La RĂ©conciliation des hommes en
Jésus-Christ, projet de la véritable Libération
Quatrième dimanche du carême; 16 mars
1980; Lectures : Josué 5,9-12; II Corinthiens 5,17-21; Luc 15,1-3,11-32.
Introduction : le carĂŞme, chemin
vers la Pâque
Le carême est un pèlerinage spirituel
vers la Pâque de Résurrection. N’oublions pas que nous sommes en train de nous préparer
pour célébrer le mystère central de notre foi : le mystère Pascal, notre
RĂ©demption. La mort et la RĂ©surrection de JĂ©sus-Christ non pas en tant
qu’événement historique mais comme quelque chose d’existentiel qui nous
concerne personnellement. Le Christ va mourir et va ressusciter. Il vit et Il
meurt continuellement dans ce dynamisme de la RĂ©demption dont tous les humains
ont besoin. C’est pourquoi, à chaque année, le carême est comme un printemps de
l’Église et la Pâque doit signifier la floraison des vertus et de la sainteté
chez le peuple chrétien. Les éléments qu’on nous recommande d’inculquer durant
cette période sont : le baptême et la pénitence.
Éléments baptismaux : Mort et
RĂ©surrection
Grâce à Dieu, nous sommes tout un
peuple de baptisés, mais même si nous n’allons pas nous faire baptiser,
préparons-nous pour rénover la très haute dignité du baptême qui nous configure
Ă la mort et Ă la RĂ©surrection du Christ. Le Samedi Saint pendant la nuit, nous
allons tous nous rappeler, auprès de la tombe du Christ déjà vide, que nous
sommes morts avec Lui et qu’avec Lui nous voulons vivre la Résurrection, la Vie
Éternelle.
Éléments pénitentiels :
Conversion, Changement de mentalité,
Réconciliation…
L’autre élément de la réconciliation,
c’est la pénitence qui est aussi importante parce que nous n’avons pas bien
utilisé notre dignité, notre liberté et que nous avons préféré les choses
malsaines aux biens que Dieu nous a donnés dans sa Rédemption. Le carême est
pour réfléchir sur les véritables biens et sur nos valeurs que nous devons
convertir à nouveau. Dieu, pour sa part, comme le père du fils prodigue que
nous venons de lire (Lc 15,1-3, 11-32), est un amour qui attend le retour de
ses fils. Quand cet ardent désir de Dieu de nous sauver rencontre la misère des
êtres humains qui se repentent, se produit alors la réconciliation. C’est le
thème principal des lectures d’aujourd’hui qui font appel à la réconciliation.
Actualité de ce message
Comme apparaît providentiel ce
message du carĂŞme dans son appel Ă la conversion et, surtout, dans son appel de
réconciliation dans une ambiance comme la nôtre qui a besoin comme jamais de
réconciliation!
Circonstances de violence…
Polarisation
Il existe beaucoup de violence,
beaucoup de haine, beaucoup d’égoïsme. Chacun croit qu’il possède la vérité et
rend l’autre coupable des malheurs qui nous affligent. Nous sommes polarisés.
Ce mot est déjà employé couramment pour décrire la réalité que nous vivons. Sans
nous en rendre compte, chacun de nous est polarisé, s’est situé dans un pôle
d’idées intransigeantes, incapable de réconciliation, haïssant à mort. Ce n’est
pas cela l’atmosphère que Dieu veut. Cette ambiance a besoin comme jamais de
l’affection de Dieu, de la grande réconciliation.
La RĂ©conciliation des hommes en JĂ©sus-Christ,
projet de la véritable Libération.
Je vous supplie de vous centrer sur
le cœur de cette prédication. Même si après, je dois vous informer des
événements qui se produisent dans notre réalité ecclésiastique et nationale, ce
n’est pas là le principal de l’homélie. Ces réalités, nous allons les éclairer
Ă partir de ce noyau, mais je vous supplie de retenir le principal de la
prédication d’un pasteur, soit ce message de l’Évangile, cette catéchèse, cet
appel du carême, ce projet de Dieu sur la vie de chacun d’entre-nous.
Plan de l’homélie :
1) L’histoire d’Israël est un projet
de réconciliation
2) La Parabole de la réconciliation
3) La réconciliation des hommes en
Jésus-Christ, continue d’être l’objectif de l’Église, d’offrir sa collaboration
dans la crise du pays. (La mission de l’Église ne peut pas être autre que celle
que le Christ apporta au monde : « Réconcilier en Lui tous les
hommes… »)
1) L’histoire d’Israël est un projet
de réconciliation
A) Histoire Sainte : Élément
important du carĂŞme
Il est nécessaire de tenir compte de
cette première lecture de tous les dimanches du carême. Il s’agit d’un chapitre
de l’Ancien Testament. C’est l’Histoire Sainte, celle qui prépare le
Rédemption, celle qui est dépositaire de la promesse divine d’apporter aux
hommes la Rédemption. Si nous voulons connaître la Rédemption il est nécessaire
de connaître l’Ancien Testament : la voix des prophètes, les promesses de
Dieu aux patriarches, les initiatives de Dieu, les gestes de ce peuple.
