L’Esprit de Dieu parmi les hommes
Seizième dimanche du temps ordinaire;
23 juillet 1978; Lectures : Sagesse 12,13.16-29; Romains 8,26-27; Matthieu
13,24-34.
Seul un maître divin comme
Jésus-Christ pouvait gagner l’attention d’un auditoire à ses paraboles si
simples, mais si certaines. Non seulement l’auditoire qui l’entourait il y a
vingt siècles, sinon les multitudes qui, tous les dimanches, à travers les
siècles, continuent d’apprendre ici sous forme d’anecdotes, de comparaisons,
comme le faisaient les rabbins de son temps, une doctrine divine, merveilleuse
comme l’est notre foi. Je me réjouis et je sens l’honneur immense d’être
l’humble répétiteur de cette doctrine de Jésus-Christ. Je remercie mon cher
auditoire pour l’attention qu’il accorde à ma prédication.
Dans les trois précieuses lectures
d’aujourd’hui (Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-34), j’ai trouvé ce titre
pour mon homélie de ce matin : L’Esprit de Dieu parmi les hommes. Et comme
de coutume, je vais le subdiviser en trois pensées :
Plan de l’homélie :
1) L’Esprit de Dieu
2) La Vocation humaine
3) L’Église, signe de l’Esprit de
Dieu parmi les hommes
1) L’Esprit de Dieu
À la lumière de ces trois réflexions
de la Parole de Dieu, nous allons éclairer le contexte réel de notre histoire
au cours de cette semaine. Mais avant tout, élevons notre foi jusqu’au sommet
de Dieu pour écouter dans la première lecture du Livre de la Sagesse
(12,13.16-19), l’Esprit de Dieu. Ce livre est probablement le plus récent de
l’Ancien Testament, il est le produit d’un Israélite qui dut méditer l’ensemble
de la Bible dans un contexte dangereux, celui d’Alexandrie des temps antérieurs
et contemporains du Christ. La Parole de Dieu courait le danger d’être
sécularisée, de perdre sa force pour n’être plus qu’une sagesse humaine,
grecque, cosmopolite. Et nous avons de cet homme qui Ă©crivit le Livre de la
Sagesse, le modèle de celui qui fait une homélie. C’est un livre homilétique,
tout au moins pour ce qui est de sa seconde partie parce qu’il narre l’histoire
d’Israël, surtout l’Exode, mais non pas comme une histoire du passé, sinon en
l’actualisant au temps d’Alexandrie. C’est ce que fait l’homélie, elle apporte
la Bible à l’actualité, elle incarne la Parole Éternelle de Dieu dans
l’histoire contemporaine des hommes. Dans le Livre de la Sagesse, nous avons un
modèle d’homélie.
Tandis qu’il réfléchit sur la
puissance de Dieu qui fait sortir Israël de l’esclavage en Égypte après les
sept plaies et lui fait traverser le désert avec des signes merveilleux de sa
présence jusqu’à ce qu’il parvienne à la Terre promise, l’auteur applique cela
à l’Égypte de son temps. À l’époque quasi contemporaine du Christ où l’auteur
exhorte le peuple d’Israël à ne pas perdre sa foi dans le Dieu véritable. Ici,
nous rencontrons le Dieu de la Bible, celui qui appela MoĂŻse pour conduire le peuple
à la liberté. Celui
qui inspira aux patriarches une espérance de Rédemption.. C’est ce même Dieu
qui des siècles plus tard est adoré par les Israélites au milieu d’une cité
païenne. Comme nous pourrions dire également, ce même Dieu d’aujourd’hui, de 1978,
ici au Salvador, c’est le Dieu qui ne change pas, c’est le Dieu éternel.
Regardons avec quels traits précieux nous le présentent les Saintes Écritures
pour que, non pas de ma pauvre parole, mais de la grande homélie du Livre de la
Sagesse, nous apprenions qui est notre Dieu.
