L’Église, une communauté en attente
active du retour du Christ
Trente-troisième dimanche ordinaire;
19 novembre 1978; Lectures : Proverbes 31,10-13.19-20.31-39;
Thessaloniciens 5,1-6; Matthieu 25,14-30.
Aujourd’hui, la théologie découvre
toujours davantage que Dieu sauve dans l’Histoire.
Le Salut est un fait historique qui
n’appartient pas au passé, mais bien à l’histoire présente de chaque peuple, de
chaque être humain et de chaque communauté. Il est crucial que nous ayons cela
à l’esprit parce que si nous mettons l’emphase sur les événements de
l’actualité, ce n’est pas par soif de nous évader de l’Évangile et de l’Église.
Bien au contraire, c’est pour que ce Salut que Dieu réalise à l’intérieur des
Salvadoriens incarnés dans leur propre histoire, nous le recherchions là où il
se trouve, dans les événements historiques. C’est la vie de l’Église de
l’archidiocèse, de chaque paroisse, de chaque canton, de chaque communauté et
c’est aussi l’histoire civile qui nous circonscrit et où tout n’est pas selon
le Règne de Dieu, où une grande part de nos valeurs de foi et de notre
espérance en Jésus-Christ heurtent des attitudes athées, matérialistes et
Ă©goĂŻstes. Il est naturel alors que nous comprenions que le Règne de Dieu, Ă
l’œuvre dans l’histoire, doit être confronté à ces réalités. Cela, ce n’est pas
se mêler de politique, c’est simplement rechercher le Salut de Dieu dans notre
histoire.
C’est pourquoi j’ai choisi
d’intituler l’homélie d’aujourd’hui : « L’Église, une Communauté en
attente active du retour du Christ. » C’est cela, l’Église, une communauté
active qui travaille et qui se heurte, qui vit sa foi. Elle demeure active dans
l’attente. Dans l’attente du retour du Christ comme le proclame notre
credo : « … d’où Il viendra nous juger… » Le Seigneur doit
revenir. Nous avons ici les trois concepts que je veux développer ce
matin :
Plan de l’homélie :
1) Une Communauté en attente
2) Cette attente ne lui enlève pas
son activité, au contraire, il s’agit d’une attente active, sinon elle ne
serait pas chrétienne
Mais qu’est-ce que l’attente?
3) Le Retour est ce retour du Christ
que nous attendons?
Qu’est-ce qu’une communauté,
disais-je? C’est ce que je rĂ©pète dimanche après dimanche, parce que c’est lĂ
un des messages les plus importants de l’Église d’aujourd’hui : il faut
que les chrétiens sortent de cette mentalité individualiste. Ne parlons plus de
mon Salut, ma religion, sinon qu’il faut que nous vivions cela comme Dieu le
veut, c’est Ă dire Ă la manière d’un peuple. Notre Salut, notre pèlerinage Ă
travers l’histoire, réalisons-le comme un peuple, comme le peuple israélite au
désert. Ils allaient ensemble, communautairement. C’est pour cela qu’une des
joies les plus grandes de la pastorale c’est qu’ils surgissent de toute part
des communautés. Mais afin qu’elles ne perdent pas leur orientation, ces
réflexions de la Parole de Dieu viennent nous dire quel est le témoin. C’est
ainsi que procédèrent les communautés de tous les temps.
Les trois lectures d’aujourd’hui (Pv
31,10-13.19-20.31-39; Ts 5,1-6; Mt 25,14-30) sont des réflexions de
communautés. Le livre des Proverbes qui nous a présenté la femme modèle est une
réflexion de la sagesse du peuple d’Israël qui vivait cette philosophie en tant
que peuple. Il s’agissait d’une sagesse populaire, d’une croyance, où ce
n’était pas la vanité de la femme qui importait, mais sa crainte de Dieu, son
intériorité. 19/11/78, p.304-305, V.
1) Une Communauté en attente
Mais cette communauté vit dans
l’attente. Qu’est-ce que cela veut dire? C’est la caractéristique du chrétien.
C’est pour cela qu’elle se nomme communauté eschatologique, qui signifie
science de l’ultime, c’est une communauté qui vit dans l’attente du
développement jusqu’à ses conséquences ultimes. Vers où va l’histoire? Vers où
va ma vie? Vers oĂą va cette Église? Vers cette eschatologie. Cela avait dĂ©jĂ
été annoncé dans l’Ancien Testament et nous l’avons commenté ici : le Jour
du Seigneur. Les prophètes parlaient du Jour du Seigneur comme d’un jour où
Dieu nous espère avec les bras ouverts pour nous récompenser de nos mérites, ou
bien avec sa colère pour nous punir de nos mauvaises actions.
