Jésus est le véritable Messie
Vingt-quatrième dimanche du temps
ordinaire; 16 septembre 1979; Lectures : IsaĂŻe 50,5-10; Jacques 2,14-18;
Marc 8,27-35.
L’Évangile d’aujourd’hui (Mc
8,27-35), point culminant de Marc
Les huit premiers chapitres
éclaircissent le mystère du Messie et la seconde partie, du huitième à la
suite, saint Marc veut éclaircir le mystère du Fils de l’Homme. Ce sont là deux
qualificatifs du Christ qu’Il se chargea lui-même de relier. Ce lien est
précisément celui que nous avons aujourd’hui, quand culmine la première partie
de la confession de Pierre : « Tu es le Messie »; et la seconde
partie s’initie lorsque le Christ commence à expliquer quelle sorte de Messie
Il est : un Messie souffrant. Et Il enseigne Ă saint Pierre et aux apĂ´tres
comment est son messianisme.
Confessons comme saint Pierre :
« Tu es le Messie! »
Aujourd’hui nous rencontrons ce
sommet de l’Évangile de saint Marc. Il est intéressant, si nous venons chaque
dimanche à la messe pour apprendre le mystère du Christ, qu’aujourd’hui nous
sortions d’ici avec la même conviction que Pierre : « Tu es le
Messie! », mais en corrigeant par la même occasion, nos faux concepts que
nous avons en nous faisant Ă nous-mĂŞmes cette question que nous pose
Jésus : « Quelle sorte de Messie suis-je? »
Plan de l’homélie :
1) Le Messie véritable
2) Faux messianismes
3) Les disciples du vrai Messie
1) Le Messie véritable
A) Un Ă©pisode sans lequel le
christianisme n’existerait pas aujourd’hui.
« Qui suis-je au dire
gens? » (Mc 8,27)
« Les hommes », chez saint
Marc, est une expression qui fait allusion Ă trois cercles distincts.
C’est en premier lieu son cercle
intime : ses apĂ´tres, les disciples.
Au-delĂ de ce cercle existe celui des
gens qui ne s’intéressent pas au Christ. Les indifférents de toujours, dans
toutes les religions. Et c’est à ceux-là que semble se référer le
Seigneur : « Que disent “les hommes”, ceux qui ne sont pas avec
nous? »
Plus loin encore de ce cercle se
trouve un troisième cercle, celui des ennemis. Comme le Christ dira à Pierre
(Mc 8,33) : « Passe derrière moi, Satan! car tes pensées ne sont pas
celles de Dieu, mais celles des hommes! » Ceux à qui Il fait allusion ici
sont ceux qui vont l’outrager, ceux qui vont le tuer.
Ă€ ce second cercle, immense cercle de
gens indifférents qui, ni n’aiment, ni ne haïssent le Christ, mais qui vivent
dans l’inquiétude – tous avaient connaissance de l’événement du Jésus
historique et jusqu’aux plus indifférents pensaient à Lui, avaient conscience
de son existence.
« Les uns… les autres »
C’est dans ce contexte qu’on entend
ces réponses que les disciples ont recueillies des commentaires qu’ils ont
entendu ici et là (cf. Mc 6, 14-16) : « Certains disent que tu es
Jean-Baptiste qui est ressuscité. » Hérode lui-même fut surpris lorsqu’il
apprit que le Christ enseignait et prêchait. Il dit : « C’est Jean
que j’ai fait décapiter qui est ressuscité. » D’autres disent :
« C’est Élie! » Parce que selon les anciens, Élie qui avait été
enlevé dans les nuées devait revenir pour préparer la venue du Messie.
« D’autres disent que tu es l’un des prophètes. » Quand le Christ
faisait des miracles, ils disaient : « C’est le grand prophète que
nous attendions », parce que Moïse avait dit que Dieu allait leur donner
un autre prophète semblable à lui. C’étaient les opinions qui courraient sur
JĂ©sus.
« Mais pour vous! »
Responsabilité de la vocation chrétienne
Jésus se réfère alors à son cercle
intime (Mc 8,29) : « Mais pour vous, leur demanda-t-il, qui
suis-je? » Alors surgit la réponse qui est le thème de notre homélie.
Pierre dit au Christ : « Tu es le Christ, le Messie! » Une
simple parole qui veut dire beaucoup. « Tu es le Messie! » c’est
comme le fruit de tous les enseignements des huit premiers chapitres de
Marc : tous les miracles, toutes les prédications, tout ce qu’ils ont vu
en Jésus leur fait suspecter cela, sinon ils n’auraient pas tout abandonné pour
Le suivre : « Il existe quelque chose de grand en l’être
humain! » Ils voient ses révélations, son amour, son affection, sa
tendresse, sa puissance. Il existe une grâce de Dieu dans le cœur de Pierre
comme le dit l’Évangile de saint Matthieu (Mt 16,17) : « Cette
révélation t’est venue non pas de la chair et du sang, mais de mon Père qui est
dans les cieux. » Personne ne connaît le vrai sens du Christ si mon Père
ne le révèle.
B) Qu’est-ce que le Messie?
