Dieu vient nous sauver dans
l’Histoire avec la collaboration des humains.
Second dimanche de l’avent; 9
décembre 1979; Lectures : Baruch 5,1-9; Philippiens 1,4-6.8-11; Luc 3,1-6.
L’Histoire du Salut dans l’histoire
des peuples
C’est à ce titre que nous célébrons
l’avent, l’avènement de Dieu dans notre histoire. Dieu a voulu tisser
l’Histoire du Salut des humains à l’intérieur de notre propre histoire humaine
de sorte que l’histoire humaine soit source de Salut pour l’humanité pourvu que
s’y reflètent les projets de l’Histoire du Salut de Dieu. Les personnes, dans
l’histoire des peuples, doivent savoir que l’Histoire ne se termine pas avec le
temps, mais qu’elle est incrustée dans l’éternité de Dieu. C’est pourquoi Dieu
est le maître de l’Histoire, son propriétaire légitime.
L’Église poursuit le dessein de Dieu
Le terrible rôle de l’Église est de
poursuivre dans l’histoire humaine le projet de l’Histoire de Dieu. Refléter cette
Histoire de Dieu dans les événements concrets des peuples pour pouvoir
approuver tout ce qui reflète ce projet du Salut de Dieu dans l’Histoire; et
avec la sainte liberté de Dieu, également, désapprouver dans l’histoire humaine
tout ce qui ne correspond pas au projet, au dessein de Dieu qui veut sauver
l’humanité.
C’est pourquoi l’Église ne peut
jamais s’identifier complètement avec les projets historiques des hommes et des
femmes même si elle doit les illuminer tous. Mais la libération que l’Église
prêche doit se faire à partir de la perspective de la libération de Dieu notre
Seigneur. C’est pourquoi le Pape Paul VI dit - et je voudrais que toutes les
communautés chrétiennes qui partagent avec nous ce matin cette réflexion de cet
avent, nous prenions en compte cette orientation, nécessaire aujourd’hui plus
que jamais - : « Plusieurs chrétiens généreux, sensibles aux
questions dramatiques que sous-tend le problème de la libération, ont voulu
engager l’Église dans l’effort de libération. Ils ont ressenti fréquemment la
tentation de réduire leur mission aux dimensions humaines d’un projet purement
temporel; de réduire leurs objectifs à une perspective anthropocentrique -
c’est-à -dire, qui prend l’être humain comme centre de l’Histoire -.de réduire le
Salut, dont l’Église est la messagère et le sacrement, à un bien-être matériel.
En faisant abstraction de toute préoccupation spirituelle et religieuse, ils
ont voulu réduire l’activité de l’Église à une initiative d’ordre politique ou
social. Si cela était ainsi, l’Église perdrait sa signification la plus
profonde. Son message de libération n’aurait plus aucune originalité et il se
prêterait à être accaparé et manipulé par les divers systèmes idéologiques et les
partis politiques. Elle n’aurait plus autorité pour annoncer de la part de
Dieu, la libération. C’est pourquoi, nous voudrions souligner, dans cette même
allocution du Synode, la nécessité de réaffirmer clairement la finalité
spécifiquement religieuse de l’évangélisation. L’évangélisation perdrait sa
raison d’être si elle déviait de l’axe religieux qui la dirige avant
tout : le Règne de Dieu dans son sens pleinement théologique.
Le Projet de Dieu s’explique
L’avent vient nous rappeler - avec la
richesse de ses lectures que nous allons lire au cours de ses dimanches - quel
est le projet de Dieu, quelle est l’Histoire du Salut vers laquelle nous devons
orienter les forces revendicatrices, les libérations. C’est pourquoi, au cours
de ces quatre dimanches nous allons expliciter le projet de Dieu. 09/12/79,
p.13-14, VIII.
Synthèse de l’Histoire du Salut
Au début, il y a l’initiative de Dieu
et une promesse : Dieu s’incarnerait dans un descendant de David. Fils de
Dieu, il serait le RĂ©dempteur des hommes.
