivre le Christ dans son incarnation; et si le Christ est le Dieu majestueux qui s’est fait homme, humble jusque dans la mort des esclaves sur une croix et qu’Il a vĂ©cu avec les pauvres, c’est ainsi que doit ĂŞtre notre foi chrĂ©tienne. Le chrĂ©tien qui ne veut pas vivre cet engagement de solidaritĂ© avec le pauvre, n’est pas digne de s’appeler chrĂ©tien…

 

Cet engagement apporte la persécution

 

Le Christ nous invite Ă  ne pas avoir peur de la persĂ©cution parce que, en faisant du pauvre notre frère, celui qui s’engage avec les pauvres doit courir le mĂŞme destin que les pauvres. Et au Salvador nous savons dĂ©jĂ  ce que signifie le destin des pauvres : ĂŞtre portĂ© disparu, ĂŞtre torturĂ©, ĂŞtre capturĂ©, rĂ©apparaĂ®tre une fois mort.

 

Le Don du Christ : L’annonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres

 

Et ceux qui recherchent les privilèges de ce monde et non pas les persĂ©cutions de cet engagement, doivent Ă©couter les antithèses terribles de l’Évangile (Lc 6,22-23) : « Heureux ĂŞtes-vous, quand les hommes vous haĂŻront, quand ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme Ă  cause du Fils de l’homme. RĂ©jouissez-vous ce jour-lĂ  et tressaillez d’allĂ©gresse, car voici que votre rĂ©compense sera grande dans le ciel. Â» Je tiens Ă  fĂ©liciter avec une allĂ©gresse et une gratitude immense les prĂŞtres, et plus particulièrement ceux qui sont davantage engagĂ©s avec les pauvres; ils sont encore plus diffamĂ©s. Lorsqu’ils sont plus engagĂ©s envers la misère de notre peuple, ils sont davantage calomniĂ©s. Je veux me rĂ©jouir avec les religieux et les religieuses, avec les communautĂ©s chrĂ©tiennes, avec les catĂ©chistes qui sont engagĂ©s avec ce peuple au point de souffrir avec lui et qui pendant que fuient les lâches, demeurent en poste…

 

Et ceux qui veulent fuir les consĂ©quences de la persĂ©cution, de la calomnie, de l’humiliation, Ă©coutez ce que le Christ a dit en ce dimanche (Lc 6,26) : « Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous! C’est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. Â» Comme est triste l’adulation du monde! Si les chrĂ©tiens qui souffrent la calomnie et la persĂ©cution, voulaient ĂŞtre bien, il leur serait très facile de trahir leur christianisme et de vivre agenouillĂ©s devant l’argent comme vivent ceux qui sont bien en ce monde, « mais malheur Ă  vous! Â»

 

La Mort… le Péché… Expression ultime de la Pauvreté…

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Co 15,12)16-20), est aussi confirmée cette vérité de la pauvreté comme engagement. Les manifestations extrêmes de la pauvreté sont le péché et la mort. Il n’y a pas de gens plus misérables que ceux qui sont dans le péché et il n’y a pas d’être plus pauvre qu’un cadavre. C’est envers eux que s’est engagé le Christ, envers les pécheurs et les morts. C’est pourquoi la Rédemption du Christ implique toute les libérations de la Terre, lesquelles ne seront pas complètes tant qu’elles ne parviendront pas à libérer les pécheurs du péché et les défunts de la mort; et c’est ce que nous offre le grand Libérateur.

 

Bienheureux ceux qui travaillent aux libérations politiques de la Terre en tenant compte de la Rédemption de Celui qui sauve du péché et de la mort.

 

Le Christ RessuscitĂ© : Engagement valeureux avec les pauvres

 

C’est pourquoi, la seconde lecture d’aujourd’hui affermit le cœur d’un peuple qui lutte pour sa Résurrection. Croyez en la Résurrection, ne doutez pas que le Christ est ressuscité et qu’Il nous a sauvés, depuis sa croix, du péché et de la mort. Nous mourons tous mais celui qui croit dans le Christ ne mourra pas pour toujours et là-haut dans le Ciel, nous chanterons la victoire des libérations de la Terre. La grande Libération est celle du Christ et celui qui intègre à la lutte de libération de son peuple, la foi en Jésus-Christ, porte la garantie d’une Libération intégrale, complète et immortelle. Celui qui voudrait s’écarter de cette Libération chrétienne et faire seulement consister sa lutte en des choses temporelles, en de meilleurs salaires, en des impôts plus bas, en changement d’hommes et de femmes dans la politique, en changement de structures qui demain seront déjà vieilles, devrait savoir que tout cela est temporel, transitoire. Ce qui demeure dans l’âme de tout cela c’est d’avoir travaillé ainsi mais avec une âme de chrétien.

 

C’est pourquoi, ceux qui vivent dans les groupes organisés ou dans des partis politiques, ne doivent pas oublier, s’ils sont chrétiens, de vivre profondément cette intensité de la spiritualité de la pauvreté, de vivre intensément cet engagement chrétien avec les pauvres. Ils sont nombreux, grâce à Dieu, parce que plusieurs surgirent de nos communautés ecclésiales. Ce qui est dommage cependant, c’est que plusieurs ont perdu leur foi et se sont déjà coupés du principal.

 

Mais ceux qui luttent dans les organisations politiques populaires et qui n’ont pas trahi leur foi, qui continuent de fréquenter leurs communautés chrétiennes pour alimenter de foi leur lutte et pour confronter à leur foi, leurs critères politiques, ceux-ci font très bien. C’est ce que j’ai voulu dire dans ma quatrième lettre pastorale lorsque je dis aujourd’hui qu’une des nécessités les plus urgentes de la pastorale de l’archidiocèse est la pastorale d’accompagnement, c’est-à-dire de suivre, pour qu’ils mûrissent dans la foi, ces jeunes, ces hommes et ces femmes qui appartiennent à des groupes politiques, pour qu’ils vivent cet engagement à partir de leur foi, sans la trahir, en sachant que la foi possède une dimension politique mais qu’elle est toujours la foi dans l’éternelle Résurrection du Seigneur et dans l’arrachement de l’homme au péché.

 

Puisse Dieu qu’on ne déprécie pas l’Église lorsqu’elle s’insurge à partir de cette perspective, contre les imperfections et les abus, contre les stratégies, contre les limitations des groupes politiques! Ne prenez pas cela mal; écoutez-la comme une mère et comme un maître de la foi si vous voulez faire vraiment honneur à votre titre de chrétien. Vivez-le en vérité, parce qu’il ne sert à rien de s’appeler chrétien seulement pour le titre si on ne l’est pas véritablement… 17/02/80, p.240-242, VIII.