« Tu es le Messie! » Cela
signifie : « Tu es l’attendu! » Qu’est-ce que les juifs
entendaient par ce mot : « Messie »? Qu’est-ce que le Messie?
Oint… le Christ
Le Messie est un terme d’origine araméenne
qui, traduit en grec, est le Christ et qui, traduit en français, signifie
l’Oint. Le Christ est le Messie, c’est la même chose que de dire l’Oint.
Les oints dans l’Ancien Testament
Ă©taient les rois, les prĂŞtres, les patriarches, les hommes que Dieu avait
choisis pour une mission spéciale, spécialement le roi qui était une présence
de Dieu dans la
communauté. Et malheur à celui qui touchait à l’oint du
Seigneur. Assez tôt, les prêtres furent oints également, ils espéraient du
Christ ces dignités de prophète, de prêtre, de roi.
Un libérateur du pouvoir étranger…
Toute l’espérance d’Israël… « Celui qui doit venir. »
Un homme extraordinaire, quelqu’un
qui allait révéler la présence de Dieu parmi les hommes, qui apporterait la
libération au peuple. L’humble peuple où le Christ est né vivait toujours sous
la menace d’une invasion étrangère, ce qui fait que chaque jour ce besoin de
libération devenait plus pressant.
À l’époque où le Christ vécut, la
Palestine était une province romaine. Ponce Pilate était le représentant de
l’empire qui subjuguait le pauvre peuple de Palestine. C’est de là que
provenait ce désir ardent d’un libérateur : « Celui qui doit
venir! » Souvenez-vous comment la Samaritaine répond au Christ :
« Nous savons que quelqu’un doit venir! » C’était l’attente du
peuple. Quelqu’un doit venir pour nous apporter les biens que nous ont annoncés
les prophètes : la paix, la liberté, l’unité, l’allégresse, le bien-être,
le bonheur. Un peuple qui manque de ces biens aspire à la venue d’un Messie.
Ce qui fait que, lorsque Pierre dit
« Tu es le Messie! », il donne une parole au peuple qui est toute une
espérance. C’est pourquoi, le Christ a reçu dans sa chair l’impression de cette
attente, on avait voulu le faire roi alors qu’Il multipliait les pains. « C’est
le grand Messie, faisons-le roi! » Il se cacha. Une autre fois aussi, le
dĂ©mon qui suspectait qu’Il Ă©tait le Christ, le Messie, voulut le soumettre Ă
l’épreuve, le subjuguer par ses tentations. Le Christ a vaincu les tentations
d’un vain messianisme. Il fuit les acclamations d’un messianisme populaire, mal
compris.
C) Précisions importantes
C’est pourquoi débutent à la fin du
chapitre 8 les éclaircissements du Christ (Mc 8,30) : « Alors, il
leur enjoignit de ne parler de lui à personne. » Parce qu’ils ne le
comprirent pas encore. « Vous allez un jour annoncer que Je suis le
Messie, mais pour l’instant continuer d’apprendre. » C’est ce que disait
Isaïe dans la première lecture (50,5) : « Le Seigneur m’a ouvert
l’oreille. »
Premièrement, Il voulait des
disciples. Avant de proclamer le Messie, il faut apprendre à la connaître. C’est
pour cela que celui qui prêche doit premièrement former son âme, se faire
disciple qui écoute, qui médite, qui réfléchit, qui prie.
La précaution d’un malentendu et le temps
pour préciser ces concepts sont ce qui oblige le Christ à dire :
« Attendez, ne dites à personne ce que vous venez d’entendre. Parce que je
veux entreprendre une tâche avec vous. » C’est que la véritable tâche du
Messie n’est pas aussi facile que la population veut l’entendre.
Un Messie souffrant avec le caractère
souffrant du « Serviteur de Yahvé »
Le Messie que Dieu a créé et a envoyé
au monde est un Messie qui fut déjà annoncé au temps d’Isaïe : « le
Serviteur de Yahvé. » Il est bien que, de nos jours, la liturgie moderne
établisse toujours le parallèle avec l’Ancien Testament. Sept siècles avant que
Pierre fasse cette confession, Isaïe avait souligné en un personnage mystérieux
qui se nomme le « Serviteur de Yahvé », une caractéristique qui
semble inconcevable pour un Messie. Il semble qu’on ne puisse relier cette
prophétie de quelqu’un qui offre sa joue pour qu’on lui arrache la barbe, de
quelqu’un qui offre son dos pour être frappé, quelqu’un qui va être couronné
d’épines, insulté, à qui on va cracher au visage. Comment est-ce possible si on
annonçait un grand roi-Messie? Isaïe parle des caractéristiques d’une victime.
