La Réconciliation des hommes en Jésus-Christ, projet de la véritable Libération

 

Quatrième dimanche du carĂŞme; 16 mars 1980; Lectures : JosuĂ© 5,9-12; II Corinthiens 5,17-21; Luc 15,1-3,11-32.

 

Introduction : le carĂŞme, chemin vers la Pâque

 

Le carĂŞme est un pèlerinage spirituel vers la Pâque de RĂ©surrection. N’oublions pas que nous sommes en train de nous prĂ©parer pour cĂ©lĂ©brer le mystère central de notre foi : le mystère Pascal, notre RĂ©demption. La mort et la RĂ©surrection de JĂ©sus-Christ non pas en tant qu’évĂ©nement historique mais comme quelque chose d’existentiel qui nous concerne personnellement. Le Christ va mourir et va ressusciter. Il vit et Il meurt continuellement dans ce dynamisme de la RĂ©demption dont tous les humains ont besoin. C’est pourquoi, Ă  chaque annĂ©e, le carĂŞme est comme un printemps de l’Église et la Pâque doit signifier la floraison des vertus et de la saintetĂ© chez le peuple chrĂ©tien. Les Ă©lĂ©ments qu’on nous recommande d’inculquer durant cette pĂ©riode sont : le baptĂŞme et la pĂ©nitence.

 

ÉlĂ©ments baptismaux : Mort et RĂ©surrection

 

Grâce à Dieu, nous sommes tout un peuple de baptisés, mais même si nous n’allons pas nous faire baptiser, préparons-nous pour rénover la très haute dignité du baptême qui nous configure à la mort et à la Résurrection du Christ. Le Samedi Saint pendant la nuit, nous allons tous nous rappeler, auprès de la tombe du Christ déjà vide, que nous sommes morts avec Lui et qu’avec Lui nous voulons vivre la Résurrection, la Vie Éternelle.

 

ÉlĂ©ments pĂ©nitentiels : Conversion, Changement de mentalitĂ©,

Réconciliation…

 

L’autre élément de la réconciliation, c’est la pénitence qui est aussi importante parce que nous n’avons pas bien utilisé notre dignité, notre liberté et que nous avons préféré les choses malsaines aux biens que Dieu nous a donnés dans sa Rédemption. Le carême est pour réfléchir sur les véritables biens et sur nos valeurs que nous devons convertir à nouveau. Dieu, pour sa part, comme le père du fils prodigue que nous venons de lire (Lc 15,1-3, 11-32), est un amour qui attend le retour de ses fils. Quand cet ardent désir de Dieu de nous sauver rencontre la misère des êtres humains qui se repentent, se produit alors la réconciliation. C’est le thème principal des lectures d’aujourd’hui qui font appel à la réconciliation.

 

Actualité de ce message

 

Comme apparaît providentiel ce message du carême dans son appel à la conversion et, surtout, dans son appel de réconciliation dans une ambiance comme la nôtre qui a besoin comme jamais de réconciliation!

 

Circonstances de violence… Polarisation

 

Il existe beaucoup de violence, beaucoup de haine, beaucoup d’égoïsme. Chacun croit qu’il possède la vérité et rend l’autre coupable des malheurs qui nous affligent. Nous sommes polarisés. Ce mot est déjà employé couramment pour décrire la réalité que nous vivons. Sans nous en rendre compte, chacun de nous est polarisé, s’est situé dans un pôle d’idées intransigeantes, incapable de réconciliation, haïssant à mort. Ce n’est pas cela l’atmosphère que Dieu veut. Cette ambiance a besoin comme jamais de l’affection de Dieu, de la grande réconciliation.

 

La Réconciliation des hommes en Jésus-Christ, projet de la véritable Libération.

 

Je vous supplie de vous centrer sur le cœur de cette prédication. Même si après, je dois vous informer des événements qui se produisent dans notre réalité ecclésiastique et nationale, ce n’est pas là le principal de l’homélie. Ces réalités, nous allons les éclairer à partir de ce noyau, mais je vous supplie de retenir le principal de la prédication d’un pasteur, soit ce message de l’Évangile, cette catéchèse, cet appel du carême, ce projet de Dieu sur la vie de chacun d’entre-nous.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) L’histoire d’Israël est un projet de réconciliation

2) La Parabole de la réconciliation

3) La rĂ©conciliation des hommes en JĂ©sus-Christ, continue d’être l’objectif de l’Église, d’offrir sa collaboration dans la crise du pays. (La mission de l’Église ne peut pas ĂŞtre autre que celle que le Christ apporta au monde : « RĂ©concilier en Lui tous les hommes… Â»)

 

1) L’histoire d’Israël est un projet de réconciliation

 

A) Histoire Sainte : ÉlĂ©ment important du carĂŞme

 

Il est nĂ©cessaire de tenir compte de cette première lecture de tous les dimanches du carĂŞme. Il s’agit d’un chapitre de l’Ancien Testament. C’est l’Histoire Sainte, celle qui prĂ©pare le RĂ©demption, celle qui est dĂ©positaire de la promesse divine d’apporter aux hommes la RĂ©demption. Si nous voulons connaĂ®tre la RĂ©demption il est nĂ©cessaire de connaĂ®tre l’Ancien Testament : la voix des prophètes, les promesses de Dieu aux patriarches, les initiatives de Dieu, les gestes de ce peuple.

 

B) En résumé de cette Histoire

 

L’Ancien Testament en entier pourrait se rĂ©sumer Ă  ce projet : la crĂ©ation, le pĂ©chĂ©, la rĂ©conciliation.

 

La Création… Amitié avec Dieu

 

La création est un acte de Dieu qui nous crée par amour, pour le bonheur, pour que nous soyons ses fils.