En premier lieu, dit le Livre, c’est
un Dieu unique. Il n’y a pas d’autre dieu. Comme la Bible affirme avec force ce
cri d’unité de Dieu. On entend ici comme un des derniers échos de l’Ancien
Testament, avec toute la vigueur de la révélation. Il
n’existe qu’un seul Dieu et tous ceux qui se disent dieux ou autre chose,
pèchent, offensent, parce qu’ils se font idolâtres. Il est certain qu’ici, en
1978, le Livre de la Sagesse changerait quelque peu, ce n’est plus le danger de
l’idolâtrie des temps de l’Alexandrie fleurissante, mais c’est le Dieu du
Salvador qui est menacé devant ces fausses idoles : Idoles de l’argent,
idoles du pouvoir, idoles de la luxure et du plaisir. Combien d’idolâtries
menacent notre civilisation, comme chez les Israélites d’Alexandrie, qui nous
enlèvent du cœur le Dieu véritable. Tu n’adoreras pas d’autre dieu, ni ne
serviras d’autre dieu, parce que ton Dieu est unique. Il possède, nous l’a
révélé aujourd’hui le Livre de la Sagesse, une souveraineté universel, un
pouvoir total. Il peut ĂŞtre comme Il le veut : Puissant, souverain, tous
ces qualificatifs que nous avons entendus aujourd’hui de ce Dieu de la
révélation.
Un autre titre de Dieu qui apparaît
dans la première lecture : Il est un Dieu providence, un Dieu qui prend
soin de tous, un Dieu qui nous gouverne. Comme il est précieux de se sentir
gouvernés par Dieu, sous la souveraineté de Dieu. Ainsi s’explique quand la Sainte Bible nous dit
qu’il n’y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu et qu’il faut obéir au pouvoir
parce qu’il vient de Dieu. Mais cela signifie aussi que le souverain, celui qui
dirige, ne doit pas diriger en dehors de ce que Dieu veut et que si une
autorité doit être respectée, c’est parce qu’elle reflète la sainte puissance
de Dieu. Quand le pouvoir des hommes devient un abus contre la Loi de Dieu,
contre le droit, la liberté, la dignité humaine, alors c’est l’heure de crier
comme saint Pierre dans la Bible qu’il faut obéir à Dieu avant d’obéir aux
hommes. Tout pouvoir vient de Dieu et c’est pourquoi le gouvernement ne doit
pas user du pouvoir selon ses caprices, sinon selon la volonté du Seigneur.
C’est la providence de Dieu qui veut gouverner les peuples et les gouvernants
sont ses ministres, serviteurs de Dieu comme toutes ses créatures.
Aussitôt après, la Bible nous dit
qu’il est un Dieu juste. Il ne juge pas injustement, son pouvoir est un
principe de justice. Voyez comme est riche ce concept de justice. La justice
est une manifestation du pouvoir, un pouvoir n’est pas authentique s’il est
injuste. Dieu lui-même peut faire ce qu’Il veut, Il n’abuse pas cependant de ce
pouvoir parce qu’Il est juste, Il est la justice par excellence. Le pouvoir de
Dieu est comme illuminé par sa justice infinie. Jugez avec modération, c’est la
sainteté éternelle de Dieu, ne soyez pas impatient, c’est Dieu qui détient les
rennes de tous les peuples et de tous les humains. C’est pourquoi sa justice
est modérée, c’est une justice sereine et sainte.
Vient alors un autre titre dans la
lecture d’aujourd’hui : Un Dieu de miséricorde. Ta souveraineté
universelle Te fait pardonner Ă tous. Tu nous gouvernes avec une grande
indulgence puisque Tu peux agir comme bon te semble. Cela semble paradoxal.
Précisément pour cela, parce qu’Il pourrait faire comme bon lui semble. Il
pourrait nous humilier, nous piétiner, nous torturer, nous traiter cruellement,
mais non, précisément parce qu’Il peut faire ce qu’Il veut, Il nous aime. Il
possède les ressources pour être miséricordieux et attendre que les êtres
humains reviennent sur le bon chemin. Comme est différente la justice des
hommes.