B) En résumé de cette Histoire
L’Ancien Testament en entier pourrait
se résumer à ce projet : la création, le péché, la réconciliation.
La Création… Amitié avec Dieu
La création est un acte de Dieu qui
nous crée par amour, pour le bonheur, pour que nous soyons ses fils.
Le Péché… Rupture
Il nous fait libre, Ă son image et
ressemblance, mais l’être humain ne sut pas utiliser sa liberté et il rompit
ses relations avec Dieu; c’est le péché. Depuis ce moment où Adam est sorti du
Paradis pour gagner le pain Ă la sueur de son front et la femme avec cette
sentence des douleurs de l’accouchement, l’homme et la femme sont des exilés,
ils doivent retourner (vers Dieu).
Conversion… Réconciliation
Le retour est douloureux. Toute
l’histoire d’Israël est le chemin du retour de l’humanité qui a rompu avec
Dieu. Tout le précieux livre de l’Exode, sortant de l’esclavage en Égypte vers
la Terre promise, est le symbole d’un pèlerinage, d’un retour, d’une recherche
de réconciliation. C’est alors que se produit la plénitude de l’Histoire, ce
que nous a dit aujourd’hui saint Paul (II Co 5,18) : « Dieu nous a
réconciliés avec Lui par le Christ. » Bienheureux ceux qui ont rencontré
le Christ; ils sont parvenus au but de leurs aspirations : la
réconciliation! Il ne peut y avoir une réconciliation en Dieu sans le Christ,
dépositaire de son pardon et de son amour.
Dans ce contexte de la création, de
péché et de réconciliation, il faut lire toutes les pages de l’Ancien
Testament, toutes les bases de l’histoire d’Israël. Une histoire que Dieu
compare avec le mari qui voit son épouse infidèle, et qui malgré les péchés de
celles-ci, lui pardonne à nouveau. Une tendresse de réconciliation.
Lectures des dimanches du carĂŞme
Tout au long de ce carĂŞme, nous nous
sommes concentrés, nous avons vu cette réconciliation à l’œuvre chez des
personnages fameux. Déjà dans l’Histoire du Salut, après ce péché d’Adam,
commence à se forger un peuple de nomades à partir d’Abraham. Et de
l’impossible, Dieu fait naître un peuple avec lequel Il fait une promesse, un
pacte dont nous avons parlé il y a deux dimanches : Dieu dans la figure du
feu, passant entre les bêtes immolées, pour jurer à Abraham que ses promesses
vont s’accomplir, qu’il y aura un peuple en qui seront bénies toutes les
nations et d’oĂą viendra la RĂ©demption que le monde espère. Ce peuple, Ă
l’époque des patriarches, apparaît incertain. Ils vivaient d’une foi en une
terre que Dieu leur avait promise mais dont ils ignoraient l’emplacement. Ils
se croyaient fous mais ils ne l’étaient pas; ils étaient des hommes de foi.
Dieu l’a promis, Il doit l’accomplir!
Libération de l’esclavage
Pour comble, ils tombent esclaves en
Égypte; il semble que les promesses se soient éteintes. 16/03/80, p.331-332,
VIII.
C) L’Exode, un pénible chemin vers la
Réconciliation exprimée par la Terre promise.
Et là en Égypte, la promesse de Dieu
vient reverdir chez un autre homme fameux : MoĂŻse. Il va sortir son peuple
de captivité pour le conduire au travers du désert. Un pèlerinage qui va durer
quarante ans et où Moïse va réaliser de nombreux prodiges. Et ce quatrième
dimanche du carême nous présente ce peuple qui entre dans la Terre Promise.
Dieu accomplit ses promesses.
Célébration de Pâques
Ce dimanche est pour célébrer avec
les Israélites que Dieu, même s’il tarda, vint réaliser sa promesse. Combien de
siècles ont passé et maintenant, ils y sont. Après avoir passé le Jourdain, ils
ont élevé un monument de pierres de la rivière, et ils ont célébré la première
Pâque en Terre promise. Ils doivent se purifier et ils réalisent la purification
sanglante de la circoncision. Ces hommes sont circoncis comme Dieu l’avait
demandé à Abraham. Ils sont prêts à célébrer la première Pâque avec les
premiers fruits de la terre. Il n’est plus nécessaire d’une « manne »
miraculeuse; l’homme doit manger le fruit de la terre que Dieu lui donne.
Sens théologique de la possession de
la terre
En ce moment oĂą la terre du Salvador
est l’objet de conflits, n’oublions pas que la terre est très liée aux
bénédictions et aux promesses de Dieu. Le fait est qu’Israël possède déjà sa
propre terre. « Toute cette terre, Je te la donnerai, » avait dit
Dieu à Abraham, et après la captivité, ils furent conduits par Moïse et Josué
jusqu’à cette terre. C’est pourquoi on y célèbre cette grande liturgie d’action
de grâce, la première Pâque d’Israël qui nous appelle à célébrer avec autant de
gratitude, d’adoration, de reconnaissance, au Dieu qui sauve, qui nous a fait
sortir de l’esclavage (du péché). Le Dieu, en qui nous mettons toute notre
espérance pour nos libérations, est le Dieu d’Israël.