 

Le Péché… Rupture

 

Il nous fait libre, à son image et ressemblance, mais l’être humain ne sut pas utiliser sa liberté et il rompit ses relations avec Dieu; c’est le péché. Depuis ce moment où Adam est sorti du Paradis pour gagner le pain à la sueur de son front et la femme avec cette sentence des douleurs de l’accouchement, l’homme et la femme sont des exilés, ils doivent retourner (vers Dieu).

Conversion… Réconciliation

 

Le retour est douloureux. Toute l’histoire d’IsraĂ«l est le chemin du retour de l’humanitĂ© qui a rompu avec Dieu. Tout le prĂ©cieux livre de l’Exode, sortant de l’esclavage en Égypte vers la Terre promise, est le symbole d’un pèlerinage, d’un retour, d’une recherche de rĂ©conciliation. C’est alors que se produit la plĂ©nitude de l’Histoire, ce que nous a dit aujourd’hui saint Paul (II Co 5,18) : « Dieu nous a rĂ©conciliĂ©s avec Lui par le Christ. Â» Bienheureux ceux qui ont rencontrĂ© le Christ; ils sont parvenus au but de leurs aspirations : la rĂ©conciliation! Il ne peut y avoir une rĂ©conciliation en Dieu sans le Christ, dĂ©positaire de son pardon et de son amour.

 

Dans ce contexte de la création, de péché et de réconciliation, il faut lire toutes les pages de l’Ancien Testament, toutes les bases de l’histoire d’Israël. Une histoire que Dieu compare avec le mari qui voit son épouse infidèle, et qui malgré les péchés de celles-ci, lui pardonne à nouveau. Une tendresse de réconciliation.

 

Lectures des dimanches du carĂŞme

 

Tout au long de ce carĂŞme, nous nous sommes concentrĂ©s, nous avons vu cette rĂ©conciliation Ă  l’œuvre chez des personnages fameux. DĂ©jĂ  dans l’Histoire du Salut, après ce pĂ©chĂ© d’Adam, commence Ă  se forger un peuple de nomades Ă  partir d’Abraham. Et de l’impossible, Dieu fait naĂ®tre un peuple avec lequel Il fait une promesse, un pacte dont nous avons parlĂ© il y a deux dimanches : Dieu dans la figure du feu, passant entre les bĂŞtes immolĂ©es, pour jurer Ă  Abraham que ses promesses vont s’accomplir, qu’il y aura un peuple en qui seront bĂ©nies toutes les nations et d’oĂą viendra la RĂ©demption que le monde espère. Ce peuple, Ă  l’époque des patriarches, apparaĂ®t incertain. Ils vivaient d’une foi en une terre que Dieu leur avait promise mais dont ils ignoraient l’emplacement. Ils se croyaient fous mais ils ne l’étaient pas; ils Ă©taient des hommes de foi. Dieu l’a promis, Il doit l’accomplir!

 

Libération de l’esclavage

 

Pour comble, ils tombent esclaves en Égypte; il semble que les promesses se soient éteintes. 16/03/80, p.331-332, VIII.

 

C) L’Exode, un pénible chemin vers la Réconciliation exprimée par la Terre promise.

 

Et lĂ  en Égypte, la promesse de Dieu vient reverdir chez un autre homme fameux : MoĂŻse. Il va sortir son peuple de captivitĂ© pour le conduire au travers du dĂ©sert. Un pèlerinage qui va durer quarante ans et oĂą MoĂŻse va rĂ©aliser de nombreux prodiges. Et ce quatrième dimanche du carĂŞme nous prĂ©sente ce peuple qui entre dans la Terre Promise. Dieu accomplit ses promesses.

 

Célébration de Pâques

 

Ce dimanche est pour cĂ©lĂ©brer avec les IsraĂ©lites que Dieu, mĂŞme s’il tarda, vint rĂ©aliser sa promesse. Combien de siècles ont passĂ© et maintenant, ils y sont. Après avoir passĂ© le Jourdain, ils ont Ă©levĂ© un monument de pierres de la rivière, et ils ont cĂ©lĂ©brĂ© la première Pâque en Terre promise. Ils doivent se purifier et ils rĂ©alisent la purification sanglante de la circoncision. Ces hommes sont circoncis comme Dieu l’avait demandĂ© Ă  Abraham. Ils sont prĂŞts Ă  cĂ©lĂ©brer la première Pâque avec les premiers fruits de la terre. Il n’est plus nĂ©cessaire d’une « manne Â» miraculeuse; l’homme doit manger le fruit de la terre que Dieu lui donne.

 

Sens théologique de la possession de la terre

 

En ce moment oĂą la terre du Salvador est l’objet de conflits, n’oublions pas que la terre est très liĂ©e aux bĂ©nĂ©dictions et aux promesses de Dieu. Le fait est qu’IsraĂ«l possède dĂ©jĂ  sa propre terre. « Toute cette terre, Je te la donnerai, Â» avait dit Dieu Ă  Abraham, et après la captivitĂ©, ils furent conduits par MoĂŻse et JosuĂ© jusqu’à cette terre. C’est pourquoi on y cĂ©lèbre cette grande liturgie d’action de grâce, la première Pâque d’IsraĂ«l qui nous appelle Ă  cĂ©lĂ©brer avec autant de gratitude, d’adoration, de reconnaissance, au Dieu qui sauve, qui nous a fait sortir de l’esclavage (du pĂ©chĂ©). Le Dieu, en qui nous mettons toute notre espĂ©rance pour nos libĂ©rations, est le Dieu d’IsraĂ«l.