C’est le début de l’Histoire du
Salut : la promesse et l’initiative de Dieu qui, dans l’Histoire, se
prévaut d’un fils de roi pour le faire Rédempteur de l’humanité. La fin de
cette Histoire nous a été présentée dimanche dernier, lorsque le Christ, devant
le temple de JĂ©rusalem, nous raconte la fin de ce temps et la fin de
l’Histoire. (Mc 13,26) : « Vous verrez le Fils de l’Homme qui viendra
avec puissance et majesté. » Et la seconde lecture nous présentait comment
ce Fils de Dieu, qui apparaît déjà dans une phase définitive de la Rédemption
des hommes et des femmes, viendra à la rencontre d’une humanité sainte et
rachetée. C’est nous et nous avons eu la chance d’avoir vécu et développé en
nous l’Histoire du Salut.
Jean-Baptiste, signe des hommes dont
Dieu a besoin…
Le second et troisième dimanche de l’avent
- celui d’aujourd’hui et celui qui vient ensuite - nous présentent, dans le
symbole de Jean le Précurseur, comment Dieu se sert des hommes pour qu’ils
collaborent dans l’Histoire du Salut. Ce dimanche et le prochain, nous
parlerons des conditions que Dieu demande aux ĂŞtres humains pour les incorporer
dans l’Histoire du Salut.
Préparations immédiates pour la
naissance de Dieu dans l’Histoire
Et le quatrième dimanche, à la veille
de Noël, nous présenterons les préparatifs immédiats où Marie tient un rôle si
prépondérant pour que ce Roi de la gloire, Seigneur de l’éternité, devienne
également le Seigneur de l’Histoire. Il naît à Bethléem pour notre histoire.
Toute la fête de Noël sera une célébration de la venue de Dieu qui s’est fait
marcheur avec les humains dans l’histoire de tous les peuples. De là ,
l’importance de cette période, surtout pour ceux qui ressentent le besoin
profond de libération de notre peuple. Il importe de ne pas confondre les
projets de la Terre avec le grand projet de Dieu. Mais ce projet de Dieu
illumine les projets rédempteurs des hommes et des femmes de notre temps.
Plan de l’homélie :
1) Dieu vient sauver dans l’histoire
des humains
2) Le Précurseur, symbole de la
collaboration humaine dans l’Histoire du Salut
3) Notre Église et notre histoire
1) Dieu vient sauver dans l’histoire
des humains
A) Le contexte historico-politique
dans lequel s’introduit le ministère de Jean
Vous venez d’entendre dans l’Évangile
d’aujourd’hui le contexte historico-politique (Lc 3,1) : « En l’an
quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de
Judée… » Et après, on décrit la situation politique de la Palestine
soumise à l’Empire Romain et gouvernée par quatre tétrarques; tétrarque signifie la distribution du
pouvoir, entre quatre. Quatre rois gouvernaient, sous l’Empire Romain, la terre
où vécut Jésus.
Dans ce contexte historico-politique,
il y avait aussi une histoire ecclésiale (Lc 3,2) : « sous le pontificat
d’Anne et de Caïphe… » Ici se retrouve le contexte, l’histoire où saint Luc
commence à nous décrire la Parole de Dieu. C’est dans ce contexte (Lc
3,2) : « que la Parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie,
dans le désert… » On ne pouvait écrire un prologue plus solennel et
davantage incarné dans l’histoire du moment précis où Dieu devint un marcheur
de notre histoire. Il en est toujours ainsi : Dieu opère son Salut en se
servant des empereurs, des rois, des gouvernants, des prĂŞtres du temps; ce sont
les hommes qui encadrent dans l’Histoire de la Terre, le moment de Dieu.
L’Histoire tissĂ©e d’intrigues sert Ă
Dieu pour tisser son Salut.
Parmi ces quatre rois de Palestine,
parmi ces intrigues de palais, parmi ces superficialités d’une religion qui est
devenue légaliste, il faut revenir au premier commandement pour que soient
honorées les personnes victimes de ces intrigues, de ces subordinations, de ces
emprises sur d’autres peuples.