Ce Jour du Seigneur, dans le passé,
comme le Christ n’était pas encore venu, demeurait très nébuleux. Les prophètes
n’eurent pas la chance que nous avons, chrétiens, de connaître le Christ qui
est venu il y a de cela vingt siècles. C’est là qu’Il est venu initier le Jour
du Seigneur. Nous vivons déjà à l’intérieur de la dernière phase de l’Histoire,
le Christ est, comme nous allons le voir plus avant, la clé, le dénouement, le
but, le Jour du Seigneur. Et parce que le Christ et les apôtres annoncèrent ce
Jour du Seigneur comme étant proche, surgirent alors ces idées comme il en
existe aujourd’hui, au sein de certaines sectes protestantes, à savoir que, tel
jour de telle année, le Seigneur viendra, et ils l’attendent pour bientôt.
C’est que le Christ voulut laisser une mystique aux chrétiens, comme une
incertitude. Comme saint Paul l’écrit aujourd’hui dans sa première épître aux
Thessaloniciens (5,2.4-5a) : « Quand aux temps et moments, vous
n’avez pas besoin, frères, qu’on vous en écrive. Vous savez vous-mêmes
parfaitement que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit. […]
Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres de telle sorte que ce jour
vous surprenne comme un voleur : tous vous êtes des fils de la lumière,
des fils du jour. »
Certains Thessaloniciens se
réfugiaient dans cette proximité du jugement final et ne travaillaient plus,
ils étaient devenus fainéants. En ce sens, nous pouvons dire que la religion
est un opium du peuple. Saint Paul leur rappelle : « Il faut
travailler, que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas non plus, nous
ignorons quand viendra le Jour du Seigneur. » À Thessalonique, également,
surgit un doute : depuis que saint Paul leur avait annoncé la proximité du
Jour du Seigneur, quelques-uns étaient décédés et on continuait à mourir. Quel
serait donc le sort de ceux qui Ă©taient morts et de ceux qui demeuraient vivants
lorsque viendra le Jour du Seigneur? Et saint Paul leur répond : Vous avez
lu dans l’épître au sujet des défunts, nous ne voulons pas que vous demeuriez
dans l’ignorance, ceux-ci vont ressusciter également et nous si nous sommes
encore vivants nous allons être transformés. Même si nous ne passons pas par la
mort, Il nous transformera, parce que pour participer dans cette phase
eschatologique, ultime, définitive du Règne de Dieu, la vie éternelle qui est
déjà initiée sur cette Terre, Dieu a besoin de transformer l’être humain. C’est
pour cela que les morts doivent ressusciter. Ceux qui firent le bien
ressusciteront pour la vie Ă©ternelle et ceux qui firent le mal ressusciteront
pour l’ignominie et le châtiment. Ceux qui sont vivants vont aussi être transformés
pour être élevés avec le Seigneur dans sa gloire, ceux qui firent le bien, ceux
qui travaillent selon la volonté de Dieu, et les autres, même s’ils sont
vivants, ils n’échapperont pas à la colère du Seigneur, Il les transformera
d’une vie mortelle qui se termine avec la mort, en une vie éternelle où ils
souffriront éternellement. Il leur donnera une éternité de douleur, la seconde
mort, comme l’appelle la Bible, être en train de mourir sans pouvoir mourir.
C’est une chose terrible, il est vrai, que ce Jour du Seigneur. […]
C’est cela, la vie tranquille du
chrétien, être là où Dieu voudrait me rencontrer à l’heure de ma mort. C’est
pourquoi j’aimerais vous demander frères, ainsi qu’à moi-même :
sommes-nous en ce moment mĂŞme oĂą Dieu veux nous rencontrer, si ce jour Ă©tait
celui, oĂą surprenant comme un voleur, Il viendrait pour reprendre notre vie?
Combien de disgrâces et de morts déplorons-nous semaine après semaine? Le
Seigneur les aura-t-il rencontrés en train de vivre leur eschatologie, dans
l’attente du dénouement de leur vie? Est-ce que tous les Salvadoriens se
trouvent lĂ oĂą ils devraient ĂŞtre? 19/11/78, p.305-307, V.