 

Il existe un sens thĂ©ologique entre la rĂ©conciliation et la terre et je voudrais souligner cette idĂ©e parce qu’elle me semble très opportune : ne pas avoir de terre est la consĂ©quence du pĂ©chĂ©. Adam sortant du paradis est un homme sans terre, c’est le fruit du pĂ©chĂ©.

 

Posséder à nouveau sa terre, manger de ses propres fruits, est un signe de réconciliation.

 

Aujourd’hui, IsraĂ«l, pardonnĂ© par Dieu, retourne Ă  la terre, mangeant les Ă©pis de sa terre, les fruits de sa terre. Dieu bĂ©nit dans le signe de la terre. La terre est très semblable Ă  Dieu; c’est pourquoi elle gĂ©mit lorsque les injustes se l’accaparent et qu’ils n’en laissent pas pour les autres. Les rĂ©formes agraires sont une nĂ©cessitĂ© thĂ©ologique; les terres d’un pays ne peuvent appartenir Ă  un petit nombre; il doit y en avoir pour tous afin que tous participent aux bĂ©nĂ©dictions de Dieu dans cette terre. Chaque pays possède sa terre promise : c’est le territoire que la gĂ©ographie lui dĂ©signe. Mais nous devrions toujours voir, et ne jamais l’oublier, cette rĂ©alitĂ© thĂ©ologique : que la terre est un signe de la justice, de la rĂ©conciliation. Il n’y aura pas de vĂ©ritable rĂ©conciliation de notre peuple avec Dieu tant qu’il n’y aura pas une juste distribution, tant que les biens de la terre du Salvador ne bĂ©nĂ©ficieront pas Ă  l’ensemble des Salvadoriens.

 

La terre possède quelque chose de Dieu… Si on méconnaît cela, Il peut lui retirer ses vertus.

 

Nous avons besoin que cette terre qui possède quelque chose de divin, nous la reconnaissions comme sacrĂ©e. Au chapitre 2 de la prophĂ©tie d’OsĂ©e, il y a une description prĂ©cieuse de cette idĂ©e que j’essaie d’approfondir. Dieu se plaint d’IsraĂ«l infidèle et l’infidĂ©litĂ© se manifeste dans le fait qu’IsraĂ«l a oubliĂ© que c’est de Dieu qu’il reçoit la terre et ses fruits. Le prophète compare la nation traĂ®tresse Ă  une Ă©pouse qui s’est prostituĂ©e et qui se promène en faisant usage de ses atours, de ses ornements en oubliant que son mari peut les lui enlever. Et Dieu lui dit (cf. OsĂ©e 2) : « Je suis ton Ă©poux, Je t’ai donnĂ© la terre, tu fais comme si je n’existais pas, Je vais t’enlever tout ce que Je t’ai donnĂ©. Et quand tu te sentiras ainsi : nue, dĂ©shonorĂ©e par ta propre misère, tu te rendras compte de tout ce que je t’ai donnĂ© et tu reviendras vers moi et je te recevrai avec amour. Â» C’est cela, la tendresse de Dieu : infatigable Ă  pardonner, infatigable dans son amour. Mais ce Dieu veut que les humains comprennent que les biens terrestres doivent ĂŞtre utilisĂ©s pour nous approcher davantage de Lui, pour vivre la rĂ©conciliation.

 

Saint Augustin aussi recherchait la beauté des choses.

 

Un prĂ©cieux chapitre des Confessions de saint Augustin s’apparente Ă  ce chapitre d’OsĂ©e, quand il parle de ses amourettes de pĂ©cheurs et de sa conversion. « Comme j’étais fou, dit saint Augustin, je recherchais la beautĂ© que je voyais dans les crĂ©atures et j’oubliais que cette beautĂ© c’est Dieu qui la leur donnait! Je voulais cette beautĂ© contre Dieu et j’oubliais que le Dieu qui donne cette beautĂ© est le Dieu que je porte Ă  l’intĂ©rieur de moi. Et je vivais Ă  l’extĂ©rieur de moi-mĂŞme, oubliant qu’à l’intĂ©rieur de moi j’avais toute cette vĂ©ritĂ©, toute cette beautĂ©, toute cette richesse! Â»

 

Quelle merveilleuse description d’un pĂ©cheur! Le pĂ©cheur est l’homme qui vit Ă  l’extĂ©rieur de lui-mĂŞme et qui ne rencontre pas en lui-mĂŞme ce qui l’amène vers Dieu et c’est pour cela qu’il Le recherche d’une manière dĂ©sordonnĂ©, prostituant les choses, oubliant que tout provient de Dieu. Ah! Si on tenait compte que les plantations, les haciendas, les troupeaux, les choses auxquelles Dieu donne l’être, ne s’utilisent pas comme des instruments d’exploitation, ne s’emploient pas avec injustice et Ă©goĂŻsme, qu’elles doivent ĂŞtre utilisĂ©es comme en cette cĂ©rĂ©monie de la Pâque : Ils coupèrent les Ă©pis et louèrent Dieu qui leur avait donnĂ© cette terre et ses fruits pour qu’ils se les partagent dans une vĂ©ritable fĂŞte de Pâques, la rĂ©conciliation des hommes autour des fruits de la terre. La rĂ©conciliation au lieu des chicanes! 16/03/80, p.332-335, VIII.