Les Ă©poques changent mais le projet
de Dieu sera toujours le mĂŞme : sauver les hommes et les femmes dans
l’Histoire. C’est pourquoi l’Église est chargée de porter ce projet de Dieu et elle
ne peut pas s’identifier à aucun projet historique. L’Église n’a pas pu être
l’alliée de l’empire Romain, ni d’Hérode, ni d’aucun roi de la Terre, ni
d’aucun système politique, ni d’aucune stratégie politique. Elle les éclaire
tous mais elle demeure toujours authentiquement celle qui annonce l’Histoire du
Salut : le projet de Dieu. 09/12/79, p.16-17, VIII.
B) Une cité de la géographie humaine,
devient le symbole de la capitale du Règne de Dieu
Les vicissitudes d’un peuple qui
revient d’exil, signe de la Rédemption de Dieu
Ici, apparaît encore l’histoire d’un
peuple humilié en exil, mais animé par l’Histoire du Salut. Précisément, cet
exil va être le signe que les humains ne peuvent être sauvés par leur propre
force; ils ne le peuvent pas. Aussi, Dieu viendra. C’était ça le message des
prophètes. En ce temps de l’avent, lorsqu’on annonce le Salut en Jésus-Christ,
nous nous rappelons ces Ă©pisodes pour voir comment Dieu sauve les humains dans
l’Histoire.
JĂ©rusalem, depuis que David en fit le
siège de son royaume, possède une projection messianique
Vient alors cette belle comparaison
de la capitale d’Israël. Saccagée, détruite, les prophètes parlent de la Nouvelle
Jérusalem, celle que les exilés vont retrouver à leur retour. Et au désert, sur
le chemin du retour, ils annonceront tel des hérauts qui annoncent le passage
d’un roi (Ba 5,7) : « Car Dieu a décidé que soient abaissées » -
(comme une oeuvre d’architecture, d’ingénierie, réalisant une belle route, une
avenue, on décrit précieusement ce retour de l’histoire) - toute haute montagne
et les collines éternelles, et comblées les vallées, pour aplanir la Terre,
pour qu’Israël chemine en toute sécurité dans la gloire de Dieu. » Jérusalem,
ville de cette Terre, habitée par la Sainte Révélation de Dieu pour nous
décrire les merveilles de son Règne et de sa Rédemption.
Son nom sera (Ba 5,4) :
« Paix dans la Justice, Gloire dans la piété. »
Observez comment les événements des
peuples sont employés par l’Histoire du Salut pour semer chez les humains
l’espérance, le repentir, le retour à Dieu, la joie de se sentir accompagner
par Dieu dans l’Histoire. C’est cela, l’enseignement de cette première pensée,
en ce temps de l’avent : une grande Espérance que Dieu marche avec notre
histoire. Dieu ne nous a pas abandonnés. Dieu sait tirer partie même des
injustices des hommes. Il espère leur retour afin, qu’ici également, au
Salvador, le Salut puisse s’appeler du nom si doux de la Parole de Dieu
d’aujourd’hui (Ba 5,4) : « Paix dans la Justice, Gloire dans la
piété. » Faisons notre possible pour que notre histoire soit véritablement
une Histoire de Salut. 09/12/79, p.17-18, VIII.
2) Le Précurseur, symbole de la
collaboration humaine dans l’Histoire du Salut
A) La personne
 Il avait été annoncé par les prophètes qu’un
héraut, un ange viendrait au devant pour annoncer la venue du Christ, pour dire
que le temps était venu. Quelques-uns le confondirent avec Élie qui avait été
enlevé au Ciel et que l’on croyait qu’il allait revenir pour annoncer la venue
de Dieu sur Terre. Mais le Christ interprète cette tradition et dit :
« Élie est déjà venu » et il se réfère à Jean le Baptiste. Les
lectures d’aujourd’hui interprètent ce personnage mystérieux de la tradition
juive incarné par Jean le Baptiste. Jean est la figure centrale de l’avent
parce qu’il est l’ange, le PrĂ©curseur, celui qui annonce que JĂ©sus est dĂ©jĂ
présent.