Il existe un sens théologique entre
la réconciliation et la terre et je voudrais souligner cette idée parce qu’elle
me semble très opportune : ne pas avoir de terre est la conséquence du
péché. Adam sortant du paradis est un homme sans terre, c’est le fruit du
péché.
Posséder à nouveau sa terre, manger de
ses propres fruits, est un signe de réconciliation.
Aujourd’hui, Israël, pardonné par
Dieu, retourne Ă la terre, mangeant les Ă©pis de sa terre, les fruits de sa
terre. Dieu bĂ©nit dans le signe de la terre. La terre est très semblable Ă
Dieu; c’est pourquoi elle gémit lorsque les injustes se l’accaparent et qu’ils
n’en laissent pas pour les autres. Les réformes agraires sont une nécessité
théologique; les terres d’un pays ne peuvent appartenir à un petit nombre; il
doit y en avoir pour tous afin que tous participent aux bénédictions de Dieu
dans cette terre. Chaque pays possède sa terre promise : c’est le
territoire que la géographie lui désigne. Mais nous devrions toujours voir, et
ne jamais l’oublier, cette réalité théologique : que la terre est un signe
de la justice, de la réconciliation. Il n’y aura pas de véritable
réconciliation de notre peuple avec Dieu tant qu’il n’y aura pas une juste
distribution, tant que les biens de la terre du Salvador ne bĂ©nĂ©ficieront pas Ă
l’ensemble des Salvadoriens.
La terre possède quelque chose de
Dieu… Si on méconnaît cela, Il peut lui retirer ses vertus.
Nous avons besoin que cette terre qui
possède quelque chose de divin, nous la reconnaissions comme sacrée. Au
chapitre 2 de la prophétie d’Osée, il y a une description précieuse de cette
idée que j’essaie d’approfondir. Dieu se plaint d’Israël infidèle et
l’infidélité se manifeste dans le fait qu’Israël a oublié que c’est de Dieu
qu’il reçoit la terre et ses fruits. Le prophète compare la nation traĂ®tresse Ă
une épouse qui s’est prostituée et qui se promène en faisant usage de ses
atours, de ses ornements en oubliant que son mari peut les lui enlever. Et Dieu
lui dit (cf. Osée 2) : « Je suis ton époux, Je t’ai donné la terre,
tu fais comme si je n’existais pas, Je vais t’enlever tout ce que Je t’ai
donné. Et quand tu te sentiras ainsi : nue, déshonorée par ta propre
misère, tu te rendras compte de tout ce que je t’ai donné et tu reviendras vers
moi et je te recevrai avec amour. » C’est cela, la tendresse de
Dieu : infatigable Ă pardonner, infatigable dans son amour. Mais ce Dieu
veut que les humains comprennent que les biens terrestres doivent être utilisés
pour nous approcher davantage de Lui, pour vivre la réconciliation.
Saint Augustin aussi recherchait la
beauté des choses.
Un précieux chapitre des Confessions
de saint Augustin s’apparente à ce chapitre d’Osée, quand il parle de ses
amourettes de pécheurs et de sa conversion. « Comme j’étais fou, dit saint
Augustin, je recherchais la beauté que je voyais dans les créatures et
j’oubliais que cette beauté c’est Dieu qui la leur donnait! Je voulais cette
beauté contre Dieu et j’oubliais que le Dieu qui donne cette beauté est le Dieu
que je porte à l’intérieur de moi. Et je vivais à l’extérieur de moi-même,
oubliant qu’à l’intérieur de moi j’avais toute cette vérité, toute cette
beauté, toute cette richesse! »
Quelle merveilleuse description d’un
pécheur! Le pécheur est l’homme qui vit à l’extérieur de lui-même et qui ne
rencontre pas en lui-même ce qui l’amène vers Dieu et c’est pour cela qu’il Le
recherche d’une manière désordonné, prostituant les choses, oubliant que tout
provient de Dieu. Ah! Si on tenait compte que les plantations, les haciendas, les troupeaux, les choses
auxquelles Dieu donne l’être, ne s’utilisent pas comme des instruments
d’exploitation, ne s’emploient pas avec injustice et égoïsme, qu’elles doivent
être utilisées comme en cette cérémonie de la Pâque : Ils coupèrent les
épis et louèrent Dieu qui leur avait donné cette terre et ses fruits pour
qu’ils se les partagent dans une véritable fête de Pâques, la réconciliation
des hommes autour des fruits de la terre. La réconciliation au lieu des
chicanes! 16/03/80, p.332-335, VIII.
Lettre pastorale du Brésil :
« L’Église et la terre. »
On vient de publier au Brésil une
précieuse lettre pastorale de tous les évêques brésiliens; ils sont plus de
200. Quel beau témoignage d’unité et d’éclairage au peuple que Dieu leur a
confié! Cette lettre pastorale s’intitule « L’Église et la terre ». Elle
analyse la terrible injustice sociale de ce véritable continent qu’est le
Brésil. Terre d’exploitation où l’être humain n’importe pas et où seule la
valeur de l’argent prévaut. Terre de travail, où l’homme travaille pour manger
et tirer d’elle le fruit de sa subsistance. Et la lettre analyse cela à la
lumière de la Parole de Dieu : « Dieu a créé les choses pour l’être
humain et, la Terre, Dieu l’a créée pour le bonheur de tous. » Et les
évêques s’engagent à réaliser ces compromis pastoraux :
1. Réviser les biens de notre Église
parce qu’en parlant des autres, nous pouvons nous-mêmes être en train de
commettre l’injustice sociale.