Messie, Fils de l’homme :
annonce de la passion
C’est là le travail du Christ dans
l’Évangile de saint Marc, du chapitre 8 jusqu’à la fin. Pour le moins,
apparaissent trois fois les annonces qui sont apparues dans l’Évangile
d’aujourd’hui (Mc 10,33-34) : « Voici que nous montons à Jérusalem,
et le Fils de l’Homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes; ils le
condamneront Ă mort et le livreront aux paĂŻens, ils le bafoueront, cracheront
sur lui, le flagelleront et le tueront, et après trois jours il
ressuscitera. » Il est le symbole de la destinée de l’Évangélisation. Il
dit : « Il souffrira beaucoup, » non seulement lorsqu’il vécut
les jours du jeudi et du Vendredi saint. Il souffrit beaucoup parce que tout
son service est d’humilité, d’humiliation, ne sera pas compris.
Il sera rejeté par les dirigeants
d’Israël, tant dans le domaine civil que religieux, les grands prêtres et les
gouvernants civils le rejetèrent. Il est le symbole de la persécution de
l’Église qui a toujours existé et qui continuera d’exister.
Le rejet de Dieu
Mais déjà ce rejet annonce le triste
destin de celui qui rejette Dieu. Saint Jean nous dit (cf. 12,23-24) :
« Qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé. En vérité,
en vérité je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a
envoyé la vie éternelle et ne vient pas en jugement. » Puisse Dieu que
nous n’appartenions jamais à ce troisième cercle des hommes qui existent
toujours dans l’histoire, qui rejettent le Christ, qui diffament l’Église, qui
persécutent, qui transforme son message, qui ne veulent pas la comprendre. Ils
agissent mal non seulement parce qu’ils rejettent Dieu, sinon que c’est Ă
eux-mêmes qu’ils se font du mal.
Être exécuté et ressuscité : le
KĂ©rygme
(Mc 9,31) : « Le Fils de
l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront, et quand il aura été
tué, après trois jours il ressuscitera. » Il s’agit là d’une synthèse
précieuse de ce que nous appelons aujourd’hui le Kérygme, l’annonce que le
Christ a sauvé le monde par sa mort et sa résurrection. Le Christ nous donne
l’exemple de ce qu’est l’essentiel de la prédication : faire connaître au
peuple que le Messie, qui sauve le monde par la puissance de Dieu, doit
supporter premièrement les humiliations, la croix, l’assassinat, la torture, la
violence envers lui-même. Mais c’est de là qu’il ressuscitera.
Le Plan de Dieu est la réparation du
péché. « Sans effusion de sang, il n’y a pas de Rédemption », nous
dit saint Paul. Il est nécessaire que le Messie qui sauve le monde souffre, et
la souffrance sera une caractéristique de l’Église et des véritables disciples
du Christ. 16/09/79, p.255-259, VII.
2) Faux messianismes
Qu’il soit bien clair que le
véritable Messie est un Messie puissant parce qu’Il est Dieu, mais souffrant et
humble, parce qu’Il est le Serviteur de Yahvé, le Fils de l’Homme. Ne nous
scandalisons pas, sachons comprendre pour ne pas faire de nous de faux
disciples d’un faux messie.
Quelles sont les caractéristiques du
faux messianisme? Nous en retrouvons trois dans les lectures d’aujourd’hui.
Premièrement : dans l’incident de Pierre : un messianisme sans croix,
sans souffrance. Deuxièmement : dans la réprimande du Christ à Pierre
« Tu penses comme les hommes et non comme Dieu. » Un messianisme
politique d’intérêts humains, sans penser à Dieu. Troisièmement : la
seconde lecture (Jc 2,14-18) un messianisme de vaine spiritualité, une religion
sans les œuvres. Je crois qu’il est bien opportun que nous méditions cette
parole de Dieu afin de voir quel est le messianisme que nous voulons.
A) L’incident de Pierre
Un messianisme triomphaliste, sans
croix. Une religion sans engagement.
Si ce matin, nous pouvons dire comme
Pierre au Christ : « Seigneur, Tu es le Messie! » Que le
Seigneur ne vienne pas nous reprendre en disant : « Vous n’avez pas
compris, vivez comme des disciples du véritable Messie. » Vous êtes de faux
disciples si comme Pierre vous appelez le Christ à part pour le réprimander
parce qu’Il vous scandalise. « Cela ne peut pas être, Seigneur! Comment
pourrais-tu souffrir tout cela? » Sans doute qu’il s’agissait là de la
bonne volonté de Pierre que suivait le Christ dès le début en vivant de
nombreux sacrifices matériels; néanmoins, malgré le fait que ses lèvres
venaient de prononcer la proclamation du messianisme que tant de gens
espéraient, il n’avait pas compris. Quelle désillusion, il ne m’a pas compris!
et Il dut lui dire ses dures paroles (Mc 8,33) : « Passe derrière
moi, Satan! » Cela est pour le Christ tous ceux qui veulent prêcher sans
croix, sans sacrifice.
Satan fut celui qui tenta le Christ
au désert : « Si tu es le Messie, convertis ces pierres en
pains. » Comme il te serait facile qu’ils te croient et tu n’aurais pas Ă
endurer ainsi la faim! « Si tu es le Messie, tire-toi en bas du pinacle du
Temple et les anges vont te recevoir. Si tu veux dominer le monde,
prosterne-toi et adore-moi. » Le Christ rejette ces tentations du malin.