 

Lettre pastorale du BrĂ©sil : « L’Église et la terre. Â»

 

On vient de publier au BrĂ©sil une prĂ©cieuse lettre pastorale de tous les Ă©vĂŞques brĂ©siliens; ils sont plus de 200. Quel beau tĂ©moignage d’unitĂ© et d’éclairage au peuple que Dieu leur a confiĂ©! Cette lettre pastorale s’intitule « L’Église et la terre Â». Elle analyse la terrible injustice sociale de ce vĂ©ritable continent qu’est le BrĂ©sil. Terre d’exploitation oĂą l’être humain n’importe pas et oĂą seule la valeur de l’argent prĂ©vaut. Terre de travail, oĂą l’homme travaille pour manger et tirer d’elle le fruit de sa subsistance. Et la lettre analyse cela Ă  la lumière de la Parole de Dieu : « Dieu a crĂ©Ă© les choses pour l’être humain et, la Terre, Dieu l’a crĂ©Ă©e pour le bonheur de tous. Â» Et les Ă©vĂŞques s’engagent Ă  rĂ©aliser ces compromis pastoraux :

 

1. Réviser les biens de notre Église parce qu’en parlant des autres, nous pouvons nous-mêmes être en train de commettre l’injustice sociale.

 

2. Dénoncer les situations injustes et violentes provoquées par ces injustices de la mauvaise distribution des terres.

 

3. Un compromis pastoral que nous nous efforçons de vivre ici : « Appui aux justes initiatives et aux organisations des travailleurs Â».

 

J’ai ici le texte des Ă©vĂŞques brĂ©siliens : « Notre action pastorale, prenant garde de se substituer aux initiatives du peuple, visera Ă  stimuler la participation consciente et critique des travailleurs dans les syndicats, les associations, les commissions et autres formes de coopĂ©ration, pour qu’ils soient rĂ©ellement des organismes autonomes et libres, dĂ©fendant les intĂ©rĂŞts et coordonnant les revendications de leurs membres et de toute leur classe. Â»

 

Appui aux organisations mais dans ce que les organisations revendiquent de juste et laissant toujours en cela les initiatives au peuple. Mal agirait l’Église, qui, par esprit de paternaliste, entendrait dire aux organisations ce qu’elles doivent faire. Elles sont autonomes, elles sont la voix du peuple. L’Église dit seulement aux hommes : utilisez votre sens critique, organisez-vous selon vos critères, vous n’êtes pas seuls. Ainsi l’Église peut demeurer libre de dire : je ne vais pas me mĂŞler de vos initiatives, mais je ne vais pas cesser de dĂ©noncer les injustices dont vous ĂŞtes victimes.

 

Et, grâce à Dieu, nous l’avons fait. Notre ardent désir de promouvoir l’organisation du peuple n’est pas partial envers aucune d’elle. Nous n’avons pas d’engagement envers aucune organisation. Nous maintenons une autonomie d’Église pour revendiquer le juste de toutes les organisations et pour dénoncer, également, les violences, les injustices et les immaturités qui s’organisent et qui peuvent faire de certaines organisations une idolâtrie et un abus de pouvoir.

 

Les Ă©vĂŞques du BrĂ©sil disent : « Nous appuyons les efforts du paysan pour une authentique rĂ©forme agraire, qui lui rende l’accès Ă  la terre dans des conditions rĂ©alisables pour sa mise en valeur. Â» Frères, l’Église n’est pas contre, mais elle favorise une authentique rĂ©forme agraire qui bĂ©nĂ©ficie vĂ©ritablement au paysan! Et si quelques critiques sont faites parmi nous, ce n’est pas parce que nous sommes contre cette rĂ©forme mais parce que nous la voudrions si authentique, si efficace, qu’elle ne se contamine pas de tout ce sang et de tous ces doutes que le peuple conserve envers le gouvernement.

 

Qu’il demeure bien clair que selon l’enseignement de la Bible et la doctrine sociale de l’Église, elle, comme l’ont clairement dit les Ă©vĂŞques du BrĂ©sil, « appuie les efforts des hommes de la campagne pour une authentique rĂ©forme agraire qui rend possible l’accès Ă  la terre dans des conditions favorables pour sa culture. Â»

 

Et vous aussi, frères ouvriers, l’Église vous regarde avec affection et elle entend dĂ©fendre vos aspirations lĂ©gitimes. Dans les mots des Ă©vĂŞques brĂ©siliens, l’Église s’engage : « Ă€ dĂ©fendre l’aspiration lĂ©gitime des travailleurs urbains dont plusieurs sont la rĂ©sultante de l’injustice rurale et ont dĂ» Ă©migrer de la campagne pour gagner leur vie en ville. L’Église plaide pour une existence digne de la personne humaine, spĂ©cialement en ce qui se rĂ©fère au droit Ă  l’habitation et Ă  de justes rĂ©munĂ©rations. Â»

 

Alors, cet Ancien Testament, cette arrivée d’Israël à la Terre promise, cette Pâque où ils ne mangent plus une manne qui descend du Ciel mais le pain de la terre qu’ils ont récolté, avec des mains d’hommes libres, dans leurs propres champs qu’ils cultivent. C’est tout cela que nous dit le Dieu de la réconciliation. L’Ancien Testament en entier est un projet de réconciliation intégrale, comme nous le désirons pour notre pays. 16/03/80, p.335-336, VIII.

 

2) La Parabole de la réconciliation

 

Dans la seconde partie de cette rĂ©flexion d’aujourd’hui, j’aimerais me centrer sur cette très belle page de l’Évangile (Lc 15,1-3,11-32) que nous avons lue et que j’aurais envie d’intituler ainsi : la parabole de la rĂ©conciliation chrĂ©tienne.