Combien d’hommes, lorsqu’ils
parviennent à obtenir du pouvoir, s’en servent pour outrager? Combien y a-t-il
de tortures, de grossièretés? Vous pouvez faire ce que vous désirez et c’est
pourquoi vous me traitez ainsi. Comme ces mots ont dĂ» ĂŞtre dits dans ces antres
horribles qui sont la honte de notre civilisation : chez la police, chez la Garde Nationale,
partout oĂą ont lieu des tortures. Les puissants, ceux qui ont des armes, ceux
qui ont des bottes pour frapper, parce qu’ils peuvent faire comme bon leur
semble, mais le pouvoir des faibles se convertit en cruauté. C’est un complexe
d’infériorité conduit à la
grossièreté. Dieu n’a pas de complexes d’infériorité. Lui
seul peut faire ce qu’Il veut et ce Dieu nous gouverne avec bonté. Dieu peut
tout et c’est pourquoi Il juge avec bonté et miséricorde ces pécheurs et ces
accusés, mais ce Dieu juste et miséricordieux sanctionne également parce que la
miséricorde n’est pas de la faiblesse.
Dieu démontre sa force à ceux qui
doutent de son pouvoir total et réprime l’audace de ceux qui ne le
reconnaissent pas. Cela oui, quand l’homme insolent se retourne contre Dieu,
pauvre de lui! LĂ la puissance de Dieu se fera sentir devant le vantard, devant
l’orgueilleux, devant celui qui désobéit à ses Lois, la toute-puissance de son
châtiment. Dieu châtie également, mais seulement quand sa patience s’est
épuisée. Dieu est juste, mais avant tout, Il est infiniment miséricordieux.
Chers frères, voilà notre Dieu. Ne
l’oublions pas, respectons-le et sachons que c’est de là que proviennent toute
l’allégresse et la confiance de notre foi. Puisions-nous toujours servir ce
Dieu qu’est venu nous révéler Jésus-Christ comme Père, comme Providence, comme
bonté, non par peur, mais par amour.
Vous savez qu’il existe deux sortes
de peur : la peur servile et la peur filiale. La peur servile, ou encore
la peur des serviteurs, la peur de ceux qui craignent le châtiment, la peur de
ceux qui font les choses pour ne pas ĂŞtre punis, est une peur mesquine, pauvre,
hypocrite, souvent d’apparences. Mais la peur filiale est celle du fils,
filiale parce qu’il a peur d’offenser son père. C’est une peur qui naît de
l’amour, c’est la peur de la fille qui ne veut pas faire de la peine à sa mère,
c’est la peur de ceux qui s’aiment et ne veulent pas se faire du mal. C’est
cette peur que nous devons avoir pour Dieu. C’est un Dieu d’amour, de bonté et
de miséricorde, c’est pour cela que je te sers, non pas parce que je crains le
châtiment sinon parce que je te désire. Comme dit cette belle poésie :
« Tu n’as pas besoin de me donner quelque chose parce que je te désire,
parce que même si le ciel n’existait pas je t’aimerais, et même si l’enfer
n’existait pas je te craindrais, de même que je te veux, je te voudrais. »
Comme est précieux le cœur de l’être
humain lorsqu’il parvient à cette indépendance et qu’il sait qu’il aime Dieu
non pas par crainte et qu’il Le sert et Lui obéit non pas parce qu’une chose
est péché ou une autre ne l’est pas. Le péché demeurerait comme un second
frein. La peur de l’enfer serait une réserve qui demeure nécessaire, mais cela
ne doit pas être la motivation première. Cette motivation doit d’abord provenir
de notre relation avec Dieu, relation d’amour et de gratitude envers le Seigneur.
23/07/78, p.80-83, V.