Tous ceux qui voudront rejeter la croix du véritable Messie sont de faux
disciples, ils n’ont pas compris le sens du véritable messianisme. C’est un
messianisme triomphaliste, c’est dire : « Je suis chrétien, mais je
ne veux pas me mêler de ces histoires. » C’est celui qui faisait partie
des communautés ou qui était catéchiste, mais lorsqu’il a vu arriver l’heure de
la persécution, il a couru se cacher. « Nous serions mieux d’attendre des
temps plus propices. » C’est ceux qui disent : « Prudence! Ne vous
impliquez pas autant, faites attention! » Combien abondent ces Pierre, ces
Satan, à notre époque? Mais, grâce à Dieu, il existe aussi ceux qui comme
l’autre disciple disent : « Suivons-le et si cela est nécessaire,
nous mourons avec Lui. » Ceux-là sont ceux qui ont compris qu’un Messie ne
peut terminer sa vie sur un lit de roses, sinon qu’il doit parcourir le chemin
du calvaire avec sa croix sur le dos, couronné d’épines, offrant son dos pour
être flagellé et mourir sur une croix, pauvre, déprécié, méconnu.
Le messianisme sans croix est très Ă
la mode parmi nous. Messianisme sans engagement, messianisme facile que
cherchent à faire reculer même ceux qui sont engagés. Laissez-les! Si vous êtes
lâches, laissez les vaillants continuer en avant. Et que ceux-ci, qui ont
compris le sens véritable du messianisme, nous convertissent nous les lâches et
nous donnent la vraie clé que le Christ va nous donner à la fin quand Il
rétribuera ses disciples. Mais regardons-le, Lui, Il ne nous conseille pas de
demeurer réfugié dans les tranchées sinon qu’Il nous dit plutôt :
« Suis-moi, prend ta croix! » 16/09/79, p.259-260, VII.
B) Messianisme politique
« Tu penses comme les
hommes! » Intérêts humains
Un autre faux messianisme qui est
aujourd’hui également très à la mode est lorsque le Christ dit à Pierre :
« Tu penses comme les hommes et non comme Dieu. » Peut-être
existe-t-il une bonne volonté dans les libérations revendicatrices du peuple,
les organisations politiques populaires, tous ceux qui se préoccupent de justice
sociale, tous ceux qui trouvent les injustices Ă©videntes, les outrages de
toutes parts et peut-ĂŞtre la lutte, parce que cela ne peut ĂŞtre ainsi.
Aujourd’hui, personne ne peut demeurer insensible à ce qui se passe. Nous
devons tous poser un geste, mais que ce ne soit pas un geste comme celui que le
Christ reproche à Pierre : se préoccuper uniquement des intérêts humains
sans penser aux projets de Dieu. C’est pour cela que de nombreuses initiatives
et stratégies politiques actuelles échouent, parce qu’ils ne pensent qu’aux
hommes, sans transcendance, sans regarder le projet de Dieu comme le Christ le
regardait : « Oui, Je suis le libérateur. Je suis le Messie que Dieu
a envoyé, mais avant tout je veux respecter la volonté de mon Père. » (Mc
14,36) : « Père! Tout t’est possible : éloigne de moi cette
coupe; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux! » C’est cela la
véritable libération : celle qui provient de la volonté de Dieu et qui
demeure les yeux fixés en Dieu pour ne pas se laisser prendre par un faux
messianisme, par une fausse libération.
Diverses attentes
Combien d’opinions politiques y
avaient-ils au temps du Christ? Souvenez-vous lorsqu’ils voulurent le faire
roi! C’était une vision du Christ. Rappelez-vous quand, au moment de monter au
Ciel à l’Ascension, ses disciples lui dirent encore : « Est-ce
maintenant que tu vas restaurer le pouvoir du royaume d’Israël? » Il y a
la vision de cette femme qui est la mère des deux apôtres, Jacques et Jean qui
lui dit : « Quand tu établiras ton règne, je te demande que tu
établisses mes deux fils, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche. »
C’est-à -dire qu’Il les fait ministres de son règne. Visions politiques!
Les visions politiques c’est tout ce
qui fait passer le Christ comme un libérateur de la Terre. C’est ainsi
qu’elles apparurent au temps du Christ. Comme les temps actuels au Salvador de
1979 sont semblables au temps de JĂ©sus. Il y avait alors plusieurs courants
politiques, il y avait des groupes politiques populaires, il y avait Ă©galement
des groupes armés de libération, les zélotes, dont un apôtre qui vint de cette
organisation pour se joindre à l’équipe du Christ. Ces temps étaient bien
semblables aux nôtres. En ce temps si politisé d’un peuple opprimé par l’Empire
Romain, où existaient des visions d’hommes, rien de plus, où le Christ dut
annoncer le Règne de Dieu. Prenons cela en compte, que le Christ, pour avoir
incarné une parole de Dieu chez un peuple politisé, fut traité de politique, de
subversif, on dit qu’Il troublait l’ordre de la Galilée jusqu’à Jérusalem. Cela
fut la sentence qui en définitive préoccupa les politiciens et le roi. Pour
arracher sa sentence à Ponce Pilate, ils donnèrent une raison politique :
« Si tu le libères, tu n’es pas un ami de César et tous ceux qui ne sont
pas les amis de César, nous allons les dénoncer. » Comme est terrible la
tentation politique! Comme est effrayante l’heure où l’on perd de vue la
perspective de Dieu! Et le Christ, même s’Il perd sa popularité devant ces
organisations qui sans doute cherchaient à le manipuler pour l’attirer vers
leur parti, préféra demeurer seul. Mais n’est pas seul celui qui est avec Dieu.