2. DĂ©noncer les situations injustes
et violentes provoquées par ces injustices de la mauvaise distribution des
terres.
3. Un compromis pastoral que nous
nous efforçons de vivre ici : « Appui aux justes initiatives et aux
organisations des travailleurs ».
J’ai ici le texte des évêques
brésiliens : « Notre action pastorale, prenant garde de se substituer
aux initiatives du peuple, visera Ă stimuler la participation consciente et
critique des travailleurs dans les syndicats, les associations, les commissions
et autres formes de coopération, pour qu’ils soient réellement des organismes autonomes
et libres, défendant les intérêts et coordonnant les revendications de leurs
membres et de toute leur classe. »
Appui aux organisations mais dans ce
que les organisations revendiquent de juste et laissant toujours en cela les
initiatives au peuple. Mal agirait l’Église, qui, par esprit de paternaliste,
entendrait dire aux organisations ce qu’elles doivent faire. Elles sont
autonomes, elles sont la voix du peuple. L’Église dit seulement aux
hommes : utilisez votre sens critique, organisez-vous selon vos critères,
vous n’êtes pas seuls. Ainsi l’Église peut demeurer libre de dire : je ne
vais pas me mêler de vos initiatives, mais je ne vais pas cesser de dénoncer
les injustices dont vous ĂŞtes victimes.
Et, grâce à Dieu, nous l’avons fait.
Notre ardent désir de promouvoir l’organisation du peuple n’est pas partial
envers aucune d’elle. Nous n’avons pas d’engagement envers aucune organisation.
Nous maintenons une autonomie d’Église pour revendiquer le juste de toutes les
organisations et pour dénoncer, également, les violences, les injustices et les
immaturités qui s’organisent et qui peuvent faire de certaines organisations
une idolâtrie et un abus de pouvoir.
Les évêques du Brésil disent :
« Nous appuyons les efforts du paysan pour une authentique réforme
agraire, qui lui rende l’accès à la terre dans des conditions réalisables pour
sa mise en valeur. » Frères, l’Église n’est pas contre, mais elle favorise
une authentique réforme agraire qui bénéficie véritablement au paysan! Et si
quelques critiques sont faites parmi nous, ce n’est pas parce que nous sommes
contre cette réforme mais parce que nous la voudrions si authentique, si
efficace, qu’elle ne se contamine pas de tout ce sang et de tous ces doutes que
le peuple conserve envers le gouvernement.
Qu’il demeure bien clair que selon
l’enseignement de la Bible et la doctrine sociale de l’Église, elle, comme
l’ont clairement dit les évêques du Brésil, « appuie les efforts des
hommes de la campagne pour une authentique réforme agraire qui rend possible l’accès
à la terre dans des conditions favorables pour sa culture. »
Et vous aussi, frères ouvriers,
l’Église vous regarde avec affection et elle entend défendre vos aspirations
légitimes. Dans les mots des évêques brésiliens, l’Église s’engage :
« À défendre l’aspiration légitime des travailleurs urbains dont plusieurs
sont la résultante de l’injustice rurale et ont dû émigrer de la campagne pour
gagner leur vie en ville. L’Église plaide pour une existence digne de la
personne humaine, spĂ©cialement en ce qui se rĂ©fère au droit Ă l’habitation et Ă
de justes rémunérations. »
Alors, cet Ancien Testament, cette
arrivée d’Israël à la Terre promise, cette Pâque où ils ne mangent plus une
manne qui descend du Ciel mais le pain de la terre qu’ils ont récolté, avec des
mains d’hommes libres, dans leurs propres champs qu’ils cultivent. C’est tout
cela que nous dit le Dieu de la réconciliation. L’Ancien Testament en entier
est un projet de réconciliation intégrale, comme nous le désirons pour notre
pays. 16/03/80, p.335-336, VIII.
2) La Parabole de la réconciliation
Dans la seconde partie de cette
réflexion d’aujourd’hui, j’aimerais me centrer sur cette très belle page de
l’Évangile (Lc 15,1-3,11-32) que nous avons lue et que j’aurais envie
d’intituler ainsi : la parabole de la réconciliation chrétienne.
La Parabole de l’Enfant Prodigue
contient trois étapes…
Je ne sais s’il existe une page plus
belle dans l’Évangile. Tout l’Évangile est magnifique, mais quand quelqu’un lit
ce que nous avons lu aujourd’hui : les deux fils, le benjamin qui prend
tout son héritage et qui s’en va le dépenser et, surtout, l’affection de ce
père qui l’attend; et la réconciliation finale de la parabole… Quelle vie plus
belle si vraiment, malgré nos péchés, nous tenions compte du projet de Dieu
pour nous réconcilier à Lui.