2) La Vocation humaine
Passons maintenant au second point de
notre réflexion. C’est le dessein de Dieu qui veut venir vivre au milieu des
hommes et des femmes. Ce Dieu a créé l’homme et la seconde pensée est la
suivante : quelle est la vocation de l’être humain? Et je la vous résume
en ces mots : La vocation de l’homme c’est d’être à l’image de Dieu. C’est
de participer de sa vie et de sa gloire. C’est de collaborer au Salut de tous
les hommes.
En premier lieu, je vous ai dit que
la vocation de l’homme c’est d’être à l’image de Dieu. La vocation à la bonté
et ici je vais me prévaloir de la parabole du blé et de l’ivraie. Mais
auparavant, écoutons comment se termine la première lecture (Sg 12,19). Elle
dit : « En agissant ainsi, tu as appris à ton peuple que le juste
doit être ami des hommes et que tu as donné le bel espoir à tes fils qu’après
les péchés tu donnes le repentir. »
Quand les apôtres demandèrent au
Christ de leur expliquer la parabole du blé et de l’ivraie, Jésus leur dit
clairement (Mt 13,37-38) : « Celui qui sème le bon grain, c’est le
Fils de l’homme; le champ, c’est le monde; le bon grain, ce sont les sujets du
Royaume; l’ivraie, ce sont les sujets du Mauvais. » Ce n’est pas que Dieu
veuille avoir en ce monde des hommes bons et d’autres mauvais. Quand les
semeurs demandèrent au propriétaire (Mt 13,27-28) : « Maître n’est-ce
pas du bon grain que tu as semé dans ton champ? D’où vient donc qu’il s’y
trouve de l’ivraie? Il leur dit : « C’est quelque ennemi qui a fait
cela. »
J’ai rencontré le plus beau
commentaire de ce texte évangélique, dans un texte du Concile Vatican II, dans
la Constitution de l’Église dans le monde de ce temps qui dit (G.S.11.1) :
« La foi, en effet, éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous
fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme,
orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines. » Il
parle des valeurs que l’humanité actuelle valorise grandement. Entre autres,
par exemple, comme ces valeurs sont appréciées : le respect, la liberté,
la dignité, l’autorité bien comprise, la fraternité, etc. Ce sont là des
valeurs que tout homme porte dans son cœur. (G.S. 11,2) : « Car, dit
le Concile, ces valeurs, dans la mesure où elles procèdent du génie humain, qui
est un don de Dieu, sont fort bonnes; mais il n’est pas rare que la corruption
du cœur humain les détourne de l’ordre requis; c’est pourquoi elles ont besoin
d’être purifiées. »
C’est cela le commentaire du bon blé
et de l’ivraie. Dieu a semé la
bonté. Aucun enfant n’est né mauvais. Nous avons tous été
appelés à la sainteté.
Ces valeurs ont été semées par Dieu dans le cœur des humains,
valeurs que nos contemporains estiment tant. Il ne s’agit pas là de pierres
précieuses ou de choses qui naissent spontanément. Pourquoi y a-t-il donc alors
autant de méchanceté?
Parce que ces valeurs ont été
corrompues par la mauvaise inclination du cœur humain et elles besoins d’être
purifiées. La vocation de l’homme, donc, première et originelle, c’est la bonté. Nous sommes
tous nés pour la
bonté. Personne n’est né avec des inclinaisons de séquestrer,
d’être un criminel, un bourreau, un assassin, nous sommes tous nés pour être
bon, pour nous aimer, pour nous comprendre. Pourquoi alors Seigneur, a-t-il
poussé autant d’ivraie dans ton champ? C’est l’ennemi qui a fait cela, dit le
Christ. L’être humain a laissé croître dans son cœur la méchanceté, les
mauvaises fréquentations, les mauvaises inclinations, les vices.
Très chers jeunes, vous qui êtes sur
le point de choisir votre vocation, avant de prendre votre décision, pensez que
nous sommes tous appelés à la bonté et je déplore que nous, les plus âgés, nous
vous laissions autant d’égoïsme et de méchanceté en héritage. Vous renouvelez,
comme du blé nouveau, comme une semence nouvelle, les champs encore frais, avec
la main de Dieu. Enfants et jeunes, tâchez d’être un monde meilleur. Obéissons
tous par contre à cette seconde vocation qu’est la conversion.