 

La Parabole de l’Enfant Prodigue contient trois étapes…

 

Je ne sais s’il existe une page plus belle dans l’Évangile. Tout l’Évangile est magnifique, mais quand quelqu’un lit ce que nous avons lu aujourd’hui : les deux fils, le benjamin qui prend tout son hĂ©ritage et qui s’en va le dĂ©penser et, surtout, l’affection de ce père qui l’attend; et la rĂ©conciliation finale de la parabole… Quelle vie plus belle si vraiment, malgrĂ© nos pĂ©chĂ©s, nous tenions compte du projet de Dieu pour nous rĂ©concilier Ă  Lui.

 

Quoi dire de plus. Lorsqu’on traite de cette parabole, je dis que je préférerais que nous nous asseyions en silence pour nous rappeler que ces pages de l’enfant prodigue sont notre propre histoire individuelle. Chacun d’entre nous pouvons voir dans la parabole du fils prodigue notre propre histoire, qui se résume toujours au projet dont nous parlions concernant l’Ancien Testament. Une affection de Dieu qui nous a dans sa maison, et que, par une rupture capricieuse et folle de notre part, nous brisons pour aller jouir de la vie sans Dieu, le péché. Cette espérance de Dieu qui attend le jour où le fils revient, et quand celui-ci réapparaît, accablé par la misère, l’abandon des hommes, se souvenant qu’il n’y a pas d’amour plus grand que celui de Dieu, alors qu’il devrait être un Dieu plein de ressentiments ou de rancœur, il retrouve Dieu les bras tendus vers lui, disposé à faire une fête pour son retour.

 

Le Péché… Une Rupture. Abus des biens terrestres.

 

Je vous invite Ă  ce que dans vos foyers ou dans une Église, dans un lieu silencieux, Ă  lire cette parabole mais en pensant Ă  vous-mĂŞme en faisant cette rĂ©flexion : « Combien de fois s’est rĂ©alisĂ©e dans ma vie cette folie d’abandonner Dieu, pour vivre l’illusion de vouloir rencontrer la chance loin du Père Â». Et, peut-ĂŞtre tant qu’on a de l’argent, tant qu’on a la santĂ©, tant qu’on peut exploiter quelqu’un, il y a des amis qui nous offrent tout. Quand tout cela se termine, ce que nous appelons le tout - leur argent est leur dieu, leur argent est leur pouvoir, les idolâtres - quand ils se rendent compte qu’ils n’adoraient rien d’autre qu’une idole, ils s’éveillent Ă  la dure rĂ©alitĂ©! Ah! Je ne suis pas Dieu!

 

L’argent ne peut pas me donner toutes les satisfactions. Je ne peux pas obtenir tout ce que je veux avec le pouvoir. Comme nous nous sentons alors insensés! Nous apparaissons semblables au fils prodigue en ce moment, voulant manger le maïs que l’on donne aux porcs. Le fils prodigue sentait que les porcs étaient plus heureux que lui; ils mangeaient et à lui on ne lui offrait même pas les caroubes que l’on donnait aux porcs. Il était là recroquevillé, comme un porc qui a honte, mangeant sa propre misère. Qui n’a pas senti se réaliser cela dans sa vie, après avoir commis un péché, ce dégoût, cette impression d’être un porc, d’être vide, se sentir sans Dieu, sans rien, sans ami?

 

La Conversion du Pécheur… Le Retour

 

C’est l’heure de la rĂ©flexion (Lc 15,17-19) : « Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici Ă  pĂ©rir de faim! Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j’ai pĂ©chĂ© contre le Ciel et envers toi; je ne mĂ©rite plus d’être appelĂ© ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Â»

 

La Réconciliation… La Fête de Pâques

 

Il ne s’imaginait pas l’affection d’un père qui l’espĂ©rait et quand ce dernier le voit arriver, il ne le laisse pas parler, sinon qu’il Ă©touffa ses paroles en son sein, l’embrassa et ordonna qu’on l’habille de gala et qu’on cĂ©lèbre son retour. Mais alors arriva le fils aĂ®nĂ© qui avait aussi besoin de rĂ©conciliation. Il rĂ©crimina son père (Lc 15,30) : « Ton fils que voici revient-il, après avoir dĂ©vorĂ© ton bien avec des prostituĂ©s, tu fais tuer pour lui le veau gras! Â» Le père rĂ©pond Ă  ce ressentiment par ce raisonnement si affectueux (15,31-32) : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est Ă  moi est Ă  toi. Mais il fallait bien festoyer et se rĂ©jouir, puisque ton frère que voilĂ  Ă©tait mort et il est revenu Ă  la vie; il Ă©tait perdu et il est retrouvĂ©! Â» Faisons la fĂŞte!

 

C’est l’heure de la réconciliation

 

Comme cela fait dĂ©faut ici au Salvador de mĂ©diter un peu cette parabole de l’Enfant prodigue. Comme paraĂ®t irrĂ©conciliables les dĂ©nonciations de la gauche contre la droite et la haine de la droite contre la gauche, et celui qui est au milieu dit : « La violence, peu importe d’oĂą elle provient, je subis les deux. Â» Et ainsi nous vivons en groupes polarisĂ©s et, qui sait, ni mĂŞme ceux du mĂŞme groupe ne s’aiment parce qu’il ne peut pas y avoir d’amour lĂ  oĂą l’on se divise autant, jusqu’au point de haĂŻr l’autre.

 

Nous avons besoin de rompre ces digues, nous avons besoin de sentir qu’il y a un Père qui nous aime tous et toutes et qui nous attend. Nous avons besoin d’apprendre Ă  prier le Notre Père et lui dire : « Pardonne-nous, comme nous pardonnons Ă  ceux qui nous ont offensĂ©s. Â» C’est cela, la rĂ©conciliation dont le Christ nous parle dans le message de ce dimanche, dans cette parabole de la rĂ©conciliation. C’est que le Christ Ă©tait Ă©galement victime de calomnies, Il mangeait avec les pĂ©cheurs. Il n’existe rien de plus opposĂ© Ă  la rĂ©conciliation que l’orgueil. Ceux qui se sentent purs et propres, ceux qui croient avoir le droit de signaler les autres comme cause de toutes les injustices et qui ne sont pas capables de se regarder eux-mĂŞmes, parce qu’eux aussi ont contribuĂ© au dĂ©sordre que nous avons en ce pays. 16/03/80, p.336-338, VIII.