Quoi dire de plus. Lorsqu’on traite
de cette parabole, je dis que je préférerais que nous nous asseyions en silence
pour nous rappeler que ces pages de l’enfant prodigue sont notre propre
histoire individuelle. Chacun d’entre nous pouvons voir dans la parabole du
fils prodigue notre propre histoire, qui se résume toujours au projet dont nous
parlions concernant l’Ancien Testament. Une affection de Dieu qui nous a dans
sa maison, et que, par une rupture capricieuse et folle de notre part, nous
brisons pour aller jouir de la vie sans Dieu, le péché. Cette espérance de Dieu
qui attend le jour où le fils revient, et quand celui-ci réapparaît, accablé
par la misère, l’abandon des hommes, se souvenant qu’il n’y a pas d’amour plus
grand que celui de Dieu, alors qu’il devrait être un Dieu plein de
ressentiments ou de rancœur, il retrouve Dieu les bras tendus vers lui, disposé
Ă faire une fĂŞte pour son retour.
Le Péché… Une Rupture. Abus des biens
terrestres.
Je vous invite Ă ce que dans vos
foyers ou dans une Église, dans un lieu silencieux, à lire cette parabole mais
en pensant à vous-même en faisant cette réflexion : « Combien de fois
s’est réalisée dans ma vie cette folie d’abandonner Dieu, pour vivre l’illusion
de vouloir rencontrer la chance loin du Père ». Et, peut-être tant qu’on a
de l’argent, tant qu’on a la santé, tant qu’on peut exploiter quelqu’un, il y a
des amis qui nous offrent tout. Quand tout cela se termine, ce que nous
appelons le tout - leur argent est leur dieu, leur argent est leur pouvoir, les
idolâtres - quand ils se rendent compte qu’ils n’adoraient rien d’autre qu’une
idole, ils s’éveillent à la dure réalité! Ah! Je ne suis pas Dieu!
L’argent ne peut pas me donner toutes
les satisfactions. Je ne peux pas obtenir tout ce que je veux avec le pouvoir.
Comme nous nous sentons alors insensés! Nous apparaissons semblables au fils
prodigue en ce moment, voulant manger le maïs que l’on donne aux porcs. Le fils
prodigue sentait que les porcs Ă©taient plus heureux que lui; ils mangeaient et
à lui on ne lui offrait même pas les caroubes que l’on donnait aux porcs. Il
était là recroquevillé, comme un porc qui a honte, mangeant sa propre misère.
Qui n’a pas senti se réaliser cela dans sa vie, après avoir commis un péché, ce
dégoût, cette impression d’être un porc, d’être vide, se sentir sans Dieu, sans
rien, sans ami?
La Conversion du Pécheur… Le Retour
C’est l’heure de la réflexion (Lc
15,17-19) : « Combien de mercenaires de mon père ont du pain en
surabondance, et moi je suis ici à périr de faim! Je veux partir, aller vers
mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi; je
ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes
mercenaires. »
La Réconciliation… La Fête de Pâques
Il ne s’imaginait pas l’affection
d’un père qui l’espérait et quand ce dernier le voit arriver, il ne le laisse
pas parler, sinon qu’il étouffa ses paroles en son sein, l’embrassa et ordonna
qu’on l’habille de gala et qu’on célèbre son retour. Mais alors arriva le fils
aîné qui avait aussi besoin de réconciliation. Il récrimina son père (Lc
15,30) : « Ton fils que voici revient-il, après avoir dévoré ton bien
avec des prostitués, tu fais tuer pour lui le veau gras! » Le père répond
Ă ce ressentiment par ce raisonnement si affectueux (15,31-32) :
« Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est Ă moi est Ă
toi. Mais il fallait bien festoyer et se rĂ©jouir, puisque ton frère que voilĂ
était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé! »
Faisons la fĂŞte!
C’est l’heure de la réconciliation
Comme cela fait défaut ici au
Salvador de méditer un peu cette parabole de l’Enfant prodigue. Comme paraît
irréconciliables les dénonciations de la gauche contre la droite et la haine de
la droite contre la gauche, et celui qui est au milieu dit : « La
violence, peu importe d’où elle provient, je subis les deux. » Et ainsi
nous vivons en groupes polarisés et, qui sait, ni même ceux du même groupe ne
s’aiment parce qu’il ne peut pas y avoir d’amour là où l’on se divise autant,
jusqu’au point de haïr l’autre.
Nous avons besoin de rompre ces
digues, nous avons besoin de sentir qu’il y a un Père qui nous aime tous et
toutes et qui nous attend. Nous avons besoin d’apprendre à prier le Notre Père
et lui dire : « Pardonne-nous, comme nous pardonnons à ceux qui nous
ont offensés. » C’est cela, la réconciliation dont le Christ nous parle
dans le message de ce dimanche, dans cette parabole de la réconciliation. C’est
que le Christ Ă©tait Ă©galement victime de calomnies, Il mangeait avec les
pécheurs. Il n’existe rien de plus opposé à la réconciliation que l’orgueil.