B) La mission
L’Évangile d’aujourd’hui de saint
Luc, (3,1-6), qui sera l’Évangile de toute l’année, identifie cette voix
qu’annonçait Isaïe (40,3-5) : « Une voix crie dans le désert :
« préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers; que toute
vallée soit comblée, toute montagne et toute colline abaissées; que les lieux
accidentés se changent en plaine; et les escarpements en large vallée; alors la
gloire de Yahvé se révélera et toute chair la verra. »
Conversion : baptĂŞme
C’était la voix de l’Espérance qui
posait ses conditions pour cette rencontre avec Dieu. Nous allons en parler
plus explicitement dimanche prochain, mais déjà aujourd’hui on l’insinue dans
la prédication et dans le baptême de Jean : « Convertissez-vous,
faites-vous baptiser. » Le baptême était un rite de pénitence. Tout homme
qui reconnaissait ses péchés allait se purifier, pour manifester en quelque
sorte son désir de purification spirituelle : plus aucune tache, plus
d’immondices morales dans le cœur; et ainsi ils se convertissaient. Seulement
ceux qui se convertissent, verront le Seigneur qui retourne vers son peuple.
C) La communauté chrétienne, contient
l’œuvre du Précurseur…
Nous, la communauté chrétienne, nous
sommes cette mission prophétique de Dieu annonçant le Salut du peuple.
09/12/79, p.18-19, VIII.
Peuple et Peuple de Dieu
Je veux insister, chers frères, en
une distinction qui se doit d’être très claire actuellement : ce n’est pas
la même chose que de dire « le peuple » ou « le Peuple de
Dieu ». Quelle différence y a-t-il? Le peuple, c’est tous ceux qui
habitent la patrie. Tous ceux qui sont Salvadoriens, incluant ceux qui ne
croient pas en Dieu, les indifférents. Ils sont tous croyants ou non croyants,
membres de ce peuple. Quand nous disons le Peuple de Dieu, nous voulons dire la
communauté chrétienne, c'est-à -dire, ceux qui, parmi les Salvadoriens, ont reçu
le message du Christ, qui se sont convertis et qui, pour manifester cette
conversion, se sont faits baptiser et s’y sont préparés --- comme disait Jean
Baptiste : « Un peuple parfait pour la venue du Seigneur. »--- De
là provient l’idée que le Peuple de Dieu est une sélection.
Nous ne le disons pas avec orgueil,
ni vanité parce que, peut-être, nous ne sommes pas le Peuple de Dieu si nous ne
sommes pas convertis en vérité. Le Peuple de Dieu c’est aussi tous ceux qui
n’ont pas connu le Christ mais qui ont mis en Dieu leur espérance et leur
confiance, même au-dehors des frontières de l’Église. C’est pourquoi nous
pouvons dire : « ce ne sont pas tous ceux qui y sont, ni tous ceux
qui n’y sont pas. »
Collaborateurs de l’œuvre de
l’Évangile
De là , la nécessité pour nous, ce
matin, de chercher à nous identifier à l’œuvre du Précurseur, de Jean Baptiste,
si vraiment nous croyons que Dieu fait l’Histoire du Salut avec les hommes et
les femmes qui croient en Lui et qui forment avec Lui la communauté de l’amour,
comme l’appelle saint Paul aujourd’hui. C’est ce que saint Paul, dans son
épître de ce matin aux Philippiens (1,5) nous dit : « car je me
rappelle la part que vous avez pris Ă l’Évangile depuis le premier jour jusqu’Ă
maintenant. » Ce sont là les communautés qui sauvent le peuple :
celles qui collaborent à l’Évangélisation.
Que votre communauté d’amour
grandisse!