 

B) En Christ réside la Réconciliation des hommes

 

Regardons l’unique qui puisse se dire pur et propre, Celui qui vient au nom de l’Amour très pur pour nous sauver tous, le Christ, duquel, en ce jour, n’oublions pas ces prĂ©cieuses phrases (II Cor 5,21) : « Celui qui n’avait pas connu le pĂ©chĂ©, Il l’a fait pĂ©chĂ© pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. Â» C’est cela, le christianisme : Croire en JĂ©sus-Christ qui n’avait pas pĂ©chĂ© mais qui pour obtenir le pardon des pĂ©cheurs s’est fait pĂ©cheur au milieu des pĂ©cheurs. Et Dieu, prenant en compte ce sacrifice, en Lui, pardonne les pĂ©chĂ©s de tous.

 

« Dieu, au moyen du Christ, nous rĂ©concilie avec Lui. Â»

 

DorĂ©navant, il ne peut y avoir de rĂ©conciliation sans adhĂ©sion au Christ. Ou, comme le dit aussi le phrase de la seconde lecture (II Cor 5,18) : « Dieu nous a rĂ©conciliĂ©s avec Lui par le Christ. Â» Le Christ n’est pas n’importe quoi. Il est la PrĂ©sence de la RĂ©conciliation de Dieu. Bienheureux l’homme qui rencontre le Christ parce qu’il a rencontrĂ© Dieu qui pardonne. Dieu, en JĂ©sus-Christ, vit très près de nous. Le Christ nous a donnĂ© cette règle : « J’ai eu faim et vous m’avez donnĂ© Ă  manger. Â» OĂą existe un affamĂ©, le Christ est tout près. « J’ai eu soif et vous m’avez donnĂ© Ă  boire. Â» Lorsque quelqu’un vient te demander Ă  boire, c’est le Christ si tu le regardes avec foi. Dans l’infirme qui dĂ©sire une visite, le Christ dit : « J’étais malade et vous ĂŞtes venus me visiter. Â» Ou en prison. Combien sont gĂŞnĂ©s aujourd’hui de tĂ©moigner en faveur de l’innocent!

Une telle terreur a été semée chez notre peuple que même les amis trahissent leurs propres amis quand ils les voient dans le pétrin. Si nous savions reconnaître qu’il s’agit là du Christ qui est l’homme nécessiteux, l’homme torturé, l’homme prisonnier, la victime d’un homicide et si dans chaque figure d’homme jeté si indignement au bord de nos routes, nous découvririons ce Christ abandonné, nous le recueillerions avec tendresse et affection, sans avoir honte de lui.

 

Que manque-t-il pour éveiller chez les hommes d’aujourd’hui, surtout ceux qui torturent et qui tuent, ceux qui préfèrent leurs capitaux à la personne humaine, qu’il ne sert à rien de posséder tous les millions de la Terre, que rien n’a de prix au-dessus de la vie humaine. L’être humain est le Christ et en l’homme vu avec les yeux de la foi et traité comme tel, nous voyons le Christ Notre Seigneur.

 

Le Christ, nous le rencontrons aussi dans nos temples. Frères, ce matin, le Christ est ici. « Je suis au milieu de vous Â», nous dit-Il dans son Évangile. Et dans un moment, dans l’hostie consacrĂ©e, c’est le Christ qui s’offre, qui se donne Ă  qui veut venir le recevoir. Christ adorĂ©, Christ Ă©coutĂ©, Christ senti dans la prĂ©sence communautaire de son peuple.

 

Il est notre RĂ©conciliation

 

Habituons-nous, chers frères, surtout ceux des communautés ecclésiales de base, nos très chers prêtres, communautés religieuses, catéchistes, à semer beaucoup cette idée qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation dans le pays si ce n’est dans le Christ Jésus. Il est la pierre angulaire de laquelle dérive la force pour tout l’édifice.

 

Tenter de découvrir ce Christ est notre grand travail pastoral. Et si je me réfère ici aux choses de la Terre ou de la politique, c’est en fonction d’orienter la réflexion vers le Christ. Je voudrais qu’on me comprenne bien pour qu’on n’ait pas une idée erronée de ces messes qui loin d’être des réunions politiques, veulent être un rapprochement du peuple au Christ, à Dieu. Et c’est ainsi que le comprennent les nombreux témoignages que je reçois et qui m’apportent une grande consolation, à savoir, qu’on vient vraiment à l’Église le dimanche pour chercher le Christ. Cependant, dans les réalités criminelles de notre Terre, le Christ rejette tout cela et nous devons aussi le rappeler. 16/03/80, p.338-340, VIII.

 

3) La Réconciliation des hommes en Jésus-Christ. L’Objectif de l’Église continue d’être celui d’offrir sa collaboration pour aider à résoudre la crise du Pays.

 

La réconciliation est le projet de Dieu pour sauver le monde; la réconciliation continue d’être le service de l’Église au monde. Je me sens très Église lorsque je parle de la Réconciliation de Dieu en Jésus-Christ.