Voyez, comme nous l’a dit la première
lecture, que Dieu attend la conversion des hommes et dans la parabole du blé et
de l’ivraie, le Christ, Dieu parmi les hommes, annonce qu’il ne faut pas
arracher l’ivraie, qu’il faut attendre l’heure de la récolte. Même le
plus vieux peut se convertir. Le bon larron condamné lui aussi à être crucifié
sur le Calvaire, se convertit et à la dernière heure il reçoit le pardon et le
ciel. Il n’est jamais trop tard pour se convertir. Je voudrais faire appel ici,
avec la vocation de Dieu, aux pécheurs pour qu’ils se convertissent de leur mauvaise
vie. Combien de fois, depuis cette cathédrale et dans les circonstances
difficiles de notre prédication, cette voix a-t-elle été celle avec laquelle se
terminaient les dénonciations de l’Église? Nous n’avons jamais dénoncé par
ressentiment, nous n’avons jamais semé la haine. […]
L’amour du Christ exige des
renoncements. L’amour du Christ exige des choses qui parfois dérangent et c’est
pourquoi on nous accuse d’être subversifs et de semer la haine alors que nous
ne faisons rien d’autre que de prêcher la conversion. Chaque
fois que nous terminons une dénonciation, nous demandons que ceux qui ont
commis ce mal se convertissent. Dieu ne veut pas les perdre, Dieu les espère.
Dans ces antres mystérieux où ont
disparu tant de nos frères, combien savent ce terrible secret, combien ont les
mains tachées de sang ou d’outrages, combien de mauvaises graines. Dieu les
espère, ne les enlever pas, dit le Christ, attendez. Je voudrais dire à tous
ses amis et ses frères qui ont une conscience inquiète parce qu’ils ont offensé
Dieu et leur prochain qu’ils ne peuvent pas être heureux ainsi. Que le Dieu de
l’amour les appelle, qu’Il veut leur pardonner, qu’Il veut les sauver.
C’est la parabole du blé et de
l’ivraie et cela doit nous amener à comprendre le mystère de l’iniquité qui est
à l’œuvre également dans l’Église. Si elle est la semence du blé de Dieu. Les
Ă©vĂŞques, les prĂŞtres, les religieuses, les laĂŻcs, les couples, les jeunes, les
collèges catholiques ne devraient-ils pas tous être saints? C’est sûr que oui.
Le sont-ils? Nous devons tristement reconnaître qu’ils ne le sont pas. Alors,
l’Église est fausse? Non plus! S’il existait une Église qui se glorifie que
tous ses membres soient saints, cela ne serait pas l’Église véritable, parce
que le Christ a dit que son Église est semblable Ă ce champ oĂą pousse cĂ´te Ă
côte le blé et l’ivraie. Tant que nous vivrons dans cette Église en pèlerinage,
nous aurons ensemble le blé et l’ivraie. Non pas pour que nous devenions tous
de l’ivraie sinon pour que celle-ci devienne du blé afin que lorsqu’arrivera
l’heure nous puissions tous être des citoyens du Règne de Dieu, pour que nous
puissions tous apparaître semblables à des soleils dans le Royaume du Père.
Tant que nous ne serons pas de bons chrétiens, nous ne serons rien de plus que
de l’ivraie, même si nous sommes dans le temple et que nous célébrons la messe. Tant que nous
ne serons pas ce que nous devons être, nous ne sommes pas l’idéal de Dieu, mais
Dieu endure et espère.