2) Cette attente ne lui enlève pas
son activité, au contraire, il s’agit d’une attente active, sinon elle ne
serait pas chrétienne.
Quand dans la première lecture
d’aujourd’hui (Pv 31,10-13.19-20.31-39) on nous parle de la femme qui se
caractérise par sa force, qui ne met pas sa gloire dans sa beauté ou dans sa
vanité sinon dans la crainte de Dieu, c’est celle-ci qu’il faut louanger, dit la Sainte Bible. Quel
merveilleux message pour la femme : vain est le charme, fragile la beauté,
les prophètes la comparaient avec l’herbe qui le matin est fraîche et qui à la
nuit tombée n’est rien d’autre que de la paille séchée qu’on arrache d’une
seule main. La femme qui craint le Seigneur, celle qui est la gloire de son
mari, celle qui n’a pas peur des hivers ou du mauvais temps parce qu’elle est
toujours prévenue, la femme qui a le sens de l’eschatologie, c’est celle-là qui
mérite toutes les louanges.
Il est difficile pour une femme, dont
la nature est la vanité, de comprendre que sa véritable grandeur ne se situe
pas dans ses choses extĂ©rieures, d’être admirĂ©, mais dans sa louange Ă Dieu Ă
l’intérieur de son esprit. C’est cela qui constitue la véritable gloire de son
mari et de sa famille, non pas les splendeurs externes, mais sa vertu, son
christianisme. C’est ici que l’Évangile se situe aujourd’hui également.
La belle parabole que nous avons
commentée dimanche dernier, également dans le sermon eschatologique du Christ,
nous parle des dix jeunes filles qui veillaient pour accompagner l’époux, cinq
d’entre elles étaient prudentes et elles furent reçues au festin, alors que les
cinq autres ne surent pas attendre et elles s’endormirent dans l’imprévision.
Lorsqu’elles allèrent s’acheter de l’huile, les portes du festin se fermèrent
et elles arrivèrent en retard. Le Seigneur leur dit : « Je ne vous
connais pas. » Comme sera triste cette heure de ceux qui n’auront pas vécu
leur sens eschatologique en demeurant éveillés, comme ceux qui sont surpris en
pleine nuit par le voleur!
C’est pourquoi l’Évangile
d’aujourd’hui nous invite à une espérance active. Un Seigneur confia aux
employés de sa vigne ses avoirs et il partit en voyage. Après un certain temps,
il revint. C’est en cela que se situe l’espérance, après beaucoup de temps,
nous ne savons pas quand, mais le Christ voulut laisser par cette expression
que ce temps que les chrétiens doivent passer entre leur attente et la
réalisation de celle-ci, peut être très long. Il y a des gens très âgés parmi
nous et bienheureux ceux qui comme le vieux Siméon vivent dans l’attente et qui
comme celui-ci lorsqu’il tient dans ses bras l’enfant Jésus, le Rédempteur,
peuvent chanter avant de mourir : « Tu peux renvoyer ton serviteur en
paix maintenant parce que j’ai toujours vécu dans l’attente de cette
espérance. »
L’enseignement de la parabole des
talents se retrouve sous une forme moderne dans le Concile, dans la
constitution de l’Église dans le monde de ce temps, quand elle nous parle que
ce monde avec ses progrès prépare la matière du Règne de Dieu, et c’est
pourquoi nous ne devons pas négliger notre travail en ce monde. Elle inculque
au chrétien qu’il ne nous faut pas vivre conformément aux pensées de ce monde,
sinon vivre de l’espérance eschatologique.
C’est le danger des Thessaloniciens
modernes qui croient que si les choses de la Terre ne valent rien, il faut nous
préoccuper que des choses célestes. Ils vivent une piété désincarnée, ils se
scandalisent quand l’archevêque prêche les devoirs de la Terre, ils qualifient
sa prédication de communiste parce que celui-ci exige la justice sociale aux
chrétiens qui œuvrent en politique, aux gouvernants, à la police nationale, aux
corps de sécurité. S’ils sont chrétiens, ils ne doivent pas oublier qu’il
existe une sanction Ă©ternelle. Les juges qui se laissent subordonner et Ă tous
ceux qui veulent juger selon les lois de l’État de la Terre, ne doivent pas
oublier le sens eschatologique de notre religion qui leur rappelle que viendra
le Juge. Prêcher cela, mes frères, c’est se mettre dans la situation du Christ
qui veut en vérité un christianisme authentique, intégral. Il est très joli de
vivre une piété de chants et de prières, de méditations spirituelles et de
contemplation, tout cela arrivera à l’heure du Ciel où il n’y aura plus
d’injustice, où le péché ne sera plus une réalité que les chrétiens doivent
détrôner. Maintenant, dit le Christ, aux apôtres qui voulaient demeurer pour
toujours en contemplation sur le mont Tabor, descendons, il nous faut
travailler.