« Dieu m’est témoin (Ph 8-10),
dit saint Paul, que votre communauté d’amour continue de croître de plus en
plus et « s’épanche dans cette science et tact affiné qui vous donneront
de discerner le meilleur. » Il me fait grand plaisir de faire cette
distinction pour pouvoir dire à tous ceux qui veulent avoir l’immense honneur
de se dire Église, communauté chrétienne, de pouvoir leur dire que ni le titre,
ni l’apparence de se réunir autour de la Bible, ne suffisent. Ce que Dieu nous
demande est quelque chose de plus profond : ce sentiment de précurseur,
cette conversion de Jean Baptiste, cette identité d’un homme qui, au milieu des
empires, des règnes et des systèmes politiques, se maintient authentiquement
comme missionnaire du Christ.
Regardez si dans le temps de Jean le
Baptiste il n’y avait pas également une grande pagaille politique! Il y avait
des groupes politiques comme il y en a aujourd’hui. Il y avait ceux qui étaient
en faveur de l’Empire et ceux qui étaient contre l’Empire. Et dans la faction
de l’opposition à l’Empire, il y avait divers partis. Il y avait ceux que nous
appelons aujourd’hui encore les organisations politiques populaires. Il y avait
aussi les bras armés de ces organisations. L’histoire du temps de Jésus
apparaît fantastiquement semblable à la nôtre. Et Jean Baptiste ne devient pas
une de ces factions. Il devient le héraut du Roi.
Ă€ tous - comme nous allons le voir
dimanche prochain - il annoncera une parole de Salut. Il n’existe pas
d’exclusion dans son cœur. Le Seigneur les appelle tous pour former son peuple.
Mais il est également brave pour rejeter celui qui, même s’il est roi, commet
le péché. Et c’est précisément pour avoir dénoncé la conduite d’Hérode qu’il
paiera de sa tête. Mais Jean ne s’est identifié à aucune faction.
Comme Jean Baptiste dans son contexte
historico-politique, la communauté chrétienne illumine, de son amour, son
peuple et lui communique le Salut. La communauté chrétienne doit être celle qui
croît dans l’amour, dans la foi et dans la Parole de Dieu. Le Peuple de Dieu
doit être, dans ses communautés, l’expression de cet amour qui sauve. La
communauté sauve en ce moment la patrie dans la mesure où elle est véritablement
une communauté chrétienne.
Chers frères, chers prêtres, chers
agents de pastorale, chères religieuses qui travaillez dans la pastorale, chers
catéchistes, célébrants de la Parole, chers vous tous qui travaillez dans la
Pastorale! Béni soit Dieu! Mais nous devons faire en sorte d’être vraiment
l’Église qui est le précurseur du Seigneur en vérité. Que notre travail
d’Église s’identifie si intimement au Christ que son amour soit l’amour de la
communauté, que son illumination soit l’illumination de la communauté, que
notre pensée soit comme celle du Christ. Il importe que nous recherchions la
libération de notre peuple depuis cette perspective : de l’Histoire du
Salut qui doit illuminer tous les Salvadoriens dans l’histoire.
Il n’existe qu’une seule et unique
Histoire du Salut. À partir d’elle, nous illuminons les saluts, les
libérations, les revendications de tous les hommes. Ce sera authentique dans la
mesure où ils s’orienteront vers le Salut en Jésus-Christ. Ils seront
abâtardis, ils seront faux, dans la mesure où ils s’éloigneront des sentiments
du Christ. Et ils s’éloignent du Christ par la haine, par la vengeance, par les
partialités, par les radicalismes. Il ne peut y avoir d’autre Salut dans le
Christ que celui qui se fonde dans la force du Seigneur, dans son Salut, dans
le bien commun du peuple et non uniquement dans le bien d’une faction
populaire.
Comme Jean Baptiste dans son contexte
historico-politique, l’Église doit être la clameur du Seigneur, la voix qui
crie toujours dans le désert : « Préparez les chemins du Seigneur! »
Un appel à tous les cœurs afin qu’ils recherchent sincèrement cette rencontre
qui nous rendra heureux dès cette Terre.