Ceux qui se sentent purs et propres, ceux qui croient avoir le droit de
signaler les autres comme cause de toutes les injustices et qui ne sont pas capables
de se regarder eux-mêmes, parce qu’eux aussi ont contribué au désordre que nous
avons en ce pays. 16/03/80, p.336-338, VIII.
B) En Christ réside la Réconciliation
des hommes
Regardons l’unique qui puisse se dire
pur et propre, Celui qui vient au nom de l’Amour très pur pour nous sauver
tous, le Christ, duquel, en ce jour, n’oublions pas ces précieuses phrases (II
Cor 5,21) : « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché
pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. » C’est cela, le
christianisme : Croire en Jésus-Christ qui n’avait pas péché mais qui pour
obtenir le pardon des pécheurs s’est fait pécheur au milieu des pécheurs. Et
Dieu, prenant en compte ce sacrifice, en Lui, pardonne les péchés de tous.
« Dieu, au moyen du Christ, nous
réconcilie avec Lui. »
Dorénavant, il ne peut y avoir de
réconciliation sans adhésion au Christ. Ou, comme le dit aussi le phrase de la
seconde lecture (II Cor 5,18) : « Dieu nous a réconciliés avec Lui
par le Christ. » Le Christ n’est pas n’importe quoi. Il est la Présence de
la Réconciliation de Dieu. Bienheureux l’homme qui rencontre le Christ parce
qu’il a rencontré Dieu qui pardonne. Dieu, en Jésus-Christ, vit très près de
nous. Le Christ nous a donné cette règle : « J’ai eu faim et vous
m’avez donné à manger. » Où existe un affamé, le Christ est tout près.
« J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire. » Lorsque quelqu’un
vient te demander à boire, c’est le Christ si tu le regardes avec foi. Dans
l’infirme qui désire une visite, le Christ dit : « J’étais malade et
vous êtes venus me visiter. » Ou en prison. Combien sont gênés aujourd’hui
de témoigner en faveur de l’innocent!
Une telle terreur a été semée chez
notre peuple que mĂŞme les amis trahissent leurs propres amis quand ils les
voient dans le pétrin. Si nous savions reconnaître qu’il s’agit là du Christ
qui est l’homme nécessiteux, l’homme torturé, l’homme prisonnier, la victime
d’un homicide et si dans chaque figure d’homme jeté si indignement au bord de
nos routes, nous découvririons ce Christ abandonné, nous le recueillerions avec
tendresse et affection, sans avoir honte de lui.
Que manque-t-il pour Ă©veiller chez
les hommes d’aujourd’hui, surtout ceux qui torturent et qui tuent, ceux qui
préfèrent leurs capitaux à la personne humaine, qu’il ne sert à rien de
posséder tous les millions de la Terre, que rien n’a de prix au-dessus de la
vie humaine. L’être humain est le Christ et en l’homme vu avec les yeux de la
foi et traité comme tel, nous voyons le Christ Notre Seigneur.
Le Christ, nous le rencontrons aussi
dans nos temples. Frères, ce matin, le Christ est ici. « Je suis au milieu
de vous », nous dit-Il dans son Évangile. Et dans un moment, dans l’hostie
consacrée, c’est le Christ qui s’offre, qui se donne à qui veut venir le recevoir.
Christ adoré, Christ écouté, Christ senti dans la présence communautaire de son
peuple.
Il est notre RĂ©conciliation
Habituons-nous, chers frères, surtout
ceux des communautés ecclésiales de base, nos très chers prêtres, communautés
religieuses, catéchistes, à semer beaucoup cette idée qu’il ne peut pas y avoir
de réconciliation dans le pays si ce n’est dans le Christ Jésus. Il est la
pierre angulaire de laquelle dérive la force pour tout l’édifice.
Tenter de découvrir ce Christ est
notre grand travail pastoral. Et si je me réfère ici aux choses de la Terre ou
de la politique, c’est en fonction d’orienter la réflexion vers le Christ. Je
voudrais qu’on me comprenne bien pour qu’on n’ait pas une idée erronée de ces
messes qui loin d’être des réunions politiques, veulent être un rapprochement
du peuple au Christ, à Dieu. Et c’est ainsi que le comprennent les nombreux
témoignages que je reçois et qui m’apportent une grande consolation, à savoir,
qu’on vient vraiment à l’Église le dimanche pour chercher le Christ. Cependant,
dans les réalités criminelles de notre Terre, le Christ rejette tout cela et
nous devons aussi le rappeler. 16/03/80, p.338-340, VIII.
3) La RĂ©conciliation des hommes en
Jésus-Christ. L’Objectif de l’Église continue d’être celui d’offrir sa
collaboration pour aider à résoudre la crise du Pays.
La réconciliation est le projet de
Dieu pour sauver le monde; la réconciliation continue d’être le service de
l’Église au monde. Je me sens très Église lorsque je parle de la Réconciliation
de Dieu en JĂ©sus-Christ.