C’est pour cela que le Concile dans
Gaudium et Spes au numéro 39,2 dit : « L’attente de la nouvelle Terre,
loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette Terre, doit plutôt le
réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre
déjà quelque ébauche du siècle à venir. » C’est ce à quoi nous sommes
appelés comme chrétiens, à refléter déjà pendant notre pèlerinage sur la Terre,
à travers notre senti et notre vécu eschatologique, comme l’aurore qui n’est
pas encore le soleil, mais qui nous permet de discerner sa venue. La vie
chrétienne devrait être comme l’aurore du siècle nouveau. La vie chrétienne
remplie d’espérance, de foi, de sainteté devrait refléter aux hommes de
l’histoire que tout ne se termine pas sur cette Terre, qu’il y a un Règne de
Dieu vers lequel nous marchons et oĂą nous serons heureux, oĂą existeront la
justice et l’amour consommés, sans danger ni profanation, mais en attendant
nous ne sommes rien d’autre qu’une lueur, une aurore, une annonce.
Le chrétien qui n’annonce pas ce
soleil qui vient n’est pas un chrétien authentique. Le chrétien qui offre une
rédemption, une libération politique, économique, purement terrestre et qui
oublie d’annoncer ces grandes valeurs de l’éternité, n’apporte pas aux hommes
et aux femmes la véritable libération. C’est pourquoi j’ai dit dans ma lettre
pastorale (août 1978) que l’Église appuie l’effort libérateur de toutes les
organisations, pour autant que ces efforts soient justes. Mais elle ne s’identifie
pas à ces organisations, sinon qu’elle donne à celles-ci et aux hommes qui la
composent et qui travaillent pour le bien, un espace plus vaste : la
véritable libération, le but de la véritable liberté.
Paul VI qui illumine ma pensée
continuellement sur ces aspects, cet homme qui sut comprendre son Ă©poque, sans
jamais trahir son éternité, nous dit qu’un chrétien, un prêtre ou un évêque qui
s’incorporerait par exemple, dans une organisation politique populaire,
trahirait cette libération éternelle s’il n’annonçait pas la libération du
péché et l’authentique libération que le Christ a apportée au monde; que s’il
circonscrivait ses efforts libérateurs qu’aux choses politiques, sociales ou
économiques de la Terre, il les mutilerait en ne leur donnant pas la véritable
force que la libération chrétienne annonce aux hommes. Comprenez bien mes
frères, surtout ceux qui appartiennent à ces organisations politiques, que vous
ne devez pas vendre votre foi et votre espérance pour des intérêts immédiats.
Que cela soit bien entendu de mes détracteurs, que je ne prêche pas une
libération de révolution, que je n’ai jamais prêché la violence, au contraire,
ce que j’ai écrit dans ma Lettre pastorale, c’est que je déteste la violence,
surtout quand elle devient une mystique, comme s’il s’agissait là de l’unique
moyen pour arranger les choses.
Je plaide pour l’idéal chrétien de la
paix et je dis à tous ceux qui travaillent pour la libération de la Terre, ceux
qui recherchent en cette période de la cueillette du café, de la canne à sucre
et du coton, de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail pour
les travailleurs : tout cela est très bien, mais que votre effort ne se
limite pas Ă cela, incorporez-y aussi cette affliction de notre peuple qui
quitte maintenant leur chaumière, leur canton, pour entreprendre cette
migration douloureuse vers les plantations pour chercher ce qui sera l’unique
salaire de leur année. Plusieurs ne rencontrent pas de travail, mais les
outrages, les manigances de ceux qui les volent et les trompent. Comment
pourrait-il y avoir un sens de justice Ă©ternelle dans ces relations? Aux uns et
aux autres, je leur dis, souvenez-vous de l’Éternel.
Alors, le Concile dit (G.S.