 

« Il nous a confiĂ© le ministère de la RĂ©conciliation. Â»

 

La seconde lecture (II Cor 5,17-21) est la plus belle expression de l’Église des temps de saint Paul lorsqu’il s’adresse aux Corinthiens comme ce que je pourrais dire ici en parlant des saints de San Salvador qui sont vous les baptisĂ©s, ceux qui forment le Peuple de Dieu. Comme Paul aux Corinthiens je vous dis les mĂŞmes paroles (5,18) : « Il nous a confiĂ© le ministère de la rĂ©conciliation. Â» Il nous a chargĂ©s du message de la rĂ©conciliation. C’est pourquoi nous agissons comme des envoyĂ©s du Christ, comme si Dieu lui-mĂŞme les exhortait au travers de nous. Au nom du Christ je vous demande de vous rĂ©concilier avec Dieu.

 

Paroles de la Bible qui demeurent très actuelles dans l’homélie de cette Basilique

 

Nous ne faisons pas autre chose. Les chrétiens ne devaient pas voir en Paul un Dieu, tout comme vous non plus, n’allez pas voir en votre pauvre pasteur un Dieu. Saint Paul et moi, nous ne sommes rien de plus que les instruments pécheurs mais, à travers nous, Dieu vous exhorte à la réconciliation.

 

C’est pourquoi le Christ disait : « Celui qui vous Ă©coute m’écoute et celui qui vous mĂ©prise me mĂ©prise Ă©galement. Â» Cela me donne davantage de peine que de colère quand on m’offense ou qu’on me calomnie. Cela me fait de la peine pour ces pauvres aveugles qui ne voient pas plus loin que la personne. Qu’ils sachent que je ne garde aucune rancĹ“ur, aucun ressentiment, ni ne m’offense de ces lettres anonymes qui me parviennent avec tant de rage. Ce n’est pas une peine de supĂ©rioritĂ© mais de gratitude et de suppliques envers Dieu : « Seigneur, ouvre-leurs les yeux! Seigneur, qu’ils se convertissent! Seigneur qu’au lieu de vivre cette amertume de haine qu’ils ont dans leur cĹ“ur, qu’ils vivent la joie de la rĂ©conciliation avec Toi! Â»

 

Cela est le meilleur service de l’Église au pays : la RĂ©conciliation

 

En ce troisième point, je vais placer les nouvelles ecclĂ©siales de la semaine parce que, ce que nous nous efforçons de faire dans notre travail ecclĂ©sial avec les collaborateurs de l’archidiocèse, ce n’est pas autre chose que ce que vient de dire saint Paul : Il nous a confiĂ© le ministère de la RĂ©conciliation. Chers prĂŞtres, religieux, fidèles, catĂ©chistes, communautĂ© chrĂ©tiennes, que ne s’éloigne jamais de nous cet idĂ©al : construire une Église qui soit instrument de rĂ©conciliation des hommes et des femmes avec Dieu.

 

Comme ont dit les Ă©vĂŞques au BrĂ©sil : que jamais nous ne tentions de supplanter le travail politique des politiciens avec notre travail pastoral. Soyons avant tout, des pasteurs qui bâtissons une Église de rĂ©conciliation, depuis laquelle nous serons bien plus efficaces encore que lorsque nous touchons la politique de la Terre en nous mettant, comme si nous Ă©tions des politiciens, Ă  supplĂ©er ce que les politiciens devraient faire. L’Église est une missionnaire de la rĂ©conciliation et elle doit le dire aux uns et aux autres malgrĂ© les diffĂ©rentes options qui les opposent : Aimez-vous, rĂ©conciliez-vous avec Dieu. N’en venez pas Ă  ĂŞtre si opposĂ©s dans votre façon de vouloir changer le pays que vos positions soient irrĂ©conciliables. Vous n’êtes pas les seuls Ă  possĂ©der des solutions pour le pays qui n’appartient Ă  personne en particulier. Tout le monde Ă  droit de dire son opinion; respectons cela. En tant qu’Église nous nous efforcerons de donner la lumière de l’Évangile, de la justice, de l’amour, de la rĂ©conciliation. Construire cette Église, c’est ce que nous prĂ©tendons rĂ©aliser dans tout ce travail pastoral. 16/03/80, p.340-341, VIII.

 

Le fait prédominant continue d’être la répression

 

Une fois de plus le Seigneur demande Ă  CaĂŻn : OĂą est ton frère Abel? Et mĂŞme si CaĂŻn rĂ©pond au Seigneur qu’il n’est pas le gardien de son frère, le Seigneur lui rĂ©plique : « Le sang de ton frère crie vers moi depuis la terre. C’est pourquoi te maudit cette terre qui a ouvert ses entrailles pour recevoir de tes mains le sang de ton frère. MĂŞme si tu cultives la terre, elle ne te paiera pas de sa fĂ©conditĂ©; tu marcheras errant et perdu en ce monde. Â» Paroles de la Genèse au chapitre 4. Et cela continue d’être la prĂ©occupation principale de l’Église. C’est ce qui l’oblige Ă  Ă©lever sans cesse, sans fatigue, semaine après semaine, sa voix, comme si elle clamait dans le dĂ©sert.

 

Il n’y a rien d’aussi important pour l’Église que la vie humaine, que la personne humaine. Surtout, la personne des pauvres et des opprimés qui en plus d’être des être humains, sont aussi des êtres divins parce qu’en eux, dit Jésus, tout ce que vous faites avec eux, Il le reçoit comme s’il s’agissait de lui-même. Et ce sang, le sang, la mort, sont au-delà de toute politique; ils touchent le cœur même de Dieu. C’est pourquoi ni la réforme agraire, ni la nationalisation de la banque, ni d’autres mesures annoncées, ne peuvent être fécondes si elles se réalisent dans le sang.