Le dessein de l’histoire, c’est Dieu qui l’apporte et c’est celui-là qui sera
victorieux à long terme, non pas les « immédiatismes » politiques, ni
les revendications de portée immédiate.
Aujourd’hui, on fait de nombreux
appels à la justice et l’Église appuie ces revendications comme le Christ les
appuya. Le droit d’organisation, nul n’a le droit de le violer. La répression
qui veut déstructurer les groupes organisés agit très mal, parce que
l’organisation est un droit humain que personne ne peut violer. Les
revendications que ces organisations demandent, quand elles sont justes,
doivent être entendues. On ne devrait pas réprimer une manifestation qui va
réclamer des choses justes, mais plutôt l’écouter pour savoir répondre au bien
commun que porte la clameur d’un grand secteur du peuple. C’est pour cela que
le Christ appuie le juste, qu’Il le défend. Tout ce qui est un droit humain,
que Dieu nous a donné, doit être défendu, mais le Christ ne se laisse pas
manipuler, Il n’est pas partial.
Je voudrais faire ici appel aux
chrétiens : il ne vous est pas interdit de vous organiser. C’est un droit
et en certaines circonstances, comme aujourd’hui, il s’agit aussi d’un devoir.
Parce que les revendications sociales, politiques, doivent ĂŞtre non pas celles
des hommes isolés, sinon la force d’un peuple qui clame uni pour ses droits
légitimes. Le péché ce n’est pas de s’organiser, le péché c’est, pour un chrétien,
perdre la perspective de Dieu. Si les chrétiens s’organisent, qu’ils ne vendent
pas leur foi en Dieu au profit des intérêts politiques de l’organisation!
Maintenez votre foi limpide dans le Seigneur.
Ă€ partir de cette foi, Ă©clairez dans
le dialogue avec l’organisation les stratégies pour qu’on ne piétine pas les
sentiments religieux et la noblesse du peuple. Sachez être de véritables voix
du peuple évangélisant pour le Christ lorsque vous parlez au sein de vos
organisations. C’est ce que nous attendons des chrétiens qui, précisément,
peut-être, par leur réflexion de la Parole de Dieu, rencontrèrent la vocation
politique, comme j’ai découvert ma vocation sacerdotale. L’homme politique est
une vocation et si Dieu vous a donné cette vocation, vous devez y donner suite
parce que Dieu vous demandera des comptes pour ce don qu’Il vous a fait. Mais
agissez selon Dieu, comme le Christ l’a dit à Pierre : « Ne pense pas
seulement en homme, pense comme Dieu, toi, chrĂ©tien. » Je me dirige ici Ă
tous, même à ceux qui ne sont pas organisés.
Le Concile dit que le laĂŻc vit dans
le monde avec d’autres qui ne sont ni chrétiens, n’ont ni foi, ni espérance,
mais le chrétien doit témoigner de l’espérance qu’il porte à l’intérieur de
lui, de la foi qu’il porte en lui. Notre baptême nous a engagés avec des
critères évangéliques et nous ne pouvons juger le monde avec les péchés du
monde, avec les injustices du monde. Un chrétien qui se solidarise avec ceux
qui oppriment n’est pas un véritable chrétien, un christianisme qui défend des
situations injustes qui ne peuvent être défendues, seulement pour maintenir les
choses comme elles sont, n’est pas un véritable christianisme. Il recherche les
choses humaines, il ne parle, ni ne pense déjà plus aux choses de Dieu.
C’est difficile, très chers frères,
mais c’est nécessaire. Le Seigneur l’a dit à Pierre avec sévère réprimande. Il
pose un geste, de ces gestes que saint Marc recueille finement dans un sens
psychologique. Il nous rapporte que lorsque Pierre prit le Christ Ă part pour Lui
faire des remontrances, le Christ se retourna vers les apĂ´tres, Il tourna le
dos à Pierre et se dirigea aux apôtres et aux gens présents pour leur dire ce
qu’Il reprochait alors à Pierre : « Tu es pour moi Satan, tu es un
disciple des critères de ce monde, tu ne veux pas que je souffre. Mais mon Père
m’envoie pour boire le calice de la souffrance et de la passion. Tu ne parles
pas selon la pensée de Dieu, sinon selon la pensée du monde. Éloigne-toi de moi
Satan! » Et Il commence à enseigner à la foule la façon dont doit être le
véritable disciple du Christ.