39,1) : « C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le
progrès terrestre de la croissance du Règne du Christ, ce progrès a cependant
beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu. » Nous les chrétiens, nous
ne sommes pas rétrogrades, nous savons comme l’a dit également le Président de
la RĂ©publique que les pays doivent progresser. Mais nous voudrions leur dire
que le progrès du pays ne suffit pas, qu’il est nécessaire que celui-ci se
fonde sur des ciments de justices, parce qu’autrement, la Sécurité nationale
sera uniquement la sécurité de ceux qui s’enrichissent et le progrès ne profite
toujours qu’à une minorité. Le progrès doit profiter à tous et c’est pour cela
qu’il est nécessaire – comme monsieur le Président l’a dit devant ces
réactionnaires qui ne veulent pas de réformes sociales – que les lois, le
pouvoir moral de l’État ne se contente pas de réprimer comme si tout devait
être objet de répression et ne pas confondre le terrorisme avec les justes
revendications des paysans et des nécessiteux. Il faut également réprimer
énergiquement, ces forces réactionnaires qui n’admettent pas les changements
sociaux, les transformations nécessaires à notre société.
Nous aimons le progrès, mais non pas
simplement parce qu’il est le progrès, sinon lorsqu’il est un progrès en vérité
et qu’il n’est pas simplement cette Sécurité nationale pour quelques-uns et la
misère croissante pour la
majorité. Que ce soit un progrès authentique qui au travers
de lois justes, parvienne à se réaliser au bénéfice des nécessiteux, où tous
les Salvadoriens rendront au Seigneur les richesses de notre terre.
C’est pourquoi le Concile nous dit
afin que nous ne nous fatiguions jamais de faire le bien, puisque mĂŞme si nous
sommes dans l’attente, nous ne devons pas être fainéants. (G.S. 39,2) :
« Car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous
ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons
propagés sur Terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous
les retrouverons plus tard, mais purifiés de toutes souillures, illuminés,
transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père « un Royaume éternel
et universel : Royaume de vérité et de vie, Royaume de sainteté et de
grâce, Royaume de justice, d’amour et de paix. »
Quelle belle espérance! De sorte que
même lorsque nous avons l’impression de ramer à contre-courant, nous savons que
nous sommes en train de produire de nombreux fruits de conversion et de
sainteté. J’espère, avec la véritable allégresse du chrétien, avec vous tous
qui partagez et vous solidarisez avec cette doctrine de l’Église qui n’est pas
la mienne, mais celle de l’Église actuelle. Continuez de travailler pour la
véritable dignité humaine, continuez d’être vaillants à annoncer la doctrine du
Christ. N’ayez pas peur des dénonciations, du péché dans le monde, incarnez la
religion dans les réalités de notre histoire parce qu’après l’avoir incarnée et
travaillée en ce monde, c’est là la promesse du Christ, nous la rencontrerons
pour l’éternité.
Je m’imagine, comme lorsqu’on sort
d’une mine les pépites d’or, elles sont remplies de terre, mais par un procédé
chimique on parvient à extraire les scories et il ne demeure plus que le métal
précieux. Bienheureux celui qui a fait de sa vie une mine de travail, peu
importe qu’aujourd’hui il soit mélangé aux méchancetés de ce monde. Et le
Concile nous rappelle que le péché est au travail également. Le Règne de Satan
est aussi dans l’attente parce que les émissaires du diable vont ressusciter
également et ils sont nombreux parmi nous. Ils attendent le règne définitif,
ils ressusciteront pour l’ignominie, parce que le progrès du monde, dit le
Concile, est affecté par le péché des hommes. C’est de là que le progrès du
monde ne s’identifie pas avec le Règne de Dieu, parce que le progrès peut être
Ă©goĂŻste comme je viens de la
dire. Le progrès, la Sécurité nationale, peut être que le
bénéfice de quelques-uns et cela c’est un péché. Alors, le progrès véritable ne
s’identifie pas avec le Règne de Dieu. Le progrès est ambivalent, il faut faire
très attention. Lorsque vous obtenez un poste de travail, une charge mieux
rétribuée, rendez grâce à Dieu, mais ayez crainte. Quand vous progressez
socialement, politiquement, économiquement, rendez grâce à Dieu, mais faites
bien attention parce que ce progrès est ambivalent, c’est-à -dire qu’il vaut
pour le bien et pour le mal.