C’est cela la voix authentique de
l’Évangile. Celle qui ne tente pas de se dire meilleure que les autres, mais
qui fait appel Ă la conversion de tous. Parce que la conversion qui est juste
aux yeux de Dieu, nous répète l’Apocalypse, que non seulement les pécheurs
doivent abandonner leurs péchés pour devenir saints, sinon, comme nous dit
cette parole exigeante : « Que celui qui est saint se sanctifie
davantage, et que celui qui est juste se justifie encore plus. » Qui sait
quel est le degré de sainteté que Dieu va nous demander, à moi et à chacun de
vous? Et si nous ne l’avons pas atteint, nous devrons nous purifier avant
d’entrer dans ce Royaume où se réalisera la citoyenneté des enfants de Dieu.
Il est temps, frères, que nous ne
profitions plus de la vie pour faire ce dont nous avons envie. Tu détiens le
pouvoir pour tout faire, dit la Bible en parlant de Dieu, mais précisément
parce que tu as ce pouvoir, tu n’es pas libre de faire le mal. Dieu ne peut pas
faire le mal, malgré le fait qu’Il soit libre, parce que la bonté, la liberté
véritable, consiste toujours à faire le bien. Non par la force, sinon comme
Dieu le fait, librement. L’homme aussi, que Dieu a fait à son image, possède la
capacité de commettre le mal, mais non pour le réaliser. Oui, il possède des
mains pour frapper et il peut frapper, mais il ne doit pas le faire. Tes mains
doivent servir à donner avec amour. Si tu as des pieds, c’est pour marcher sur
les chemins et si Dieu t’a donné la capacité d’aller sur les chemins du mal,
mais tu ne dois pas y aller, ni ne dois te servir de tes pieds pour battre le
pauvre torturé, mais pour marcher librement sur les chemins du bien. La
liberté, Dieu l’emploie pour le bien absolu et ses fils, les images de Dieu,
sont également libres et ils doivent user de cette liberté non pour pécher, non
pour vivre dans le péché qui offense Dieu et qui est un abus de la liberté,
sinon pour faire le bien.
Très chers frères, pour être citoyen
du Règne, la vocation de l’humain est de participer à la vie et à la gloire de
Dieu. Je me prévaudrais ici de la seconde lecture d’aujourd’hui (Rm 8,26-27).
Saint Paul qui nous a offert l’épître aux Romains, nous fait cette grande
révélation, puisions-nous ne pas l’oublier. La révélation selon laquelle, dès
cette vie le chrétien a été justifié, a été pardonné, quand il est devenu
véritablement chrétien par un baptême bien vécu. Que cette vie chrétienne qui
nous a faits fils et filles de Dieu, créatures nouvelles, se révélera et nous
donnera aussi la gloire du corps que nous attendons. Ce corps porte déjà en lui
les germes de l’Esprit de la vie nouvelle et il va ressusciter. Ce que le
Christ nous a dit aujourd’hui : « Vos corps et vos esprits brilleront
aussi comme des soleils dans le Royaume du Père. » […]
En cette heure, il se peut que le
plus pécheur brille plus en apparence que le plus saint, mais quand
resplendiront les véritables valeurs qui valent aux yeux de Dieu, alors, dit saint Paul, l’Esprit rendra témoignage
qu’ils sont des fils de Dieu. Et cet Esprit de Dieu qui nous a été donné dans
l’épître d’aujourd’hui nous offre une autre fonction très précieuse, celle de
nous enseigner Ă prier.