« Il nous a confié le ministère
de la Réconciliation. »
La seconde lecture (II Cor 5,17-21)
est la plus belle expression de l’Église des temps de saint Paul lorsqu’il
s’adresse aux Corinthiens comme ce que je pourrais dire ici en parlant des
saints de San Salvador qui sont vous les baptisés, ceux qui forment le Peuple
de Dieu. Comme Paul aux Corinthiens je vous dis les mĂŞmes paroles (5,18) :
« Il nous a confié le ministère de la réconciliation. » Il nous a
chargés du message de la réconciliation. C’est pourquoi nous agissons comme des
envoyés du Christ, comme si Dieu lui-même les exhortait au travers de nous. Au
nom du Christ je vous demande de vous réconcilier avec Dieu.
Paroles de la Bible qui demeurent
très actuelles dans l’homélie de cette Basilique
Nous ne faisons pas autre chose. Les
chrétiens ne devaient pas voir en Paul un Dieu, tout comme vous non plus, n’allez
pas voir en votre pauvre pasteur un Dieu. Saint Paul et moi, nous ne sommes
rien de plus que les instruments pécheurs mais, à travers nous, Dieu vous
exhorte à la réconciliation.
C’est pourquoi le Christ disait :
« Celui qui vous écoute m’écoute et celui qui vous méprise me méprise
également. » Cela me donne davantage de peine que de colère quand on
m’offense ou qu’on me calomnie. Cela me fait de la peine pour ces pauvres
aveugles qui ne voient pas plus loin que la personne. Qu’ils sachent que je ne
garde aucune rancœur, aucun ressentiment, ni ne m’offense de ces lettres
anonymes qui me parviennent avec tant de rage. Ce n’est pas une peine de
supériorité mais de gratitude et de suppliques envers Dieu :
« Seigneur, ouvre-leurs les yeux! Seigneur, qu’ils se convertissent!
Seigneur qu’au lieu de vivre cette amertume de haine qu’ils ont dans leur cœur,
qu’ils vivent la joie de la réconciliation avec Toi! »
Cela est le meilleur service de
l’Église au pays : la Réconciliation
En ce troisième point, je vais placer
les nouvelles ecclésiales de la semaine parce que, ce que nous nous efforçons
de faire dans notre travail ecclésial avec les collaborateurs de
l’archidiocèse, ce n’est pas autre chose que ce que vient de dire saint
Paul : Il nous a confié le ministère de la Réconciliation. Chers prêtres,
religieux, fidèles, catéchistes, communauté chrétiennes, que ne s’éloigne
jamais de nous cet idéal : construire une Église qui soit instrument de
réconciliation des hommes et des femmes avec Dieu.
Comme ont dit les Ă©vĂŞques au
Brésil : que jamais nous ne tentions de supplanter le travail politique
des politiciens avec notre travail pastoral. Soyons avant tout, des pasteurs
qui bâtissons une Église de réconciliation, depuis laquelle nous serons bien
plus efficaces encore que lorsque nous touchons la politique de la Terre en
nous mettant, comme si nous étions des politiciens, à suppléer ce que les
politiciens devraient faire. L’Église est une missionnaire de la réconciliation
et elle doit le dire aux uns et aux autres malgré les différentes options qui
les opposent : Aimez-vous, rĂ©conciliez-vous avec Dieu. N’en venez pas Ă
être si opposés dans votre façon de vouloir changer le pays que vos positions
soient irréconciliables. Vous n’êtes pas les seuls à posséder des solutions
pour le pays qui n’appartient à personne en particulier. Tout le monde à droit
de dire son opinion; respectons cela. En tant qu’Église nous nous efforcerons
de donner la lumière de l’Évangile, de la justice, de l’amour, de la
réconciliation. Construire cette Église, c’est ce que nous prétendons réaliser
dans tout ce travail pastoral. 16/03/80, p.340-341, VIII.
Le fait prédominant continue d’être
la répression
Une fois de plus le Seigneur demande
à Caïn : Où est ton frère Abel? Et même si Caïn répond au Seigneur qu’il
n’est pas le gardien de son frère, le Seigneur lui réplique : « Le
sang de ton frère crie vers moi depuis la terre. C’est pourquoi te maudit cette
terre qui a ouvert ses entrailles pour recevoir de tes mains le sang de ton
frère. Même si tu cultives la terre, elle ne te paiera pas de sa fécondité; tu
marcheras errant et perdu en ce monde. » Paroles de la Genèse au chapitre
4. Et cela continue d’être la préoccupation principale de l’Église. C’est ce
qui l’oblige à élever sans cesse, sans fatigue, semaine après semaine, sa voix,
comme si elle clamait dans le désert.
Il n’y a rien d’aussi important pour
l’Église que la vie humaine, que la personne humaine. Surtout, la personne des
pauvres et des opprimés qui en plus d’être des être humains, sont aussi des
êtres divins parce qu’en eux, dit Jésus, tout ce que vous faites avec eux, Il
le reçoit comme s’il s’agissait de lui-même. Et ce sang, le sang, la mort, sont
au-delà de toute politique; ils touchent le cœur même de Dieu. C’est pourquoi
ni la réforme agraire, ni la nationalisation de la banque, ni d’autres mesures
annoncées, ne peuvent être fécondes si elles se réalisent dans le sang.