Le destin de l’homme est d’être placé
sur la terre comme le Seigneur l’a voulu, l’un avec cinq talents, l’autre avec
deux, il n’y a pas deux personnes semblables. L’Église ne prêche pas une
égalité absolue, ce qu’elle enseigne c’est une justice parmi les inégalités, un
amour fraternel. Il n’existe pas deux frères égaux, mais lorsqu’ils s’aiment,
comme ils partagent fraternellement les préoccupations, les avoirs et aussi les
afflictions. Ainsi, dit le Concile en rappelant une phrase de l’épître de saint
Paul aux Romains, vous qui vivez dans le monde, poussant le monde dans le sens
du progrès, ne vous conformez pas à la figure de ce monde, c’est-à -dire à la
vanité, à la malice qui transforme en instrument de péché l’activité humaine
que Dieu a voulu ordonner à son service et à l’amour des hommes. C’est pour
cela que nous travaillons. Parmi nous il y a de nombreux efforts, béni soit
Dieu, pour ce travail de promotion qui vise le progrès humain. […] L’Église
veut mettre dans votre cœur la véritable sagesse, un esprit, une mystique pour
vous dire que le progrès ne doit pas être confondu avec le Règne de Dieu, mais
il aide ce Règne lorsqu’il est orienté vers le bien de tous. 19/11/78, p.
307-311, V.
3) Le Retour est ce retour du Christ
que nous attendons?
Je termine notre homélie pour nous
approcher de l’autel avec cette merveilleuse pensée des lectures d’aujourd’hui
que nous avons intitulé : « Une Communauté dans l’attente active du
retour du Christ. » Nous allons dire bientôt lors de la consécration de l’hostie :
« Viens, Seigneur Jésus! » N’oubliez pas mes frères que nous vivons
en vérité dans l’attente de Quelqu’un qui vit et qui vient. Ne nous trompons
pas. Cette attente a pris dans l’Église des noms très précieux, la dernière
fois je vous ai décrit la « Parousie », un nom d’origine grecque qui
signifie la présence, l’avènement d’un gouverneur, d’un empereur qui arrive.
Nous espérons le grand Empereur, Le
Christ Notre Seigneur.
On la nomme également l’Épiphanie,
nom grec également qui représente la manifestation du divin. Dieu va se révéler
publiquement, son empire va être manifesté au monde. Bienheureux ceux qui
L’espérèrent et qui vécurent activement cette attente. Nous l’appelons aussi
l’Apocalypse, nom que prit le dernier livre de la Bible. L’Apocalypse est
la manifestation, la révélation, c’est pourquoi elle est décrite dans ces
termes apocalyptiques. Ne nous laissons pas confondre par ces figures un peu
imaginatives de la Bible.
Comme lorsque saint Jean dit que le Christ viendra sur les
nuées et que nous sortirons à sa rencontre. Ce sont là des termes
apocalyptiques, ce qui nous intéresse en réalité, c’est qu’Il va apparaître et
que tous ceux qui l’attendent par leur activité chrétienne, rencontreront leur
récompense comme l’a dit l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 25) : « Bons
serviteurs, entrez dans la joie du Seigneur. » Quel bonheur sera ces
félicitations du Seigneur!
Mais frères, cette eschatologie de
l’Épiphanie, de la Parousie, de l’Apocalypse, doit être vécue dès maintenant.
Je vous ai déjà expliqué que l’eschatologie ce n’est pas uniquement attendre le
futur, il y a une eschatologie du présent et si vous voulez avoir une idée très
claire de cela, lisez l’Évangile de saint Jean et les épîtres de Jean. C’est
l’homme qui vécut le mieux l’eschatologie du futur dans le présent. […] Si je
suis déjà dans l’espérance du Seigneur, dit le Concile, je vis dès à présent le
Règne de Dieu qui est déjà présent mystérieusement dans l’histoire.
Le Règne de Dieu est déjà en nous dit
le Christ : le Règne de Dieu est dans votre cœur. Entrons dans notre cœur
et vivons-le dès à présent. Convertissons-nous, vivons l’allégresse de
l’Eschatologie. Le Christ initia l’Eschatologie depuis qu’Il est ressuscité
d’entre les morts. Il a déjà posé l’espérance qu’Il dit à Marthe devant la mort
de Lazare : « Celui qui croit en Moi, même s’il meurt, il
vivra. » Le Christ est vivant et c’est cela, le plus beau de notre
dimanche : venir à la messe, c’est venir à la rencontre du Seigneur.
18/11/78, p.316, V.