Le premier messianisme, ne l’oublions
pas, est un messianisme sans croix, sans sacrifice. Le second messianisme est
un messianisme politique, sans perspective divine. On souffre beaucoup! AĂŻe,
qu’on y souffre! Combien de morts y a-t-il en ces temps où on lutte pour les
revendications du peuple! Puisse Dieu que de tous nous puissions dire :
« Ils moururent en pensant comme Dieu. » Comme il serait triste de
dire : « Ils moururent, mais ils ne pensaient que comme des
hommes! » Je voudrais la couronne la plus belle pour tant de héros de
notre heure, si sensible aux questions sociales et politiques. BĂ©ni sois Dieu
qu’il y ait tant de gens sensibles en ce moment. Mais je voudrais élever cette
sensibilité comme le Christ voulut élever Pierre en le reprenant sévèrement.
Ce n’est pas de la mauvaise volonté
que de reprendre quelqu’un. Dénoncer est un acte de charité, c’est une
correction pour dire : « Regarde, ne perds pas le meilleur pour le
bien. » C’est bien ce que tu es en train de faire, mais si tu l’incorpores
à Dieu, au Christ, c’est encore meilleur. Comme je voudrais que vous ne me
compreniez pas de travers, sinon que vous sentiez que ma pauvre voix est la
voix du Christ, d’une Église qui se veut également solidaire des efforts des
revendications politiques. Mais comme le Christ, je ne pourrais vous
dire : manipulez tout au service des fins immédiates que vous poursuivez.
Il vous dirait plutôt : « Voyez, soyez patient et ordonnez toute
votre stratégie, toute votre politique, toute votre manière de procéder vers
une grande politique : celle du Christ, vers une grande revendication,
vers une grande Rédemption; celle qui arrache l’humain au péché, de l’égoïsme,
celle qui va nous donner des hommes et des femmes nouvelles pour faire
fonctionner des structures nouvelles. »
Nous ne voulons pas, comme disait le
Christ, raccommoder de vieux tissus avec des morceaux neufs. C’est souvent ce
en quoi consistent les revendications de la Terre lorsqu’on ne renouvelle pas
l’homme tout entier. C’est l’homme tout entier qu’il faut refaire pour que
lorsque viendront les nouvelles structures faites pour des hommes nouveaux,
nous ayons de véritables vêtements neufs fait de tissus nouveaux, ou mieux
encore, « du vin nouveau dans des outres neuves. » Construisons en
vérité un Salvador nouveau, mais ne faisons pas que changer les structures avec
haine et violence dans notre cœur, cela ne nous conduira nulle part. Commençons
pas regarder ce que Dieu veut. Rénovons-nous de l’intérieur et nous serons des
hommes mieux préparés pour cette sainte révolution que le Christ nous a
apporté : celle des béatitudes, celle de l’amour, celle de la rénovation,
celle de la paix fondée sur la justice véritable. 16/09/79, p.260-263, VII.
C) Un messianisme de foi morte
Le troisième faux messianisme est
celui de la seconde lecture (Jc 2,14-18), l’épître de saint Jacques, le
messianisme Ă la foi morte, le messianisme qui seulement conseille, mais ne
fait rien. Le messianisme sans les œuvres. […]
Quand je me réfère précisément au
péché à l’intérieur de notre Église, le manque d’unité entre les chrétiens, je
prends de Puebla cette pensée qui nous donne le remède : « le remède
se trouve dans l’option préférentielle pour les pauvres. » Et Puebla
ajoute : « En Amérique latine, nous ne nous sommes pas tous engagés
suffisamment avec les pauvres, nous ne nous sommes pas toujours préoccupés pour
eux, ni n’avons été toujours solidaires avec eux.
Leur service exige, en effet, une
conversion et une purification constante chez tous les chrétiens pour en
arriver Ă une identification chaque jour plus pleine avec le Christ pauvre avec
les pauvres. » La conversion que Puebla nous exige n’est pas authentique
si ce n’est une conversion radicale à la justice et à l’amour afin de
transformer de l’intérieur de cette société pluraliste, les structures qui
respectent et fassent la promotion de la dignité de la personne humaine et lui
ouvrent la possibilité d’atteindre sa vocation suprême de communion avec Dieu
et des hommes entre eux. Autrement dit, ce qui nous divise à l’intérieur, et
encore davantage, à l’extérieur de l’Église, ce sont ces trois cercles que le
Christ nous a tracés aujourd’hui, c’est une foi morte. La division est réelle
parce que les humains ne se sont pas encore convertis au véritable idéal du
Christ.
Et le véritable idéal est précisément
celui que nous signale la seconde lecture d’aujourd’hui (Jc 2,14-18) :
l’option. C’est-à -dire le fait de choisir une portion importante de ma vie, de
m’engager à défendre des intérêts comme s’il s’agissait de mes propres
intérêts, les intérêts des pauvres. C’est cela que saint Jacques
appellerait : les Ĺ“uvres qui prouvent ta foi. Ne dites pas que vous avez
la foi si vous ne vous préoccupez pas de ces conversions sincères de l’Évangile.