Très chers frères, si nous voulons
vraiment montrer cette création nouvelle que Dieu a faite en nous, qu’Il nous a
donné son Esprit et qu’Il nous a rendus participants de son goût divin,
laissons-nous conduire par l’Esprit pour être prière. Saint Paul l’a dit
aujourd’hui (Rm 8,26-27) : « L’Esprit lui-même intercède pour nous en
des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le
désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints corresponds aux vues
de Dieu. » Comment est-ce possible que Dieu, pour établir un dialogue
intime avec l’être humain, ait élevé ce dernier pour le mettre sur la même
plate-forme divine et pour parler son propre langage? Et, pour l’élever sur
cette plate-forme divine, Il lui a donné son Esprit. Prier, c’est parler avec
Dieu. Il existe une comparaison précieuse du Concile Vatican II qui dit que
Dieu a donné à l’homme le sanctuaire intime de sa conscience pour qu’il puisse
entrer dans cette cellule privée pour s’entretenir seul à seul avec Dieu pour
décider de sa propre destinée. Nous avons tous une église à l’intérieur de
nous : notre propre conscience. LĂ se trouve Dieu, son Esprit. Bienheureux
celui qui ne laisse pas ce sanctuaire abandonné et qui prie. Bienheureux celui
qui entre souvent pour parler seul à seul avec Dieu. Essayez cela, frères, et
même si vous vous sentez pécheur et souillez, entrez plus que jamais pour
dire : Seigneur corriges-moi j’ai péché, je t’ai offensé; ou lorsque vous sentez
l’allégresse d’une bonne action : Seigneur, je te rends grâce parce que ma
conscience est heureuse et Tu me félicites; quand vous êtes angoissé et que
vous ne rencontrez personne pour vous dire une parole de réconfort, entrez dans
votre sanctuaire intime pour que Dieu vous oriente; quand vous ĂŞtes tristes,
comme tant de mères qui ne retrouvent plus leurs fils disparus, entrez seul Ă
seul avec Dieu et dites-Lui : « Seigneur, Tu sais où il se trouve, Tu
sais comment on le traite, parlez-Lui-en. » Comme est belle la prière
quand elle se fait vraiment avec l’Esprit de Dieu à l’intérieur de nous,
participants de la vie de Dieu.
Il y a dans le Livre de la Sagesse
une précieuse prière du gouvernant qui demande à Dieu sa sagesse et que nous
pourrions tous dire : « Dieu de nos pères, Seigneur de miséricorde
qui par ta parole fit tout, Toi qui par ta sagesse donna à l’homme le pouvoir
de dominer les créatures sorties de tes mains pour qu’il gouverne le monde avec
sainteté et justice, donne-moi la sagesse qui partage ton trône et ne me
rejette pas du nombre de tes enfants. » Après il dit : « Envoie
ta sagesse pour qu’elle travaille avec moi et que je sache te rendre grâce.
Elle me guidera prudemment dans mes entreprises et me protégera par son
pouvoir. Mes œuvres te rendront grâce et je gouvernerai ton peuple avec
justice. »
Lorsque je lis cette prière, cela me
rappelle énormément celle que disent les Alcooliques anonymes qui semble être
un résumé de cette prière du Livre de la Sagesse : « Oh, Dieu!
Enseigne-moi la sérénité pour accepter les choses que je ne peux changer, le
courage pour changer celles que je peux et la sagesse pour reconnaître la
différence. » Je crois que maintenant cette prière devrait être non
seulement celle des groupes d’Alcooliques anonymes, mais qu’elle devrait être
une prière pour tous ceux qui désirent le changement dans le monde. Donne-moi
la sagesse pour avoir le courage de changer ce qui doit changer et la sérénité
pour supporter ce qui ne peut pas l’être. Combien de bien cette prière a-t-elle
produit chez les alcooliques? Il sait qu’il peut changer cette vie et moi qui
ai entendu tant de témoignages, je vous dis la joie que donne la sagesse de
Dieu lorsqu’elle prend possession d’un homme, même s’il s’agit du plus vicié,
il se convertit en l’artisan de son propre changement. Ce n’est déjà plus un
alcoolique, il est dorénavant la joie de sa famille. Pourquoi chacun de nous,
pécheur, n’en ferait-il pas autant?