Je veux Ă©galement souligner
ceci : dans la mesure oĂą nous recherchons cette Histoire du Salut, nous
nous incarnons également dans l’histoire de notre peuple. On laisse souvent
entendre que ce sens religieux de la communauté chrétienne nous aliène des
réalités terrestres. Mais soyons entiers, comme nous l’avons enseigné ce matin.
Dieu veut nous sauver dans l’Histoire. Plus l’histoire du Salvador sera nôtre, plus
le Christ sera présent dans nos propres entrailles. Nous n’avons aucun besoin
d’importer au Salvador quelque impérialisme que ce soit. Le Salut de Dieu est
présent ici. Le Christ est ici. Il est Salvadorien. Il est dans l’histoire de
notre peuple. Et ceux qui comprendront le mieux cette histoire, comprendront
mieux comment Dieu désire libérer et sauver ce peuple du Salvador. Nous n’avons
pas besoin d’apprendre des autres ce que nous avons déjà ici par notre foi dans
notre propre peuple. » 09/12/79, p.20-21, VIII.
3) Notre Église et notre histoire
Vous-mĂŞmes, en analysant cette Parole
de Dieu si providentielle qui nous a été donnée aujourd’hui, voyez ce qui est
présent dans notre Église et dans notre histoire, ce qui reflète l’Histoire du
Salut de Dieu au Salvador. Et, voyez aussi, dans notre histoire salvadorienne
et même à l’intérieur de notre Église, ce qui ne reflète pas le Règne de Dieu
et que nous devons donc arracher en tant que péché. Parce que le péché est tout
ce qui s’oppose au dessein salvifique de Dieu dans l’histoire. 09/12/79, p.22,
VIII.
Le Pape (Jean-Paul II) dit :
« Dans l’Évangile est présente une invitation au progrès. Aujourd’hui, le
monde est rempli d’invitations au progrès; personne ne veut être un « non
progressiste. » Il s’agit, cependant, de savoir de quelle manière l’on
peut et l’on doit être « progressiste », en quoi consiste le
véritable progrès? » Et le Pape répond en commentant avec les textes
liturgiques de l’avent que nous venons de lire : « Le véritable
progrès est celui qui porte en soi le sens profond de la vérité du Christ. Il
ne peut y avoir de progrès sans le Christ. » C’est pourquoi cet avent nous
place dans une conjoncture merveilleuse en cette heure du Salvador, lorsqu’il
annonce que Dieu sauve son peuple dans l’histoire, et que celui-ci se sauvera
et progressera dans la mesure où le peuple y adhérera, où il s’unira au Christ
qui est le Dieu sauveur.
Le Pape a fait Ă©galement une
merveilleuse interprétation où se conjugue le concept du public et du privé. Le
Pape, faisant un appel aux hommes de droit et, au monde en général, dit :
« Aussi longtemps qu’en certains pays il existera des systèmes juridiques
dans lesquels le public a préséance au point de réduire à presque rien le
domaine privé, alors qu’en d’autres, au contraire, les systèmes juridiques
soumettent les exigences et les intérêts collectifs, même fondamentaux, au privé
et aux intérêts individuels, aussi longtemps que cela durera, l’être humain
sera victime, dans sa dimension privée ou sociale, du pouvoir législatif. Ce
pouvoir est un instrument de domination de l’individu ou de la collectivité, au
lieu d’être un instrument de justice. » C’est pourquoi le Pape affirme
qu’il est urgent de freiner courageusement le phénomène préoccupant de
l’exploitation du privé à des fins publiques d’une part, et la manipulation du
public à des fins privées d’autre part. Voyez-vous l’actualité de ce concept,
ici, alors que quelques-uns désirent une législation en leur faveur sans se
préoccuper du sort de la majorité? Il convient de prendre en compte ce qu’a dit
le Pape : « Le critère, pour s’orienter en cette matière si complexe,
est unique : le respect de la personne humaine. » Qu’elle soit pauvre
ou riche, la personne humaine doit demeurer le principal dans le système social
d’un pays. 09/12/79, p.26, VIII.