Ne dites pas que vous avez la foi chrétienne si votre façon de vivre ne se
sacrifie pas un peu pour vous donner, comme se consacrer Ă une cause pour faire
un pays nouveau en vérité. Il ne suffit pas de critiquer, comme la comparaison
que fait saint Jacques (2,14-18) : « À quoi cela sert-il, mes frères,
que quelqu’un dise “J’ai la foi”, s’il n’a pas les œuvres? La foi peut-elle le
sauver? » Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de nourriture
quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dit : « Allez en paix,
chauffez-vous, rassasiez-vous », sans leur donner ce qui est nĂ©cessaire Ă
leur corps, à quoi cela sert-il? Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a
pas les Ĺ“uvres, elle est tout Ă fait morte. Les bons conseils ne nous manquent
pas. Ce que nous voulons, ce sont des hommes qui incarnent le conseil et le
réalisent vraiment. Hommes, comme le Christ disait, si tu as deux chemises,
donnes-en une à celui qui n’en a pas. Si tu vois arriver un pauvre à ta porte,
ne le traite pas avec mépris. Vois ce que tu peux faire pour lui et reconnais
en lui le défi de Dieu qui arrive à ta porte. Ne déprécie personne, parce que
tout ce que tu fais pour lui c’est à moi que tu le fais.
Ce messianisme de foi morte est un
messianisme très pernicieux qui souvent pour se justifier diffame
l’Église : « Elle est devenue communiste! » Parce qu’à chaque
fois que nous touchons Ă la question de la justice sociale on nous qualifie de
communistes. Mais la justice sociale est ce que nous réclame saint Jacques dans
son épître. C’est une épître qu’il vaudrait la peine de lire tout haut, sans
commentaire; et vous verriez comment saint Jacques parle bien plus fort que ce
qui se dit la plupart du temps aux chaires de notre Église. 16/09/79,
p.263-264, VII.
D) L’Antéchrist
Je voudrais ajouter cette
considération aux faux messianismes, une réponse à quelqu’un qui me demanda, il
y a peu de temps, et qui me suppliait que j’en parle dans une de mes homélies
de ce qu’est l’Antéchrist. L’Antéchrist c’est ce dont nous venons de parler. C’est
un faux messianisme, c’est un faux christianisme. C’est dans les épîtres de
saint Jean qu’apparaît ce terme de l’Antéchrist, c’est comme un personnage ou
quelque chose qui personnifie une idéologie, qui à la fin des temps va entamer
une lutte avec le Christ pour Lui ravir tous ces fidèles. Et malheur à celui
qui se laisse tromper. Mais il n’est pas nécessaire pour cela d’attendre à la
fin du monde, les exégètes de ce terme, l’Antéchrist, ont plusieurs opinions.
Saint Paul déjà , disent-ils, fit allusion à la présence d’un Antéchrist et il
se réfère probablement aux persécutions romaines contre les premières
communautés chrétiennes. L’Apocalypse mentionne également les forces du Mal.
Mais l’incarnation, la personnification de ces forces du Mal, c’est que le
Christ dit à Pierre : « Tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les
hommes. » Cette pensée tourne le dos à Dieu, cette pensée du monde, c’est
ce que nous appellerions l’Antéchrist.
Il existe des personnes, des
organisations qui l’incarnent très bien. Dans notre patrie, l’Antéchrist est
très bien connu. L’Antéchrist est celui qui dénonce le travail pastoral de
notre Église, l’Antéchrist est celui qui dénonce son frère paysan pour être
bien avec ceux d’en haut. L’Antéchrist c’est tous ceux qui espionnent nos
réunions pour aller le rapporter. N’attendons pas un personnage mythologique.
Luther et quelques-uns de ses frères séparés plus furibonds nommèrent le Pape
et la hiérarchie catholique d’Antéchrist. Cela signifie qu’Antéchrist est un
terme qui se prête à de nombreuses interprétations, mais je crois que la
véritable est celle que nous ont donnée ces deux grands commentateurs de la
Bible quand ils nous disent tout ce que je viens de vous exprimer : tout
ce qui s’oppose au Dieu véritable, tout ce qui s’oppose au vrai Messie.
N’oubliez pas que ce qui m’intéresse davantage ce matin c’est que demeure bien
claire à votre esprit l’idée du vrai Messie, Dieu qui vient nous sauver, mais
qui vient nous sauver dans la douleur. 16/09/79, p.264-265, VII.
3) Les disciples du vrai Messie
« Appelant à Lui la foule… Celui
qui veut venir à ma suite… »
C’est vous tous, très chers frères!
(Mc 8,34) : « Appelant à Lui la foule… et Il commença à les instruire
sur ce que doit être un véritable disciple. » Et Il leur dit :
« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se
charge de sa croix, et qu’il me suive. » Trois paroles incisives, aussi
difficiles à accomplir que d’escalader une montagne.
« Renoncer à soi-même »,
c’est ne pas se satisfaire de soi, ne pas suivre ses caprices, c’est se dire
non à soi-même. « Prendre sa croix », cela ne signifie pas exactement
de prendre la croix matérielle et de la porter, ou simplement d’accomplir le
devoir qui conduit au sacrifice, sinon qu’Il veut dire également de nous
laisser marquer par l’idéal chrétien. Un peu comme on marquait les esclaves au
fer rouge pour qu’ils ne s’échappent pas. Ainsi comme une marque sur le front
qu’on ne peut effacer. Se marquer de la croix comme signe de repentir, de
conversion et d’appartenance à Dieu de qui je ne veux pas me séparer. C’est
cela, suivre la croix.