L’égoïste qui pense qu’il ne peut pas
vivre en partageant avec les autres, tous ceux qui croient qu’ils ne peuvent
rien changer, que les choses doivent demeurer ainsi. Des changements sont
nécessaires, mais non pas des changements sans sagesse. Donne-moi la sagesse
pour connaître la
différence. L’homme qui a été appelé pour participer à la
vie, à la pensée, à l’intelligence de Dieu, comment ne serait-il pas capable de
faire un monde meilleur? Les Salvadoriens qui se lamentent parce qu’ils sentent
qu’ils marchent sur un chemin sans issu, pourquoi ne prient-ils pas? et ne
font-ils pas leur possible pour changer les choses dans la mesure de leurs
moyens. Pourquoi ne demandons-nous pas au Seigneur le courage de changer ce qui
peut l’être et la sérénité aussi de supporter ce qui ne peut l’être
immédiatement.
Je dis également que la vocation de l’homme
est la vocation Ă cette vie Ă©ternelle. Ils brilleront comme des soleils dans le
Règne de mon Père. N’oublions pas cette dimension eschatologique, cet au-delĂ
de la mort. Nous
ne devons pas rechercher le Salut de l’être humain seulement sur la Terre. Un monde meilleur
doit être illuminé par cet au-delà qui ne sera jamais atteint dans cet en-deçà ,
parce qu’ici les choses demeureront toujours imparfaites, mais le cœur humain
doit lutter pour les rendre moins imparfaites, pour qu’elles soient un chemin vers
la perfection infinie de l’absolu de Dieu qui nous espère. Je dis également que
la vocation de l’homme est une vocation à collaborer. Collaborer dans le Salut
des autres et ici vient la parabole qui a été lue également aujourd’hui (Mt
13,33) : « Le Règne des Cieux est semblable à du levain qu’une femme
a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait
levé. » C’est cela le chrétien selon le Christ : un ferment. Les
boulangères savent ce qu’est ce petit morceau que l’on met au milieu de la pâte
et qui permet à celle-ci de fermenter. Et le chrétien devrait être comme cela,
un ferment qui aussitĂ´t transforme sa famille, transforme son quartier, sa
communauté, son peuple, le pays entier, le monde entier. Nous sommes un ferment
sans force, c’est pourquoi nous ne faisons pas fermenter la pâte. Cette réflexion
nous amène à comprendre cette responsabilité qu’est la nôtre, de notre vocation
chrétienne pour que nous soyons aussi des apôtres, des ferments au cœur de
notre société. 23/07/78, p.83-89, V.
3) L’Église, signe de l’Esprit de
Dieu parmi les hommes
(Mt 13,31-32) « Le Règne des
Cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son
champ. C’est bien la plus petite de toutes les graines, mais, quand il a
poussé, c’est la plus grande des plantes potagères, qui devient même un arbre,
au point que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses branches. »
C’est une image de l’Église, comme signe dans le monde. Ainsi comme le petit
arbre qui est un signe de protection pour l’oiseau qui vole en recherchant
l’ombre, l’Église c’est cela : un signe où les hommes rencontrent la
plénitude des moyens apportés par Dieu. Je disais avant que nous ne devons pas
espérer de tous ceux qui répartissent la vie de Dieu, la sainteté qu’ils
devraient avoir – que nous devrions savoir –, mais oui, sachons, comme disait
Manssonni, ce grand écrivain italien : « Quand je m’agenouille devant
un confesseur, peu m’importe de savoir si cet homme a davantage besoin que moi
du pardon de Dieu. Ce qui m’importe c’est qu’à ce moment il est le signe du
pardon.» Je t’absous, même si c’est un pécheur qui m’absout au nom de Celui qui
me pardonne et qui veut convertir les humains. C’est un signe.
Cette cathédrale, par exemple, avec
vous ici à l’intérieur, est le signe de ceux qui cherchent la Parole,
l’Eucharistie du Seigneur. Signe de toute manifestation de l’Église. Chers
frères, soyons comme le grain de sénevé et faisons croître ce signe. Soyons de
véritables instruments, des signes par où l’homme rencontre son Salut. Que tout
homme d’Église, tout citoyen du Règne, soit vraiment, au milieu du monde comme
une invitation du blé à l’ivraie pour qu’il se convertisse et que chaque jour
la récolte du Règne des Cieux soit mieux remplie. 23/07/78, p.89, V.