 

N’oublions pas cette Parole de Dieu Ă  CaĂŻn : La terre ensanglantĂ©e ne pourra jamais ĂŞtre fĂ©conde. Les rĂ©formes ensanglantĂ©es ne pourront jamais ĂŞtre fructueuses. Personne ne peut ĂŞtre contre les rĂ©formes, je l’ai dĂ©jĂ  dit au cours de cette homĂ©lie. La juste rĂ©partition des terres appartient Ă  la rĂ©vĂ©lation de Dieu et au mystère de la rĂ©conciliation divine. Nous ne sommes pas contre les rĂ©formes. Cette semaine, certains m’ont critiquĂ© comme si j’avais parlĂ© au cours des dimanches prĂ©cĂ©dents d’une façon nĂ©gative des rĂ©formes. Il faut savoir mesurer les choses non par la quantitĂ© des paroles mais par la densitĂ© du raisonnement et j’ai dit que la rĂ©forme agraire Ă©tait nĂ©cessaire et que nous Ă©tions d’accord avec elle; mais nous critiquons ses aspects les plus nĂ©gatifs pour la sauver et la rendre plus authentique et conforme aux intĂ©rĂŞts du peuple. Nous sommes contre ce sang qui accompagne cette rĂ©forme, mĂŞme si cela n’est pas voulu par les vĂ©ritables rĂ©formateurs, mĂŞme si ce sang est versĂ© par les ennemis de cette rĂ©forme.

 

C’est là la pensée fondamentale de ma prédication. Rien ne m’importe autant que la vie humaine. C’est quelque chose de si sérieux et qui précède en importance n’importe quelle autre violation des droits humains, parce que c’est la vie des fils de Dieu et parce que ce sang ne fait rien d’autre que de nier l’amour, que d’éveiller de nouvelles haines; il rend impossible la réconciliation et la paix. Ce dont nous avons davantage besoin aujourd’hui c’est un arrêt de la répression! 16/03/80, p.348-349, VIII.

 

Appel à l’oligarchie pour qu’elle collabore avec le processus du peuple.

 

Vous êtes les principaux protagonistes en cette heure de changement et c’est de vous que dépend en grande partie l’arrêt de la violence. La réconciliation, avons-nous dit, possède une grande relation avec la terre et si vous vous rendez compte que vous possédez la terre qui appartient de droit à tous les Salvadoriens, vous voudrez vous réconcilier avec Dieu et avec les hommes, en cédant de bonne grâce ce qui sera vendu pour la paix du peuple et pour la paix de vos propres consciences.

 

Au gouvernement

 

Ici, je vois deux secteurs : ceux qui sont de bonne foi mais qui ne peuvent faire ce qu’ils veulent, et ceux qui ne veulent pas, qui possèdent le pouvoir et qui sont responsables de la rĂ©pression.

Aux uns je dis : « Faites valoir votre pouvoir ou encore, vaillamment, confessez que vous ne dirigez pas en dĂ©masquant ceux qui font autant de mal au pays Â»â€¦

 

Ă€ ceux qui sont au pouvoir et qui ne veulent pas coopĂ©rer avec la rĂ©forme, sinon qu’ils y font obstacle par la rĂ©pression qu’ils fomentent, je leur dirai : « Cessez d’y faire obstacle. En cette heure si historique pour la patrie vous accomplissez un rĂ´le si triste de trahison. Il est nĂ©cessaire que, au nom de la noblesse et de l’amour du peuple, vous sachiez laisser les mains libres Ă  ceux qui dĂ©sirent diriger proprement les destinĂ©es de notre peuple Â»â€¦

 

Ă€ la Coordination RĂ©volutionnaire du Peuple

 

Je veux vous dire que vous constituez une espĂ©rance si vous devenez plus matures dans votre ouverture et dans votre dialogue. Ă€ ce propos, j’ai eu cette semaine une très profonde satisfaction lorsque j’ai reçu une prĂ©sentation du Mouvement des Professionnels et des Techniciens Progressistes. Il s’agit d’hommes qui se disent heureux d’avoir trouvĂ©, dans le processus du peuple, leur vocation comme professionnels et techniciens et qui dĂ©sirent exercer leurs capacitĂ©s professionnelles au service du bien de leur patrie et qui se sont proposĂ©s ces objectifs :

 

1. Lutter pour l’établissement d’un gouvernement démocratique ayant une large assise populaire.

 

2. Contribuer au renforcement de l’unité populaire avec les forces démocratiques et révolutionnaires.

 

3. Contribuer à la compréhension des enjeux politiques de l’ensemble des techniciens et des professionnels.

 

4. Organiser et incorporer au processus de libération, tous les éléments honnêtes de nos associations.

 

5. Présenter des options techniques qui se situent à l’intérieur d’un cadre politique qui vise le bénéfice pour les majorités du pays, options qui permettent de démontrer la rationalité d’une sortie de crise démocratique et salvadorienne, en opposition avec les solutions élitistes et démagogiques qui tentent de s’implanter avec l’appui étranger.

 

6. Dénoncer au niveau national et international la situation critique que vit le peuple, ses causes et les formes irresponsables et antipopulaires au moyen desquelles on tente de résoudre les problèmes sociopolitiques.

 

7. Dénoncer la violation continuelle des droits humains avec l’aide des organismes compétents, nationaux et internationaux, dans la défense de ces droits.

 

Je souhaite la bienvenue à ce mouvement indépendant de professionnels et de techniciens qui offre cette plate-forme de dialogue dont ont besoin les différentes forces du peuple dans leur processus de maturation, pour s’unir et pour sauver ensemble notre peuple. 16/03/80, p.354-356, VIII.