«… et suis-moi! » Comme il est
fantastique de savoir que dans chaque sacrifice que je fais, le Christ marche
au-devant de moi! Lisez dans le catéchisme une petite histoire qui m’émut
beaucoup quand on y dit qu’un roi de France très saint appela son petit page
pour que celui-ci l’accompagne, au cours des nuits d’hiver, pour aller visiter
les temples, parce qu’il était très fervent. Mais le page, le serviteur, avait
froid aux pieds. Et qu’est-ce que lui dit le roi « Regarde, essaie de
mettre tes pieds où j’ai mis les miens. » C’est ce que fit le page et il
se mit à sentir une chaleur agréable, là où le roi avait mis les pieds, il ne
sentait plus le froid, mais il sentait la chaleur de quelqu’un qui
accomplissait un miracle. S’agit-il d’un miracle ou d’une légende? En
Jésus-Christ, cela devient la pure vérité. Le voir et Le suivre, marcher
derrière Lui en suivant ses pas, où je mets mes pieds je sais que le Christ les
a posés avant moi et qu’Il a laissé une grande chaleur d’amour, parce que même
si j’y vois les signes du sang, des épines, de la poussière, de la douleur, je
sais que je ne suis pas un tyran, que je suis le Sauveur, le vrai Messie. C’est
cela que le Christ veut dire aux chrétiens lorsqu’Il dit : « Renonce
à toi-même, prend ta croix et suis moi. »
Celui qui veut sauver sa vie
En voulant répondre au commentaire de
Pierre, Il leur dit (Mc 8,35) : « Qui veut en effet sauver sa vie la
perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la
sauvera. » C’est là une phrase profonde du Christ qui nous avertit que le
but de l’existence humaine est un horizon eschatologique. Ta vie ne terminera
pas par la mort, ta vie n’est pas circonscrite uniquement aux limites de l’histoire,
c’est au-delà de l’histoire que se situe le principal. Pour celui qui sait
obtenir cet horizon eschatologique, cela vaut la peine qu’il risque jusqu’à sa
propre vie parce qu’ainsi il ne la perdra pas. Par contre, celui qui ne
s’aventure pas, qui veut être bien, celui qui veut sauver sa propre vie, c’est
ce que signifie l’expression : être bien, sauver la vie, ne pas s’engager,
ne pas se mêler des histoires, des problèmes qui nous concernent tous, celui-ci
perdra sa vie. Frères, ceci est une phrase du Christ. Je crois qu’il vaut la
peine d’appartenir à une Église.
Je veux terminer ma réflexion
homilétique avec cette parole du Concile Vatican II qui m’a toujours émue.
Lorsqu’il parle de l’Église, Peuple de Dieu (L.G. 8) : « Le Christ a
accompli son œuvre rédemptrice dans la pauvreté et la persécution, ainsi
l’Église est-elle appelée à prendre la même voie pour communiquer aux hommes
les fruits du Salut. » Le Christ Jésus, « possédant la nature
divine…. s’est anéanti lui-même en prenant la nature de l’esclave » (Ph
2,6) et pour nous « s’est fait pauvre, de riche qu’il était » (II Cor
8,9). Telle est aussi l’Église et même si elle a besoin de ressources humaines
pour remplir sa mission, elle n’est pas établie pour rechercher la gloire terrestre,
mais pour prêcher, même par son exemple, l’humilité et l’abnégation. […]
L’Église « va de l’avant,
marchant parmi les persécutions du monde et les consolations de Dieu »,
annonçant la croix et la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne (cf. I Cor
11,26). C’est la puissance du Seigneur ressuscité qui la fortifie pour lui
faire surmonter par la patience et la charité ses peines et ses difficultés
intérieures aussi bien qu’extérieures, et, malgré tout, lui faire révéler
fidèlement au monde le mystère du Seigneur, mystère encore caché jusqu’à la fin
dans sa pleine lumière. »
Le véritable Messie ne s’est pas
encore révélé. Le Messie que nous connaissons est inséré dans l’histoire, Il
est celui que l’Église s’efforce d’imiter dans la souffrance et dans la pauvreté. La
véritable gloire du Messie viendra lorsque Dieu recueillera toute la gloire que
le Christ a semée et qu’Il jettera tout le superflu, la pensée de l’homme sans
Dieu, pour devenir le Roi glorieux qui avec son Église glorieuse se glorifiera
pour toujours dans la félicité. Puisse Dieu, frères, et c’est là mon
ardent désir : faire une Église qui réponde véritablement aux angoisses de
Jésus-Christ, qui lorsqu’Il se sentit sur le point d’être proclamé Messie,
affirma en quoi consiste le véritable messianisme et dénonça les faux
messianismes. 16/09/79, p.265-267, VII.