N’oublions pas cette Parole de Dieu Ă
Caïn : La terre ensanglantée ne pourra jamais être féconde. Les réformes
ensanglantées ne pourront jamais être fructueuses. Personne ne peut être contre
les réformes, je l’ai déjà dit au cours de cette homélie. La juste répartition
des terres appartient à la révélation de Dieu et au mystère de la
réconciliation divine. Nous ne sommes pas contre les réformes. Cette semaine,
certains m’ont critiqué comme si j’avais parlé au cours des dimanches précédents
d’une façon négative des réformes. Il faut savoir mesurer les choses non par la
quantité des paroles mais par la densité du raisonnement et j’ai dit que la
réforme agraire était nécessaire et que nous étions d’accord avec elle; mais
nous critiquons ses aspects les plus négatifs pour la sauver et la rendre plus
authentique et conforme aux intérêts du peuple. Nous sommes contre ce sang qui
accompagne cette réforme, même si cela n’est pas voulu par les véritables
réformateurs, même si ce sang est versé par les ennemis de cette réforme.
C’est là la pensée fondamentale de ma
prédication. Rien ne m’importe autant que la vie humaine. C’est quelque chose
de si sérieux et qui précède en importance n’importe quelle autre violation des
droits humains, parce que c’est la vie des fils de Dieu et parce que ce sang ne
fait rien d’autre que de nier l’amour, que d’éveiller de nouvelles haines; il
rend impossible la réconciliation et la paix. Ce dont nous avons davantage
besoin aujourd’hui c’est un arrêt de la répression! 16/03/80, p.348-349, VIII.
Appel à l’oligarchie pour qu’elle
collabore avec le processus du peuple.
Vous ĂŞtes les principaux
protagonistes en cette heure de changement et c’est de vous que dépend en
grande partie l’arrêt de la violence. La réconciliation, avons-nous dit,
possède une grande relation avec la terre et si vous vous rendez compte que
vous possédez la terre qui appartient de droit à tous les Salvadoriens, vous
voudrez vous réconcilier avec Dieu et avec les hommes, en cédant de bonne grâce
ce qui sera vendu pour la paix du peuple et pour la paix de vos propres
consciences.
Au gouvernement
Ici, je vois deux secteurs : ceux
qui sont de bonne foi mais qui ne peuvent faire ce qu’ils veulent, et ceux qui
ne veulent pas, qui possèdent le pouvoir et qui sont responsables de la
répression.
Aux uns je dis : « Faites
valoir votre pouvoir ou encore, vaillamment, confessez que vous ne dirigez pas
en démasquant ceux qui font autant de mal au pays »…
Ă€ ceux qui sont au pouvoir et qui ne
veulent pas coopérer avec la réforme, sinon qu’ils y font obstacle par la
répression qu’ils fomentent, je leur dirai : « Cessez d’y faire
obstacle. En cette heure si historique pour la patrie vous accomplissez un rĂ´le
si triste de trahison. Il est nécessaire que, au nom de la noblesse et de
l’amour du peuple, vous sachiez laisser les mains libres à ceux qui désirent
diriger proprement les destinées de notre peuple »…
Ă€ la Coordination RĂ©volutionnaire du
Peuple
Je veux vous dire que vous constituez
une espérance si vous devenez plus matures dans votre ouverture et dans votre
dialogue. À ce propos, j’ai eu cette semaine une très profonde satisfaction
lorsque j’ai reçu une présentation du Mouvement des Professionnels et des
Techniciens Progressistes. Il s’agit d’hommes qui se disent heureux d’avoir trouvé,
dans le processus du peuple, leur vocation comme professionnels et techniciens
et qui désirent exercer leurs capacités professionnelles au service du bien de
leur patrie et qui se sont proposés ces objectifs :
1. Lutter pour l’établissement d’un
gouvernement démocratique ayant une large assise populaire.
2. Contribuer au renforcement de
l’unité populaire avec les forces démocratiques et révolutionnaires.
3. Contribuer à la compréhension des
enjeux politiques de l’ensemble des techniciens et des professionnels.
4. Organiser et incorporer au
processus de libération, tous les éléments honnêtes de nos associations.
5. Présenter des options techniques
qui se situent à l’intérieur d’un cadre politique qui vise le bénéfice pour les
majorités du pays, options qui permettent de démontrer la rationalité d’une
sortie de crise démocratique et salvadorienne, en opposition avec les solutions
élitistes et démagogiques qui tentent de s’implanter avec l’appui étranger.
6. DĂ©noncer au niveau national et
international la situation critique que vit le peuple, ses causes et les formes
irresponsables et antipopulaires au moyen desquelles on tente de résoudre les
problèmes sociopolitiques.
7. DĂ©noncer la violation continuelle
des droits humains avec l’aide des organismes compétents, nationaux et
internationaux, dans la défense de ces droits.
Je souhaite la bienvenue Ă ce
mouvement indépendant de professionnels et de techniciens qui offre cette
plate-forme de dialogue dont ont besoin les différentes forces du peuple dans
leur processus de maturation, pour s’unir et pour sauver ensemble notre peuple.
16/03/80, p.354-356, VIII.